Les roues couchées : mieux guider, mieux adhérer. Peut-être.

Qui se souvient de ces roues couchées, apparues jadis soit comme galets directeurs sur le système Arnoux de la ligne de Sceaux, soit comme roues motrices sur des systèmes pour fortes rampes, comme le système Fell ou aussi Hanscotte ? Aujourd’hui toujours, on peut en voir sur les rames de métro sur pneus, comme « roues pilotes » pour le guidage sur la voie spéciale imaginée pour ce système.

Le train Fell essayé sur le franchissement du Mont-Cenis.

Toutefois, dans l’histoire des chemins de fer classiques, trois problèmes se sont posés, simultanément ou non.

Le premier problème est lié à la très ancienne réalité du manque d’adhérence, pour une locomotive à roues en acier circulant sur une ligne avec des rails en acier et comportant des très fortes rampes. Ceci a toujours limité les possibilités de traction, réduisant l’effort de traction (s’il y avait la puissance disponible) à ce que l’adhérence réduite pouvait accepter. Les systèmes Fell et Hanscotte ont des réponses très intéressantes.

Le deuxième problème est l’inscription en courbe à très faible rayon, et l’ingénieur Jean-Républicain Arnoux, que nous connaissons déjà, choisit la solution des essieux orientables de type essieu avant de diligence ou de véhicule routier à quatre roues de l’époque, mais doit commander la rotation de cet essieu avec des galets directeurs horizontaux roulant contre la face interne du champignon du rail.

Le troisième problème est lié au choix, récent, des roues à pneumatiques pour des lignes de métro ou des systèmes comme le VAL, pour des raisons de forte accélération et freinage possibles, de meilleur confort (ce qui n’est pas prouvé par la pratique), et de silence. On retrouve, ici, le principe du galet directeur, mais utilisé pour d’autres raisons que celles qui ont motivé les ingénieurs du siècle précédent.

Il y a donc bien trois problématiques différentes, et trois démarches techniques qui ont, toutes les trois, leur intérêt sans pour autant avoir transformé le monde du chemin de fer, puisque l’emploi de ces systèmes s’est limité à des cas spéciaux.

Le système Fell.          

Essayé en Angleterre à High Peak près de Manchester, utilisé sur la ligne du Mont-Cenis en 1866, puis au Brésil, puis en Nouvelle-Zélande, le système Fell utilise le principe de deux roues couchées, ou disons horizontales, enserrant avec force un rail central pour augmenter l’adhérence. Ces roues sont donc motrices et participent à l’effort de traction.

Le principe du système Fell se compose d’un rail de guidage surélevé et placé dans l’axe de la voie, au centre. Ce principe est très ancien et, avant Fell et donc avant Hanscotte qui le perfectionnera à la fin du XIXe siècle, il est utilisé d’une manière spontanée par un certain nombre d’ingénieurs ayant à affronter le classique et fondamental problème du manque d’adhérence et ayant à faire circuler des locomotives dans des cas très propices aux patinages et aux glissements, tant au démarrage qu’au freinage, comme sur des grands chantiers boueux ou en milieu humide.

Par exemple, dès les années 1830 il est appliqué par les ingénieurs Vignoles ou Eriksson à quelques locomotives du premier chemin de fer du canal de Panama, ou encore en 1847 à un chemin de fer houiller en Pennsylvanie. Mais c’est bien Fell qui utilise le premier ce système d’une manière à la fois connue et spectaculaire, déjà sur le chemin de fer de Cromfort à High Peak, dans le Derbyshire, au Royaume-Uni, puis en faisant circuler des trains pendant plusieurs années sur les rampes du Mont-Cenis à partir de 1865 où il relie Lans-le-Bourg et le sommet du passage à 1775 mètres d’altitude, avec des rampes de 85 pour mille.

Une locomotive est transportée depuis la ligne du High Peak anglaise et essayée sur place : elle grimpe les rampes à 13 km/h, en remorquant un train de trois wagons formant une charge de 16 tonnes. Des essais avec une autre locomotive plus perfectionnée déplacent 42 tonnes à 11 km/h et 33 tonnes à 14 km/h. La cause est entendue et Fell pourra installer son chemin de fer, mais à titre provisoire, puisque la grande ligne dite de la Maurienne est en construction et le tunnel du Mont-Cenis en cours de creusement.

Comment fonctionne une locomotive Fell ?

Le principe d’une locomotive Fell est la présence de roues motrices horizontales sous la machine, outre les roues motrices classiques roulant sur les deux rails de roulement de la voie. Il existe ainsi deux ou quatre roues horizontales venant enserrer, à la manière des mâchoires d’un étau, le rail central surélevé, ce qui empêche tout patinage et permet l’escalade de très fortes rampes que les locomotives classiques à simple adhérence ne peuvent gravir par le seul fait de leur propre poids sur le rail.

Contrairement au cas du système Hanscotte (qui est un perfectionnement du Fell) où la locomotive n’a qu’un seul ensemble moteur entraînent les roues verticales par des bielles plus les roues horizontales par des chaines, le système Fell est beaucoup plus complexe, car il comporte deux ensembles moteurs. Le premier, avec deux cylindres, entraîne les roues verticales comme sur une locomotive classique. Le deuxième, aussi avec deux autres cylindres, entraîne les roues horizontales par un deuxième jeu de bielles couchées sous la locomotive. Il n’y a pas de lien mécanique entre les deux systèmes autre que celui de leurs efforts conjugués par la voie, chacun prenant en compte ses propres qualités d’adhérence pour propulser la locomotive, le tout se conjuguant.

