Trains-jouets : Hornby, une « Etoile du Nord» plutôt « Etoile de l’État » ?

Le train « Étoile du Nord » tel qu’il apparaît, entouré des personnages et signaux de type français produits dans l’usine de Bobigny. Dommage que cette « Pacific » soit réduite au type 221, perdant ainsi un essieu moteur par rapport au type 231 réel.

L’« Étoile du Nord” ? C’est le dernier grand train chez Hornby en France. C’est sans nul doute le plus beau train jouet jamais fabriqué par la firme britannique dans son usine française de Bobigny, répondant à une longue et ancienne attente de la part des services commerciaux qui sentaient la lassitude du public français devant des modèles traditionnels devenus obsolètes à la fin des années 1930 où le train caréné est désormais à la mode. Mais, ce train comporte aussi une part de mystère : quel train réel l’a inspiré ?

Mais, d’abord, qui est Hornby et quelle est l’aventure de sa marque de trains-jouets ? Né en 1862 à Liverpool, Frank Hornby est un homme simple, et, dans un petit atelier de Liverpool, il se consacre à la mécanique, et se passionne, entre autres, pour la création du mouvement perpétuel. Il s’intéresse peu à peu aux jouets mécaniques qu’il construit pour ses enfants et dépose, en 1901, le brevet du fameux jeu « Meccano » qui sera son grand succès mondial et fera de lui un homme fortuné et célèbre. La création des trains Hornby en 1920 et des « Dinky Toys » en 1933 parachèveront son œuvre. Élu membre du Parlement britannique en 1931, il s’attache à protéger la jeunesse et à promouvoir, auprès d’elle, la culture scientifique et technique. Grand voyageur, il fait le tour du monde. Il installe des filiales en France et aux États-Unis, pays dans lesquels il croît beaucoup. Il meurt le 21 septembre 1936, à Liverpool, des suites d’une opération.

Le carénage : les ingénieurs ne sont pas dans le vent.

Puisque les carénages sont à la mode américaine, les ingénieurs européens doivent se plier aux exigences des dirigeants des réseaux, mais, il faut le dire, avec un enthousiasme mitigé et des convictions bien tièdes : le carénage est surtout une gêne pour les opérations d’entretien, et occasionne des chauffages dans le mouvement par suite de la diminution de la ventilation naturelle effectuée pendant la course. Mais, puisqu’il le faut, les ingénieurs du réseau du Nord font des essais en soufflerie en 1935 à l’Institut Aérotechnique de Saint-Cyr sur une maquette au 1/10ᵉ d’une « Pacific » 3.1200. Devant les résultats malgré tout intéressants obtenus en matière de moindre résistance à la pénétration dans l’air, un carénage est réalisé en grandeur nature, sur la Pacific 3.1280, aux ateliers de la Chapelle dans le courant de 1936. En ligne, cette locomotive ne révèle aucun avantage particulier, sinon une légère économie de combustible. Cependant, aux ateliers, elle révèle bien des inconvénients avec l’impossibilité d’accès à certaines parties, l’obligation d’ouvrir des trappes de tôle et de travailler avec ces trappes ouvertes qui gênent les gestes des ouvriers des ateliers. En fin de compte, cette locomotive restera unique dans son genre. Toutefois, pour les 8 locomotives type 232 des séries R, S et U, il y aura bien un carénage partiel, mais très discret, se limitant au tablier de la locomotive, et laissant bien dégagés les mécanismes moteurs, l’embiellage, et le corps cylindrique.

La locomotive type « Pacific » carénée Nord N°3.1280 : plutôt à la mode (américaine) que perfectionnée par la présence d’un carénage, semble-t-il, d’après les résultats obtenus sur le terrain….

Le train caréné des souverains britanniques : meilleur à chaque voyage…

Cette locomotive 3.1280 remorque, le 11 Octobre 1936, le train spécial Paris-Dunkerque-Paris de la visite des souverains britanniques composé de voitures de la Compagnie du Nord, de la Compagnie des Wagons-Lits et du « Southern Railway », pour l’inauguration du nouveau Ferry-Boat. Mais leurs majestés semblent apprécier le sol français et reviennent le 19 juillet 1938. À nouveau, elles utilisent un train caréné avec la même locomotive, mais, cette fois, le tout peint en un magnifique bleu sombre pour assortir l’ensemble du train à la couleur des voitures de la CIWL déjà incorporées dans le train. Dommage que leurs Majestés ne soient pas venues une troisième fois en France : quel train aurions-nous pu admirer ? Les belles choses royales ont toutefois une existence éphémère et, peu après 1938, la compagnie du Nord repeint la locomotive 3.1280 dans le chocolat classique de la compagnie, et, sans doute peu avant la Seconde Guerre mondiale, retire le carénage qui ne manque pas de poser des problèmes de maintenance dans les ateliers.

