Comment ce jeune garçon britannique si sage, élevé aussi à Dinard en France, pur et brillant produit de l’éducation bourgeoise de son temps, devient-il un grand aventurier et qui parvient même à faire dérailler un train de la ligne du Hedjaz ? Cette ligne de l’aventure des sables, se voulant religieuse pour les uns, mais ne s’avouant pas militaire pour les autres, finit comme les rêves du même nom, enfouie dans les dunes et l’oubli. Lawrence d’Arabie lui apporta un fort parfum d’aventure et d’attentats en son temps, ce qui, certainement, n’était pas ce qu’elle espérait et sa vie, déjà fort précaire, y trouva sa fin.
Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, est un Britannique, plus précisément un Gallois, né à Tremadoc (Caernarfonshire) dans le nord du pays de Galles le 16 août 1888 et il meurt près de Wareham (Dorset) le 19 mai 1935. Pendant la Première Guerre mondiale, les reportages du journaliste américain Lowell Thomas firent la notoriété de Lawrence, officier de liaison britannique (notamment sur une célèbre motocyclette de fabrication anglaise, of course) durant la grande révolte arabe de 1916-1918. Après la guerre, la version abrégée de son témoignage sur cette campagne, « Les Sept Piliers de la sagesse », rencontre un succès de librairie. La version intégrale, publiée cinquante ans après sa mort, confirma son talent littéraire. Le film Lawrence d’Arabie (Lawrence of Arabia) est un film d’aventures réalisé par David Lean, sort en 1962, et le rôle est interprété par l’acteur Peter O’Toole. Ce film reçoit par ailleurs de nombreuses distinctions, dont dix nominations aux Oscars 1963 comme étant le meilleur film et du meilleur réalisateur.
Aujourd’hui il reste quelques gares oubliées et quelques carcasses de wagons qui cuisent sous le soleil.


Financée par la foi.
Cette ligne doit amener à la Mecque des millions de pèlerins, et elle suivra la route des caravanes pour ne point manquer d’eau. Des dons affluent des Musulmans du monde entier, et les plus grands Emirs ou Sultans donnent l’exemple, comme Abdel Hamid II avec 230.000 livres ottomanes, ou le Cheik Moubarak Al Sabbah, Emir du Koweit, ou le Chah d’Iran. Le produit d’une retenue de 10% sur les salaires des fonctionnaires décrétée par le Grand Vizir (voilà qui ne serait guère apprécié par les fonctionnaires français, le cas échéant!), ou la vente gouvernementale des peaux de moutons immolés par les particuliers aident aussi, mais la ligne manquera de capitaux. Partant de Damas (par rachat de la ligne de Mzerib déjà existante), la ligne se dirige sur Medine par Maan, Tebouk, El Oulah. Terminée, elle sera longue de 1.845 km, et avec des embranchements prévus, fera un réseau de 2.188 km. Les Turcs entreprennent ce travail ardu en plein désert brûlant, ceci sous la conduite d’ingénieurs allemands amenés là par les hasards de la politique allemande en faveur de l’empire ottoman, et dont ils veulent aider et conforter l’emprise sur le monde arabe.


Les travaux avancent lentement.
Commencés en 1900, ils avancent avec difficulté, et, en 1905, seulement 400 km sont terminés: il n’en reste que 1.300 pour rallier La Mecque. Il faut dire que ce faible rendement s’explique par le recours, comme main d’oeuvre, principalement à des soldats. On a beau les « motiver » par des primes avec ristourne pour les officiers, le train, ce n’est pas leur tasse de thé…. Le matériel est fourni principalement par l’Allemagne, mais les wagons et les rails sont belges, et les matériaux de voie sont américains, espagnols, autrichiens et même russes.
Un beau matériel roulant.
IL est de qualité, fourni par les grandes firmes européennes. Le parc moteur comprend environ 55 locomotives, et le parc remorqué 180 voitures à voyageurs des trois classes, plus des voitures-lits luxueuses pour les personnalités. Il y a même une voiture sans sièges, réservée aux prières pendant les arrêts, et dotée d’un petit minaret repliable haut de 195 cm. Le parc marchandises comprend plus de 500 wagons, en grande majorité plats.