La pression des roues verticales est obtenue, d’une manière classique, par le poids de la locomotive sur les rails, tandis que la pression des roues horizontales contre le rail central est obtenue par des ressorts que l’on règle – la tension étant ajustée par le mécanicien. Le réglage est difficile et pose des problèmes d’irrégularité d’adhérence, surtout dans les courbes, ce qui entraîne parfois des patinages, ou même des bris d’organes moteurs. Le système Hanscotte fera appel à la pression fournie par des cylindres utilisant de l’air comprimé, ce qui donne une pression plus douce, plus souple, mais aussi plus puissante et efficace.

Le plus gros inconvénient sur le système Fell, est que le mécanisme moteur des roues horizontales est solidaire du châssis de la locomotive, ce qui forme un tout rigide qui réagit mal aux inégalités de la voie, alors que, sur le système Hanscotte, ce deuxième ensemble est indépendant du châssis, formant un ensemble distinct relié par des biellettes, et peut se déplacer librement sous la locomotive en suivant les irrégularités de la voie. Mais le système Fell est plus simple, plus robuste et convient assez bien à une exploitation de type chantier.

Le simple rail du système Fell est beaucoup plus facile à poser et, surtout, il est infiniment moins coûteux, que celui des autres systèmes, notamment le système à crémaillère et roues dentées qui réclame un usinage et une installation faites avec beaucoup de précision. Mais le principal inconvénient du système est l’irrégularité de la traction: les roues enserrant le rail central pouvant, parfois, patiner du fait des mouvements de lacet de la locomotive ou des décentrements du rail central par rapport à l’axe de la voie.

Locomotive Fell d’après l’Illustration, vue en 1870.
Les roues couchées du système Fell. Document RGCF. Les roues sont appliquées par des ressorts hélicoïdaux que l’on voit sur le schéma.

Fell et le Mont Cenis.

En 1860 le percement du tunnel du Mont Cenis est commencé depuis trois longues années, mais les ingénieurs commencent à comprendre qu’ils n’étaient pas au bout de leurs peines, et devant l’impatience des voyageurs lassés des dangers d’un parcours de 13 à 15 heures en diligence de Saint-Michel de Maurienne à Suse en Italie, les pouvoirs publics se laissent tenter par un système de chemin de fer à fortes rampes qui peut provisoirement permettre le passage du col, en attendant l’ouverture du tunnel de la grande ligne reliant la France à l’Italie. Ce système est le système Fell, inventé dans son principe par le baron Séguier, mais mis au pont par l’ingénieur anglais dont il porte le nom.

Après des essais sur une ligne provisoire en rampe de 85 pour mille le système est déclaré exploitable en juillet 1866 et Fell obtient la concession définitive de la ligne de Saint Michel de Maurienne à Suse, ligne ouverte dès le mois de juin 1868.

Implantée le long de la grande route, la ligne est posée dans un écartement très curieux de 1100 mm, et comprend des rampes atteignant jusqu’à 85 pour mille et des courbes descendant jusqu’à 40 mètres de rayon : c’est donc bien un système pour répondre à des situations extrêmes. Les trains effectuent le parcours, long de 77 km, en 10 heures, et gagnent de précieuses heures par rapport au parcours en diligence, tout en offrant une sécurité incomparablement meilleure. Les voyageurs du train Fell ne regrettent pas leur choix et oublient les caisses hautes des diligences oscillant au-dessus des précipices, les roues de la diligence frôlant le vide et faisant tomber dans le ravin le sable les cailloux de la route étroite qui se délite… La ligne est fermée en 1871 quand le tunnel de la grande ligne est enfin ouvert. Fell propose aux habitants de la haute Maurienne de conserver son chemin de fer, mais ceux-ci refusent, déjà acquis à la vitesse et au confort du « grand » chemin de fer. Toutefois, ils conserveront, non par sentimentalité, mais par pragmatisme et manque d’argent, les plaques de tôle des pare-avalanches du train Fell pour recouvrir les toits de leur maison.

Le tracé de la ligne Fell longeant la route du Mont-Cenis, d’après un document datant de 1869.

Le système Fell est, peu à peu, victime d’un ensemble de progrès effectués par les locomotives classiques vers la fin du XIXe siècle, notamment dans le domaine de la puissance et de l’effort de traction. Désormais les locomotives des années 1890 acceptent des rampes exceptionnelles de l’ordre de 40 à 50 pour mille sur certaines lignes de montagne, une valeur qui se rapproche suffisamment des remarquables 85 pour mille atteints par Fell pour enlever aux investissements spéciaux et aux équipements spéciaux tout intérêt. Même certaines lignes ayant des sections à crémaillère installées une dizaine d’années plus tôt peuvent, dorénavant, s’en passer pour ce qui est de l’effort de traction et de l’adhérence à la montée, mais les conservent pour des raisons de sécurité à la descente.

Les succès du système Fell dans le monde.

