La fusion PO-Midi en 1934 : qui a gagné, qui a perdu ?

C’est une curieuse histoire. Un mariage d’amour rural style « Le bonheur dans le pré» entre deux compagnies faites l’une pour l’autre et éperdument amoureuses dès le premier regard ? Pas vraiment. Il y a une sombre histoire d’argent là-dessous, et aussi il y a une République Française qui tient à ne pas en perdre trop avec son réseau de l’État, d’une part, et à récupérer gratis une importante ligne bretonne qui lui avait échappé un siècle plus tôt quand le réseau privé du PO s’en empare au détriment du réseau de l’Ouest qui, en faillite, échouera dans l’escarcelle de l’État. L’argent, cela va et vient, et l’amour aussi, même dans le domaine ferroviaire.

Quelques années à peine avant la création de la SNCF, en 1938, se joue le dernier acte de la longue création des réseaux français qui débouchera sur une nationalisation. Ce dernier acte se prépare en 1933 avec l’échange imposé au PO de céder sa ligne de Bretagne (Savenay-Landerneau) au réseau de l’État, puis se prolonge en 1934 par la fusion du Chemin de fer de Paris à Orléans avec la compagnie du Midi. Le tout donne un important réseau, le PO-Midi, qui dessert l’ensemble du grand Sud-Ouest de la France.

Deux ans plus tard, au cours de l’été de 1937, la question de la nationalisation du réseau ferré français, à l’ordre du jour parlementaire depuis 1878, sera subitement résolue : le Front Populaire prendra rapidement la décision.

Comment la partie d’échecs se fait en quatre coups. L’opération s’est étalée dans le temps, et a été murement réfléchie, au moins du côté du PO, le Midi ayant vécu la partie sous la contrainte. Sur le terrain, et ce n’est pas porté ici, le PO ne perdra que sa chère ligne de la Bretagne sud qu’elle devra céder, en 1933, au réseau de l’État. L’État (le vrai, c’est-à-dire la République, pas le réseau ferré) fermera les yeux, en contrepartie, sur les appétences que le PO ne peut plus cacher en ce qui concerne le Midi.

Le paralytique et l’aveugle, en quelque sorte.

Ce nouveau grand réseau du PO-Midi aura demandé presque un siècle pour sa constitution définitive. Longtemps formé de deux réseaux distincts, le Paris-Orléans, d’une part et le Midi, d’autre part, sa fusion tardive réalisée pour le 1ᵉʳ janvier 1934 ne fait que juxtaposer deux réalités techniques devenues très différentes sur le terrain. Cet acte aurait dû, comme pour les réseaux de l’Ouest et de l’État en 1909 par exemple, forger un destin unique bien plus tôt, au moment où un certain nombre de grands choix étaient à faire. Ces grands choix auront tellement tardé qu’ en 1937 et non résolus, ils sont tous devenus inéluctables et la SNCF se doit d’être créée dans l’urgence, en quelques mois de travail d’une commission menée par René Mayer sous l’égide du Front Populaire.

Le PO, un réseau créé au coup par coup.

C’est vrai que la ligne de Paris à Orléans, ouverte en 1843, est celle qui fonde le réseau qui porte son nom et le conservera, et l’ensemble des grandes lignes de la Compagnie ne sont, sur le terrain, que des prolongements à partir d’Orléans en direction du Sud-ouest, parfois par rachat, mais souvent par construction, ceci dans des conditions financières très difficiles.

La ligne PO de Paris à Bordeaux est intégralement en service dès 1853, celle de Paris à Clermont-Ferrand par Nevers en 1855, et peu avant la guerre de 1870, le réseau possède l’ensemble de ses grandes lignes desservant ou reliant entre elles les villes de Tours, de Limoges, de Brive, de Montluçon, d’Aurillac, et de nombreuses autres villes du Massif central. La liaison par trains directs de Paris à Toulouse (ville du réseau du Midi) est ouverte en 1884 par Cahors et Montauban au prix de grandes difficultés. Une ligne transversale de Bordeaux à Aurillac est ouverte en 1891. Le réseau compte 8 400 km de lignes lors de la fusion avec le Midi en 1934.

