Le chemin de fer démontrera, dès sa création sous une forme “moderne” dans les années 1830-1840, une étonnante capacité au transport de masse, multipliant par plusieurs centaines de fois celle des transports routiers d’alors, et, aujourd’hui, transportant 50 fois ce que transporte l’aviation en France. Si l’armée devient, dès 1870 et surtout lors des Guerres Mondiales, une grande “cliente” du chemin de fer, les religions (Lourdes, La Mecque) en feront tout autant, et c’est bien le chemin de fer, et plus spécialement le réseau du P.L.M. en France, qui crée et développe les grands départs pour la neige dès les années 1930. Le XXe est l’époque des premières grandes transhumances militaires à la Gare de l’Est, religieuses à la gare de Lourdes, et hivernales à la Gare de Lyon.
En pleine crise économique mondiale de 1936, “Le Bulletin P.L.M.” peut publier ces lignes ronflantes et fières : « Quel est, chez nous, le « rayon » qui développe sans cesse ses ventes malgré la crise ? C’est assurément celui des sports d’hiver, un des plus récemment ouverts dans notre grande maison de transports. Vive donc le froid, que nous ne songions qu’à maudire naguère, et qui se trouve être maintenant l’auxiliaire précieux des plus saines distractions hivernales, favorise les échanges avec des régions qui sommeillaient autrefois tout l’hiver, et nous donne ainsi, à nous cheminots, une nouvelle occasion de vendre des kilomètres-voyageurs ! »

La création (commerciale ?) d’un engouement.
Certes, la formule n’est pas née d’hier et quelques touristes fortunés, à la Belle époque, se risquent sur les pentes des stations touristiques suisses. Mais après la Première Guerre mondiale, et surtout lors de la grande mode des vacances familiales en train pour les travailleurs, le Paris, Lyon et Méditerranée joue à fond la carte des « Congés Payés » sur un immense réseau qui couvre une partie du Massif Central, le Jura, les Alpes. Les premières stations à la mode sont notamment Chamonix, Le Revard, et Briançon.
Les agences de voyage, et même les grands magasins, impriment, par centaines de milliers d’exemplaires, leur catalogue spécial « Sports d’hiver », ce terme étant nouveau et comme magique dans ces années d’entre les deux guerres. Une Exposition internationale des sports d’hiver se tient à Paris, et des pistes de neige artificielle permettent aux débutants de se familiariser avec la technique du ski et de prendre comme un avant-goût des joies qu’ils connaitront bientôt sur les véritables champs de neige. Le cinéma s’est mis aussi de la partie et ses actualités, ses documentaires, ses films d’enseignement entretiennent l’ardeur des néophytes, suscitent des vocations. Les sports d’hiver forment maintenant comme une toile de fond d’optimisme, de bonne santé, dont toute publicité use savamment, le vêtement, le produit de beauté, l’apéritif, les objets les plus prosaïques qui triompheront cet hiver sont ceux qui sont lancés et vantés aux foules par des affiches avec l’argument « Sports d’hiver »…
Le P.L.M. s’empare du « créneau » et la SNCF ne le lâchera jamais.
Le P.L.M. s’assure, avec un dynamisme commercial exemplaire qui ne ferait pas honte, aujourd’hui à la très performante SNCF, de cette « niche » ou de ce « créneau » (pour prendre des termes qui n’existent pas encore à l’époque) de la neige. C’est bien ce réseau qui invente, avec une créativité commerciale qui a un demi siècle d’avance sur son temps, un concept social et économique qui va remplir ses trains à la Gare de Lyon et dont, aujourd’hui toujours, la SNCF sait, elle aussi, perpétuer la tradition.