La ligne de Nicteroy à Novo Friburgo, du Brésil, est en site très accidenté et la montagne de la Sierra do Mar exige une rampe sévère pour racheter, sur 12,5 km, une différence d’altitude de 1 040 m. Les ingénieurs anglais chargés de la construction de la ligne ont entendu parler des performances des locomotives Fell au Mont-Cenis, et commandent des locomotives à la firme Manning & Ward de Leeds.

Du type 040, ces locomotives ont deux paires de roues horizontales appuyées contre le rail central avec une pression de 40 tonnes. Ces roues sont, comme les roues motrices, actionnées par des cylindres formant un deuxième mécanisme. Peu à peu l’expérience démontrera que cette solution pourra être abandonnée au profit d’un seul mécanisme actionnant l’ensemble des roues.

Une ligne en Nouvelle-Zélande utilise aussi le système Fell pour la montée de la rampe de Rimtukaka, longue de 4800 m et rachetant une dénivellation de 400 mètres environ.

Le système Hanscotte : verrouiller les trains à la voie, quand il y a du vent.    

Nous sommes en France, en 1906. Lorsqu’il faut escalader une montagne imposant une différence d’altitude de 1000 m à une voie ferrée, et lorsqu’il faut « asseoir cette voie sur un trachyte terreux et même cendreux » (Revue Générale des Chemins de Fer) bien friable, et lorsque les vents sont si violents qu’ils peuvent renverser les trains, comment faire ? L’ingénieur Hanscotte, au début de notre siècle, a la solution avec un système verrouillant mécaniquement les trains à la voie et qu’il a déjà utilisé en 1904 pour le tramway électrique de La Bourboule.

À l’époque, un des objectifs imposés aux ingénieurs est qu’il faut faire très simple et surtout plus économique que la crémaillère, quand une municipalité, peu fortunée par définition, veut construire une petite ligne de montagne transportant les touristes vers un des sommets du voisinage.

En 1862, Nicolas Riggenbach, un ingénieur suisse de grand talent, dépose un brevet pour un système de crémaillère qui sera utilisé non seulement sur le chemin de fer suisse du Righi en 1870, mais aussi aux États-Unis, puis dans le monde entier. Le système se compose d’une échelle couchée dans l’axe de la voie. Les dents d’une roue située sous la locomotive s’engrènent dans les barreaux de section trapézoïdale.

La crémaillère, comme l’ont montré aussi plusieurs autres ingénieurs comme Abt ou Locher, est la seule solution permettant à un train de monter une forte rampe, mais, c’est vrai, elle demande un positionnement très précis, elle demande une grande précision mécanique, et elle coûte cher.

C’est pourquoi d’autres ingénieurs essaient de trouver des solutions comparables, mais moins complexes mécaniquement. Hanscotte propose, en quelque sorte, une crémaillère sans dents, avec des roues lisses, classiques, enserrant un rail lisse surélevé et placé dans l’axe de la voie. À La Bourboule, en 1904, un tramway sur forte pente et donne de bons résultats pour un coût d’établissement bien moindre qu’un tramway à crémaillère. Hanscotte, du coup, est autorisé à présenter le projet du Puy-de-Dôme.

Les caractéristiques de la ligne du Puy-de-Dôme.

Ici, il s’agit d’affronter sur une ligne de presque 15 km, une déclivité de 120 pour mille, soit 120 mm par mètre, ou, en valeurs routières, 12 % : c’est déjà une très sévère rampe et que l’on n’autoriserait pas sur une autoroute. La voie est en écartement métrique, et la traction est à la vapeur – comme il est de règle pour un temps encore sur ce type de chemin de fer de montagne en France. Le rail central supplémentaire est à double champignon, et il pèse 27 kilogrammes par mètre. Il est plus élevé de 180 mm par rapport aux rails de roulement. Il est aminci en sifflet à ses origines pour faciliter la prise des roues horizontales lorsque les locomotives se présentent au bas de la rampe. Il est fixé, en position couchée, sur des supports métalliques eux-mêmes assemblés sur les traverses par des tirefonds.

Le rail central est, c’est inévitable, interrompu sur les passages à niveau et sur les appareils de voie. La distance de 4264 mm d’axe en axe séparant les deux groupes de roues horizontales est suffisante pour permettre ces interruptions du rail central sur de petits passages à niveau, et l’un des deux groupes reprend le contact avec le rail quand l’autre ne l’a pas encore quitté. En outre les interruptions sont pratiquées là où la déclivité est nulle. Notons que l’ensemble des 14, 925 km de la ligne ne sont pas équipés en troisième rail, notamment les 2,4 km initiaux de Clermont-Ferrand à Quatre Routes, et les 9,6 km situés en amont de La Baraque sur le plateau de La Font de l’Arbre.

Le matériel roulant est construit par Fives-Lille et comprend cinq locomotives à vapeur, douze voitures à voyageurs, et un wagon couvert de service. La largeur des véhicules ne dépasse par 2,40 m, et la hauteur est de 3,85 m pour les locomotives, tandis que la hauteur du matériel remorqué est limitée à 3,30 m. Les locomotives sont toujours en tête des trains, contrairement à la pratique systématique de la pousse en queue qui est usuelle sur l’ensemble des lignes à crémaillère de montagne. Mais les locomotives fonctionnent cheminée en arrière de manière à procurer à l’équipe de conduite une vision optimale vers l’avant, car, rappelons-le, la ligne est, pour une grande partie de sa longueur, établie en accotement le long des routes. Toutefois, ce principe ne semble pas toujours respecté, si l’on se fie à certaines cartes postales.