Le réseau du PO est très performant, notamment pour ses trains rapides à longue distance. Il est le premier utilisateur de locomotives type “Pacific” dès 1908.
Le PO est un réseau de belles grandes gares, comme celle de Limoges-Bénédictins, reconstruite en 1929.

Le Midi, un réseau fait pour le PO ?

Le réseau du Midi est un tout autre réseau, et a eu une histoire propre, faute d’avoir été intégré à temps dans le réseau du Paris-Orléans qui avait pour vocation de desservir que ce qu’on n’appelle pas encore « le grand Sud-Ouest ». Situé au sud de la Garonne, dans le triangle délimité par ce fleuve et les Pyrénées, ce réseau est le seul des grands réseaux français à être à vocation régionale, ce qui, dans une certaine mesure, fait de lui un réseau dont les dimensions et l’organisation seraient idéales pour illustrer la vision européenne actuelle !…

C’est en 1852 que naît la Compagnie du Midi et du Canal latéral à la Garonne, suivie de la construction d’importantes voies ferrées entre Bordeaux et Sète, Narbonne et Perpignan, Bordeaux et Bayonne, lignes ouvertes de 1854 à 1858. La gare de Bordeaux-Saint-Jean est le point central du réseau.

Locomotive type 120 pour trains express du réseau du Midi dans les années 1860-1890.
La gare de Belvèze, sur le réseau du Midi, au début du XXe siècle.

Les années 1860 à 1890 sont celles de la construction difficile et audacieuse des lignes Midi vers les Pyrénées et le Massif central, faisant de ce réseau à fortes rampes un recordman français, avec des valeurs courantes de 30 ou 40 pour mille, largement dépassées sur certaines parties de la ligne. Les grands raccordements avec le PO, le PLM, et les Transpyrénéens en direction de l’Espagne sont terminés entre les deux guerres. Au moment de la fusion avec le Paris-Orléans, le réseau compte 4 313 km de lignes.

Le Midi ? Ce sont de magnifiques gares dont beaucoup sont toujours présentes, heureusement, comme l’emblématique gare Saint-Jean.
D’autres belles grandes gares Midi, comme celle de Toulouse-Matabiau, prennent rapidement une importance nationale par la qualité de leurs relations à longue distance. Ici cette gare est vue vers 1903, et le trafic est déjà très dense. Le bâtiment-voyageurs est en cours de reconstruction et sera inauguré en 1905, chef-d’œuvre de l’architecte Marius Toudoire.

Le Midi voulait « monter » à Paris.

Cette fusion aura, pour le moins, un aspect positif : celui de répondre à un très ancien désir du Midi, mais, paradoxalement, le Midi disparaît dans l’accomplissement même de son vœu…. Toujours prisonnier dans son sud-ouest, le réseau du Midi étouffe et aimerait bien se glisser en direction de Paris, seul et sans fusion, entre les géants peu accommodants que sont le PO et le PLM.

D’où vient ce désir ? Il peut apparaître comme normal et légitimement fondé dans un pays comme la France, très centralisé et où tout passe par Paris. Mais, il faut dire que ce désir a été motivé par le fait qu’il a presque été à la portée du Midi quand, en 1857, il reçoit une partie des restes d’un réseau mystérieux qui a existé de 1853 à 1857. Nommé le « Grand central » (voir l’article déjà consacré à cette aventure : taper « Lamming Grand Central» sur Google), ce réseau a été monté par Morny, le demi-frère de Napoléon III, et il a été axé sur une ligne Bordeaux – Lyon pour réunir le Massif central à l’Atlantique : bref, une vision transversale et non centralisée de la France, et qui est assez surprenante de la part d’un des grands dignitaires du Second Empire.

