Afficher une vitesse courante en service commercial avec un mythique “200” ? C’était le grand projet pour les trains classiques des années 1950-1960. Mais elles se feront damer le pion par les rames automotrices qui ont marqué un “300” dans les années 1980, roulant à une vitesse qui relevait de l’impossible jusque là. Le chemin de fer du XIXe siècle ne pensait pas au “300” et laissait cette idée aux rêveurs utopiques. En 1955, lors d’essais dans les Landes, il y eut, certes, un 331 km/h exceptionnel, totalement isolé, avec un vrai train formé de trois voitures DEV, mais les trains de tous les jours de la SNCF roulaient, dans les années 1960, à 140 km/h avant de passer à un timide 160 km/h durant les “années Corail” que sont les dernières années 1970.
La SNCF pensait même à une grande vitesse marchandises.
Notons aussi, chose oubliée aujourd’hui, qu’à la fin des années 90, la SNCF prévoit, pour le SERNAM, de mettre en circulation des trains de Messageries à Grande Vitesse sur LGV pour assurer l’acheminement de ses colis express en saut de nuit entre Paris-Austerlitz (chantier Chevaleret) et deux villes de province que sont Orange et Toulouse.
Il faut dire que des essais entrepris en 1988 ont permis d’atteindre la vitesse de 225 km/h dans le cadre d’essais concernant le comportement d’un wagon couvert G13 muni de bogies Y37A. Des modifications seront apportées aux freinage des bogies, principalement au niveau de l’anti-enrayage. Les essais se dérouleront sur la LGV Paris-Tours. Notons qu’une rame TGV tractant une voiture de mesures et le wagon en essais apporteront aux trains de marchandises leur record de 1988. La rame atteindra la vitesse de 281 km/h, record discret et sans communication de la part de la SNCF.
Selon les règlements et documents techniques, une nouvelle catégorie de trains de messageries est créée avec l’appellation « MVGV’’. Leurs conducteurs recevront une formation spécifique pour circuler sur la LGV. Sur une ligne à signalisation classique, ils sont considérés comme des « MV 160 », la vitesse est celle des trains de voyageurs V160 sans dépasser 160 km/h, tandis que, sur une ligne à signalisation de cabine, la vitesse indiquée dans les documents à disposition du mécanicien: code MVGV sans dépasser 200 km/h. Mais au service du 12 décembre 2010, ces trains n’empruntent plus les LGV. On verra des rames de wagons couverts Gahkss 02 garées pendant des années, en attente d’une décision de reprise du trafic qui ne viendra jamais….

Le “200 à l’heure” ce sera pour les trains de voyageurs.
Soyons bien clairs, avant de continuer à parler de “trains”. Pour la SNCF, un TGV n’est pas un train mais une automotrice – et plutôt une rame automotrice non modulable qui, en service courant, conserve sa composition avec deux motrices “encadrant” un nombre défini de “remorques” qui, elles, ne peuvent être séparées qu’en atelier. Nous ne traiterons, dans cet article, que de trains classiques.
Et c’est bien le chemin de fer américain qui a fait rouler des trains classiques à “120 miles per hour” (193 km/h) dès les années 1940, et c’est bien lui qui crée la grande vitesse pour les trains classiques composés d’une locomotive et de voitures. Visant avec ambition des vitesses atteignant le 200 km/h, l’Allemagne, la France, et même le Royaume-Uni qui compte en “miles”, vont s’y mettre sérieusement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que le chemin de fer est considéré comme moribond par les lobbies routiers et aériens.
Le 120 mph américain : un bon 193 km/h souvent atteint en service courant et en traction vapeur.
La période de l’entre deux guerres et jusqu’à la fin de la traction vapeur aux Etats-Unis est particulièrement brillante, et, loin de l’Europe et souvent loin de ce que les ingénieurs européens et les amateurs soupçonnaient, la traction vapeur de l’avenir se réalisait, avec des vitesses de 120 miles (193 km/h) atteintes en service quotidien et sur de longues distances par des locomotives lourdes remorquant des trains rapides très lourds. Sans nul doute les pages des plus performantes de l’histoire mondiale des chemins de fer se sont écrites entre 1930 et 1950 aux Etats-Unis, notamment avec un étonnant record à 226 km/h dont on ne parle pas souvent, ni de l’encore plus mystérieux record à 241 km/h.
Aux Etats-Unis le chemin de fer des années d’entre les deux guerres mondiales est dans toute sa splendeur, avec ses immenses trains carénés traversant à vive allure le continent entier, reliant les deux océans dans un luxe et un confort incroyables. Les actualités montrent des stars hollywoodiennes descendant les marches de ces immenses trains chromés dans la gare de Los Angeles, arrivant de Chicago sans fatigue, avec un sourire éclatant aux lèvres. Les films de Hitchcock évoquent encore aujourd’hui ces trains pesant le millier de tonnes et roulant à la vitesse maximale légale de 120 miles (193 km/h) sur des voies lourdes et parfaitement dressées. On reste incrédule devant la beauté d’un tel système, sa perfection et sa lourdeur, et devant, aussi, sa fragilité, puisque, en une ou deux décennies, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tout ce qui est service voyageurs rapide disparaît sans laisser de traces.


