Records ou essais : l’histoire d’avant le 574,8 km/h.
Les records, et dans tous les domaines, ont une longue histoire, particulièrement dans le domaine des chemins de fer qui est le plus ancien ensemble technique qui soit actuellement toujours présent dans ce domaine très spécial. N’oublions pas que, dès 1829, le premier record de vitesse réalisé avec un engin technique est celui de la locomotive « La Fusée », gagnante du concours de Rainhill avec une vitesse de 56 km/h consacrant, en face du cheval, l’avenir de la traction mécanique et, par cela même, l’avenir du chemin de fer comme transporteur de masse et créateur de la Révolution industrielle. Les records vont se succéder d’une manière continue, et toujours dans un « club » très fermé qui est celui des pays industriellement développés en Europe et en Amérique du Nord. C’est ainsi que le record français du 3 avril 2007, à 574,8 km/h, est la page la plus récente d’une longue et ancienne histoire, et c’est certain que ce n’est pas la dernière page du livre. Entre 1829 et 2007, il n’y a que 177 années de progrès incessants pour multiplier la vitesse atteinte par 10.
Records avec un matériel spécial, ou avec un matériel courant modifié ou non modifié ?
Voici un tableau (déjà donné dans un article sur la grande vitesse déjà paru sur ce site il y a une année) donnant les records marquants dans le monde, tableau qui ne peut prétendre à l’exhaustivité car il y a eu beaucoup de records tentés sans succès et dans la plupart de ces cas avec des engins spécialement construits pour l’occasion :
Vitesse (km/h)
Date
Mode
Commentaires
56
1829
Vapeur
Locomotive « La Fusée » Concours de Rainhill (UK)
131,6
6/1854
Vapeur
Locomotive Bristol & Exeter Rly. (Royaume Uni)
165,4
9/5/1893
Vapeur
Train Empire State Express. (USA) Record mondial à 100 mph
Locomotive T1 type 3223 du Pennsylvania RR. (Etats-Unis)
214,8
23/06/1939
Diesel
Automotrice Deutsche Reichsbahn (Allemagne)
239,8
21/02/1953
Electricité
Locomotive CC 7121 (France)
330,9
28/05/1955
Electricité
Locomotive CC 7107 (France)
330,9
29/05/1955
Electricité
Locomotive BB 9004 (France)
296
1966
Réaction
Autorail Budd avec deux réacteurs J-47 (Etats-Unis)
251
24/05/1967
Electricité
Train d’essais (Etats-Unis)
378
04/12/1967
Réaction
Aérotrain (France)
318
08/12/1972
Turbines
Rame TGV-001 (France)
232
12/06/1973
Diesel
Rame HST. (Royaume Uni)
380
26/02/1981
Electricité
Rame TGV (France)
406,9
01/05/1988
Electricité
Rame ICE. (Allemagne)
515,3
18/05/1990
Electricité
Rame TGV (France)
574,8
03/04/2007
Electricité
Rame TGV (France)
Ce tableau, d’un type très courant dans la littérature ferroviaire, a pour inconvénient de ne pas distinguer deux types de matériels utilisés : d’une part du matériel courant, non modifié, et d’un type déjà en service courant et qui le restera, d’autre part du matériel spécial qui est soit du matériel courant, soit du matériel courant, mais modifié à divers degrés, soit, d’autre part, du matériel spécialement construit pour ce record et qui ne sera jamais en service courant. Dans le premier cas, la SNCF semble avoir utilisé le terme d’ « essais », et dans le deuxième, elle utilise plutôt le terme de « records ».
Un deuxième tableau permettrait de situer les records ferroviaires par rapport à ceux des autres modes, en commençant par les 6 km/h du fardier de Cugnot jusqu’aux 2643 km/h qui sont le premier record de l’aviation, dès 1953, aux Etats-Unis :
QUELQUES RECORDS DE VITESSE MONDIAUX…
Dates
Ch.de fer
Automobile
Aviation
Bateau
Véhicules spéciaux
1769
6 (France)
1829
56 (UK vapeur)
1850
144 (France vapeur)
1872
40 (France)
1898
63 (France)
1899
105 (France)
1902
210 (Allemagne, él)
123 (France)
1904
166 (France)
1905
60 (Etats-Unis)
1909
217 (Allemagne)
73 (Etats-Unis)
1912
145 (France)
1913
203 (France)
1919
112 (Canada)
1924
140 (France)
1926
477 (Italie)
1927
281 (Royaume Uni)
1929
148 (Etats-Unis)
1931
230 (Allemagne, ess)
176 (Italie)
1932
396 (Royaume Uni)
198 (Etats-Unis)
1934
709 (Italie)
1935
200 (Allemagne, vap)
484 (Royaume Uni)
1937
501 (Royaume Uni)
201 (Suisse)
1938
202 (UK, vapeur)
1939
226 (USA, vapeur)
755 (Allemagne)
225 (Royaume Uni)
1945
991 (Royaume Uni)
1947
634 (Royaume Uni)
1200 (Etats-Unis)
1948
1609 (Etats-Unis)
1950
256 (Etats-Unis)
1953
2640 (Etats-Unis)
1954
243 (France, él.)
1957
299 (Etats-Unis)
1955
331 (France, él.)
