Dans plusieurs articles précédents de ce site-web, nous avons vu que, comme les locomotives ne peuvent ni affronter de fortes rampes ni retenir un train sur de fortes pentes, il a bien fallu tracer des lignes à très faibles déclivités, ne dépassant qu’exceptionnellement 20 ou 30 mm par mètre. Le franchissement direct des montagnes s’est donc trouvé interdit aux premiers ingénieurs, sauf au prix de longs détours en suivant les courbes de niveau des cartes ou au prix de « systèmes » d’appoint comme des plans inclinés avec des treuils et des câbles impliquant des pertes de temps et des ruptures dans la traction.

Les chemins de fer et les déclivités : on s’évite mutuellement.
Les chemins de fer n’aiment pas les montagnes et les évitent en suivant, dans la mesure du possible, le fond des vallées. Il est important de savoir que le chemin de fer offre, par rapport à la route, une très faible résistance au roulement et cet avantage est immense quand on songe aux centaines de tonnes remorquées avec une puissance dérisoire fournie par une locomotive à vapeur.
Un cheval qui tire avec difficulté une charge d’une tonne sur une route peut, très à l’aise, remorquer plusieurs wagons de dix tonnes sur une voie ferrée une fois l’effort de les mettre en marche accompli. Un homme peut, du plat de la main, pousser un wagon de 10 tonnes: cela se faisait jadis dans les gares quand il fallait déplacer un wagon sur quelques mètres. En effet, pour pousser une charge de 1000 kg sur une voie ferrée, il suffit de fournir un effort de 3 à 4 kg seulement. Sur une route, c’est au minimum 30 à 50 kg.
Mais l’inconvénient de cette situation est justement la faible puissance mise en œuvre, et dès qu’une rampe de quelques millimètres par mètre se présente, il faut doubler, ou même quadrupler la puissance nécessaire pour maintenir la vitesse.
Les premières locomotives à vapeur sont peu puissantes en regard des charges considérables qu’elles remorquent… Leur puissance, vers le milieu du XIXe siècle, est de: quelques centaines de chevaux à peine, bien qu’elles tirent des trains de marchandises de plusieurs centaines de tonnes. C’est en fonction de cette faible puissance que les ingénieurs, traçant les voies ferrées, sont obligés de ménager des rampes très faibles : pour cela les lignes de chemin de fer suivent le plus possible les courbes de niveau du terrain, passant d’une courbe à une autre très progressivement, enjambent les vallées avec des viaducs et passent sous les montagnes avec des tunnels. Mais cela coûte cher en travaux publics, allonge considérablement les distances. Certaines lignes de montagne à faible trafic, de ce fait, n’ont jamais été rentables et aujourd’hui encore sont déficitaires… si elles n’ont pas été fermées par suite du découragement suscité devant leurs déficits renouvelés.
La solution Eydoux.
Pour éviter la construction de lignes sinueuses, un certain Eydoux trouve la solution en 1878 : c’est l’ascenseur à trains, ou, plutôt à la manière des séries d’écluses en cascade, un projet d’une succession d’ascenseurs dans des tours disposées en escalier à flanc de montagne. Eydoux ne trouvera jamais le généreux financier qui acceptera de se ruiner dans une telle aventure. Toutefois, il se trouvera bien d’autres lieux dans le monde dans lequel les trains prendront effectivement l’ascenseur, mais pas selon les principes d’Eydoux.
Eydoux est un fabricant d’ascenseurs hydrauliques, et il a équipé de grandes quantités d’immeubles parisiens de l’époque dite haussmannienne avec ses appareils à la belle cabine en bois cirée et amplement vitrée, ouverte vers le haut et montant silencieusement au milieu de la cage d’escalier, poussée par une longue tige solidaire d’un piston glissant dans un immense cylindre logé à la verticale dans le sol. Et, en cas de panne de courant électrique, l’ascenseur s’immobilisait imperceptiblement en douceur, puis redescendait naturellement jusqu’au rez-de-chaussée, retenu par le piston qui chassait le liquide du cylindre en direction du réservoir.