Des trains de plus en plus lourds roulent de plus en plus vite.
En 1937-1938, les ingénieurs des réseaux des Etats-Unis font encore un pas en avant dans la recherche de nouveaux types de locomotives, et pour atteindre des performances encore plus élevées. La concurrence automobile et aérienne est, désormais, redoutable et vide les trains de leurs voyageurs. La grande vitesse et le confort sont les deux derniers atouts offerts par le chemin de fer en face des immenses distances de ce grand pays.
Par exemple, le 3 juin 1937, le Baltimore and Ohio engage sur ses lignes une locomotive de vitesse conçue, une fois encore, par Georges H. Emerson, ingénieur en chef de ce réseau. Afin de diviser et de répartir sur le châssis et les embiellages les efforts moteurs très importants sur une machine à deux cylindres de cette puissance, cette locomotive est à quatre cylindres extérieurs, les essieux moteurs constituant deux groupes de deux essieux commandés chacun par une paire de cylindres, ce qui donne le type 2222. Le second groupe de deux essieux a ses cylindres à l’arrière, côté foyer.
Ces locomotives ont une grille de 7,48 m2 de surface, avec un foyer à tubes d’eau du système Emerson. Leur pression de marche est au timbre exceptionnel de 24,5 kg/cm2, avec un surchauffeur Schmidt type A. Leurs quatre cylindres ont un diamètre de 458 mm et une course de 672 mm. Leur échappement est double. Les roues ont un diamètre de 1920 mm. Elles pèsent 175 tonnes en charge, et 108 tonnes sur les essieux moteurs. Leur tender emporte 83 m3 d’eau et pèse 159 tonnes en charge. Ces machines atteignent, dès les premiers essais, la vitesse de 170 km/h.

Le record du monde est battu aux Etats-Unis.
A l’exposition de New-York, en 1939-1940, figure une locomotive expérimentale à grande vitesse N°6100 carénée, de la série « S1 » du Pennsylvania Railroad. Elle est à disposition d’essieux en deux groupes, du type 3223, c’est-à-dire avec deux bogies d’extrémité à trois essieux, et deux groupes de deux essieux moteurs au centre du châssis. Elle résulte des études communes du réseau du Pennsylvania et des grands constructeurs américains, en vue de remorquer un train de 1000 tonnes à la vitesse de régime en palier de 120 miles, soit 192 km/h et de 700 tonnes à 190 km/h.
Cette machine, très remarquable, possède quatre cylindres extérieurs de 559 mm de diamètre et de 660 mm de course, à simple expansion, qui commandent deux groupes d’essieux. Elle offre la valeur record de 12,26 m2 de surface de grille, soit trois à quatre fois la grille européenne à l’époque, avec des siphons Nicholson dans le loyer. Elle a un timbre de 21 kg/cm2, un surchauffeur Schmidt type A, une distribution par soupapes Franklin, des roues motrices de 2130 mm, un échappement double à jets multiples. Le poids en charge, considérable, est de 273 tonnes, dont 128 tonnes seulement de poids adhérent, mais l’effort de traction atteint la valeur inédite de 32,7 tonnes. Son tender est sur bogies « Commonwealth » à trois essieux, emportant 24 tonnes de charbon, 92 m3 d’eau et pesant 205 tonnes en charge : le tender seul pèse plus que certains trains de voyageurs européens. Essayée au banc des ateliers centraux d’Altoona du réseau, la machine N° 6100 développe 8200 ch. indiqués et 7000 ch. à la jante des roues motrices, soit la puissance d’un TGV actuel.
Aux essais en ligne, la vitesse de 162 km/h en palier est soutenue avec un train de 1218 tonnes. Un train de messageries de 2880 tonnes est remorqué à une vitesse moyenne de 97 km/h sur un parcours de 225 km. La vitesse limite légale aux Etats-Unis est fixée à 120 miles, soit 193 km/h, mais le « Interstate Commerce Commission » autorise le Pennsylvania Railroad à dépasser cette vitesse déjà élevée, sur une section de ligne en parfait alignement, où la vitesse de 226 km/h a pu être atteinte par la S1, ce qui est le vrai record du monde. Et encore que… Car, officieusement, cette machine aurait atteint, dans des conditions qui restent non précisées, la vitesse de 150 miles en pointe, soit 241 km/h, mais cette performance, techniquement possible, n’a été, à la connaissance d’auteurs confirmés comme Lucien-Maurice Vilain, ni infirmée, ni confirmée et résulterait d’un simple chronométrage sans homologation.
Par la suite, le carénage intégral occasionnant des chauffages, la partie basse, masquant plus ou moins les cylindres et le mouvement, a été démontée. Cette machine, d’une utilisation difficile par suite de sa puissance et de son poids, a été retirée du service en 1949, mais elle devait donner naissance peu après à une série de locomotives analogues, plus légères, du type 2222, les très belles série T1 du même réseau.