Sans aucun avenir économique, doté de lignes à faible trafic et à profil difficile, le « Grand central» est rapidement dépecé et partagé entre les réseaux voisins, le PLM, le PO, et le Midi. Le réseau du Midi, lui, hérite d’une ligne concédée prévue pour relier Béziers à Neussargues et dont il va se servir pour nourrir son ambition parisienne.

La gare de Béziers, au début du XXe siècle. Avec ses ateliers, elle jouera un rôle important pour la compagnie du Midi.

Le Massif central fait obstacle.

Mais, pour monter jusqu’à Paris, il faut conquérir le Massif central. Le Midi a déjà amorcé cette conquête en ouvrant les lignes de Carmaux à Albi (1867), de Castres à Albi (1869), de Millau à Séverac et à Rodez (1884). C’est à partir de Rodez que le Midi pousse sa tentative en direction du Nord la plus marquante, atteignant Neussargues en 1888.

Si la Pointe de Grave au nord de Bordeaux est, peut-être, le point le plus septentrional du réseau, Neussargues, presque à la même latitude, est le point extrême jamais atteint par le réseau en direction de Paris. Jouer la carte du Massif central n’est certes pas (ou plus) judicieux, mais le Midi n’a plus le choix. Ses concurrents ont déjà en mains les tracés faciles et rémunérateurs contournant le Massif central par l’ouest, pour le PO, ou par l’est et la vallée du Rhône, pour le PLM.

Le Midi doit donc aller droit en direction du nord et passer par des régions peu prospères, non industrialisées, incapables de fournir un trafic contribuant à la rentabilité d’une grande radiale. Cerise sur le gâteau : ces régions font, par leur relief et leur climat, obstacle à la construction et à l’exploitation d’une ligne dans des conditions financièrement et techniquement acceptables. Les travaux sont impressionnants, comme en témoignent encore aujourd’hui les viaducs de Garabit ou du Viaur, les plus grands de France.

L’évolution du trafic des réseaux français entre 1884 et 1937, d’après l’ouvrage de Pierre Dauzet, « Le siècle des chemins de fer en France 1821-1938 » paru en 1948, montre que le PO de même que le Midi sont les cancres de la classe, accompagnant le réseau de l’État qui ne vaut guère mieux. Les bons élèves sont le Nord (prix d’excellence et qui n’a jamais connu de déficit financier), l’Alsace-Lorraine, l’Est et le PLM qui sauve les apparences. La fusion PO-Midi ne serait-elle pas celle du paralytique et de l’aveugle de la fable de Claris de Florian ?
Toujours dans l’ouvrage de Pierre Dauzet, on peut constater que le PO et le Midi sont bons derniers en 1930, en matière de classement des réseaux français par kilomètres/voyageurs et marchandises. Le moins que l’on puisse dire est que la situation des deux compagnies ne laisse rien espérer de bon, même par une fusion.

En 1932 : le sud s’arrête à Neussargues.

Bien que possédant des locomotives de vitesse du type « Pacific », et des locomotives puissantes pour trains de marchandises lourds du type 240, le réseau du Midi songe à la traction électrique pour cette ligne difficile de Béziers à Neussargues. En effet il faut qu’elle soit rentable là où, en traction vapeur, elle ne le serait pas, vu son profil difficile. En outre, la traction électrique assurera un meilleur service en tête des lourds trains de marchandises prévus pour cette grande artère en direction de Paris. La caténaire 1500 v Midi atteint donc Neussargues en 1932.

Les vaillantes BB du Midi se jouent facilement du profil sévère en dents de scie de la ligne, affrontant rampes et pentes de 27, 30 ou 33 pour mille d’une façon continue. Toutefois, le miracle de la traction électrique arrive trop tard : le Midi se prépare déjà à sa fusion avec le réseau du PO qui sera effective en 1934 et qui lui ouvrira une voie royale vers Paris par Bordeaux, Angoulême, Poitiers, Tours.