Eydoux songe à vendre son appareil aux chemins de fer qui représentent un marché immense et dont les difficultés pour le franchissement des montagnes remplissent, sans cesse, la presse de l’époque. L’idée d’Eydoux est, en quelque sorte, de produire un système d’écluses pour trains exactement comme pour les canaux, et, ici aussi, avec une rupture dans le système de transport. Une succession de tours contenant chacune un ascenseur et reliées les unes aux autres par des ponts de chemin de fer formerait, en quelque sorte, l’équivalent d’une succession d’écluses que l’on gravirait niveau par niveau, exactement à la manière des canaux.

Mais avec un train, il faudrait consacrer tout le temps nécessaire à dételer et à passer les wagons successivement les uns après les autres dans les tours, puis prendre le temps de recomposer le train ensuite ! Eydoux y a pensé, et prévoit, pour accélérer le mouvement, que les ponts reliant les tours soient en légère pente : les wagons rouleraient librement, à la suite et successivement, d’une tour à une autre et s’engageraient automatiquement dans les ascenseurs – dont on peut espérer la présence garantie au bon moment quand le wagon arrive au sommet de la tour !…. Ce système n’est pas très rassurant, pour le moins que l’on puisse dire, et les candidats pour s’engager sur ce « scenic railway » de fête foraine ne sont pas légion. En outre il demande une voie consacrée à la montée différente d’une autre voie consacrée à la descente, puisque les ponts doivent être inclinés pour le libre roulement des wagons par le simple effet de leur poids. Double voie, donc double dépense, donc…
Le système se pare de quelques vertus écologiques par les économies d’énergie procurées, le poids des wagons dans les ascenseurs à la descente servant, par l’hydraulique, à actionner les ascenseurs des autres wagons venant en sens inverse à la montée. Aujourd’hui, les « écolos » de notre époque aimeraient… Mais, à l’époque, et comme beaucoup de génies, Eydoux rencontre autour de lui beaucoup de scepticisme, et aucune compagnie de chemins de fer ne veut de son système.
Les ascenseurs à wagons des gares de marchandises.
Mais l’ascenseur ne disparaît pas du monde ferroviaire pour autant. Divers systèmes d’ascenseurs ont été utilisés, notamment dans les ports, les grands entrepôts, ou les gares de marchandises implantés dans des lieux offrant peu de place.
Un tel ascenseur a été utilisé dans la première gare de marchandises de Saint-Lazare. Ce bâtiment existe toujours de nos jours, placé près du pont de l’Europe, servant de cantine SNCF, après avoir servi de hall d’expositions pendant les années 1930 où André Citroën, entre autres, exposait ses nouvelles voitures. À l’origine, c’est une gare de marchandises, et à deux niveaux. Deux ascenseurs montent ou descendent les wagons d’un niveau à l’autre, le niveau inférieur étant celui des voies de la tranchée des Batignolles, le niveau supérieur étant celui des rues avoisinantes, rue de Saint-Pétersbourg et rue Mosnier.
Comme pour les ascenseurs Eydoux contemporains, des pistons hydrauliques prennent en charge le fonctionnement, mais les cabines sont, ici, des plateaux de 8 × 3,20 mètres pouvant recevoir chacun un wagon. Chaque plateau est actionné par plusieurs pistons plongeant dans de longs cylindres enterrés à la verticale dans le sol. Les cylindres peuvent être mis en communication, par un système de commande à distributeurs, soit avec des conduites d’eau à haute pression pour obtenir la montée du wagon, soit avec des conduites d’évacuation quand le plateau doit descendre, la course du piston étant égale à la différence du niveau qui existe entre les deux gares inférieure et supérieure, soit 9,60 mètres.