Le 19 juillet 1938, le train royal utilisé par les souverains britannique lors de leur visite en France. Il est composé de voitures CIWL, donc déjà bleues, et de voitures Nord repeintes dans le même bleu pour la circonstance.
Les nombreux badauds qui, à l’époque, n’ont pas encore la télévision pour tuer le temps, se précipitent à la gare de l’avenue Foch pour voir le train royal britannique.

Hornby cherche un beau train, et le fait.

Cherchant à réaliser un train haut de gamme pour remplacer la « Flèche d’or » et le « Train bleu » qui commencent à accuser leur âge. Ces deux trains, avec leur locomotive type 221 et leurs voitures à bogies d’inspiration CIWL, sont apparus en 1926 : ils ont donc une carrière déjà longue, puisque dépassant la décennie. C’est alors que la filiale française de la firme Hornby choisit la locomotive carénée que les Souverains britanniques ont utilisée en 1936 lors de leur voyage en France, et qui est une « Superpacific » Nord type 3-1200 (N°3.1280) dont elle compte tirer une version jouet. Il faut dire que, dans la maison d’en face, JEP frappe très fort à coup de carénées, les déclinant par tailles décroissantes comme des casseroles selon la tradition de la firme, faisant des versions pour toutes les bourses. Il faut réagir, et vivement.

Hornby a, par rapport à son grand concurrent JEP, une bonne année de retard : JEP a mis sur le marché sa grande locomotive carénée type 222 dès 1937, et l’ensemble de sa gamme de carénées pour 1938. En 1939, Hornby n’a encore rien à proposer, et l’année démarre avec, comme trains haut de gamme, les anciens mais très respectables « Flèche d’or » et « Train bleu ».

Les anciens trains classiques de Hornby forment le haut de gamme des catalogues des années 1920 et 1930. Les dessins sont souvent approximatifs : comparer les deux foyers de la chaudière des locomotives Train Bleu et Flèche d’Or qui devraient être identiques. Les lourdes voitures, avec bogies « compensés » et soufflets, série N°3 Hornby sont, à notre avis, les plus belles de l’histoire de la marque.
Toujours, sur les catalogues Hornby des années 1920 et 1930, un petit nuage de vapeur vient, fort opportunément, masquer le premier essieu moteur d’une vraie 231 pour ne pas trahir son absence sur le jouet qui est du type 221.
Le coffret Hornby « Étoile du Nord » tel qu’il apparaît en 1939, ou presque, car ici, il s’agit d’une version d’après-guerre. Hélas, les roues motrices de la locomotive gâchent le tout.

Une locomotive esthétiquement réussie.

Ouvrons un coffret Hornby « Étoile du Nord ». La locomotive-jouet est très réussie : il ne s’agit nullement d’une maquette, certes, mais bien d’un très beau jouet. La ligne de la 3.1280 est très bien rendue, et la couleur est assez exacte, avec, en prime, une bonne reproduction du dessin des « ailes » décorant la porte de boîte à fumée à l’avant du carénage – mais ce sont les « ailes » du voyage de 1936 dont le marquage Nord a été remplacé par un marquage SNCF. Le tender est bien proportionné et cache astucieusement ses bogies récupérés sur les antiques tenders de 1926.

Hélas, Hornby persiste dans une erreur qui est de faire des économies là où, vraiment, il n’en faudrait pas sur un train de luxe : le nombre de roues et leur dimension. Utilisant la platine courante des modèles de gamme moyenne qui comprend seulement quatre roues motrices ( et pis encore : de petit diamètre), Hornby produit donc une locomotive du type 221. Erreur d’autant plus mauvaise pour Hornby que, dès 1926, LR a sorti une vraie Pacific à 12 roues type 231 pour son train « Flèche d’or » et, dès 1928, JEP sort, pour le train ayant le même nom, une locomotive avec une platine à 6 roues motrices donnant d’abord une 230, mais permettant le passage facile au type 231 par la simple adjonction d’un bissel. Hornby, à l’époque, fait triste mine avec son train « Flèche d’or » remorqué par une 221, et, dix ans plus tard, la leçon n’a toujours pas été comprise… Chez Hornby, seul le marché britannique bénéficiera d’une vraie Pacific à 12 roues avec la « Princess Elizabeth ».