Le P.L.M. met en œuvre tous les moyens techniques pour multiplier les relations commodes permettant l’accès, en fin de semaine, aux régions enneigées. C’est ainsi qu’en pleine crise, dans les deux journées de départ précédant Noël 1934, on peut voir la Gare de Lyon, à Paris, par moins de 48 trains supplémentaires contre 43 l’année précédente, prendre la direction de la neige. Le réseau a porté à 115 le nombre des stations de neige que l’on peut gagner depuis toutes les gares de France (en correspondance avec les autres réseaux le cas échéant) avec un billet d’aller et retour de week-end donnant une réduction de 50 %. Pour atteindre ces stations commodément, des améliorations notables ont été apportées aux horaires des trains. Toutes répondent au désir du voyageur qui, désormais, peut partir, sa journée achevée, entre 19 h et 20 h, pour se trouver à pied d’œuvre le lendemain matin entre 7 et 8 h. Pour le retour, les trains lui permettent de quitter la montagne le plus tard possible, assez tôt cependant pour retrouver ses affaires le lendemain en le déposant à Paris.







Des horaires de nuit pour les « hivernants ».
Des “hivernants”, dites-vous ? Le joli terme a été oublié, mais pas les pratiques commerciales. Par exemple, les horaires de 1935-1936 donnent, au départ de Parts, des relations très directes avec le Jura et les Alpes, comme un départ à 22 h 30, et une arrivée à Pontarlier à 8 h 45, à Morez à 6 h 22, ou aux Rousses à 7 h 34. Pour ces Alpes, les trains desservent divers centres de Savoie et de Haute-Savoie comme Thonon avec un train qui part à 20 h 10 pour arriver à 6 h 43 à destination, d’où un autocar, rapide, on l’espère, mène en moins d’une heure et quart à Abondance et Moraine. En direction de St-Gervais et Chamonix, un train part les vendredis et samedis jusqu’au 7 mars, à 19 h 30, pour arriver : à Sallanches, Combloux, Mégève, Mont-d’Arbois à 6 h 5, à St-Gervais à 6 h 51, à Chamonix à 9 h 07 et au retour une arrivée à Paris à 6 h 40. Les skieurs allant sur les plateaux de l’Argentière, dans la vallée de Chamonix, à Combloux, Megéve, etc.,. peuvent, jusqu’au 9 mars, repartir, suivant les stations, entre 18 h 24 et 20 h 30 pour arriver à Paris à 7 h 18, frais comme une rose pour aller au bureau ou finir sa nuit sur le divan du salon chez soi pour les supérieurs hiérarchiques qui peuvent s’offrir une arrivée tardive au bureau.
La Tarentaise, que l’on appelle alors l’Engadine française, est devenue plus facilement accessible : le trajet est réduit de 1 h 30 environ et le train de 19:30 conduit à Bourg-Saint-Maurice, point extrême du parcours, à 7 h du matin. En repartant à 19 h 38, on est à Paris le lendemain à 6 h 40. Ces trains circulent jusqu’au 9 mars, les vendredis et samedis à l’aller et les dimanches et lundis au retour.
Mais il n’y a pas que Paris, et, par exemple, au départ de Lyon, trois nouvelles relations, dont une par autorail, s’offrent aux voyageurs à destination d’Aix-les-Bains et du Mont-Revard, tandis que deux relations par autorail, facilitant les voyages de Lyon vers Albertville, Moutiers et Bourg-Saint-Maurice. Enfin, au départ de Marseille et des principales gares de la Côte d’Azur, le réseau a donné aussi de nouvelles facilités aux skieurs : accès de Briançon plus rapide pendant les fêtes, horaires combinés « trains-autocars » à destination de Breil, station des « hivernants » (c’est le terme d’époque) de la Côte d’Azur.
La “propagande” au secours des trains de neige.
Le P.L.M. accroît ce que l’on appelle, à l’époque, son « effort de propagande » et pose plus de vingt grands panneaux d’affichage à Paris, et fait des insertions fréquentes dans la grande presse, publie un dépliant spécial « Alpes et Jura » et d’un petit « Horaire bleu des Sports d’hiver » largement diffusés.