Les derniers grands exploits américains en traction vapeur.
En 1941, deux prototypes d’un nouveau type de locomotive extra puissante à grande vitesse, désigné “T1”, et procédant de la “S1”, sont mis en service par le Pennsylvania avec les N°s 6110 et 6111.
Ces machines sont caractérisées par un châssis monobloc en acier moulé, une grille d’une surface de 8,55 m2, chargée automatiquement par un « stoker », un foyer comportant cinq « circulators » répartissant le charbon, et elles sont munies d’une distribution par soupapes à cames oscillantes système Franklin, expérimentée également sur la machine Pacific K4-S 5399, et d’un échappement en étoile à jets multiples. Elles sont au timbre 21 kg/cm2. Elles ont un surchauffeur Schmidt type A, des cylindres de 502mm de diamètre et de 660 mm de course, des roues de 2030 mm. Leur poids en charge est de 226 tonnes, dont 122 tonnes de poids adhérent. Le tender, à deux bogies à quatre essieux, contient 72,5 m3 d’eau et 39 tonnes de houille et pèse 191 tonnes. Carénée comme la “S1”, la “T1” est à quatre cylindres extérieurs, mais beaucoup plus légère, les bogies n’ayant que deux essieux, ce qui permet de la ramener au type 2222. La machine N° 6110 sur le trajet de Fort-Wayne à Chicago a soutenu une vitesse oscillant entre 155 et 160 km/h avec quatorze voitures, pesant 900 tonnes. La vitesse de 177 km/h a été atteinte sur légère pente avec un train de 1 000 tonnes.
En 1952, les ateliers de Roanoke du Pennsylvania construisent une nouvelle série de ces locomotives. Avec un train de 945 tonnes, la vitesse de 164 km/h a été soutenue sur 111 km en pente moyenne de 0,3 pour mille, en développant une puissance aux cylindres voisine de 7000 ch, et de 6760 ch à 160 km/h. La nouvelle machine a roulé facilement à 193 km/h et a été essayée également au banc d’essai des ateliers d’Altoona à 193 km/h. Sa chaudière a pu fournir 48 tonnes de vapeur à l’heure et à la température de 450°, à la vitesse de 169 km/h en développant 6670 ch. indiqués. Une série de cinquante autres locomotives, portant les numéros 5500 à 5549, et exactement du même type est construite en 1945-1946, une moitié de la tranche par Baldwin et l’autre moitié par les ateliers du Pennsylvania. Lors d’essais, un train de seize voitures allégées, soit environ 850 à 900 tonnes, a été remorqué, probablement sur légère pente, à 209 km/h. Beaucoup d’autres circulations ont du se faire à ces grandes vitesses, ces locomotives n’en étant pas à un record près, homologué ou non : mais les réseaux américains ne cherchaient pas à battre des records comme une fin en soi, car leur objectif était d’obtenir, en service quotidien, des marches soutenues à la plus grande vitesse possible.

Vers le 200 km/h allemand.
Pays du plus de 200 km/h ferroviaire et électrique depuis 1903 (voir notre article sur les records à 203 et 210 km/h), l’Allemagne va l’être à nouveau en 1935, donnant cette fois cet honneur d’une vitesse à 200 km/h à la traction à vapeur, avec la très belle 05001 carénée. Mais cet exploit n’est pas un acte isolé et subit : il est le terme d’une longue série d’essais donnant, dès les années 1920, des vitesses dépassant le 150 km/h, puis le 160 km/h. La montée en vitesse se fait méthodiquement, inexorablement, accompagnant la montée en puissance d’un pays à qui il faut le meilleur chemin de fer du monde.
Dans l’Allemagne du Reich d’entre les deux guerres, le chemin de fer se voit assigner un rôle double et complexe : d’une part, redémarrer rapidement et reconstruire durablement l’économie d’un pays profondément découragé et détruit, et, d’autre part, symboliser, par son dynamisme et sa réussite, la renaissance de l’Allemagne et sa marche vers la prospérité et la puissance. Le chemin de fer allemand, désormais réuni sous l’égide de la Deutsche Reichsbahn, y parviendra, malgré le manque de moyens et de matériaux et parviendra, dès le milieu des années 1920, à hisser le niveau du chemin de fer allemand au niveau général du chemin de fer européen, puis, rapidement, à le dépasser sur bien des points dont celui de la vitesse en service courant.
C’est dans le cadre de cette action que des séries de vitesses remarquables sont peu à peu réalisées, soit au cours d’essais organisés avec des résultats validés, soit au cours de marches en service courant avec des résultats plus ou moins validés officiellement mais constatés et répertoriés sur des documents de service.
C’est ainsi qu’une “Pacific” légère, de la série 03, construite en 1928, réalise cette année-là, sur les 287 kilomètres d’un trajet en service courant, une vitesse moyenne de 124,6 km/h avec une pointe à 150 km/h. Pendant cet exploit, la “Pacific” remorque un train rapide Berlin-Hambourg, composé de six voitures, et pesant 280 tonnes. La vitesse maximum atteinte a été de 150 km/h et celle de 140 km/h soutenue sur 63 kilomètres. Certaines de ces machines ont reçu un carénage analogue à celui existant sur les machines 232 à très grande vitesse, série 05, mais plus esthétique et plus enveloppant, le carénage procurant un gain estimé de l’ordre de 215 ch. à la vitesse de 140 km/h.
Les “Pacific” de la série 02 sont construites primitivement sous la forme de locomotives compound à quatre cylindres et surchauffeur avant d’être remises sur le type à simple expansion, faisant d’elles des machines identiques à celles de la série 01, à deux cylindres. Lors de la remorque du trains « Fliegender Hamburger», pesant entre 200 et 240 tonnes, les 01 modifiées réalisent des vitesses moyennes de 118,7 à 123 km/h, la vitesse de pleine marche atteignant 154 km/h et celle de 135 km/h soutenue sur de longues distances. Les locomotives Pacific du type IV-H de l‘Etat de Rade, construites en 1918-1920 par la firme Maffei, à roues motrices de 2100 mm, atteignent également, sur la ligne de Berlin à Hambourg, des vitesses s’élevant jusqu’à 154 km/h. L’Allemagne a renoué avec la vitesse ferroviaire.