Un seul de ces deux appareils doit suffire pour faire tout le service de la gare et le deuxième est surtout destiné à servir de rechange en cas d’indisponibilité du premier, pour éviter une paralysie de la gare. Chacun de ces appareils devra donc pouvoir faire, au maximum, 80 manœuvres par heure, soit 40 montées et 40 descentes, ce qui donnera 45 secondes pour chacune de ces opérations. Sachant que la différence de niveau entre les deux étages de la gare est, comme il a été dit ci-dessus, égale à 9,60 mètres, et que le début et la fin de chaque opération donnent lieu à des temps perdus assez importants, les ingénieurs ont fixé à un mètre par seconde la vitesse du plateau portant le wagon. La montée se fera, par suite, en 10 secondes environ, et on disposera de 35 secondes à chaque opération soit pour amener le wagon sur le plateau de l’appareil, soit pour dégager ce plateau.
La charge maximale sur le plateau sera égale à 15 000 kilogrammes dont 10 000 pour le chargement, et 5000 pour le poids moyen à vide du wagon. Prenant ces éléments pour base des calculs, et sachant que le piston hydraulique agira directement sous le plateau portant le wagon, la surface de ce wagon devra être telle qu’une pression de 50 kilogrammes par centimètre carré équilibre un poids de 25 500 kg correspondant à l’ensemble formé par le plateau lui-même et le wagon chargé qui est dessus. Ceci donne un diamètre du piston de 237,8 mm et un volume d’eau dépensé à chaque opération de 691,2 litres.
Les ingénieurs ont choisi, pour éviter le gaspillage de l’eau, de monter trois pistons par plateau, ce qui permet d’en utiliser un seul, ou deux, ou la totalité selon la charge des wagons. Un de ces pistons suffira pour l’ascension du plateau à vide, deux pour l’ascension d’un wagon moyennement chargé, et les trois pistons ne seront utilisés que pour la montée des wagons dont le chargement sera supérieur à 4 ou 5 tonnes. Pendant les opérations de descente, on pourra emmagasiner la pression d’eau pour les accumulateurs d’eau servant aux cabestans de la gare qui déplacent les wagons. On trouve ainsi le chiffre de 460 litres pour la dépense moyenne par opération, soit une dépense moyenne horaire de 18 400 litres d’eau lors des montées seules, mais, pour une journée de travail, la dépense totale moyenne sera ramenée à 3883 litres, compte tenu de la récupération de l’eau à la descente.

Le plan incliné de l’escarpement de Mau, dans l’Ouganda.
On sait peu de choses sur ce plan incliné à trains qui semble avoir fonctionné, provisoirement du moins, pour le compte de la société American Bridges qui, sous la conduite de l’ingénieur N.P. Jannet, construit 27 viaducs, dont la longueur cumulée est de 3621 mètres, sur le tronçon de ligne de 116 km contournant l’escarpement de Mau, à l’ouest de Nakuru. Le chantier demande la construction de ce plan incliné en 1901 qui élève les wagons ou les locomotives, un par un, sur une hauteur de 733 mètres (2200 pieds). Nous ne sommes plus dans le domaine de l’ascenseur, et nous changeons de système technique : ici tout se passe sur des rails, sans interposition d’un mouvement vertical, selon le principe du funiculaire.


Les « plans automoteurs ».
Lors des débuts du chemin de fer, les locomotives n’ont pas toujours été en odeur de sainteté : les ingénieurs ont même toujours cherché à s’en passer, car elles sont lourdes, capricieuses, compliquées, et ont tendance parfois à se laisser aller et purement et simplement exploser ! Déjà l’éloigner du train, et même du chemin de fer, et la poser à demeure sur le sol pour lui faire remorquer un train à distance, au moyen de câbles, passe, vers 1820-1830, pour un progrès en soi. Le système montre rapidement ses limites.
Dans le chapitre « Moteurs » de son remarquable “Traité de chemins de fer”, écrit par Auguste Perdonnet en 1855, qui pour être le premier grand ouvrage français théorique et technique dans ce domaine, on lit, non sans surprise, que les « moteurs » des chemins de fer indiqués sont les hommes, les animaux, les machines fixes, les machines naturelles, et la force naturelle de la pesanteur ou gravité, cette dernière force étant caractéristique des “plans automoteurs”. Or, en 1855, d’innombrables locomotives roulent depuis une vingtaine d’années sur l’ensemble des réseaux du monde… Mais, peut-être que cet ouvrage n’a pas bénéficié d’une mise à jour ? Toutefois, il faut bien constater que, vers de milieu du XIXe siècle, tous les “plans automoteurs” sont loin d’avoir disparu.