Chaque gare du réseau est dotée de brochures et de feuilles de renseignements rédigés avec la plus grande précision grâce à l’heureuse innovation que sont les « Fiches P.L.M. », qui donnent une documentation complète soigneusement tenue à jour sur chacune des 133 gares. Le réseau place aussi un bulletin « Dernière heure de la neige » les avant-veilles et veilles de dimanches et fêtes dans le hall de la gare de Paris et en plusieurs points centraux de la capitale comme les « bureaux de ville » (futures « boutiques SNCF !), les principales agences de voyages, les bureaux de voyages de grands journaux, les associations et les groupements sportifs, les rayons de sports des grands magasins.




Les sportifs et les pèlerins : les mêmes techniques.
Pour transporter encore plus de voyageurs à la fois, et souvent de nuit, les voitures à voyageurs se transforment notamment pour les trains de sports d’hiver ou de pèlerinage.
Il est vrai que, par rapport à la diligence qui offre une vingtaine de places, les trains, avec plusieurs centaines de places dès les débuts des années 1830 et 1840, vont offrir une possibilité de transport de masse absolument inédite et d’une redoutable efficacité. Mais on va longtemps voyager assis, de nuit, sauf pour une clientèle fortunée qui bénéficie, elle, de voitures-lits dès les années 1880, ou de voitures lits-salon, notamment sur le réseau très touristique du P.L.M. Par contre, la foule immense des voyageurs en troisième classe, elle, restera assise la nuit…
Éternellement ? Non. Dès que, au lendemain de la Première Guerre mondiale, le peuple se met à voyager en masse et sur de grandes distances, les compagnies vont être bien obligées de proposer une formule moins chère que la voiture-lits, et offrant autant de capacité que les voitures à places assises classiques. Les pèlerinages des années 1920, puis les sports d’hiver des années 1930, vont faire naître sur les réseaux un type de voiture spécialement aménagée pour leur clientèle.
Des pèlerins qui ne sont pas drôles du tout.
L’expression “un drôle de pèlerin” n’est pas née là. Sans aucun doute, ce sont bien les pèlerinages qui vont poser, pour la première fois, le problème du transport, et en grand nombre, par chemin de fer, des personnes valides et aussi des personnes que l’on appelle à l’époque des handicapés ou des infirmes. La ligne de Toulouse à Bayonne connaît la mise en service des premiers trains de pèlerins en 1867 dans des voitures classiques.
Mais ces pèlerins, comme leurs prédécesseurs des chemins de St-Jacques de Compostelle, sont de robustes gaillards capables de marcher des semaines entières et dont le problème n’est nullement celui de la mobilité réduite : leur seule spécificité ferroviaire est de bénéficier de tarifs spéciaux pour les pèlerinages. Mais l’absence de voitures spécialement équipées pour ces pèlerinages montre que le problème du transport de pèlerins souffrant d’un handicap physique n’est pas encore posé. Il s’agit, pour le moment, de facilités liées à des voyages en groupes donc pouvant bénéficier d’une tarification spéciale.
C’est sans nul doute le pèlerinage de Lourdes qui, créant un mouvement d’espoir pour des milliers de personnes souffrant d’une paralysie ou d’un problème moteur physique, mettra sur le devant la nécessité d’une organisation, d’une logistique, allant jusqu’à aménager des véhicules pour qu’ils puissent accueillir et transporter ces pèlerins qui posent aux chemins de fer un nouveau problème, celui du transport des personnes que l’on appellera « à mobilité réduite » en attendant d’en faire des « PMR ». La spécificité de leurs besoins est enfin perçue parce qu’ils se présentent en grand nombre et font de Lourdes, et de son immense garage pour rames entières, une des plus grandes gares de voyageurs d’Europe lors des pèlerinages, même si, par exemple, le déraillement catastrophique de Laguian, en 1922, tue 33 pèlerins et les prêtres les accompagnant : la confiance en Dieu, sinon dans les chemins de fer, reste intacte !



Les premières voitures spécialisées.