Le chemin de fer système Hanscotte du Puy-de-Dôme vu en 1910.

Le mécanisme à roues horizontales.

Les locomotives sont des 030 et sont munies, outre les six roues motrices classiques, de deux groupes de deux roues horizontales, formant comme des mâchoires d’étau, et fixées à chaque extrémité de la locomotive, à 4624 mm l’un de l’autre, et pouvant coulisser latéralement pour épouser le désaxement éventuel du rail central par rapport à la voie ou ses variations de largeur. Les deux roues horizontales de chaque groupe sont fermement appuyées contre chaque face latérale du rail central grâce à l’action de pistons et de cylindres à air comprimé. Ces roues horizontales sont motrices, et actionnées par un système de chaînes Varietur et d’engrenages à chevron Citroën. Notons qu’André Citroën avait breveté son système bien avant de construire des automobiles.

La pression des roues horizontales contre le rail central est donc indépendante de leur usure, de celle du rail, de la largeur du rail, de la position du rail par rapport à l’axe de la voie variable notamment en courbe. Cette pression peut être modifiée par le mécanicien qui agit sur un robinet.

Les voitures du train ont aussi des roues horizontales enserrant le rail, et très utiles pour le freinage ou la résistance aux vents latéraux. Les trains circulent en rampe de 30 pour mille à 30 km/h, cette vitesse descendant à 15 km/h en rampe de 9 pour mille, et 12 km/h à 12 pour mille. Le chemin de fer du Puy-de-Dôme donne toute satisfaction, mais mourut du fait de la concurrence automobile des années 1930.

Son fonctionnement.

Si le rail central avait une épaisseur mathématiquement constante et si ce rail était placé dans l’axe de la voie, et si la voie était en alignement parfait, le mécanisme à roues horizontales fonctionnerait sans que les roues aient à se déplacer latéralement. Mais de telles conditions ne peuvent pas être réalisées pratiquement, notamment dans les courbes, dans l’entrée et la sortie des courbes, mais aussi du fait du manque de planéité de la voie. Les roues se déplacent donc latéralement pendant leur rotation.

Ce mécanisme est disposé de manière à obtenir une pression contre le rail central qui soit uniforme, quelle que soit l’usure des roues, la réduction de leur diamètre, l’état du rail et la charge à remorquer. Mais on peut faire varier cette pression et la régler en fonction des déclivités, de l’état du rail (gras ou sec, selon les intempéries), et de la charge à remorquer. Toutefois, il faut maintenir parallèles les arbres des roues horizontales, quels que soient les déplacements latéraux.

Enfin, ce qui n’est pas le point le moins important, il faut que ces roues, quand elles se déplacent latéralement, ne cessent pas d’être motrices tout en ne créant pas une opposition à la marche de la locomotive. La locomotive est guidée, d’une manière classique, par les boudins de ses roues verticales, et ceci lui donne un mouvement de lacet normal du aux irrégularités de la voie et aux mouvements du mécanisme moteur, mais il ne faut pas que la pression des roues horizontales s’oppose à ces mouvements, car cela créerait une contrainte mécanique qui freinerait la locomotive ou perturberait sa marche.

Toutefois, dans les courbes à faible rayon, ces roues horizontales interviennent pour un guidage de la locomotive qui se fait beaucoup plus en douceur que d’une manière classique, avec les boudins de guidage des roues normales, ceci à la manière des rames de métro sur pneumatiques guidées par leurs petites roues horizontales.

Il est intéressant aussi d’apprendre que le système participe au freinage. Non seulement il y a des patins de freinage sur les roues motrices verticales, mais aussi sur les roues motrices horizontales, tandis que deux mâchoires viennent prendre appui directement sur le rail central, le prenant en étau. Il y a donc bien trois systèmes de freins par locomotive. Les freins agissant sur le rail central, par les roues horizontal ou par les mâchoires, ne doivent pas avoir tendance à renverser le rail et doivent donc exercer une pression équilibrée, exactement comme les freins de bicyclette appuyant de chaque côté de la jante d’une roue. Un seul levier commande le freinage sur les roues motrices horizontales et verticales. Bien entendu, sur les parties de la ligne non équipées du rail central, seul le freinage classique sur les roues motrices verticales de la locomotive est utilisé. Les voitures ne sont pas freinées depuis la locomotive, et chacune d’elles est commandée par un garde agissant sur un freinage mécanique classique. Le système Hanscotte semble être le plus accompli dans le genre.

Le système Hanscotte d’après la RGCF de l’époque.
Modèle réduit didactique du système Fell perfectionné par Hanscotte..
Coupe du système Hanscotte: en vert, les roues couchées et leur système d’entraînement. En rouge : le rail central à double champignon positionné couché et surélevé. RGCF, 1906.
Une voiture Hanscotte et son système de freinage. RGCF, 1906.

La ligne de Sceaux : du quartier latin aux cottages champêtres.