Les années 1930 : le pouvoir allemand met la pression et augmente le timbre.
Après 1930, l’accélération de la vitesse des trains de voyageurs en général, et des express et rapides de grand parcours en particulier, est prioritaire en Allemagne, et devient une exigence clairement posée par le Deuxième Reich. La Deutsche Reichsbahn, en accord avec les pouvoirs publics qui lui en donne les moyens, va relever le défi sous la direction de Dorpmüller (voir l’article qui lui est consacré).
Il faut dire que la traction diesel vient de faire son apparition sous une forme particulièrement réussie et brillante, passant ouvertement à la conquête des grandes vitesses. La mise en service, notamment sur Berlin-Hambourg, de trains rapides automoteurs tel le « Fliegender Hamburger», qui réalise quotidiennement une vitesse commerciale de 124 km/h, en roulant en service régulier à des vitesses parfois supérieures à 160 km/h et toujours au moins équivalentes à ce chiffre très parlant, crée, pour la Deutsche Reichsbahn, une réputation internationale de réseau performant et très « moderne ». Par ailleurs, des locomotives Pacific unifiées des séries 01 à 03 approchent le 120 km/h de vitesse moyenne avec des trains légers : de tels exploits attirent de nouveau l’attention des ingénieurs allemands sur la possibilité de réaliser de très grandes vitesses avec des locomotives classiques et, de toute façon, profilées.
C’est alors que de nombreuses campagnes d’essais à grande vitesse sont entrepris sur tout ce qui, au sein des machines existantes, pourrait prouver des aptitudes à la vitesse, notamment des Pacific unifiées des séries 01 et 03, mais aussi des anciennes type 230 prussiennes comme les S-10, et d’autres locomotives à deux ou trois essieux moteurs. Notons que la locomotive S-10 est une 230 type prussien, datant de 1913, du système Von Bornes compound à quatre cylindres et à surchauffe. Elle remorque, sans incident autre qu’un léger chauffage des têtes de bielles d’attaque, quatre voitures métalliques dont une voiture-dynamomètre, à la vitesse de 152 km/h.
Ces nombreux essais permettent aux ingénieurs de la Deutsche Reichsbahn d’accumuler une véritable base de données scientifique et expérimentale sur le comportement des locomotives classiques à grande vitesse, recueillant de nombreux paramètres et accumulant les mesures. Ces informations circulent parmi les ingénieurs de la Deutsche Reichsbahn et aussi des constructeurs spécialisés comme Borsig, Henschel et autres, qui étudient des projets très complets de locomotives, classiques ou non, capables de remorquer des trains légers à des vitesses dépassant nettement 150 km/h.
Un projet de locomotive à turbines, d’une puissance minimum de 3000 ch. sur l’arbre de la turbine, est mis à l’étude en 1934, sous la forme d’une locomotive carénée et à roues motrices accouplées. Sur un autre projet de la même époque, la chaudière est à haute pression avec un timbre à 23 kg/cm2, et la machine comporte une turbine de marche avant et une autre de marche arrière, la puissance estimée avoisinant 2000 ch. au crochet et la vitesse prévue étant de 170 km/h en service courant.
Dans deux autres études de locomotives 242, également carénées et à turbines, l’une a une chaudière avec surchauffe portée à la température de 525° et une cabine placée à l’avant. La puissance de 3400 ch. est prévue pour la vitesse relativement faible de 140 km/h. La firme Henschel élabore trois projets très complets portant sur une locomotive du type 232 profilée à trois cylindres, avec chauffe au fuel, pouvant remorquer 250 tonnes à la vitesse soutenue de 250 km/h en service courant. Une de ces trois locomotives est dessinée, elle aussi, avec une cabine à l’avant.
Enfin un projet de machines-tender type “Atlantic”, à deux cylindres intérieurs, dont la cheminée et l’échappement présentent la particularité d’être inclinés vers l’arrière. Cette machine, timbrée à 20 kg/cm2, est destinée à remorquer une rame articulée de deux voitures sur trois bogies, ceci à la vitesse de 160 km/h. D’après les bilans établis, une telle locomotive serait revenue à 1,7 fois moins cher qu’une rame diesel rapide, avec moins d’incidents et une plus grande capacité de surcharge, selon les vues bien connues du professeur Nordmann, conseiller très écouté de la Deutsche Reichsbahn.