L’électrification de la ligne est donc arrêtée et, aujourd’hui toujours, la caténaire s’arrête à Neussargues, et ceux qui ne connaissent pas les raisons historiques de cette situation se perdent en conjectures sur cette bizarrerie qu’est une ligne électrifiée s’arrêtant dans une gare perdue dans une magnifique région de montagne, certes, mais quelque peu « nulle part ailleurs…» Le Midi a perdu la partie.

La gare de Neussargues, mise en service en 1866 et vue, ici, en 1930. Une “vue panoramique”, certes, mais le “panorama” en question est presque totalement rural.

Ce que le Paris-Orléans perd et gagne.

Les très rares documents d’époque, comme les ordres du jour que la direction du Paris-Orléans émet, et qui sont reproduits ci-dessous, montrent que le réseau commence, avec l’ordre 3210, par faire le décompte des pertes : la compagnie a été, selon ses propres mots « très vivement sollicitée de céder au réseau de l’État l’exploitation de la ligne de Savenay à Landerneau et de ses embranchements », et que le réseau « n’a pas cru possible de s’y opposer », d’après le Bulletin PO de septembre 1933. Ensuite, l’ordre 3211 du même réseau Paris-Orléans annonce la fusion avec le réseau du Midi. Les deux événements sont bien liés, en dépit des apparences.

Mais qu’est ce que le PO allait faire en Bretagne ?

Ce n’est pas évident, pour le lecteur d’aujourd’hui, de comprendre pourquoi une affaire bretonne vient permettre une fusion qui concerne le sud-ouest de la France. Nantes ou Landerneau ne sont pas vraiment des villes occitanes et n’ont pas une vue directe sur les Pyrénées, tandis que la langue bretonne ou gallo n’a rien à voir avec celle du pays basque !

Cette histoire vient de la lutte entre la compagnie primitive de l’Ouest qui, lors de sa conquête de l’ouest et la construction de la ligne de Paris à Brest, veut protéger son territoire et celle du PO qui veut l’envahir par le sud en occupant la vallée de la Loire. Pour occuper le terrain convoité par le PO, l’Ouest va décaler en direction du sud sa ligne en choisissant de la faire passer par Le Mans au lieu d’Alençon. Notons que cette dernière ville est aussi importante que Le Mans à l’époque alors que, aujourd’hui, grâce au chemin de fer, le Mans est une agglomération dont la population et le développement sont environ 10 fois ceux d’Alençon ! 

Pour en revenir à la lutte des origines, le PO a pu réussir à longer la Loire, à toucher Tours et Nantes et pousser jusqu’à Lorient, Quimper et même Landerneau, et à faire que ces villes aient plusieurs gares (voir notre article déjà paru sur la ligne Paris-Brest). Par exemple, en 1860, la compagnie de l’Ouest a seulement atteint Rennes, mais celle du PO a dépassé Saint-Nazaire : la course fait rage.

En 1865, cette carte du réseau français montre que les dés, non pipés ou presque, sont jetés très tôte : le PO (bleu clair) a pu rapidement toucher Le Mans, Pontivy et Landerneau. On remarquera que, faute de financement sans doute, la ligne Paris-Brest est à voie unique au-delà de Rennes : la compagnie n’espère pas un trafic mirifique de la part de la Bretagne.

L’état (c’est-à-dire l’état-nation) rachète l’Ouest en 1909 et l’ajoute à son propre réseau ferré dit de l’État, mais aura à cœur de reprendre ce qui lui paraît être son dû initial, et le fera en 1933.

Donc, en 1933, l’imbroglio breton entre les lignes État et PO est dénoué, le PO est « autorisé » à faire sa fusion avec le Midi. Le tout est présenté comme une banale et innocente « communauté d’intérêt financière, commerciale et technique » laissant « intacte la personnalité juridique et financière de chaque compagnie » qui garde donc son conseil d’administration et ses comptes.

