De temps à autre, parmi ces articles techniques que nous continuerons à écrire, concernant le passé fascinant des chemins de fer du monde entier, nous proposerons au lecteur, puisque nous avons des documents anciens par milliers, des plans anciens que nous réunirons par époque et par thème, et avec quelques commentaires. Les plans ? Ce ne sont pas seulement pour les modélistes ferroviaires qui construisent leur matériel, c’est aussi pour tout le monde, pour la beauté de ces documents. En somme, c’est le cas des cartes géographiques ou historiques : elles ne sont pas seulement un objet utile pour les voyageurs, mais aussi un objet de passion et de collection pour de nombreux amateurs.
Nous proposons de très anciens et très rares plans du réseau corse, pour démarrer cette série. Nous avons les plans de la Sous-commission du matériel des chemins de fer de la Corse, parus dans un ouvrage datant de 1883, proposant, pour l’Ile de Beauté (que l’on n’appelle pas encore ainsi) le meilleur matériel possible existant en voie métrique, et aussi les meilleures installations fixes et équipements de gares.
Une belle gare, pour commencer, ou disons un beau BV (bâtiment-voyageurs) pour respecter les termes exacts. Le style de ce BV proposé “pour des villes de 8000 âmes” (sic) est nettement dans le style des départementaux et métriques du Nord de la France, puisque A.Sartiaux, qui dirige le réseau du Nord, préside la sous-commission pour la Corse. Toutefois, la disposition générale du bâtiment sera reprise pour les BV corses de moyenne importance, mais le style sera celui du PLM, heureusement.Autre type de BV, très “chemins de fer départementaux” (ici de l’Oise), mais qui ne sera pas retenu pour la Corse qui sera, résolument et heureusement pour elle, méditerranéenne. L’angle de pente de la toiture, tout particulièrement, trahit le style des régions pluvieuses ! Toutefois, le réseau en voie métrique du sud de la France aura des bâtiments de ce style.Ces dispositions générales des gares proposées pour la Corse seront retenues, car la logique même de l’exploitation des chemins de fer, dans le monde entier, est la même, dictée par le terrain disponible et l’emplacement de l’agglomération à desservir. Notons que le BV tout comme la halle à marchandises (ou “quai couvert”) doivent toujours être du côté des voies qui est directement accessible depuis l’agglomération – mais ce n’est pas toujours possible, d’où un passage souterrain pour la route.Pour ce qui est des voies, et plus précisément des rails, la sous-commission ne se mouille pas et propose aussi bien le vieux rail à double champignon (en haut à droite) que le rail à patin dit Vignoles (en haut à gauche) qui semble l’avoir emporté. La faiblesse des rayons de courbure imposera une forte conicité des bandages (dessin au centre).Passons au matériel roulant moteur: la vapeur, exclusivement et vu l’époque, domine, et particulièrement sous la forme de locomotives-tender type 031T, avec bissel arrière, donc. On utilise sur le réseau corse le bissel type Roy à châssis extérieur, et ces locomotives corses sont plus puissantes et mieux dimensionnées que la version circulant en métropole, car le réseau a des profils et des tracés difficiles. Toutes ces locomotives de la première génération disparaissent en 1937, mais déjà surpassées par l’arrivée de locomotives articulées type Mallet au début du XXe siècle.Toujours sur l’ouvrage “Les chemins de fer de la Corse” paru en 1883 chez Dunod, on voit une composition d’un train prévu pour ce réseau départemental en voie métrique. L’ensemble des réseaux départementaux voient circuler des trains de ce type à l’époque: petites voitures à deux essieux et compartiments, une voiture mixte-fourgon avec un seul compartiment, pas de bogies, pas d’intercirculation d’une voiture à l’autre : bref l’inconfort, la lenteur, et des trajets interminables et décourageants.La sous-commission pousse sa bonté et son altruisme jusqu’à prévoir des voitures à bogies, donc au roulement plus doux. Toutefois, les rudes sièges en lattes de bois verni ne ménageront guère les fondements des malheureux voyageurs de la 3e classe ! On notera l’existence de plateformes ouvertes aux extrémités, solution qui ne semble pas avoir été retenue sur le réseau corse. On apprend qu’un bogie, à l’époque, s’appelle un “train articulé”, terme qui disparait devant l’anglophile des années 1920.Parmi les nombreuses variantes de voitures à plateformes ouvertes proposées, on découvre, ici en bas du plan, d’improbables voitures dites “voiture d’été” à compartiments ouverts et qui devaient pouvoir se transformer en “voiture d’hiver” en fermant les compartiments avec des fenêtres amovibles. Sans doute la sous-commission prévoyait un important trafic touristique en Corse, fait qui se produira, mais un bon siècle plus tard. Le modèle de voiture touristique à très grande longueur sur petits bogies tient plutôt du tramway de plage, façon Royan, que du train corse.Ces voitures à bogies et sans plateformes ouvertes aux extrémités ont bien circulé sur le réseau corse. Ce sont les autorails, qui apparaissent pendant les années 1930, qui mettront fin au règne des trains de voyageurs classiques.Les wagons à marchandises corses sont à l’unisson des départementaux français de l’époque, avec la triste trilogie wagon couvert + wagon-tombereau + wagon plat. Ces réseaux ne connaîtront aucun matériel marchandises spécialisé faute de transport de masse, et faute d’être moins rapides et souples que le camion qui, dès les années 1920, rafle le peu de marchandises que ces départementaux pouvaient espérer transporter.
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