Le chef d’œuvre de Borsig.
Finalement la Reichsbahn fait construire, en 1934, une machine à disposition d’essieux type 232, inaugurant la série 05, portant le numéro 05-001, et carénée et étudiée par Borsig dont c’est le chef d’œuvre. Elle est susceptible d’atteindre 175 km/h avec un train de 250 tonnes. Elle est à boîte à feu débordante, comportant une grille d’une surface de 4,70 m2. Mais le point technique le plus spectaculaire est son faisceau tubulaire de 7,00 m de long, un fait exceptionnel en Europe. La chaudière comporte un surchauffeur Wagner, un réchauffeur Knorr, et sa pression (ou timbre) est portée à la valeur très forte de 20 kg/cm2 : nous voici à six fois la valeur de celle de la Fusée, et à trois fois la valeur de celle des locomotives de la fin du XIXe siècle. Ses roues motrices ont un diamètre spectaculaire de 2300 mm.
Son moteur comporte trois cylindres d’un diamètre de 550 mm, avec une course de 660 mm. Le mouvement de distribution est complet pour chaque cylindre et avec des distributeurs d’un diamètre de 300 mm, permettant une course maximum de 180 mm, pouvant être portée à 200 mm. Les bielles motrices mesurent 4,25 m. Le châssis est en barres de 90 mm de type américain . Sur les trois locomotives de la série 05 construites en 1936, une a reçu des boites à rouleaux. Le tender est monté sur cinq essieux dont un bogie à deux essieux. Il comporte un pousseur de charbon. Il transporte 38 tonnes d’eau et 10 tonnes de charbon.
La locomotive 05001, essayée en juillet 1935, remorque un train de 205 tonnes à la vitesse de 196 km/h, vitesse soutenue sur 44 km en palier, entre Hambourg et Berlin, avec une pointe à 200,7 km/h : l’honneur de la traction vapeur allemande est sauf… A la vitesse de 196 km/h elle développe 3137 ch. indiqués par des appareils placés sur les fonds de cylindre, et 1 605 ch. au crochet du tender indiqués par un dynamomètre.
Mais Von Borries avait raison, quand il soupçonnait, dès 1904, la diminution du rendement commercial aux grandes vitesses… Ici, la diminution des performances est due principalement à l’accroissement de la résistance de l’air, la locomotive et son tender absorbant pour se mouvoir, et malgré leur carénage intégral, une puissance de 1532 ch, soit la moitié de la puissance développée. En effet, cette locomotive a pu développer une puissance maximum indiquée de 3430 et de 2333 ch au crochet du tender en remorquant un train de 196 tonnes à la vitesse de 170 km/h soutenue sur 57 km.
En 1936, une troisième locomotive, la N° 05-003, également carénée, est construite par Borsig. La machine roule la cabine vers l’avant et la cheminée tournée vers l’arrière. Elle est munie d’une chambre de combustion lui permettant de marcher au charbon pulvérisé, selon une technique qui intéresse vivement les ingénieurs allemands à l’époque, mais ce système de chauffe est peu satisfaisant en service, cette machine est remise au type des deux premières et son carénage démonté en 1941. Ces locomotives survivent aux destructions de la guerre, mais alors, le carénage des deux autres locomotives est, lui aussi, démonté.


La CC E103 : cette star promet le retour de la grande traction électrique allemande.
Cette locomotive électrique allemande est une des plus réussies esthétiquement et techniquement à son époque et, pour les amateurs de chemins de fer réels comme les modélistes ferroviaires allemands, elle est un « must » incontournable, marquant l’entrée du réseau allemand dans l’ère de la grande vitesse. Il est vrai que l’ICE lui a subitement fait de l’ombre, mais, quand elle apparaît au milieu des années 1960, elle est une star, et elle incarne, pour l’opinion publique allemande, le retour des grandes traditions de haute technologie ferroviaire que le pays a tant pratiquées jadis.
La grande vitesse ferroviaire allemande ne date pas d’hier, mais la puissance industrielle et économique allemande n’a jamais laissé le chemin de fer jouer seul cette carte. Sauf, certes, pour les quarante années de l’intermède de la République Démocratique Allemande, le chemin de fer allemand excelle, mais lutte, et une concurrence très sévère avec d’autres moyens de transport se met en place dès les années 1920 et ne baissera jamais la garde. A la fin des années 1950 une clientèle d’ hommes d’affaires existe plus que jamais pour les chemins de fer européens, et particulièrement en Allemagne ou, dès les années 1930, existaient déjà relations rapides et serrées entre les grandes métropoles réparties d’une manière uniforme sur le territoire, et assurées par des automotrices Diesel articulées roulant à 150 km/h. Mais, pendant les années 1960, l’avion est là et il faut offrir des performances, du confort, des relations directes et fréquentes, et ceci non seulement en Allemagne à nouveau, mais aussi dans toute l’Europe. C’est l’origine des trains TEE ou « Trans Europ Express ».
Il semble intéressant, pour le réseau allemand des années 1960, d’offrir, en quelque sorte, des relations style TEE mais nationales, de ville à ville. C’est la naissance du service “Inter-City”. Mais, à l’époque, les chemins de fer allemands n’envisagent pas un retour à l’automotrice et confient ce service à des trains traditionnels formés d’une locomotive et de voitures remorquées. Ces trains devront rouler à 200 km/h et, pour cela, il faut une locomotive puissante et rapide avec la CC E-103. Certes, on peut dire que l’ICE actuel, ou « Inter-City-Express », finit par représenter le stade le plus avancé de ce service, apparemment sous la forme d’une rame automotrice mais en réalité l’ICE est bien un train formé de voitures à bogies indépendantes.
Ce n’est pas parce que l’on a la locomotive…
Lors de l’Exposition Internationale des Transports de Munich en 1965, la Deutsche Bundesbahn présente à un très nombreux public quatre locomotives CC, alors immatriculées dans la série 03. Elles sont spécialement étudiées pour la très grande vitesse, du moins celle de l’époque qui est en fait 200 km/h.
Une démonstration exceptionnelle et très appréciée permet à d’innombrables spectateurs de faire un aller et retour offert quatre fois par jour entre Munich et Augsbourg, au départ de la gare spéciale établie dans l’enceinte de l’Exposition. Cette action se déroule à une époque où, en Allemagne comme dans l’ensemble des grands pays industriels, plus aucun « décideur » ne croit en l’avenir du chemin de fer et ne jure que par l’avion ou l’automobile…
Il est certain que, à l’époque, ce n’est pas parce que l’on a la locomotive, capable de rouler à 200 km/h, que l’on a, pour autant, le train et la ligne permettant de rouler à cette vitesse. Des difficultés de divers ordres, comme la réglementation fédérale allemande du franchissement des passages à niveau, des mises au point de dispositifs mécaniques ou électriques, tant sur les machines que sur les voies, freinent la mise en service commercial de cette vitesse maximale en dépit de l’existence de lignes présentant les caractéristiques requises de tracé et de profil, notamment en Allemagne du Nord ou en Bavière.
Ce n’est qu’à partir de 1970 que la Deutsche Bundesbahn peut pratiquer quotidiennement le 200 km/h entre Langenhagen et Uelzen sur la ligne de Hanovre à Hambourg. Le Chemin de Fer Fédéral doit attendre encore deux années pour pratique de telles vitesses entre Hamm et Hanovre, puis sur l’itinéraire Wanne à Eickel, et à Brême, et Hambourg. Pour la relation entre Augsbourg et Munich il faudra encore attendre.

