Les trains-jouets Edobaud : pas très beaux, mais devenus très fréquentables : voilà ce que l’on pourrait dire pour les présenter.
Ils sont peu connus en dehors du milieu le plus “pointu” de la collection des trains-jouets anciens français, mais ils méritent de l’être, car ils ont un charme très naïf et très « vieil artisan de province » des années 1930, avec leurs gros boulons, leurs pièces soigneusement nickelées, leurs caisses en bois ou en tôle peinte, et leur conception très mécanicienne, proche de celle du vrai chemin de fer.
Ces trains Edobaud ont eu la vie tout aussi dure sur le marché de la collection en France qu’ailleurs dans le monde, et ont été longtemps boudés par les collectionneurs français, et ignorés des collectionneurs étrangers.
En effet, Edobaud est un phénomène unique pour deux raisons. La première est que c’est une marque purement française et qui n’a pas été ni exportée ni vendue couramment au-delà des frontières. La deuxième raison est un style très difficile à … digérer pour un collectionneur habitué aux splendeurs baroques de Märklin ou aux délicatesses fines de Hornby ou aux belles rondeurs aérodynamiques de JEP. Il ne semble pas, non plus, que cette marque ait été inspirée par une autre fabrication étrangère, notamment allemande, ni d’ailleurs, qu’elle en ait inspiré. Bref, c’est du “bien de chez nous”, issu tout droit de la France profonde des années 1930, fabriqué avec soin et amour et en prenant son temps.



Edouard ou Edmond Baud, constructeur de jouets scientifiques.
La firme en elle-même est très mal connue. Par exemple, Edobaud est parfaitement inconnue des publications professionnelles des fabricants de jouets des années 1930 à 1960 comme “La Revue du Jouet”, et n’est nullement considérée comme productrice de jouets. Elle est parfois timidement présente dans un coin de page de certains catalogues de grands magasins parisiens des années 1930, de moins ceux qui ont tendance à développer ce que l’on appelle alors les « jouets scientifiques » avec les machines à vapeur, les appareils photo et cinéma, les jeux d’électricité et de chimie. Ce dernier fait montre que la marque Edobaud a sans doute été vendue dans les magasins dits, justement, de « jouets scientifiques » comme la Source des Inventions, ou certains détaillants de trains-jouets portés sur le modélisme comme le sera le Pélican ou la Maison des Trains.
Portant un nom répandu en Suisse, notamment dans le canton de Genève, ce monsieur E. Baud dont le prénom reste ignoré à jamais, fonde sa marque à Villeurbanne, près de Lyon, vers la fin des années 20 (en 1929, semble-t-il). La marque est Edobaud, parce que ce monsieur Baud s’appelle Edouard ou Edmond. On ne sait pas ce qu’il a fabriqué à Villeurbanne : des pièces de mécanique générale, une petite sous-traitance pour des grands industriels, ou peut-être déjà des industriels du jouet ?
Mais la marque se fait connaître comme fabriquant des jouets quand elle est installée à Oyonnax, dans l’Ain, en 1931 ou 1932. La production est bien ce que l’on appelle à l’époque des jouets « scientifiques » et Edobaud crée surtout des usines et des ateliers miniatures avec des petites machines-outils. On peut penser qu’il est un passionné de la découverte du monde industriel, sans nul doute à la manière de Hornby, et il veut que ses jouets aillent dans ce sens, rendant ce qu’il estime être le plus grand service aux enfants, celui du goût pour les sciences et les techniques.

La production de ces ateliers miniatures oriente Edobaud définitivement vers le monde industriel et c’est pourquoi la firme propose, sur de la voie en écartement « 0 », des trains du type train de chantier, en voie de 60, sur voie étroite, avec beaucoup d’accessoires fonctionnels permettant un jeu réel : locotracteur type minier, wagonnets, wagon-grue, etc. Ce train est devenu aujourd’hui une rareté de collectionneur, mais il a bien été produit.
On ne peut pas dire qu’il soit d’une grande beauté, mais ce n’est nullement le souci de Baud qui veut plutôt initier l’enfant au monde véritable de l’industrie et reproduire ce monde tel qu’il est, en suivant fidèlement les techniques de production et d’assemblage des objets industriels qu’il reproduit, d’où le recours au boulonnage, aux tirants, aux pièces en bois ou en acier, ceci en conformité avec les techniques industrielles réelles. Edobaud s’inscrit dans une logique qui est très proche de celle de Hornby créateur du Meccano.