Bien connue des Parisiens, toujours appelée « ligne de Sceaux » bien qu’étant maintenant une partie de la ligne B du R.E.R., cette courte ligne de banlieue avait pour particularité de commencer en plein quartier latin, à la station Luxembourg, et de desservir une des plus belles banlieues de la capitale. Bref, un trajet domicile-travail idéal pour les professeurs de la Sorbonne et de l’École Normale Supérieure épris de confort champêtre…

En 1845 les banlieues de Paris ne sont pas encore desservies par le chemin de fer, mais les petits villages situés dans les environs de Paris commencent à se peupler, et l’on construit de plus en plus de belles maisons de campagne dans lesquelles viennent vivre des gens en général assez aisés pour fuir l’entassement et la promiscuité urbains. Les lignes de chemin de fer suivent le mouvement et s’établissent de manière à offrir une bonne desserte quotidienne. 

Directeur des ateliers des Messageries Royales, Arnoux s’intéresse aux chemins de fer et propose, pour la banlieue sud alors très prometteuse financièrement, un nouveau système permettant l’emploi de courbes à très faible rayon, avec du matériel roulant à essieux orientables, circulant à 40 km/h sur une voie de 1750 mm d’écartement. Le gros avantage est que la possibilité de courbes à très faible rayon diminue le coût d’établissement des voies en contournant propriétés et accidents de terrain. Grâce à l’appui de Thiers, et des savants Arago et Laplace, le projet Arnoux est adopté et l’inauguration de la ligne a lieu le 23 juin 1846.

Un parcours digne d’une fête foraine…

Dans l’ « embarcadère de la Porte d’Enfer » (devenue gare de la place Denfert-Rochereau depuis), la voie forme une boucle de 25 m de rayon seulement, et permet le retournement des trains. La façade courbe la gare, aujourd’hui toujours, témoigne encore de cette installation peu ordinaire. Jusqu’à Bourg-la-Reine la ligne est à tracé normal, mais entre Bourg et Sceaux, la ligne accumule courbes et contre-courbes à titre de démonstration: sur une distance de 600 m, la ligne parcourt… 2 600 m avec des courbes de 50 m de rayon recoupant plusieurs fois la ligne droite théorique. Malgré cet itinéraire digne d’une fête foraine, la ligne connaît un grand succès avec 2 500 voyageurs par jour, et est prolongée quelques années plus tard jusqu’à Orsay puis Limours.

Mais le système Arnoux ne tient pas vraiment ses promesses, notamment sur le plan technique, et, en 1883, on envisage de mettre la ligne de Sceaux à voie normale de 1435 mm et de la doter de matériel classique. Les travaux de substitution sont considérables et durent jusqu’en 1891. La ligne est prolongée en direction du centre de Paris par un tunnel de 2 km: la station Luxembourg est atteinte en 1905. Seule une pente de 50 pour mille empêche la prolongation de la ligne jusqu’à Saint Michel, et donc les choses en restent là jusque durant les années 1970, au sommet de cette vertigineuse descente qui fait froid dans le dos des ingénieurs calculant les efforts de freinage… Les travaux de percement du tunnel Luxembourg-Châtelet durent de 1973 à 1977, année de mise en service de ce qui sera le RER B.

Une locomotive type 111 de la ligne de Sceaux, en 1846. On voit très bien les « galets directeur » prenant appui sur la face intérieure du champignon des rails. Les essieux porteurs de la locomotive sont orientables, et ces essieux orientables de la locomotive commandent, par un système de tringlerie, sur toute la longueur du train et sous chaque wagon, l’orientation de tous les essieux en courbe.

Les roues couchées du métro sur pneus.

Le paradoxe technique du pneumatique trouvant se trouvant une nouvelle voie et envahissant un domaine purement ferroviaire assure le succès de ce métro parisien sur pneus. Mais la roue acier sur rail acier, vieille technique ferroviaire des origines, n’avait pas encore dit son dernier mot et sut très vite mettre un terme au développement de ce concurrent saugrenu.

La très ancienne histoire du pneu sur rails commence en 1929 avec Michelin qui dépose un brevet de « pneu rail », c’est-à-dire une roue de chemin de fer avec un pneumatique. Il songe à augmenter le confort des trains en réduisant les bruits de roulement. Il se heurte très vite à la limite de charge supportable par un pneumatique: tout au plus 700 kg, donc 1 400 kg par essieu, alors que les essieux à roues classiques en acier acceptent 20 t. En outre les crevaisons sont fréquentes.

Michelin construit un grand nombre de prototypes d’autorails sur pneus ou « Michelines » durant les premières années 30 et sait donner à ce type de véhicule innovant sa véritable chance grâce à son talent de publicitaire.

Des roues à pneumatiques Michelin, mais avec boudin de guidage en acier vues à la Cité du Train à Mulhouse. Utilisant des rails classiques, ce système reste très limité en matière de poids transporté par essieu: environ 7 tonnes au maximum.
Quand le pneu est intégré à la roue en acier, comme sur les autorails Lorraine-Dietrich : le confort est amélioré, mais la complexité de la roue et sa fragilité ont eu raison du succès de ce système.

Le progrès des pneumatiques.

La mise au point, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de pneumatiques à armature métallique pouvant supporter 4 t pour un diamètre de roue inférieur à 1 m, l’idée d’une nouvelle méthode de guidage avec roues horizontales roulant sur des barres latérales, et enfin l’utilisation d’une surface de roulement large de 30 cm au lieu de rails étroits, voilà un système qui change complètement les données du problème.