Un montage infographique effectué par l’auteur de ce site-web donnant un aperçu de ce que Hornby aurait du faire: une « vraie » Pacific 231 avec trois essieux moteurs, grandes roues, embiellage complet, et de « vraies » voitures allégées Etat A8 avec 8 fenêtres au lieu de 6. Le train a une toute autre allure !

La locomotive Hornby du train « Etoile du Nord » : des détails techniques à connaître.

Avec le regretté collectionneur et grand érudit qu’était Jean-François Guy, nous avons étudié cette locomotive par le détail il y a quelques années. Le mécanisme moteur à flasques en laiton est caractéristique des locomotives fabriquées avant-guerre chez Hornby, et il  n’a plus été fabriqué pendant et après la guerre (le laiton étant introuvable et réservé aux engrenages, quand ils n’étaient pas en acier chez Hornby ou en alu chez LR, ou chez Fournereau…). Le mécanisme moteur laiton est bien d’origine : toutes les vertes que Jean-François Guy a vues en étaient munies. Mais si on les examine bien, il diffère du moteur N°1 classique par l’encoche en arc de cercle et les deux oeillets pour la manette d’inversion manuelle, en haut d’un des flasques, identique à celle qu’on retrouve sur les moteurs N° 0.

Le vernis de cette locomotive est également caractéristique d’avant-guerre. Les locomotives vernies du train « Étoile du Nord » ont bien été produites de fin 39 à mi (ou fin) 40, avec leur fente horizontale pour la manette de l’inverseur. Seules les locomotives de couleur marron  (non vernies, fente horizontale) ont dû ressortir en fabrication de 1948 à 1950. D’ailleurs, les locos mentionnées dans les feuilles publicitaires de 1948  à 1950 sont à inversion automatique : il ne peut s’agir des vertes. Et si elles avaient été produites après-guerre, elles seraient moins rares, car on voit un certain nombre de locos de couleur marron (non vernies) avec la fente horizontale, datant de cette époque. En 1951 et 52, elles sont absentes, et réapparaissent sur le fascicule sépia destiné aux détaillants pour avril 1953, avec la mention « reprise de fabrication ”…« nouveau moteur à renversement de marche automatique entièrement modernisé”. C’est le modèle avec bielles vissées et fente en arc de cercle, inverseur à tambour et non plus à galettes.

Il aurait même existé une version mécanique de cette locomotive, si l’on se fie à cette publicité Hornby (en bas, juste au-dessus du passage à niveau), ou, du moins, un projet de locomotive mécanique non réalisé. On voit bien, sur la platine standard, la fente courbes de l’inverseur de marche mécanique des locomotives Hornby traditionnelles.

Des « saucissons » dans lesquels on a tranché…

Passons aux voitures. Les voitures «État» de Hornby sont assurément très attirantes. Les couleurs sont très belles, bien dans la grande tradition Hornby, avec une caisse verte rehaussée par des filets dorés et un toit ivoire magnifique. Le roulement est impeccable, et ces voitures ne déraillent pas. Toutefois, elles souffrent d’un raccourcissement exagéré qui, s’il ne choque pas les yeux d’un enfant peu au courant du respect de l’échelle à la manière des modélistes, donne à ces voitures Hornby un véritable coup de vieux quand JEP, à son tour, les produit en « 00 »  et pour une longueur presque voisine malgré la différence d’échelle.

Le modèle Hornby en «0» a une longueur de 31 cm, contre 23 cm pour la JEP en «00». La transposition de la voiture réelle en « 0 » donnerait une longueur de 53 cm environ : la voiture Hornby est donc beaucoup plus raccourcie que la JEP et, une fois que la voiture JEP paraît sur le marché en 1948, la Hornby a l’air très pataude. Un autre défaut frappe la Hornby d’obsolescence : les 6 fenêtres au lieu du minimum de 8 si l’on respecte la A8 réelle – chose que JEP fait scrupuleusement au moins par le nombre de fenêtres en « 00 » – mais, c’est vrai, un nombre de fenêtres exact n’était nullement dans la « déontologie » des fabricants de jouets des années 1930.

