L’ingénieur Eugène Flaman est né à Moulins-sur-Céphons dans le département de l’Indre, en 1842, et il meurt à Rainfreville, en Seine-Inférieure à l’époque, le 22 août 1935. Il fait une longue et belle carrière aux chemins de fer de l’Est, ceci de 1866 à 1908. Il invente la chaudière Flaman à double-corps, dont la puissance compte dans le record du monde du PLM en 1890 avec un bon 144 km/h entre Sens et Montereau, et il met au point l’indicateur-enregistreur de vitesse pour locomotives qui porte officiellement son nom, et peu officiellement celui de « le mouchard » parmi les équipes de conduite. Le “Flaman” équipera environ 80 % des locomotives françaises à la veille de la Première Guerre mondiale. Cet appareil est utilisé jusque durant les années 1980.


Le problème : mesurer donc connaître la vitesse.
Les premières locomotives n’ont pas de système indiquant la vitesse parce que, tout simplement, un tel système n’existe pas pour les véhicules routiers ou ferroviaires. Les navires en mer ont bien l’archaïque système de la corde comportant des nœuds et à laquelle on fixe un « corps mort » qui sera retenu dans l’eau, ceci pour laisser la corde se dérouler dans la mer à partir de la poupe du navire. On compte les nœuds et on a ainsi une vitesse disons « estimée » avec suffisamment de précision pour les relevés et faire le point.
Pour les chemins de fer, l’accroissement des vitesses et du nombre de trains oblige les ingénieurs à réglementer la vitesse. Le seul moyen disponible est la signalisation, donc un repérage par l’espace (la voie étant divisée en cantons) et l’heure de passage – donc le temps. Ce système garantit une sécurité, donc une « couverture » des trains par des sémaphores fermés derrière eux formant ce que l’on appelle le « bloc-système » (d’origine anglaise avec le terme « block-system »), mais il ne donne et n’utilise pas la mesure de la vitesse, mesure à faire sur la locomotive même et portée à la connaissance de l’équipe de conduite.
Vers la fin du XIXe siècle, on verra apparaître des systèmes divers de prise et d’affichage de la vitesse utilisant des mécanismes inspirés de ceux des régulateurs de vitesse à boules utilisés par les machines de vapeur fixes des usines depuis des décennies déjà. Mais, comme le confirmeront un certain nombre de catastrophes à la fin du XIXe siècle, incontestablement dus à ces excès de vitesse, il faudra faire un pas de plus : mesurer, afficher et surtout enregistrer les vitesses et avec précision. C’est ce que fera, avec une rare et redoutable précision, l’appareil Flaman, le fameux « mouchard » posé en évidence sur la « devanture » du foyer ou devant le mécanicien, dans son champ de vision, dans les abris de conduite.
Ce qu’est un « Flaman ».
Cet appareil, lourd et magnifique dans son bâti en laiton massif au point d’être devenu une pièce de collection recherchée (l’auteur de ce site-web en a un, près de son lit) est équipé d’un cadran avec aiguille noire, le cadran étant gradué en kilomètres par heure jusqu’à 120 km/h ou 160 km/h. Une aiguille rouge est visible, elle aussi, mais elle sert de simple repère visuel pour rappeler la vitesse limite à respecter, et se positionne à la main par le mécanicien.
La partie inférieure du bâti, à laquelle on accède par une trappe vitrée, contient le mécanisme enregistreur (type appareil de mesure météorologique ou sismique de l’époque) à stylets secs traçants sur une bande de papier. Le “Flaman” a donc deux mécanismes : un mécanisme d’horlogerie propre à ancre « comptant le temps » et battant le 1/5e de seconde, et entraîné par deux barillets à cinq ressorts, d’une part et d’autre part un mécanisme assurant le déroulement de la bande de papier, mécanisme entraîné par une « prise de mouvement » sur une des roues motrices de la locomotive, en général la roue la plus proche de l’abri, donc sur le dernier essieu moteur, et la roue qui est du côté correspondant au positionnement du Flaman dans l’abri de conduite.
Un petit cadran, gradué jusqu’à 10 min, indique le temps servant de cycle. Notons que sur les “Flaman” plus anciens dits « pour locomotives » ce cadran circulaire est complètement séparé du cadran des vitesses gradué jusqu’à 120 km/h, et que sur les “Flaman” plus récents, dits « pour autorails » (plus tard dit type U2A SNCF), ce cadran est aussi gradué jusqu’à 120 Km/h et il est intégré à celui des vitesses et n’apparaît que sous la forme d’un dessin circulaire sur la plaque émaillée commune. Ce type récent existe aussi avec une graduation jusqu’à 160 km/h pour le type dit U1A SNCF.
L’appareil, très lourd et très robuste, en laiton et acier et verre épais, est parfois présenté comme étant « la boîte noire » (terme étranger au monde du chemin de fer) des locomotives qui doit résister aux accidents éventuels. Il fut connu hors de France : la Pacific « Mallard » anglaise type A4 du LNER en était équipée lors de son record de vitesse à 202 km/h en 1938 comme toutes les locomotives de la série.