Qui voyage dans les trains ?
Principalement des pèlerins musulmans venus de Russie, de l’Asie, de la Turquie, de la Syrie et de l’Irak. Les trains circulent trois fois par semaine entre Damas et Médine aller-retour, accomplissant le trajet de 1320 km en 56 heures. Des correspondances étaient assurées avec Haïfa en gare de Damas. Les voyageurs recevaient toujours une nourriture chaude dans le train, mais les conditions de confort, pour dormir la nuit, étaient rudes.

Lawrence met fin à cette belle oeuvre.
Ouverte jusqu’à Maan en 1909, la ligne reste peu active. La compagnie compte sur les effets d’un tarif très modique et la promesse d’un voyage Damas-La Mecque en 4 jours, contre 40 jours de caravane, quand la ligne sera terminée. Dix fois plus vite que le pas des chameaux…. Mais la ligne ne parvient pas à « décoller » économiquement et les pèlerins de la Mecque restent fidèles au voyage traditionnel par bateau ou à dos de chameau.


La guerre de 1914-1918 accentue encore plus la précarité de la situation de la ligne qui ne sera plus exploitée au-delà de la frontière jordanienne désormais. Les exploits de Lawrence d’Arabie donnent à cette aventure une saveur particulière: il sut, avec habilité, mener des raids contre la ligne pour obliger les Turcs à la défendre, tout en veillant à ne jamais la détruire complètement. De ce fait les Turcs sont distraits du front de Palestine : ce que voulait Lawrence…
C’est à cette époque troublée que la ligne joue son plus grand rôle : militaire. Elle assure le transport des troupes turques dans l’espoir de venir à bout de la révolution arabe et du démembrement de l’empire ottoman. La ligne finira abandonnée dans les sables, après la Première Guerre mondiale, puis définitivement détruite pendant la guerre de 1967.
La somptueuse gare de Médine, toujours debout aujourd’hui, reste un lieu recommandé aux touristes par le Ministère de l’Education du royaume d’Arabie Saoudite dans une de ses brochures touristiques : l’Arabie est un pays qui se souvient d’avoir eu ce chemin de fer qui a contribué au réveil de l’indépendance des pays arabes. Le parcours de la ligne en voiture tout-terrain est actuellement un thème d’exploration touristique, mais il faut reconnaître que c’est une activité de type ferroviaire bien maigre.





Olivier Cazier nous offre quelques vues de la ligne du Hedjaz qu’il a parcourue en 2010.
Olivier Cazier est consultant indépendant (Conseil en infrastructures de transport environnement, circulation sécurité) et il voyage dans le monde entier. A la lecture du premier jet de cet article, il nous fait l’amitié de communiquer, pour les lecteurs de ce site-web, de rares vues de la ligne prises en 2010 avec ce commentaire : “Quelques photos de l’état de la ligne en 2010 en Jordanie. A l’époque il y avait encore parfois des circulations touristiques. Pour être complet, on peut aussi dire qu’une partie de la ligne ( entre Aqaba et les mines de Phosphate) est encore très active… Et que cette partie traverse des paysages à faire rêver. Mais elle est en bon état. “
Olivier ajoute qu’il a essayé de faire du conseil en infra avec l’AFD sur cette ligne, et a envisagé de recréer une ligne à voie Normale, Aqaba vers le nord, la Turquie, l’Europe, avec des branches vers la Syrie, l’Iraq… qui permettrait de desservir la Turquie et la Mitteleuropa et le Machrek sans avoir à entrer en méditerranée. Malheureusement, les conflits du secteur et l’absence de financement ont tout arrêté….
A voir l’état actuel de la ligne, on peut en déduire qu’elle a encore fortement besoin de conseils en infrastructures ! Merci pour ces clichés, Olivier.