La voiture est une mixte 1ʳᵉ/2 classe placée à deux exemplaires dans le coffret. Ce choix comme seule voiture jamais reproduite est discutable : dommage que Hornby ait fait des économies de lithographie et n’ait pas proposé au moins une voiture de première et une de seconde, ce qui permettait de réellement composer des trains en achetant des voitures supplémentaires.

Une dernière curiosité est la présence d’une porte ouvrante au lieu de deux par face, la porte se trouvant toujours à l’extrémité droite quand on regarde une face latérale. Une bien mesquine économie… Ne parlons pas des fabuleux soufflets, qui ont tant fait le charme des voitures Hornby des années 1920 et 1930, et qui n’existent plus, tout comme les vitrages, naïfs certes, mais qui créaient leur part de rêve : bref, tous les attributs des anciennes voitures Hornby n’ont pas été reconduits sur cette nouvelle voiture qui reste, techniquement, assez dépouillée.  En revanche, une des extrémités est munie d’une lanterne à mica rouge, qui, illuminée par l’éclairage prévu pour s’insérer par le trou du pivot de bogie est du plus bel effet. C’est une première chez Hornby, qui sera renouvelée sur la voiture mixte-fourgon de 1954.

Ceci dit, le train plaît énormément aux enfants des années 1950. Son prix assez élevé le rend hors de portée : il coûte 15.750 fr en 1953, soit presque 10 fois le prix d’un train « Express » de base (très sommaire, c’est vrai) ou 5 fois le prix d’un train « M » et deux fois, environ, le prix des trains électriques courants.

Coup d’œil de près sur les voitures « Étoile du Nord » avec la portière fixe lithographiée à une extrémité et ouvrante à l’autre. Bécassine, personnage Hornby notoire à l’époque (que les Bretons nous pardonnent) attend la vaine ouverture de la porte ! Le paysan en blouse noire et à parapluie rouge, autre personnage connu, en fait autant.

Hornby s’est-il trompé de locomotive … ou de voiture ?

Une fois le moment d’admiration passée, on se rend à une certaine évidence si l’on visite les gares du Nord et St-Lazare à l’époque : Hornby a placé derrière sa locomotive Nord des voitures inspirées de celles dites « allégées » du réseau de l’État dont on se demande ce qu’elles font là – si nous sommes, bien sûr, sur le réseau du Nord.

Le choix de voitures État placées derrière une locomotive Nord ne peut manquer de surprendre. Pour nous – et c’est une supposition – Hornby visait bien un train État en une première étape, un train État pur et cohérent, à 100 %, et utilisant les fameuses voitures allégées qui, à l’époque, sont omniprésentes dans la presse spécialisée ou grand public. D’ailleurs, la firme est fidèle à ce réseau – peut-être par le fait d’une certaine anglophilie qui y règne et qui se sent jusque dans le choix des locomotives et des fournisseurs.

Mais la perfide Albion, ou plutôt ses monarques, en venant en France pour leur deuxième voyage le 19 juillet 1938, vont brouiller les cartes en utilisant un train peint en bleu composé de voitures classiques du réseau Nord plus quelques voitures CIWL. Quelle locomotive remorque ce train ? La locomotive carénée Nord 3.1280 (cette fois peinte en bleu), puis, à partir de la gare Saint-Lazare, la locomotive carénée État 231-761 prenant le relais de la Nord sur la petite Ceinture de Paris. Les deux locomotives sont très semblables, que ce soit dans leur silhouette générale comme dans le dessin de leur avant, comme le montrent les clichés d’époque illustrant cet article. Elles sont, à un instant donné, l’arrivée en gare Saint-Lazare qui marque l’apogée de la première journée du voyage, côte à côte dans la même gare, l’une s’apprêtant à prendre le relais de l’autre.

La locomotive carénée N°761 du réseau de l’État: esthétiquement elle est très proche de celle du réseau du Nord.
La locomotive État N°761 en service, vue à l’époque.
La locomotive N° 3.1280 Nord, vue sur la 4ᵉ de couverture du catalogue 1953 qui reprend un cliché SNCF très connu, pourrait être confondue avec celle de l’État : Hornby saura jouer sur cette ressemblance pour « transformer », avec un peu de peinture et des sérigraphies, son modèle État en modèle Nord in extremis.