Des voitures spécialisées apparaissent vers le milieu des années 1930. Les anciennes compagnies d’avant la SNCF font appel à des voitures de première classe à places couchées, par exemple, les voitures A6c6 du parc P.L.M. Ces voitures toutefois ne permettent pas, ou très difficilement, l’embarquement et le débarquement des personnes que leur état ne permet pas de déplacer hors de leurs civières. Ces opérations de chargement et de déchargement se font par les fenêtres, ce qui souligne bien, à l’époque, à quel point les voitures à voyageurs ne peuvent transporter que ces personnes valides, debout, assises ou couchées, mais capables de se mouvoir par elles-mêmes afin de gagner et de quitter leur place. Outre ces manœuvres acrobatiques par les fenêtres, ces voitures ne facilitent pas l’accompagnement des personnes transportées par du personnel spécialisé. Il faudra bien que la SNCF, qui reprend l’exploitation de ces voitures, mette au point des voitures ambulances, et c’est sans doute la première démarche en ce sens, celui de transporter des personnes « pas comme les autres ». La SNCF exploitera ensuite ce parc de seize voitures dites « ambulances », mais ce parc est fortement endommagé par les hostilités de la Seconde Guerre mondiale et seulement cinq voitures sont disponibles à la libération.
La voiture Ssmyfi 331 du parc Ouest est la première véritable voiture pour le transport des pèlerins. C’est une voiture OCEM à rivets apparents, avec des aménagements nouveaux conçus par l’Hospitalité de Lourdes. Le principe de voitures spécialisées est donc testé et adopté par la SNCF. Une première tranche de dix voitures est aménagée par transformation d’anciennes voitures ex-luxe P.L.M. retirées du trafic commercial. Un prototype, la Ssmyfi 581, est construit par les ateliers de voitures de Villeneuve-St-Georges pour juillet 1951, et, en 1952, les ateliers de Construction du Centre à Clermont-Ferrand, transforment une série, numérotée Ssmyfi 582 à 590, comportant neuf voitures. En 1958 la Direction du Mouvement de la SNCF fait transformer une seconde tranche de sept voitures devant les besoins générés par les pèlerinages. Le mouvement est amorcé et l’on commence à voir de plus en plus de personnes à mobilité réduite demander à prendre le train.






De l’utilité de transporter les soldats en temps de guerre et de paix.
Pour commencer par les débuts de l’histoire militaire des chemins de fer, ils vaudront aux États américains du nord leur victoire sur le Sud lors de la Guerre de Sécession américaine pendant laquelle le transport des troupes en direction du front se fait par wagons couverts ordinaires, mais, en sens inverse, le voyage douloureux des blessés et des mourants doit se faire couché, et avec l’appui d’un personnel médical capable de donner les soins nécessaires. C’est la guerre de Sécession qui abandonne le transport des blessés dans des couverts garnis de paille, et qui met en place de véritables hôpitaux roulants composés de voitures spécialisées.
La guerre de 1870 a été perdue par la France essentiellement parce que l’armée française, contrairement à l’armée allemande, n’avait pas du tout intégré le chemin de fer dans sa stratégie, en faisant tout au plus un transporteur de troupes pour la mobilisation, mais nullement une arme en soi pour gagner les batailles. L’état-major allemand a compris l’importance des chemins de fer pour déplacer les troupes rapidement d’un front à un autre, mais aussi pour approvisionner les troupes en munitions et en moyens de subsistance. Les Allemands avaient été jusqu’à prévoir les trains de colis pour les soldats, et même de cadeaux de Noël ! Des trains sanitaires assuraient déjà un rôle salutaire, alors que, du côté français, les soldats avaient faim, ou restaient malades, sans soins, sur le bord des routes (voir notre article sur les trains sanitaires déjà paru sur ce site).
La Première Guerre mondiale se fera, du côté français, avec l’aide des chemins de fer enfin intégrés à la stratégie. La mobilisation est exemplaire, des centaines de milliers d’hommes étant concentrés sur le front en quelques jours grâce à la mise sous autorité militaire de l’ensemble des compagnies ferroviaires françaises.