L’accord est valable pour cinq années, par tacite reconduction. Le personnel des lignes concernées par les circulations entre les deux réseaux conserve son statut et ses acquis. Un Comité commun est créé, avec six délégués PO et quatre délégués Midi, et assurera l’exploitation commune des deux réseaux, la direction du Comité étant assurée par un directeur issu alternativement de chaque réseau.  La création de la SNCF dès 1938 mettra fin à cet accord.

Ce que le PO gagnera sera la permission d’oublier l’existence de sa gare bordelaise des origines, peu remarquée dans la belle ville qu’est Bordeaux. C’était une vague imitation de la gare de l’Est à Paris, modestement construite sur le quai Quetriès, sur la rive droite de la Garonne, sous le nom de « Bordeaux-Bastide ». Des trains PO pénétrant directement en terrain conquis, à la gare St-Jean, c’est quand même tout autre chose…
La situation, peu commode, de la gare du PO à Bordeaux. Celle de la gare de l’État, dite « Bordeaux-Deschamps », n’est pas plus enviable. La création de la SNCF mettra enfin de la cohérence dans la situation complexe des gares de Bordeaux.
La perte la plus dure pour le PO est sa ligne de Bretagne, ouverte à grands frais dès 1862. Lors de la construction des premières grandes lignes françaises, on trouve en première ligne un PO fermement décidé à ne pas laisser la Bretagne entre les mains de la compagnie de l’Ouest. Les gares de Lorient (en haut) ou de Nantes (ci-dessus) et toutes celles de la ligne de Savenay à Landerneau deviendront, en 1933, des gares État. Des arrangements locaux ont fait que l’État a pu pénétrer dans la gare PO de Tours, et que le PO a pu pénétrer dans la gare État du Mans.

Le point de vue du PO avec le texte de l’article paru dans le « PO Illustré ».

Voici le texte tel qu’il a été publié :

« Le Parlement vote le 8 juillet 1933 une loi approuvant l’avenant à la convention du 28 juin 1921 conclu, à la date du 6 juillet dernier, entre les grands Réseaux et État.

L’avenant du 6 juillet 1933 comporte des mesures d’ordre administratif, des mesures d’ordre financier et des mesures concernant l’exploitation. Nous ne retiendrons ici que les dispositions susceptibles d’intéresser plus particulièrement les lecteurs du « P.O. Illustré » la cession au Réseau de l’État de l’exploitation de la ligne de Savenay à Landerneau et de ses embranchements, la fusion des Réseaux P.O et du Midi, la prime de gestion.

L’enchevêtrement du Réseau de l’État et du Réseau d’Orléans peut frapper le lecteur superficiel d’une carte des grands Réseaux français. En fait, comme on le sait, des ententes entre le Réseau de l’État et le nôtre ont paré aux conséquences préjudiciables possibles de cette situation : mise en fusion des Dépôts et des Entretiens, échanges de traction, organisation de trains évitant les concurrences, etc.

Pour prolonger ces ententes et en vue de faciliter la réalisation des solutions générales que comportait l’avenant du 6 juillet, la Compagnie d’Orléans, très vivement sollicitée de céder au Réseau de l’État l’exploitation de la ligne de Savenay à Landerneau et de ses embranchements, n’a pas cru possible de s’y opposer.

Aux termes de l’accord intervenu entre la Compagnie d’Orléans et l’Administration des Chemins de fer de l’État, le personnel en service du Réseau d’Orléans sera muté au Réseau de l’État. Toutefois, des mesures de transition seront prises pour préserver les droits acquis. Il sera notamment tenu compte, dans la mesure des possibilités et des vacances, des demandes des agents qui voudraient rester ou revenir à leur Réseau d’origine.