Là où une voiture du métro parisien, longue de 15 m et pesant 34 t en charge, aurait demandé 30 roues à pneumatiques du type ancien, le nouveau système permet le roulement sur deux bogies de 4 roues seulement, conformément à la pratique ferroviaire courante. C’est pourquoi la RATP lance, en 1950, une étude concernant un nouveau matériel roulant sur pneumatiques pour le métro parisien.

La RATP imagine une voie nouvelle.

Le chemin de roulement est formé par deux pistes situées de part et d’autre des rails (que l’on garde pour les trains de travaux, ou aussi comme appui en cas de crevaison), offrant une surface d’appui beaucoup plus large et constituée, pour les premiers essais, par des Iongrines en chêne. La voiture d’essai, très allégée à 19 tonnes au lieu de 40 tonnes du matériel normal et 30 tonnes pour le matériel allégé moderne, est portée par deux bogies de quatre roues comparables à ceux des semi-remorques des camions gros-porteurs, auxquelles sont adjointes des roues acier classiques pour la sécurité en cas de crevaison, de type purement chemin de fer, mais plus légères. Le guidage de chacun des bogies est assuré par quatre roues dites « pilotes »en langage RATP, munies de pneumatiques normaux pouvant supporter une charge de I 500 kg. Ces roues pilotes sont « couchées » à l’horizontale à chaque angle du bogie. Elles assurent le guidage en prenant appui sur des bandes de roulement verticales encadrant la voie.

En voie normale, le roulement et le guidage sont exclusivement assurés par les pneumatiques. Sur les appareils de changement de voie, les rails latéraux de guidage laissent un vide du côté de la déviation, et le guidage est assuré par les boudins des roues de sécurité, tandis que les pneumatiques porteurs continuent à jouer leur rôle. Dans le cas où un pneumatique viendrait à se dégonfler, que ce soit un pneumatique porteur ou un pneumatique pilote, les roues de sécurité interviennent avec leurs boudins et leurs tables de roulement. Il faut préciser que le boudin est toujours au minimum à 36 mm au-dessous du plan de roulement, et donc la roue en acier descend sur son rail, et la voiture peut continuer son trajet jusqu’au terminus, où l’on procède à la réparation.

Ces rails en acier servent également de conducteurs électriques positifs. Dans la solution définitive, la piste de roulement est prévue en béton armé et les rails utilisés pour le roulement de secours seront remplacés par des cornières scellées dans cette piste. Les rails de guidage seront remplacés par des murettes en béton dans lesquelles seront fixés les fers en forme de « T » servant de conducteurs positif et négatif.

Les premiers essais.

Construite à Creil à partir de 1950, la motrice MP 51 expérimentale est mise en service en août 1951 sur une courte ligne de 800 m reliant les stations Porte des Lilas et Pré Saint-Gervais, aménagée à cet effet et dotée de barres de roulement posées le long des rails, à l’extérieur. En 1954 la motrice totalise 60 000 km et montre des qualités de silence et de douceur de roulement exceptionnelles, et qui font oublier les grincements et les ferraillements des anciennes rames encore en service. Mais aussi la motrice montre des capacités d’accélération et de freinage telles qu’il faudra les réduire à ce qui est supportable pour ces voyageurs, soit 1,45 m/s².

Les pneumatiques, des Michelin « Métalic F 20 » routiers, ne montrent aucune trace d’usure après 60 000 km, et il est possible d’espérer un minimum de 200 000 km avant un rechapage. Le dégonflement d’un pneu n’a aucune incidence sur la circulation de la motrice dans la mesure où la roue classique en acier, située derrière la roue de type routier, prend alors appui sur le rail classique de la voie.

Rame de métro type MP 55 lors des essais. ,Les « roues pilotes » sont très visibles, à l’avant de la rame, placées sur les extrémités des bogies.
Le bogie moteur Alsthom (puis Alstom) du MP55. Les deux moteurs actionnent les roues verticales. Les roues couchées ne sont pas motorisées.
Le bogie moteur Renault construit pour le MP55.

Les lignes N°11, puis N°1, N°6 et N°4.

Longue de 6285 m, la ligne N°11 part de la place du Châtelet et gagne la mairie des Lilas avec un parcours en rampe presque continue de 40 pour mille. Avec 35 millions de voyageurs par an, cette ligne demande 17 trains de quatre voitures. Grâce à leurs performances, 14 rames sur pneus type MP 55 suffisent pour une même capacité de transport en service courant dès 1955. La ligne N°1 est équipée à son tour en 1963 et la ligne 4 en 1966 avec le matériel type MP 59 formant des rames de 6 voitures, puis du matériel type MP 73 à 5 voitures que l’on retrouve notamment sur la ligne 6 à partir de 1973-1974. Le MP 89 est mis en service à partir de 1997 et jusqu’en 2001, et il équipe la ligne 1 en conduite manuelle. Depuis 1998, il équipe la ligne 14 en version intégralement automatique.

Mais les progrès en matière de douceur de roulement et de silence effectués sur les rames classiques permettent la construction du nouveau matériel blanc type MF 77 et arrêtent l’expansion du métro sur pneus, sans pour autant remettre en question l’existence des lignes déjà équipées.

Métro MP73 sur la ligne 6. Les « roues pilotes » dnt reçu des capots coniques pour les protéger des nombreux détritus qui viennent se loger dans le creux des roues.

Le métro SAFEGE de la RATP.