La renaissance du chemin de fer de l’Arabie Saoudite : la première génération de projets..
En 2003, une note du « Foreign Office » est publiée, concernant une offre faite par le Prince Abdullah, d’Arabie Saoudite et son gouvernement pour la construction de trois lignes de chemin de fer dans le Royaume, chose qui ne s’est pas faite depuis un demi siècle. D’autres notes suivent et la question restera toujours d’actualité.
Le projet d’une première ligne reliera le port de Djeddah, sur la mer Rouge, à celui de Dammam, et celui de Dubayy, tous deux sur le golfe Persique dans les Emirats Arabes Unis. La distance sera de 1061 kilomètres. La seconde ligne reliera Riyad à la région du nord ouest de l’Arabie, très riche en bauxite et en phosphates, en passant par Ha’ il et Al-Djawf. La longueur de la ligne sera de 1408 kilomètres, avec un trafic prévu de l’ordre de douze millions de tonnes de minerais par an. La troisième ligne reliera entre elles les villes de Makkah, Djeddah, Médine, et Yanbu’. Le coût total du projet est estimé à quatre milliards de dollars. La ligne d’époque reliant Riyad à Dammam serait alors reconstruite.
D’autres projets plus ambitieux existeront aussi, comme celui présenté par Abdul Razak Abdul Feilat, Président du « Mideast Railways Organization », entre Amman, la Jordanie et la Syrie, projet estimé à 200 millions de dollars. Une ligne supplémentaire entre Damas et la frontière turque coûterait 600 millions de dollars, et permettrait une liaison directe entre l’Arabie et l’Europe, pour le transport de marchandises par trains cargos roulant à 120 km/h et contenant des conteneurs de 40 pieds chargés en « double stack » (sur deux niveaux), chaque train équivalent à 400 conteneurs de 20 pieds. La circulation de trains à grande vitesse pour les voyageurs ne serait pas exclue, et ils rouleraient à 220 km/h.
Le 10 octobre 2007, un communiqué paraît dans la presse économique : une ligne à grande vitesse va être construite entre Médine et La Mecque, et coûterait 5 milliards d’euros. L’Arabie saoudite fait construire (dit-on au présent de l’indicatif !) une ligne à grande vitesse de 444 kilomètres qui reliera Médine, Djeddah et La Mecque dès 2015. Trente TGV y rouleront à 300 km/h. Les pèlerins qui effectuent chaque année le pèlerinage arriveront en avion à Djedda ou à Médine avant de gagner La Mecque en train. Le trajet Médine-La Mecque ne durera plus que 2 h 30 contre dix heures aujourd’hui en autobus.
Les Saoudiens réfléchissent également à une desserte concernant King Abdullah Economic City, la plus grande ville d’affaires du Moyen-Orient. Il est à noter que le gouvernement saoudien ne demande pas un transfert de technologie, comme la Chine par exemple, mais la livraison d’un projet « clef en mains », la ligne et les rames étant fournies par un consortium qui est à constituer autour des entreprises Bouygues pour la ligne et, pour le matériel roulant, Alstom, ou Siemens, Bombardier ou Hitachi. On projette aussi la construction d’une ligne fret « transarabique » longue de 1000 kilomètres reliant Djedda à Dammam sur le golfe Persique.
Le réseau actuel de l’Arabie Saoudite : la grande vitesse.
Le réseau actuel de l’Arabie Saoudite est constitué de trois groupes de lignes non raccordées entre elles, et toutes sont en voie normale.
La ligne de Dammam à Riyad est constituée de deux lignes, l’une est affectée au transport de voyageurs sur 449 km et a été ouverte en 1981, et l’autre est une ligne de marchandises longue de 556 km, inaugurée le 20 octobre 1951 par le roi Ibn Séoud. Ces deux lignes sont en traction diesel.
La ligne de Riyad à Gurayat et la ligne nord sud sont en service depuis 2013 pour le fret et depuis 2017 pour le transport de voyageurs entre Riyad et la gare de Al-Jouf (située à 50 km au sud-ouest de Sakaka). La ligne destinée aux voyageurs est longue de 421 km. Les différentes lignes et antennes pour le fret forment un réseau d’environ 1800 km, reliant les mines de bauxite et de phosphate, au nord, et la côte du golfe Persique, au sud-est.
Notons que cette ligne est équipée intégralement du système de sécurité ferroviaire ETCS dans sa deuxième version, ce qui en fait la plus longue ligne équipée de ce système au monde.
Enfin et surtout, la LGV (ligne à grande vitesse) Haramain, longue de 449 km, relie La Mecque et Médine via Djeddah. Elle a été mise en service en 2018.

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