À partir du 1ᵉʳ janvier 1934, les recettes et les dépenses relatives aux lignes dont l’exploitation est cédée au Réseau de l’État entreront dans les comptes d’exploitation de ce Réseau. Les charges de dépenses d’établissement afférentes à ces lignes seront remboursées annuellement à la Compagnie d’Orléans par le Réseau de l’État, au moins jusqu’à amortissement en ce qui touche le matériel roulant. Les approvisionnements seront repris à leur prix de revient.

La Compagnie d’Orléans s’est aussi rapprochée plus étroitement de la Compagnie du Midi et a conclu avec elle un accord instituant, dans le cadre de la Convention de 1921, une communauté d’intérêts financière, commerciale et technique entre les deux Compagnies justifiée par la situation géographique de leurs lignes, la solidarité d’une partie de leur trafic et de leurs relations avec l’Espagne, l’Algérie et le Maroc.

La communauté projetée laisse intacte la personnalité juridique et financière des deux Compagnies; chacune d’elles continuera à avoir son Conseil d’administration propre, ses comptes de premier établissement et d’exploitation et conservera sa propre représentation au Comité de Direction ainsi qu’au Conseil Supérieur des Chemins de fer.

Des contrats d’exploitation seront établis pour régler la mise en commun des recettes et des dépenses dont la répartition sera assurée au moyen de forfaits de manière à gérer en commun tout ou partie de l’ensemble des Réseaux. Ces accords, conclus pour une durée de cinq ans, seront renouvelables par tacite reconduction,

En vue de la mise en œuvre de la communauté projetée, il sera créé un Comité commun composé de six Administrateurs de la Compagnie P.O, de quatre Administrateurs de la compagnie du Midi ; la présidence du Comité sera exercée alternativement et par période de trois ans par le Président de chaque Réseau. La Direction de Organisme chargé de l’exploitation commune des deux Réseaux sera confiée aux Directeurs des deux Compagnies agissant l’un comme Directeur général, l’autre comme Directeur général adjoint.

Il ne sera pas touché aux droits acquis du personnel. Le personnel des Services non fusionnés demeurera en principe attaché à son réseau d’origine avec les avantages propres à son statut. Il pourra, s il le désire, être détaché à titre permanent dans l’autre Réseau. Le personnel nouveau recruté sera interchangeable et recevra un statut commun. Il s’agit, comme on le voit, d’une association de gestion et d’intérêts des deux Compagnies qui permet d’espérer la réalisation de simplifications, d’améliorations et d’économies progressives.

La prime de gestion, telle qu’elle a été instituée par la convention de 1921, a subi depuis Iors une sensible diminution due à la dévalorisation de la monnaie, d’une part, et d’autre part, à la baisse des recettes et à la concurrence des autres moyens de transport. La diminution a été pour 1932 de 78% par rapport à 1929.

Dans ces conditions, il a paru nécessaire au Gouvernement et aux Grands Réseaux de modifier la formule actuelle de la prime de gestion.

La nouvelle prime comprend trois éléments : le premier, qui est fonction du développement des recettes, représente une fraction des recettes brutes de toute nature de I exercice, augmentées du montant de I impôt sur les transports et intéresse par là-même les Réseaux au développement du trafic. Le second représente 1% de la différence entre les recettes (impôt non compris) et les dépenses de l’exploitation de l’exercice. Le troisième est fonction du résultat de l’exercice. c’est-à-dire de la différence entre les recettes d’une part, et l’ensemble des dépenses d’exploitation et des charges financières.

La nouvelle prime ne pourra, aussi bien pour les Réseaux que pour leur personnel, être inférieure, en tout état de cause, aux primes correspondantes calculées d’après la formule de la convention de 1921. La prime du Réseau et la prime du personnel seront désormais égales ; la prime des cinq Compagnies pourra, seule, subir des écrêtements qui seront versés au fonds commun.