Réalités et espoirs.
D’un aérodynamisme absolument irréprochable avec leurs formes rondes, les engins de la série 03 correspondent aux conceptions à l’honneur chez les ingénieurs du Central Amt de Munich. Elles utilisent le moteur direct, toujours, mais conjugué avec un freinage rhéostatique d’une puissance telle qu’elle constitue, techniquement, une nouveauté. Le châssis est d’un type très rigide portant une ossature de caisse légère.
Les bogies sont longs, ayant à un très grand empattement du fait de la position donnée aux moteurs de traction. Ils présentent une très grande inertie autour de leur axe de symétrie vertical, cette disposition demandant, à l’époque, la mise au point de systèmes de rappel puissants et difficiles à maîtriser.
La puissance continue sur l’arbre des moteurs des quatre CC est de 5940 kW, mais elle est définie à la vitesse maximale de 200 km/h contrairement à la pratique traditionnelle des locomotives équipées de moteurs directs alimentés en courant de fréquence 16 2/3 Hz où le régime continu est fixé à 75 % de le vitesse maximale. La raison de ce choix s’explique par la recherche d’un effort aussi élevé que possible à 200 km/h sans faire un moteur trop lourd et trop encombrant.
Toutefois, pour les locomotives de série construites à partir de 1970, le régime continu est défini à 180 km/h, soit à 90 % de la vitesse maximale. Le moteur qui a été plus poussé que celui équipant les prototypes, permet encore un effort supérieur de traction à 11 tonnes à 200 km/h, mais donne un effort continu de 14,2 tonnes.
La Deutsche Bundesbahn dispose ainsi d’engins exceptionnellement puissants aux très grandes vitesses, soit 9460 ch à 180 km/h et 8445 ch à 200 km/h. Elle annonce ainsi un régime théorique, développant prés de 14000 ch à 150 km/h et correspondant à un effort de traction d’au moins 24 tonnes, pendant une dizaine de minutes, ce qui suppose aussi la disposition simultanée de bonnes conditions d’adhérence, mais entraîne une forte surcharge de l’intensité admise dans les moteurs, surcharge de l’ordre de 55 %. Ce sera évidemment utile pour l’accélération de rames relativement courtes, de manière â augmenter la vitesse moyenne et utiliser mieux les Zones autorisées à 200 km/h, La surcharge du moteur doit alors rester admissible.
Les prévisions de 1970 sont que, aux quatre prototypes existant depuis 1965, une première série de 30 locomotives sera suivie d’une autre série de 45, et l’on pense que 200 locomotives seront construites, ce qui correspondrait bien à la généralisation de leur emploi sur les trains rapides de la Deutsche Bundesbahn de toutes les catégories.
Mais confiant dans les possibilités de cette locomotive, les chemins de fer allemands commandent 145 exemplaires supplémentaires qui formeront, avec les prototypes, la grande série des E103. Les locomotives de série sont livrées à partir de 1970. Le dessin très spécial de l’avant résulte de tests d’aérodynamisme très suivis, mais il est à noter que les dernières locomotives de série furent dotées d’une cabine plus allongée par suite d’un constat de manque de place du fait des formes arrondies.

Le grand retour de 1977.
Toutefois, à la fin des années 1960, le réseau allemand limite la vitesse de ces locomotives à un plus modeste 160 km/h du fait de l’usure prononcée des voies engendrées par des vitesses de 200 km/h sur voies classiques: les contraintes latérales imposées aux voies, en effet, sont l’un des grands problèmes rencontrés par les ingénieurs et ceux des chemins de fer allemands doivent les résoudre. En 1977 les E103 trouvent des voies à leur mesure et peuvent enfin rouler à leur vitesse normale sur un réseau Inter-City à la hauteur sur lequel des essais à 250 km/h sont faits avec la locomotive E-103.118 spécialement équipée pour cette tâche, mais l’arrivée massive des rames à grande vitesse Inter-City-Express ou ICE commence à les chasser des services nobles du réseau Inter-City allemand.

Caractéristiques techniques.
Type: CC
Date de construction : 1965 et 1970 (série)
Courant traction: 15 000 v monophasé 16 2/3 Hz
Moteurs: 6 x 1180 kW
Puissance: 7080 kW
Masse: 114 t
Longueur: 19,5 m
Vitesse: 200 km/h
Le Royaume-Uni veut conserver ses “100 miles per hour”.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni est encore un pays puissant et industriel mais il n’est plus le premier pays du monde, tel qu’il le fut du XIXe siècle. Il lutte pour conserver son rang au sein des nations puissantes, et il saura y rester, parvenant même à faire face, seul, à l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Le chemin de fer britannique des années 1920 et 1930 est à son apogée, avec ses quatre grandes et magnifiques compagnies dont les couleurs sont un symbole de qualité et de performance dans le monde entier. Leurs ingénieurs pensent toujours en termes de vitesse et les « express trains » roulent en rêvant à un « hundred miles per hour ».