Les plans inclinés avec halage.
Dans les dernières années 1820, les premiers ingénieurs des lignes de Saint-Etienne à Andrézieux (Louis-Antoine Beaunier) ou de Saint-Etienne à Lyon (Marc Seguin) se montrent très intéressés par les pentes, car les trains les dévalent librement sans demande d’énergie : c’est pourquoi ils songent, dès l’origine des chemins de fer, à utiliser les pentes comme mode de traction, dirions-nous aujourd’hui.
Mais, comme nous l’apprenons en pratiquant la bicyclette (c’est à la mode, du moins chez les Parisiens), tout ce que l’on a le plaisir de descendre n’est que la contrepartie de la peine que nous avons eue à le monter auparavant !… Pour le chemin de fer, cette loi s’applique aussi, mais à ceci près que les premiers ingénieurs, toujours pour éviter la locomotive, ont donc installé des machines fixes servant à haler (ou tirer) les trains sur les rampes, pour que, ensuite, ces trains puissent rouler longuement et librement sur de longues pentes tracées à cette fin.
Les machines sont soit des gigantesques manèges avec des bœufs ou des chevaux qui tournent en rond et font tourner un tambour sur lequel s’enroule la corde tirant le train, soit des moulins à eau, puis, plus tardivement, des machines à vapeur fixes. Ces machines offrent, par rapport à la locomotive à vapeur, de pouvoir être plus généreusement dimensionnées, plus puissantes, plus économiques, et plus faciles à approvisionner et à surveiller.



On imagine alors des plans automoteurs à deux voies parallèles, le train descendant aidant le train montant, exactement à la manière des funiculaires à deux cabines actuelle : l’économie d’énergie est encore plus considérable, puisque si le train descendant est plus lourd, il entraîne le train montant. Si le train montant est plus lourd, dans ce cas, il ne faut fournir que l’énergie nécessaire pour compenser la différence de poids entre les deux trains. Beaucoup de ces systèmes ont fonctionné, notamment au Royaume-Uni, pendant toute la durée du XIXe siècle, et beaucoup aussi ont su diversifier leur source d’énergie en adoptant l’hydraulique ou l’électricité: on échappait ainsi à une des contraintes majeures de la locomotive de l’époque : la vapeur.
Le système Agudio : le câble pour aller, peut-être, rendre hommage à Virgile.
Député au parlement italien, mais passionné de chemins de fer et de mécanique, animé d’une foi à escalader les montagnes, Thomas Agudio songe, justement, à escalader les montagnes avec son curieux système qui lui vaut, sinon un grand succès commercial, une médaille d’or à l’Institut des Sciences de Milan. Toutefois un train Agudio est installé à Naples en 1884 pour « élever les curieux sur la petite colline de Pausilippe ». Le Vésuve, par exemple, eût été mieux…
Lorsque la grande vogue du tourisme naît à la fin du XIXe siècle, il faut bien que les trains se mettent au service des touristes assoiffés d’élévation mentale et physique en direction des sommets, mais seuls des systèmes de traction comme le câble et la machine fixe, ou la locomotive à crémaillère et forte démultiplication, permettent de vaincre les fortes rampes sur lesquelles des locomotives classiques patineraient ou manqueraient de puissance. Un grand nombre d’inventeurs présentent de nombreux systèmes très variés, et si la traction par câbles a ses adeptes, elle pose de nombreux problèmes qui refroidissent l’ardeur et la confiance des investisseurs qui, pourtant, rêvent de déferlantes touristiques dans les montagnes et jusque sur le moindre mamelon dont le point de vue et le panorama offert justifie deux lignes dans un guide.