Cette nouvelle formule de prime ne sera attribuée aux Réseaux et au personnel qu’à partir de l’exercice où l’insuffisance de l’exploitation globale des Réseaux aura été réduite de 1 milliard par rapport à celle de l’exercice 1932. Toutefois, chaque Réseau aura droit à la nouvelle prime. aussi bien pour lui-même que pour son personnel, à compter de l’exercice pour lequel son insuffisance propre sera réduite, par rapport à celle de 1932, d’un pourcentage de la somme de 1 milliard précitée égal au pourcentage de son insuffisance propre en 1932 dans l’insuffisance globale des Réseaux pour le même exercice, même au cas où la réduction totale prévue pour l’ensemble des Réseaux ne serait pas intégralement réalisée. La nouvelle formule de la prime de gestion permet mieux que la précédente de tenir compte aux Réseaux et au personnel de leurs efforts pour améliorer les conditions d’exploitation et réaliser les économies qu’exigent les. circonstances actuelles. La prime du personnel aurait été avec la nouvelle formule de 7.378.000 francs en 1932 au lieu de 3.785.000 francs. L’Assemblée Générale extraordinaire des actionnaires de la Compagnie qui s’est tenue le 14 septembre dernier a approuvé les dispositions de l’avenant du 6 juillet 1933.»

Le fameux « Ordre du jour 2311» signifie l’amère victoire du PO qui perd, sans le mentionner, sa “Bretagne sud”.
Qui se souvient aujourd’hui du réseau du Midi ? Pas un voyageur actuel, client des TGV Paris-Bordeaux et passant dans la gare de Bordeaux-Saint-Jean, n’a un regard pour cette magnifique et ancienne carte du réseau, toujours présente sous la forme d’une grande fresque, dans la salle des pas perdus.
La création de la SNCF ne changera rien sinon que le nom du réseau PO qui deviendra la région Sud-Ouest. Carte scolaire des années 1950.
Document SNCF datant des années 1950. On remarquera l’importance des réseaux secondaires privés qui survivent, comme celui des Landes (voir notre article sur ce réseau : taper “Lamming Landes” sur Google) ou du PO-Corrèze et du Blanc-Argent, ces deux derniers étant en voie métrique.

L’avis de Luc Fournier sur la question.

Luc Fournier, auteur très réputé en matière d’histoire des chemins de fer, a bien voulu nous dire ce qu’il pense de cette fusion PO-Midi :

“Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’était un mariage de raison et même, un mariage contrarié vu que le Midi n’en voulait à aucun prix, préférant rester dans son isolement plus ou moins splendide, surtout depuis qu’il était devenu le réseau sur lequel s’expérimentaient les nouvelles technologies.

La mise à l’étude des 2D2 E 4800 s’explique en partie, selon moi, par la volonté du Midi, en cas de fusion, d’imposer son modèle de machine de vitesse, permettant de poser sa marque dans le domaine prestigieux de la traction électrique à grande vitesse. On sait que ce fut un échec.

La fusion entre le P.O et le Midi aurait dû intervenir, toujours selon mon opinion, de manière concomitante au rachat de l’Ouest en 1908. On sait que certains parlementaires, à l’époque de ce rachat, ont milité en faveur du rachat et de l’Ouest et du Midi. Le journal “l’Assiette au beurre” y fait même référence. C’est le ministère des Finances qui s’est opposé, à l’époque, au rachat du Midi (il fallait ménager les deniers publics), d’autant plus que ce réseau avait proposé un plan d’économies et présentait, depuis deux ans, une amélioration de son bilan. 

En revanche, il aurait peut-être été raisonnable, à défaut de rachat du Midi, d’inciter à sa fusion avec le Paris-Orléans. Sans doute, des influences politiques ont dû jouer contre un tel projet qui allait pourtant dans le sens d’une certaine logique administrative, financière voire technique, les deux compagnies possédant, depuis le début du XXème siècle, des séries très proches (221, 230, 231, etc…)”.

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