Les quatre grandes compagnies n’oublient pas qu’elles héritent de lignes et de trains prestigieux dont certains brillent toujours dans le firmament de la modernité nationale. Elles savent qu’elles ne doivent pas décevoir en fermant ces lignes ou en retenant ces trains, et, bien au contraire, ce sera, pour les lignes principales du réseau, une généralisation de la vitesse. Les lignes secondaires et d’embranchement seront, pour leur part, abandonnées à la concurrence de l’automobile. Et pourtant le déclin du chemin de fer britannique est en cours.
Si, par exemple, le réseau du London, Midland & Scottish Railway a mis en service, en 1932-1935, de remarquables machines “Pacific” comme la « Princess Elisabeth », vingt ans plus tard il ne reste rien de ses exploits, rien de cette vitesse des trains anglais à la vitesse en service de 160 km/h avec neuf voitures pesant plus de 302 tonnes : c’est pourtant la première fois que l’emblématique vitesse de 100 mph en service courant est envisagée au Royaume-Uni !
A la même époque, sur le réseau du London & North Western, le train « Sivler Jubilee » relie Londres à Newcastle en 4 heures, à la vitesse commerciale de 107 km/h sur une distance de 421 km. Le 25 septembre 1935, le train « Silver Jubilee », chargé à 229 tonnes, atteint la vitesse de 180,2 km/h, et une distance de 40 km est franchie à la vitesse moyenne de 173 km/h, et 66 autres km à la vitesse de 162 km/h. Pendant ces exploits, la section de ligne de Woodgreen à Fletton, longue de 113 km, est parcourue en 45 minutes et 45 secondes, soit à la vitesse moyenne de 147,8 km/h. Le 27 août 1936, la vitesse atteinte avec un train de 270 tonnes, est de 182 km/h.

Mais, surtout, le 3 juillet 1938, la “Pacific” A4 nommée « Mallard », remorque le « Silver Jubilee ». En rampe de 5 pour mille, la Mallard accélère en 6 minutes de la vitesse de 38 à 120 km/h, ceci sur seulement 8900 mètres, et, portée par son élan, la locomotive parvient, au bas de la pente qui suit, à la vitesse de 202 km/h. Cette vitesse est atteinte en 5 minutes et une seconde, sur un parcours de 14,100 km au sein duquel une distance de 8 km a été franchie en 2 minutes et 29 secondes à la vitesse moyenne de 193 km/h. La « Mallard » a atteint la vitesse de 202 km/h en pente de 5 pour mille, avec un train de 245 tonnes. C’est alors le record du monde en traction vapeur, avec une locomotive classique à cylindres et pistons, et il l’est resté, du moins officiellement. Le pays qui avaient inventé le chemin de fer venait de sauver son honneur et de se réconcilier avec son histoire ferroviaire. Mais ce n’était qu’un coup d’éclat sans lendemain.