Le risque de rupture du câble est un premier grand problème : or les câbles remorquant les lourdes voitures chargées de touristes sont soumis à de fortes contraintes. Mais aussi la nécessité de d’installer le câble en ligne droite est un autre problème alors que, justement, en montagne les lignes de chemin de fer sont sinueuses : on peut accepter des courbes, mais au prix de la pose de nombreuses poulies inclinées et dont l’efficacité est d’autant plus grande pour inscrire le câble dans la courbe que les poulies sont nombreuses et rapprochées les unes des autres. Ensuite, pour peu que l’on envisage des lignes touristiques sur de longues distances, il faut multiplier les plans inclinés et les machines, car le système par câble ne peut être très long, vu les forts diamètres des câbles pour assurer une sécurité minimale, ce qui donne, par la force des choses, des câbles très lourds pesant des dizaines de tonnes. Enfin les nombreuses poulies demandent un entretien complexe et coûteux, et une armée de graisseurs, burette à la main, et de vérificateurs, clé de 13 en main, est engagée pour écarter, par une surveillance constante, le moindre aléa.
Tout ceci mène à une évidence : il faut trouver autre chose, et poser des crémaillères si l’on maintient le principe des fortes rampes, ou supprimer les rampes en allongeant les tracés au prix de travaux immenses, mais Thomas Agudio donne quand même au câble sa dernière chance en faisant preuve d’une rare astuce et d’un très grand sens technique.

L’idée d’Agudio à laquelle personne n’a pensé.
Le système Agudio est conçu pour être installé le long de n’importe quelle voie, y compris du réseau normal national, avec un minimum de travaux pour faire passer un câble latéral, sans modification des installations fixes : son créateur le conçoit bien comme un système de touage sur des rampes sévères des lignes ordinaires, et nullement comme un ensemble complet devant être installé tel quel. Les trains non concernés par le système Agudio peuvent continuer à circuler sur la ligne.
C’est ainsi que les tout premiers essais ont lieu entre la gare de Dusino et celle de Gênes, sur la section à fortes rampes de la ligne de Gênes à Turin du réseau des Strade Ferrate del Mediterraneo, plus spécialement pour la montée d’une rampe de 30 pour mille. Deux machines fixes, installées l’une au sommet et l’autre au pied, entraînent des câbles qui permettent, par l’intermédiaire du « locomotore », de hisser sans effort des trains de 130 tonnes sur la rampe à la vitesse de 16 km/h.
D’autres essais, moins connus, sont entrepris en 1869 à Lans-le-Bourg, lors des travaux pour le percement du Mont-Cenis, pour hisser les trains de travaux sur la ligne. Il est à noter que ce système n’interfère nullement avec le chemin de fer Fell qui est posé, lui, pour assurer une liaison provisoire directement par la route du col pour les voyageurs lassés des dangers et des incertitudes de la diligence.
Le faible effort sur le câble, vous dis-je.
Agudio se penche sur le problème des câbles, dont, pour d’évidentes raisons de sécurité, le diamètre doit être conséquent pour affronter les contraintes mécaniques engendrées par le poids du train. Il met au point un système utilisant, au contraire, un câble très fin, très léger, très souple. Installé en boucle et mû par une machinerie fixe, ce câble court, à grande vitesse, le long de la voie sur des poulies, et fait deux fois le tour de deux grandes roues à gorge fixées sur le « locomoteur funiculaire » qui entraine le train. Ce « locomoteur funiculaire » est, en somme, une locomotive à crémaillère recevant son énergie des câbles, et la transmettant, par un jeu d’engrenages de démultiplication, à sa roue dentée engrenée sur la crémaillère.
Mais toute l’astuce du système est de diminuer l’effort tangentiel exercé par le câble sur le pourtour des roues à gorge du locomoteur. Il y parvient de deux manières différentes conjuguées avec beaucoup de cohérence : l’allongement de la zone de contact entre le câble et de la gorge, ceci en augmentant au maximum permis par le gabarit le diamètre de ces roues, et aussi l’augmentation de la vitesse de circulation du câble, toujours par l’augmentation du diamètre de ces roues. Ce système de grandes roues permet de diminuer la tension du câble, donc de réduire les contrepoids tendeurs, et d’épargner de fortes contraintes mécaniques sur l’ensemble des roues, des axes, des paliers du système. Le câble circule ainsi rapidement, mais ne subit qu’une très faible contrainte, puisque actionnant un mécanisme démultiplié placé sur le « locomoteur ». Le câble est donc cinq à six fois plus fin et plus léger qu’un câble classique et la tension du câble est de deux à trois fois plus réduite. Les poulies ne reçoivent que peu d’efforts, puisque guidant un câble léger et à faible tension.