Ce que fait un « Flaman ».
Cet appareil assure le comptage périodique du nombre de tours des essieux moteurs de la locomotive en prenant le mouvement sur une des roues motrices qui sont accouplées par des bielles. Un tour de roue est donc l’unité utilisée qui sera, en fonction du diamètre de la roue, convertie en distance (quelques mètres).
Son horloge mécanique qui donne des intervalles de temps, soit 3,6 secondes, soit 1/1000ᵉ d’heure.
Sur la bande qui défile proportionnellement à la vitesse de la locomotive (5 mm pour 1 km), les stylets traceront les courbes suivantes :
- La courbe de la vitesse calculée par un intégrateur mécanique utilisant les deux mesures précédentes.
- La position des signaux observés, ouverts ou fermés. Le “Flaman” est donc sur le circuit électrique des sonnettes de répétition ou sur le circuit pneumatique des sifflets de répétition.
- L’observation par le mécanicien des signaux fermés. Le mécanicien doit « vigiler » avec le bouton poussoir de vigilance qui est placé sur le devant de l’appareil, au-dessus de la vitre du cadran.
- La courbe de temps tracée « en dents de scie ». La distance séparant deux crêtes verticales correspond à 10 minutes
Notons que le dispositif électromécanique de répétition des signaux dans la cabine de conduite utilise des électro-aimants polarisés sensibles à la tension + ou – présente sur les “crocodiles” placés entre les rails au pied des signaux et sur lesquels vient frotter la brosse métallique fixée sous la locomotive (voir l’illustration). Ces électro-aimants actionnent un vibreur électrique ou un sifflet sur les anciens appareils à répétition pneumatique. Sur les appareils plus récents, c’est un timbre clair à un coup bien connu des conducteurs … ou un moins gracieux klaxon.

Ce que l’on fait du “Flaman”
Lors du retour au dépôt, à la fin du “roulement” où lors de tout incident, la bande du “Flaman” est examinée sur un dérouleur qui permet de situer la position de la locomotive sur la ligne, sa vitesse à tout moment, ses temps d’arrêt, la position des signaux rencontrés et leur observation par le mécanicien.
L’indicateur-enregistreur Flaman a été décliné en de nombreuses versions d’aspect et de vitesses, notamment avec la présence d’un sémaphore Lartigue Nord miniature sous le cadran.
La fabrication du “Flaman”.
Il y eut plusieurs fabricants, comme Vaucanson qui en a fabriqué le plus grand nombre:
Février 1914 : Fondation de la société des ateliers Vaucanson, du nom d’un grand inventeur d’automates mécaniques du XVIIIe siècle dont beaucoup de créations sont exposées au Musée des Arts et Métiers. La société succès aux Ets. Lamazière et Bunzli à Blesdal (lieu dit de la commune de Saint-Aubin-le-Cauf)
1917 : Construction de nouveaux ateliers de 4800 m2 et d’une cité ouvrière.
De 1918 à 1955 : Fabrication d’enregistreurs Flaman pour les chemins de fer, ainsi que des machines à calculer, des pièces pour l’automobile et les appareils cinématographiques.
1955 : La société Ericsson acquiert une place majoritaire dans l’entreprise. L’usine est agrandie et modernisée pour se lancer dans la fabrication d’appareils et de centraux téléphoniques.
1963 : L’entreprise emploie 680 personnes et produit 500 000 postes téléphoniques par an.
Milieu des années 1980 : Rachat de l’entreprise par Thomson puis Alcatel.
1992 : Fermeture de l’entreprise.
Autres fabricants et évolution du “Flaman”
Outre le « Flaman » Vaucanson, le réseau d’Alsace-Lorraine utilise le Hausshaelter, très semblable et aux mêmes dimensions extérieures que le Vaucanson, mais qui présentait quelques différences comme un cycle de 12 minutes au lieu de 10.
Notons que l’empire du « Flaman » est envahi par le premier « Teloc » construit par la firme suisse Hassler et utilisé par le PLM uniquement sur son nouveau parc de locomotives électriques dans les années 1920. IL y eut aussi le « RBM » (Renaud-Bognart-Mojart) de type compteur automobile utilisé sur des autorails légers.
Mais le règne du « Flaman » se termine à partir de 1960 avec un nouveau « Teloc », puis le fameux « Tachro » fabriqué par Jaeger. Les derniers “Flaman” disparaissent de l’ensemble du matériel moteur de la SNCF dans les années 1980-1990. L’ensemble du matériel moteur de la SNCF ? Pas tout à fait, comme nous l’indique Damien Dwornik, puisque aujourd’hui encore, on compte quelques locomotives BB63500 équipées de ce Flaman qui donc fait de la résistance et fonctionne ainsi toujours parfaitement.






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