1960
654 (Etats-Unis)
307 (Etats-Unis)
1965
927 (Etats-Unis)
1970
1001 (Etats-Unis)
1972
318 (France, turbine)
1981
380 (France, él.)
1988
406 (Allemagne.él.)
1988
408 (France, él.)
1990
515 (France, él.)
1997
1220 (Etats-Unis)
2000
328 (Etats-Unis)
2003
581 (Japon-Maglev)
2007
578 (France, él.)
Records à oublier et records à ne pas oublier.
Pour en revenir aux chemins de fer, ce sont les records à matériel exceptionnel qui ont eu à déplorer le plus grand nombre d’échecs et qui ont été le plus oubliés par manque de soutien en matière de communication, mais ils ont une dimension très attachante, car ils sont issus d’une volonté purement technicienne et non commerciale, et un but à très longue vue de construire un chemin de fer du futur. Ils expriment une indéniable « foi » d’ingénieur. Ces records sont souvent ignorés par la presse, les journalistes ne sont pas présents parce que non sollicités, et très souvent, même s’ils sont une réussite, ils sont assez rapidement oubliés : pensons aux records allemands en traction électrique à 210 km/h en 1903, par exemple.
En face, nous avons les records disons de (nécessaire) promotion du chemin de fer, et, même si les enseignements techniques, les mesures, les observations sont aussi nombreux que riches et nécessaires, il n’en reste pas moins vrai que la préoccupation des dirigeants du réseau organisateur est bien celle d’une promotion commerciale dont, d’ailleurs, il n’est pas question, à nos yeux, de s’en passer : les journalistes et les médias sont fermement invités et présents et l’on compte sur eux pour faire connaître les chiffres et les résultats obtenus : pensons aux récents records français avec des rames TGV, en 1980, 1990 et 2007, par exemple.
Ce sont donc bien deux mondes différents, deux approches différentes. Nous aimerions simplement, par une « galerie de portraits », évoque le souvenir, souvent oublié, des records à matériel exceptionnel en pensant aux ingénieurs visionnaires qui les ont entrepris.
Bonjour, Je viens de recevoir et lire l’article. Oui la vitesse, mais il me semble qu’il y a deux manière d’appréhender la vitesse. Jean de La Fontaine n’a-t-il pas écrit le Lièvre et la tortue ? et pourtant c’est la tortue qui a gagné… En fait le plus important n’est pas de faire du matériel qui va vite, c’est de faire en sorte que le passager perdre le moins de temps possible. Par exemple, et là c’est un mauvais exemple : pourquoi imposer un voyageur partant de Nantes pour Lyon marcher à pied entre deux gares dans Paris ??? L’article est excellent, mais les objectifs de la SNCF sont décalés, et maintenait le COVID a immobilisé je ne sais combien de rames TGV … On a sabordé l’utilisation de la transversale en 2014 entre Lyon – Bordeaux avec des RGP ou des RTG au profit sans doute du TGV … Mais finalement joindre Nice en partant de Nantes est presque plus rapide à faire en voiture à 110 kmh que de prendre le TGV alors je dis QUOI ! C’est finalement un constat plutôt triste… Cordialement, André
Bonjour. Très intéressante synthèse sur la course à la vitesse sur rail. Mais le chemin de fer cible un seul de ses concurrents, l’avion. Il laisse la route lui grignoter sa part depuis des décennies en particulier sur les relations entre régions. Alors que les infrastructures qui avaient demandé des investissements considérables existent, elles sont largement sous exploitées voire laissés à l’abandon, notamment dans le massif central. En focalisant sur la performance du matériel de niche, la SNCF oublie celle de l’ensemble du réseau.
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Bonjour, Je viens de recevoir et lire l’article. Oui la vitesse, mais il me semble qu’il y a deux manière d’appréhender la vitesse. Jean de La Fontaine n’a-t-il pas écrit le Lièvre et la tortue ? et pourtant c’est la tortue qui a gagné… En fait le plus important n’est pas de faire du matériel qui va vite, c’est de faire en sorte que le passager perdre le moins de temps possible. Par exemple, et là c’est un mauvais exemple : pourquoi imposer un voyageur partant de Nantes pour Lyon marcher à pied entre deux gares dans Paris ??? L’article est excellent, mais les objectifs de la SNCF sont décalés, et maintenait le COVID a immobilisé je ne sais combien de rames TGV … On a sabordé l’utilisation de la transversale en 2014 entre Lyon – Bordeaux avec des RGP ou des RTG au profit sans doute du TGV … Mais finalement joindre Nice en partant de Nantes est presque plus rapide à faire en voiture à 110 kmh que de prendre le TGV alors je dis QUOI ! C’est finalement un constat plutôt triste… Cordialement, André
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Bonjour. Très intéressante synthèse sur la course à la vitesse sur rail. Mais le chemin de fer cible un seul de ses concurrents, l’avion. Il laisse la route lui grignoter sa part depuis des décennies en particulier sur les relations entre régions. Alors que les infrastructures qui avaient demandé des investissements considérables existent, elles sont largement sous exploitées voire laissés à l’abandon, notamment dans le massif central. En focalisant sur la performance du matériel de niche, la SNCF oublie celle de l’ensemble du réseau.