De très nombreux projets de chemins de fer à monorail ont existé, mais avaient tous en commun d’être des moyens de transport à courte distance, souvent en milieu urbain et destinés à gagner du temps. Mais, durant les années 1930 aux USA, des inventeurs relancent l’idée dans un nouvel esprit : celui de la grande vitesse. En effet, la concurrence aérienne commence à faire sentir ses effets désastreux, et la solution semble être la reconstruction intégrale d’un chemin de fer nouveau à côté – ou à la place – de l’ancien. Le chemin de fer classique à deux rails présente des inconvénients techniques notoires, et beaucoup d’ingénieurs ont essayé de les contourner par d’autres solutions innovantes.

Le premier inconvénient est le manque de stabilité. En effet, poser un véhicule sur une voie et en ne confier l’adhérence et le guidage qu’au seul poids du véhicule, voilà un fait très aléatoire : le véhicule, en roulant, est soumis à des contraintes mécaniques de guidage qui exercent des efforts verticaux dus à l’inégalité de la voie et latéraux dus aux courbes (force centrifuge), les uns et les autres pouvant aller jusqu’au soulèvement d’une roue et même jusqu’au versement.

Le deuxième inconvénient est la fragilité des voies, sensibles non seulement aux déformations et aux usures créées par les essieux, mais aussi sensibles aux mouvements de terrain, aux action des eaux. Or la moindre déformation de la voie est catastrophique pour le train et entraîne inévitablement un déraillement.

Le troisième inconvénient est lié au couple roue et rail en acier qui trouve très vite ses limites en matière d’adhérence, donc de sécurité au freinage, mais aussi de sécurité dans le guidage à très grande vitesse. Il est vrai que le TGV, en roulant quotidiennement à 300 km/h en toute sécurité, a pu démontrer qu’il s’agissait plutôt de craintes injustifiées que de faits techniques et scientifiques exacts. Mais, jadis, on fixait une limite à environ 150 ou 180 km/h que l’on ne pensait ne jamais pouvoir dépasser en service courant par crainte de dépasser les possibilités de guidage des roues par les rails.

Le principe du monorail suspendu consiste à construire une voie constituée d’un unique rail soutenu à une certaine hauteur du sol par des pylônes. Le véhicule n’est pas posé sur le rail, mais suspendu. Ses roues sont donc au-dessus du véhicule et roulent sur le rail tout en soutenant le véhicule par des potences. L’avantage immédiat du système apparaît dès la première courbe : la force centrifuge qui tend à chasser le véhicule vers l’extérieur doit lutter contre le poids du véhicule qui tend à ramener le véhicule à la verticale. Plus cette force centrifuge est forte, plus forte aussi est la réaction due au poids du véhicule. Le système est donc naturellement stable, contrairement au cas du train classique posé sur les rails.

Mais aussi, l’inclinaison en courbe du train suspendu se fait vers l’intérieur de la courbe, contrairement au cas du train classique ou de l’automobile qui tendrait à s’incliner vers l’extérieur – bien que les voies ferrées et les routes soient relevées dans les courbes pour limiter le phénomène. Avec le monorail suspendu le train s’incline vers l’intérieur de la courbe à la manière d’un avion ou d’un cycliste, ce qui, pour les voyageurs, est parfaitement confortable. Ils ne « sentent » pas les courbes.

Les inconvénients du monorail suspendu ? Il n’y en a pratiquement pas… sauf un seul, de taille: la complexité des appareils de voie. En effet, il n’est pas possible de construire des appareils de voie aussi simples que ceux du chemin de fer classique dans la mesure où les roues sont au-dessus de la voie et le train en dessous : les potences de suspension reliant les roues au véhicule sont donc une gêne. Il faut alors construire des appareils de voie formés d’une portion de voie complètement mobile et dégageant, quelle que soit la position, le gabarit latéral demandé par les potences. D’où des solutions complexes et très chères pour les appareils de voie. C’est sans doute ce qui a toujours condamné ces trains d’un genre nouveau et toujours sauvé le chemin de fer classique.

Le métro SAFEGE lors des essais et de la présentation à la presse: l’escalier mobile sert de station. La réussite esthétique est indéniable.
Le bogie du système SAFEGE avec ses roues de guidage ou « roues pilotes ».
La seule vraie complexité dissuasive du système SAFEGE est, comme montré sur cette maquette, l’appareil de voie. Les tubes enveloppant la voie ne sont pas représentés.

Les essais d’un bien curieux métro.

À Châteauneuf-sur-Loire, le 23 février 1960, la RATP présente officiellement un métro aérien expérimental du type suspendu qui évolue silencieusement sur une ligne longue de 1350 mètres sur laquelle, durant plusieurs années ensuite, l’on n’a pas cessé d’y effectuer des essais de toutes sortes qui ont amené à envisager la construction vers la fin des années 1960 d’une telle ligne entre Charenton-Écoles et Créteil.

Il s’agit d’un itinéraire sur lequel la circulation a atteint une densité de quasi-saturation, alors qu’on envisage encore la construction à Créteil d’une cité nouvelle de 100 000 habitants. On pense, dans un deuxième temps, prolonger la ligne jusqu’à Boissy-Saint Léger et, dans l’autre sens, jusqu’à la gare de Lyon, lui faisant jouer le rôle du RER A dont elle anticipe sur le tracé. Voilà, donc, une dimension nouvelle assignée au monorail suspendu : le transport de masse. Sera-t-il capable de relever le défi ? Rien n’est moins sûr.