La pratique de roues à gorge de très grand diamètre, imaginée par Agudio, sera appliquée sur un grand nombre de téléphériques, de funiculaires, ou de tramways à câble dans le monde entier, comme à San Francisco.




La gloire, éphémère cependant, du système Agudio.
Des essais sur la voie en écartement normal de 2400 mètres du Funicolare Sassi-Superga, près de Turin, confirment les vues d’Agudio. Des rampes de 150 pour 1000 sont franchies avec aisance à 14 km/h avec des charges de 60 tonnes, ceci avec la même dépense en énergie qu’aurait demandée un funiculaire classique roulant avec une charge bien moindre et à 6 km/h. Il est à noter que, sur cette installation, les voitures circulent directement entre Turin et Superga sur une ligne normale, tractée par des locomotives à vapeur et à simple adhérence, et que c’est à Sassi que le « locomotore » Agudio intervient pour la traction du train dont les voitures sont refoulées, par des manœuvres permettant de les atteler à la locomotive Agudio qui attend au pied de la rampe.
Célèbre à la Belle Époque, le « locomoteur funiculaire » du système du « Signor Agudio », comme on l’appelle, est mis à l’honneur dans la très célèbre revue « La Nature » du 5 novembre 1884. Une gravure paraît dans divers ouvrages de vulgarisation vers la fin du siècle, dont le très répandu « Les nouvelles conquêtes de la science » de Louis Figuier, et montre le chemin de fer établi provisoirement près de Turin.
Pour rendre hommage à Virgile (mais ce n’est pas sûr….)
Mais Agudio ne peut établir de chemin de fer définitif que près de Naples, ce qui est un mince succès et une consolation dérisoire par rapport aux grands espoirs qu’il a fondés sur son système. Un guide de l’époque, sans doute écrit par un ami d’Agudio, dit ceci avec compassion et complaisance : « Le premier soin du touriste arrivant à Naples, c’est de grimper sur la colline du Pausilippe, d’abord pour visiter le prétendu tombeau de Virgile d’une authenticité plus que douteuse, ensuite, et surtout, pour jouir du magnifique panorama de la baie de Naples. Le petit ascenseur Agudio permet aux touristes de s’épargner la fatigue de la montée. »
La France de la seconde moitié du 19ème siècle et début du 20ème était inventive et industrieuse . On n’ importait pas d’Amérique ou d’Angleterre. C’étaient les usines Eydoux qui fabriquaient les ascenseurs hydrauliques.
Les rampes de chemin de fer me rappelle les trains qui amenaient à la gare des lourdes pièces en fonte des usines métallugiques de Marquise . Celles ci étaient localisées dans une vallée et la gare se trouve en haut du versant de la vallée . Le train tiré par une loco vapeur roulait d’abord sur le plat plat jusqu’à un cul de sac . ( situé derrière la maison de mes parents ) . Le chauffeur descendait de la loco actionnait l’ aiguillage et la loco redemarrait à toute vapeur pour affronter la rampe vers la gare . Et de loin on entendait se ralentir progressivement le bruit des émissions de vapeur. Le train arrivait roulant presque au pas à la gare avec sa “cargaison ” de grosses pièces en fonte ou en acier.
Maintenant ces usines ont ferméees et plus de train . On a même enlevé les voies!
Toujours très captivant ton “blog” . Ici tu parles des trains mais c’est le même problème pour les canaux . Nous avons visté en 2009 dans le région d’Auxerre une série de 7 anciennes écluses rapprochéees pour changer de niveau . Cela datait d’Henri IV si mes souvenirs sont bons.
Amitiés
Michel