Un autre grand exemple du rôle stratégique des chemins de fer pendant la Première Guerre mondiale est l’artillerie lourde sur voie ferrée : l’artillerie est encore la reine des batailles et les canons à longue portée sont aussi efficaces pour démoraliser et terroriser les populations civiles que pour détruire à distance villes et nœuds ferroviaires. Il semble que l’artillerie lourde détruise mieux le moral des populations que les usines et les gares assignées, car ces immenses obus lancés à des dizaines de kilomètres subissent, chemin faisant, les effets difficilement prévisibles des vents !
Toutefois, au début de la Première Guerre mondiale, l’état-major français pense que le canon de 75 mm, facilement mis en place par la cavalerie, aisément déplaçable, pourrait accomplir toutes les missions. Plus de 4.000 pièces de ce type sont en usage. Mais le général Joffre connaît les limites de ce canon léger et demande, dès octobre 1914, que l’on assemble des canons de marine sur des châssis de locomotives : les pièces en question, des canons de 194, 240 et 274 mm, ne sont livrés qu’en 1915, mais ils trouvent rapidement leur usage. En effet, l’immobilisation du front et la guerre des tranchées ont complètement changé la nature de la guerre, et il faut désormais de grosses pièces d’artillerie capables de tirer très loin au-delà du front.
Pour de qui est de la Seconde Guerre mondiale, c’est sans nul doute l’effort de guerre et l’organisation américaines qui seront les actions ferroviaires les plus décisives. Rappelons que les états-majors européens, allemands compris, avaient voulu faire de cette guerre une guerre de l’aviation et y étaient parvenus.








Les trains de permissionnaires : tout, malheureusement, semblait permis.
S’il y a bien des trains que les réseaux de chemins de fer ont toujours redouté, en France comme partout dans le monde, ce sont bien les trains transportant des soldats du contingent, et en permission. Dommage, car il y avait beaucoup de « clients » pour le rail.
Il ne s’agit nullement de trains militaires, mais bien de trains transportant des gens qui ne sont que, de très loin et le moins possible, des « militaires »… La suppression du service national en France a entraîné, au grand soulagement de la SNCF, la suppression de ces trains pas comme les autres.
Selon la terminologie en vigueur à la SNCF, tous les trains de permissionnaires sont classifiés avec la lettre « P » suivie d’un numéro. Ce sont bien les trains militaires affrétés entre la France et l’Allemagne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui en constituent la dimension la plus connue.
Un grand nombre de ces trains, qui circulent entre l’Allemagne et la France lors de permissions et dans le sens inverse à latin de celles-ci, ne sont accessibles qu’aux militaires sous les drapeaux (Forces Françaises d’Allemagne) et, sous certaines conditions, aux membres de leurs familles. Organisés de façon systématique depuis 1949, date à laquelle est créée la République fédérale d’Allemagne, les trains « P » ont pour mission de transporter les militaires vers leurs domiciles d’origine.
Des militaires sont stationnés à Trèves, Baden-Baden, Kaiserlautern, Landau ou Spire, mais aussi à Berlin, qui jouit alors d’un statut particulier, abritant l’une des plus importantes casernes françaises d’Allemagne. D’importantes rames de voitures françaises ou allemandes sont employées pour convoyer plusieurs centaines de permissionnaires. Au début, les trains « P » ne concernent que ceux qui bénéficient de plusieurs jours de repos, la lenteur des communications ferroviaires pour des permissions qui ignorent (ou incluent) le temps passé à voyager. En effet, une « perm » de trois jours, avec une journée de voyage dans chaque sens, ne donne qu’une journée à domicile pour le soldat. Une permission de trois jours pour un soldat habitant à deux jours de voyage se résout à… la passer dans la caserne. Cette manière d’ignorer les temps de voyage ne permet pas une meilleure rotation des rames de 10 à 14 voitures mises à disposition par la SNCF ou la Deutsche Bundesbahn allemande.
A chaque fin de semaine.