Les gros trains Edobaud.
Dès 1931 Edobaud se lance dans des trains pour voie que l’on n’ose qualifier de normale par rapport aux trains de chantier précédents, du fait d’un gabarit qui est très fort et qui fait penser à du «1 » sur de la voie « 0 ».
Le matériel roulant est présenté comme étant du type “grandes lignes”, avec des voitures à bogies très lourdes et semble-t-il difficilement élaborées, massives, peu jolies, et comportant des vitrages, des soufflets, des éclairages. Toutes, pourtant, ne sont que la déclinaison d’une version de base donnant des voitures ne différant essentiellement que par la teinte, et dont la caisse, d’un type unique, sert aussi pour faire une voiture postale ou un fourgon selon que l’on évide des fenêtres en partie ou en totalité, ou pas du tout.
Des wagons de marchandises aux couleurs très vives existent aussi, tous sur bogies : un gros citerne, un bâché, un couvert (peu réussi), un tombereau, etc. Ici aussi, les données techniques sont généreuses avec des poids considérables, des bogies réellement suspendus et au roulement excellent, et le recours à l’acier, au bronze, au laiton et au bois.
En tête de ces lourdes rames, ce sont des locomotives de type électrique exclusivement, du type 2B2 ou 2C2. IL n’y a jamais eu, à notre connaissance, de locomotive de type vapeur chez Edobaud. Très paradoxalement, ces locomotives de type électrique se veulent de type suisse, présentées comme reproduisant les locotracteurs de la ligne du Simplon. On trouve aussi, comme matériel moteur, deux automotrices électriques, l’une qui n’est qu’une voiture à voyageurs motorisée portant l’inscription « Renault » en hommage à ce constructeur automobile et véritable champion de l’autorail dans les années 1930, et l’autre qui ressemble à une camionnette ou un « pick up » avec un plateau à ridelles, et très évocatrice des “galloping goose” américaines.
De nombreux signaux de type mécanique français, un passage à niveau en zamak, un viaduc et un château d’eau monumental complètent le tout. La fabrication est, ici encore, lourde, mais très soignée, de très belle qualité. L’indestructibilité Edobaud est telle que tout parvient en général complet et en état très acceptable jusqu’à nous.

Une locomotive et une automotrice curieuses.
Lorsque Edobaud lance son programme de trains à voie normale en écartement « 0 », la firme de dimensions modestes évite le piège de la locomotive type vapeur qui demande beaucoup de pièces rapportées, le cintrage d’une chaudière, la découpe d’une cabine, et, en plus, la fabrication d’un deuxième véhicule, le tender. C’est dommage, car, sans nul doute, le style général et la conception très mécanicienne choisis par Edobaud aurait donné une locomotive à vapeur sans doute très présentable, très “forte”, tout à fait remarquable et réaliste, et de haute qualité.
Dans la mesure où la locomotive type électrique est plus simple, comportant une caisse à formes plus planes, et comme, durant les années 1920, la traction électrique est en train de faire sa percée « médiatique » avec les grandes électrifications suisses, allemandes, ou françaises, Edobaud choisit de réaliser une locomotive qu’il présente comme suisse, et plus précisément du type Simplon. Le modèle Edobaud est toutefois une évocation assez libre des premières locomotives essayées dans le tunnel et qui étaient des 1C1, alors que Edobaud en fait des 2B2 ou des 2C2. Mais la silhouette générale est proche, avec une cabine centrale et des capots inclinés de part et d’autre.




Un système d’alimentation intéressant, aussi.
Ce qui est peu connu, est que Edobaud s’intéresse, comme Trix ou LR, à la prise de courant traction par caténaire fonctionnelle, ce qui permet de se passer du rail central et de faire comme le « vrai » chemin de fer électrique. Ce système, si l’on maintient le rail central, permet aussi la commande d’un deuxième train indépendant du premier utilisant la caténaire.
Grand utilisateur d’éléments de voie à traverses en bois réel, Edobaud propose donc une voie à deux files de rails. Ces rails ne sont, d’ailleurs, que des bandes de métal et non des profilés, ce qui donne à cette voie un aspect assez rudimentaire.
Collectionner Edobaud.
Il est certain que les trains Edobaud sont un monde à part, et que leurs dimensions, leurs coloris, leurs formes, les rendent incompatibles avec ceux des grandes marques de trains-jouets classiques.
Outre la collection, qui est facile, les exploiter sur un réseau actif est assez difficile pour deux raisons. D’abord, ils ont contre eux leur gabarit très généreux qui risque de compliquer leur circulation et de leur faire accrocher les quais et les tunnels d’un réseau Hornby ou JEP. Mais surtout, sur la plupart des locomotives que l’on peut trouver, leur mécanisme est en général fatigué par la traction de trains très lourds : les enroulements ont chauffé et les roues dentées ont souffert, malgré la grande solidité et la précision de leur fabrication d’origine.
Il y a le problème posé par certains modèles, prévus pour la voie à deux files de rails, et qui roulent en utilisant directement une tension de 110 volts ! Les modèles à transformateur, eux, utilisent une tension de 12 à 18 volts, et on doit faire attention aux problèmes de tension quand on achète une locomotive Edobaud : le mieux est de s’abstenir de les faire rouler, et de préférer du bon vieux JEP en courant continu… Par contre, une belle vitrine Edobaud, bien garnie de trains et d’accessoires, est réellement colorée, vivante, sans doute très naïve, mais pleine de charme et de présence. Attention au fait que les prix Edobaud, vu la rareté, ne sont pas donnés ! Si vous voyez, dans une brocante, de l’Edobaud, achetez toujours : vous pourrez échanger ensuite sans rien perdre et en faisant plaisir à un collectionneur Edobaud : cela existe.

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