Si cette technique donne satisfaction, les ingénieurs de l’époque pensent qu’elle pourra être adoptée sur d’autres itinéraires qui ont grand besoin d’être décongestionnés, tels que celui de la Place d’Italie jusqu’à Rungis et Orly, ou encore celui de la gare Montparnasse jusqu’à la Porte de Vanves et même jusqu’à Velizy et Saclay. Mais on pense aussi à l’itinéraire de Livry-Gargan à Clichy-sous-Bois…  Bref, on voit loin et grand pour ce monorail suspendu.

Le problème du prolongement de la ligne 8 de Charenton à Créteil.

Au milieu des années 1960 et en ce qui concerne la ligne de Charenton à Créteil, la RATP n’a pas achevé les études entreprises en vue de déterminer avec précision l’emplacement des gares terminales : celle de Charenton-Écoles doit être aussi proche que possible de la station de métro, et le gouvernement n’a encore ris qu’une décision de principe. Ce n’est qu’au début de 1966 que le marché doit être signé. Le promoteur de ce projet est la SAFEGE, une société d’études qui ne procède elle-même à aucune construction, laissant ce soin à certaines grandes sociétés. La régie Renault, qui a construit le prototype de Châteauneuf-sur-Loire, ayant fermé son département ferroviaire, Alsthom est alors désigné comme étant le principal constructeur du matériel roulant, tandis que la partie génie civil et superstructure revient à la Compagnie Française d’Entreprises, et à l’Entreprise Boussiron.

Si la SAFEGE emploie le terme de métro et non celui de train, c’est que son projet ne vise pas à transporter quelques centaines de passagers sur de longs parcours, mais des milliers de voyageurs à une vitesse déjà assez importante compte tenu du milieu urbain, et sur de courts trajets. Tel qu’il est, le métro suspendu pourrait marcher entre 80 et 120 km/h. À la demande de certaines villes des États-Unis, intéressées par le projet, la SAFEGE étudie à l’époque les problèmes qui se poseraient à des vitesses plus élevées entre 120 et 160 km/h. Compte tenu des distances de lancement et de freinage, la ligne expérimentale de Châteauneuf n’a d’ailleurs pas permis de dépasser 100 km/h. Mais démarrer, atteindre 100 km/h à l’heure et stopper, le tout en 1300 mètres, constitue déjà une performance peu commune. Ces accélérations et ces freinages remarquables sont dus pour une large part aux pneus dont sont équipées les huit roues du prototype suivant la formule mise en œuvre avec un plein succès sur les lignes classiques déjà existantes à Paris et appartenant à la RATP.

Les caractéristiques techniques du métro SAFEGE.

Chaque voiture est automotrice et supportée par deux bogies, équipés l’un et l’autre de deux moteurs électriques disposés longitudinalement, avec entraînement par pont à engrenages et différentiel. Ces bogies sont engagés dans une poutre-caisson formant la voie et dont la partie interne inférieure constitue un chemin de roulement pour les roues pneumatiques. Les bogies, comme pour les rames du pneus du métro déjà en service ont aussi des roues horizontales pour le guidage, du moteur, des roues motrices et des bielles de suspension des voitures (voir l’illustration ci-contre). La solidité de chaque élément est assurée par une poutre métallique enrobée par le toit, à laquelle est boulonnée la caisse, réalisée en acier ou en métal léger à base d’aluminium. Il est possible de constituer des rames de plusieurs voitures par accouplement automatique.

Le système SAFEGE présente plusieurs avantages. Il est peu encombrant, car la voie repose sur des piliers implantés tous les 30 mètres environ et qui n’occupent au sol qu’un mètre carré. Il suffira de réaménager quelque peu la route nationale 19 pour la séparer en deux voies, avec un terre-plein central au-dessus duquel sera installée la voie aérienne.

La voie de roulement étant protégée des intempéries par sa poutre-caisson, il n’y a pas de risque de patinage par temps de pluie. La construction de la superstructure en acier et béton reviendra un peu plus cher que celle d’une voie de chemin de fer classique au sol, mais moins qu’une voie classique surélevée. Sa construction est très rapide, et on l’estime à environ 100 mètres de ligne par jour.

Devant apporter avec lui la création du nouveau métro des années d’après-guerre et participer à un « Paris de l’an 2000 », ce projet reste dans les cartons : on peut penser que des rames de deux voitures, selon ce qui était prévu, laissent augurer d’une capacité de transport insuffisante. Et, aussi, il y a le projet du RER sur ligne classique qui réutilise, pour toute sa partie banlieue, des lignes SNCF existantes, et qui demande seulement la construction d’une nouvelle ligne sous Paris. Pour le moins, le RER garantit, même pour un prix infiniment plus élevé certes, un voyage beaucoup plus rapide et direct jusqu’au cœur de Paris pour les usagers de la banlieue, et même de banlieue à banlieue en traversant Paris intégralement. Le métro SAFEGE est oublié.

1 réflexion sur « Les roues couchées : mieux guider, mieux adhérer. Peut-être. »

  1. -J’ ai l’âge de la Micheline ! A cette époque tous les autorails étaient appelés michelines….
    – Cf la première ligne du dernier paragraphe
    Amitiés
    Michel

Commentaires fermés

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