L’accroissement des vitesses et la modernisation des moyens de traction a un effet bénéfique pour les militaires en permission, puisque réduisant des durées de voyage qui leur interdisaient, jusque-là, d’en profiter réellement. En effet, il est désormais possible d’organiser des rotations chaque fin de semaine, le vendredi soir dans un sens et le dimanche soir ou le lundi matin dans l’autre sens. En outre, des trains directs entre les villes casernes des FFA et les principales villes françaises sont mis en marche. On trouve donc un train allant de Spire à Metz et à Calais via Sedan et Valenciennes, ou un train de Karlsruhe à Paris Est desservant Baden-Baden, BühI et Achern ou encore un train de Wittlich à Lille via Thionville. Une autre relation relie deux fois par semaine Strasbourg à Berlin.
Tracés directement depuis les villes de casernement jusqu’aux grands centres ferroviaires français pouvant assurer des correspondances immédiates, ces trains roulent sans perdre de temps, et surtout évitent, désormais, aux permissionnaires de passer la plus grande partie de leur voyage à attendre des correspondances.
Un matériel peu cher mais quand même coûteux.
La SNCF et la DB, pendant longtemps, ont engagé des voitures en principe réservées aux trains supplémentaires, c’est-à-dire des voitures anciennes, dotées d’un confort moindre, et ayant un aménagement intérieur plus endurant et plus simple. Il est vrai que la clientèle des trains « P » causait de nombreuses déprédations, occasionnant souvent des réparations sommaires et quelques fois plus importantes, ceci expliquant la réticence des administrations ferroviaires à engager du matériel neuf ou récent sur ces trains. Cette tendance s’est quelque peu assouplie au cours des dernières années d’existence de ces trains.
La décision de supprimer le service national, sans doute une des grandes erreurs nationales jamais faites quand on pense au délitement moral, restons courtois, d’une partie de la jeunesse actuelle, a conduit la SNCF à réduire puis à supprimer le nombre de trains « P », faute de militaires à transporter, mais, de toute façon, elle devait déjà faire face à une diminution sensible des recettes engendrées par ce trafic très particulier et imposé. Cette catégorie de trains est désormais à classer au rang des souvenirs. L’auteur de ces lignes se souvient d’avoir dormi dans le filet à bagages d’une voiture SNCF dite “type Romilly” pour rejoindre son régiment d’artillerie stationnée à Kaiserslautern, ceci en 1964. Le canonnier-servant-tireur (ou CST) Lamming prenait conscience de ses devoirs de citoyen.
Le Train militaire français de Berlin (TMFB)
Illustre descendant du “Train de Luxe Militaire” remplaçant l’ “Orient-Express” pendant la Première Guerre mondiale (années 1919 à 1923), et créé en 1945, le TMFB circulé pour la dernière fois en septembre 1994, mettant fin à une histoire de 49 ans. Il reliait, deux fois par semaine, Strasbourg à Berlin (880 km) via la RDA, avec franchissement du Rideau de fer au poste frontière de Marienborn. Ce train s’est inscrit dans la tradition homérique de ces franchissements de la frontière est-allemande au petit matin, ou de nuit, sous la lumière blafarde des projecteurs éclairant à profusion les voitures depuis les miradors, tandis que les « Vopos » (contraction de « Volkspolizei », police du peuple), tenant en laisse leurs chiens loups, inspectent les châssis et les bogies pour déceler la présence d’un misérable transfuge quelque peu sceptique sur les vertus du marxisme-léninisme. Les « Vopos » pénétraient bruyamment dans les compartiments pour en déloger les militaires endormis, et pour démonter les cloisons et les plafonds qui pouvaient fournir autant de cachettes probables pour d’autres candidats à la liberté capitaliste et consumériste, puis ils ne prenaient pas le soin de remonter correctement, sinon pas du tout, ces aménagements, laissant la voiture dans un état déplorable et donnant ainsi du travail aux ateliers des réseaux qui devaient, à longueur d’année, faire ce remontage. Les attentes étaient longues, car il y avait de nombreuses procédures administratives de vérification de documents, et de papiers personnels. La chute du Mur de Berlin en 1989, puis la réunification allemande en octobre 1990, ont condamné ce train, qui était, malgré lui, l’un des derniers symboles d’une Guerre froide qui n’en finissait plus.

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