Sans aucun doute, la locomotive Nord est plus médiatique (Le Nord sait faire…), et fait de l’ombre à celle de l’État. On peut supposer que cette célébrité fera faire une révision du projet dans les bureaux d’études de Hornby qui décide de faire passer sa locomotive de l’État au Nord, en lui adjoignant le « cinéma » caractéristique de ce dernier réseau et sa couleur chocolat. Aucune autre retouche n’est nécessaire pour la locomotive, vu la quasi-similitude des formes, toujours très simplifiées quand il s’agit d’un jouet, rappelons-le.

Mais, peu soucieuse de réalisme ou limitée par son budget, la firme conserve les voitures État, se bornant, comme elle les produit en 1939 au plus tôt, à les orner de marquages SNCF.  C’est sous cette forme que le train paraît : locomotive de la région Nord et voitures de la région Ouest de la SNCF. Alors, il ne reste plus qu’à trouver un nom de légende pour vendre ce train un peu hétérogène, et « Étoile du Nord » est trouvé, « emprunté » à un train réel de la CIWL crée en 1927 et qui cessera de circuler en 1969 du fait de la guerre. Le nom est superbe, c’est vrai, et crée, autour de lui, des milliers de rêves d’enfant quand il est livré à leur convoitise sur le catalogue de 1939.

Jean-François Guy applique le principe de précaution aux « saucissons ».

Sur le choix de la voiture allégée État dite «Saucisson », le regretté Jean-François Guy pensait que Hornby France était bien trop au fait du matériel SNCF (les allèges postales et fourgon 1S sont très bien reproduits) pour ne pas disposer des plans venant des compagnies. Le choix de la machine Nord était dicté par le fait que ce réseau était bien connu des Anglais (il fallait sacrifier à Liverpool pour pouvoir lancer des fabrications…) En revanche, le choix des voitures « Saucissons » s’explique parce qu’elles sont plus faciles à fabriquer : la structure tubulaire de la voiture réelle, bien arrondie, facilitait la fabrication en « 0 » car il suffisait de prévoir une seule tôle fine et lithographiée (beaucoup moins chère que la peinture + décalcomanies), un châssis léger en tôle tout aussi fine, 4 tampons pour tenir le tout, et c’est rigide. C’est quatre à six fois moins cher que les voitures « Train bleu » ou « Flèche d’Or ». Il faut noter que JEP a fait le même choix en « 00 » avec une machine Nord dernier cri 232R et des voitures « Saucisson » en 1945 (date probable des études).

Enfin, les voitures à dominante un peu rose pour ce qui est du toit, et dotées d’un mica de feu rouge de couleur orange, montées sur des bogies sertis sans oeillet et ayant des tampons en plomb, sont bien d’avant guerre. Pendant la guerre, les tampons de l’ensemble du matériel tracté sont en alu et assez gros, puis en alu et plus minces (jusqu’à 1959-60 où certains modèles rares de voitures et les wagons Arbel ont des tampons en laiton). Les voitures « Saucisson » d’après guerre ont d’abord des micas rouges très foncés (48-49), puis rouge vif mat (49-50), puis rouge normal (53->) (évolution qu’on retrouve sur les signaux), un toit plus jaune, des oeillets rapportés comme pivot de bogies (d’abord alu, puis laiton sur les dernières post-1953) et des tampons alu. De plus, les éclairages spécifiques à ces voitures, figurant au tarif 39 et disparaissant au tarif 40, ont bel et bien existé. Ces pièces sont connues chez les collections et l’un d’eux, éminent collectionneur de Hornby, possède deux boîtes neuves contenant deux éclairages chacune.

Une vraie voiture allégée Etat type A8, dite « Saucisson » : le modèle Hornby, certes très joli et plein de charme, manque de longueur.

Le destin mouvementé de ce train-jouet.

Absent du catalogue 1938-1939, ce train est présenté pour la première fois sur le dépliant « Traction nouvelle 1939-40 » de Hornby. Il est dessiné en deux versions : une version voyageurs avec les deux voitures carénées État, et une version marchandises avec trois wagons de la gamme courante. Rien ne permet de dire si le train a été produit à ce moment, d’autant plus qu’un avertissement, sur le dépliant, déclare que « En raison des circonstances présentes, nous ne pouvons garantir la fourniture de tous les articles dont il est fait mention sur ce dépliant ».

On aura compris que les « circonstances », que la firme n’ose nommer, sont la Seconde Guerre mondiale, et ses pénuries de matières premières. Ceci permet de dater ce dépliant de septembre 1939 au plus tôt, mais sans doute, il est publié plus tard, peu avant Noël si l’on considère que les pénuries sont devenues gênantes à ce point. On peut être conduit à penser que, dans un tel environnement économique, le train « Étoile du Nord » n’a pas pu être mis en fabrication en grande série, mais, peut-être, que quelques coffrets ont pu sortir des ateliers de Bobigny à la fin de 1939 ou en 1940. La vraie production en grande série ne s’est faite que beaucoup plus tard, après la guerre.

Le train « Étoile du Nord» sur le catalogue de 1939. Noter la présence de la version marchandises (locomotive verte probablement). Le train caréné PLM, bas de gamme série M, complète la page des trains carénés.
Toujours sur le même catalogue, la locomotive carénée est présentée sur le réseau de l’État, dont on voit, sur la gauche, une des plus célèbres locomotives électriques type 2D2 500 portant une plaque SNCF depuis 1938. « État », avez-vous dit ? Comme n’est bizarre…

Chronologiquement, le deuxième document attestant l’existence du train « Étoile du Nord » est le catalogue de 1949, un simple prospectus de 1949 dont nous donnons ci-contre la page trains intérieure. Présent, donc, sur le dépliant de 1948-49, le train dure jusqu’au catalogue de 1954, soit une courte carrière de cinq années seulement, supplanté alors par une gamme de trains qui préfèrent la locomotive de type électrique: la vapeur n’est plus à la mode. Le magnifique train « Étoile du Nord » s’éteint, sa bonne étoile n’étant plus là.

Devenu «4E» sur le dépliant de 1949, le train a perdu son nom d’« Étoile du Nord », le vrai train ayant disparu. Cela ne veut pas dire que le train ait été effectivement remis en production dès 1949. Les premières années 1950 seraient une date plus certaine.
Dernière présence de l’« Étoile du Nord » sur le catalogue de 1954. Les nouveaux trains dits « type SNCF » sont présents, mais leurs voitures manquent de charme.

La mystérieuse locomotive verte : l’opinion de Jean-François Guy.

Nous sommes, ici, sur le point crucial et controversé de l’histoire du train « Etoile du Nord ». Le train de marchandises dessiné sur le dépliant « Traction nouvelle 1939-1940 » a-t-il existé ? Les wagons, certainement, et tout le monde les reconnaîtra. Mais la locomotive ? Certainement aussi, si c’est la version marron. Seulement voilà : il y a quelques très rares versions vertes existant chez des collectionneurs privilégiés qui estiment que leur locomotive a été celle de ce train de marchandises. Rien, bien entendu, ne permet de le confirmer par la lecture attentive du dépliant « Traction nouvelle 1939-1940 » qui n’est pas en quadrichromie et qui, dans son texte, ne donne aucune indication de cette nature. Mais rien, non plus, ne vient contredire cette supposition. Un grand collectionneur parisien possède même le coffret complet de ce train en état d’origine. Donc on peut considérer la chose comme acquise.

Consulté par l’auteur de cet article, Jean-François Guy déclarait : « A propos de la locomotive « Etoile du Nord »  verte, je ne connais que des machines avec un moteur laiton à changement de marche manuel. Existe-t-il des vertes à changement de marche automatique ? Par ailleurs, je connais une version vert olive moyen, une autre vert olive foncé verni. Je soupçonne que les vertes et les marron (première version avant-guerre avec fente pour la tirette d’inversion de marche horizontale et peinture vernie) soient contemporaines… Car le dépliant « Traction nouvelle 1939-1940 » mentionne trois trains tractés avec la 221 carénée à renversement manuel (« Etoile du nord » avec « saucissons », « Flèche d’or » avec voitures de couleur marron, train de marchandises) et un « Train bleu » avec deux voitures « train bleu » et une locomotive à renversement automatique. Or je ne connais que des locomotives vertes à changement manuel (j’en ai vu cinq ou  six)  et que des locomotives marron à renversement automatique. En résumé, j’ai acquis la ferme conviction que les vertes sont d’avant-guerre ou de début de guerre (jusqu’à ce qu’on manque de laiton), et je présume que quelques locomotives marron (vernies) à inversion automatique ont été également fabriquées. » 

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