L’APT : un TGV britannique qui se passe d’infrastructure.
La grande vitesse ? Beaucoup de réseaux européens, y compris britanniques, en rêvent à partir des années 1960-1970, mais peu, très peu, ont les moyens de s’offrir le lourd investissement en voies ferrées nouvelles que cela représente. On veut bien la voiture course digne d’une « Formule 1 », mais on n’a pas l’argent pour construire le circuit…Alors comment faire pour avoir un véhicule rapide qui se contente des lignes existantes ? Les ingénieurs britanniques se mettent à cette quadrature du cercle, mais à leurs dépens.
Pour sortir de ce dilemme, on se laisse porter par la solution de compromis qui consiste à admettre que, certes, l’avenir se joue dans une politique ferroviaire innovante, mais en la concentrant sur le train lui-même et en se bornant à quelques retouches économiques en ce qui concerne le réseau. La caisse inclinable apparaît comme une réponse technique pouvant apporter une réponse. Le réseau britannique pousse le projet très loin. C’est la naissance de l’ « Advanced Passenger Train » ou APT, expression que l’on peut traduire par « train de voyageurs techniquement avancé ». Malheureusement, ce train « avancé » du futur marque un net recul en matière de succès, et il est finalement abandonné, pour de nombreuses raisons dont toutes ne sont pas d’ailleurs pas très claires.
L’histoire de ce train mériterait un ouvrage entier tellement il y eut d’épisodes heureux et malheureux, et les essais ont, tout compte fait, bien duré quinze années ! L’idée de départ du centre d’essais anglais de Derby, en 1960, est beaucoup plus astucieuse qu’excellente et procède de ce genre de progrès technique qui, à la longue, n’en est plus un, dans la mesure où, focalisé sur un seul problème, il en pose trop d’autres – une fois la solution trouvée.
Le problème, comme c’est presque toujours le cas, est de faire une économie. Il s’agit, en l’occurrence, de celle de la construction intégrale d’un réseau de lignes à grande vitesse. Or, il faut de grande vitesse. La seule solution restante est donc de rouler à très grande vitesse sur des voies anciennes, donc forcément sinueuses, et à profil difficile. Mais les solutions, elles, ont finalement tué dans l’œuf le train lui-même et l’APT ne fera pas partie du chemin de fer de l’an 2000, oublié depuis le milieu des années 1980.
Et, en plus, il est pendulaire…
Son principe est celui du train à caisses inclinables, dit encore pendulaire et, ironie du sort, les Italiens l’ont utilisé très astucieusement pour leur rame automotrice « Pendolino » qui a rencontré un certain succès sur les réseaux classiques sinueux de pays comme la Suisse, ou l’Italie elle-même, en permettant une « petite » grande vitesse pour des trajets qui, de toutes manières, ne pouvaient être longs.
Dès 1935, le réseau américain du Burlington essaye, mais timidement et sans conviction, des voitures pendulaires, et, en 1959, la SNCF se lance plus courageusement dans cette technique nouvelle à titre d’essai et prévoit même que ses voitures dites « Grand Confort » de 1970, prévues pour rouler à 200 km/h, soient pendulaires, mais renoncera à les équiper de ce système. Beaucoup plus récemment, prototype de TGV pendulaire a été essayé en France, tandis qu’en Allemagne, un pays qui a refusé de se couvrir d’un réseau à grande vitesse intégral, l’intérêt pour les rames à grande vitesse pendulaires et toujours très présent dans les esprits des ingénieurs et des décideurs. Le train LRC canadien utilise aussi un système de pendulation, mais ce train a été rapidement oublié pour causes d’innombrables problèmes techniques, d’ailleurs pas tous liés à la pendulation.
Des performances équivalentes pour cinq fois moins cher.
C’est bien ce que doit réaliser l’APT anglais si on le compare au TGV français, par exemple. Ce dernier demande, avant tout, la construction intégrale et sur de longues distances de lignes spéciales à grande vitesse dont le coût est, bien sûr, élevé. A l’époque, l’auteur Brian Hollingsworth prend comme exemple un trajet Paris-Marseille qui se faisait, avec le TGV, à une moyenne de 165 km/h seulement puisque effectué sur la ligne nouvelle entre Paris et Lyon, et sur la ligne classique au sud de Lyon. Pour lui l’APT anglais réaliserait la même vitesse sur la même distance d’environ 800 km, ceci en Londres et Glasgow, mais sur des voies classiques déjà existantes, L’argument essentiel est d’ordre économique : on économise la construction d’une ligne nouvelle spéciale. Toutefois, l’ouverture de la ligne à grande vitesse jusqu’à Marseille en 2001, donnant un temps de trajet de trois heures seulement sur les 800 km séparant les deux villes, a montré que la solution d’une infrastructure intégralement dédiée à la grande vitesse reste toujours la plus rapide et, à terme, la plus rentable.
Les études du train anglais, commencés en 1960 au centre de recherches de Derby, donnent, en 1973, le projet d’une rame automotrice à quatre caisses, mue par une turbine à gaz, et capable de rouler à plus de 240 km/h. Comme le TGV français qui, lui aussi, connaît un stade turbine à titre transitoire, les ingénieurs de l’APT abandonnent la turbine pour des raisons de prix d’énergie et choisissent la traction électrique dans la mesure où, à l’époque, aucune motorisation en traction diesel ne permet de donner la puissance nécessaire tout en respectant le poids par essieu limite imposé. En outre, les longues et importantes lignes de Londres à Liverpool, Manchester et Glasgow sont, désormais, électrifiées, et c’est justement sur ces relations que l’APT excellerait.
La première rame est financée en 1973, et elle est terminée en 1975, et roule les années suivantes sur des voies d’essais des British Railways près de Nottingham. Dénommée APT-E, cette rame de présérie roule à plus de 240 km/h sans difficulté lors d’essais entre Reading et Swindon, sur la grande ligne de l’Ouest, puis de Londres à Leicester, la distance de 158 km est effectuée en une heure.
Un système très original de freinage par turbines hydrauliques est adopté pour permettre la circulation à grande vitesse sur des lignes où la cohabitation avec d’autres trains plus lents peut créer des circonstances où il faut pouvoir s’arrêter sur de courtes distances, c’est-à-dire 2290 m à pleine vitesse, et même 1830 m en cas de freinage d’urgence. Des freins à disque sont utilisés pour les vitesses inférieures.
Le système d’inclinaison des caisses peut donner une inclinaison jusqu’à 9°. Ce système est piloté individuellement par chaque voiture réagissant, à l’instant précis, aux conditions de roulement qui lui sont propres et qui peuvent être différentes de celles d’autres voitures du train. Effectivement, les lignes britanniques sont très sinueuses, avec de nombreuses courbes à faible rayon, et un train peut, pour partie, être en alignement alors qu’une autre partie du train est encore dans la courbe précédente. De même deux parties d’un même train peuvent se trouver simultanément sur deux courbes successives, orientées en sens contraire l’une par rapport à l’autre. Donc chaque voiture du train « vit sa vie » en toute indépendance, en matière de pendulation. Malheureusement ce système, très sophistiqué et performant, n’est pas au point et donne des soucis, notamment par des blocages particulièrement dangereux pour la stabilité en courbe.

Des essais très prometteurs, et une publicité trop prometteuse aussi…
Les nombreux autres essais sont très encourageants permettent d’envisager la construction d’une rame de série dite APT-P ou « production-prototype version». Elle est composée de quatorze caisses et de deux motrices (non inclinables) positionnées au centre de la rame, et donnant un effort de traction de 5970 kW. Cette curieuse position centrale des deux motrices implique le sectionnement de la rame en deux parties complètement indépendantes, sans intercirculation de l’une à l’autre, chaque moitié ayant donc sa voiture-bar, ses 72 sièges en première classe et ses 195 sièges en deuxième classe : il ne faudra pas que les futurs voyageurs, arrivant en hâte à la dernière minute, montent dans la demie rame dans laquelle ils n’ont pas réservé…
Les British Railways prennent un risque « commercial » en diffusant trop largement et trop en avance des horaires publics Londres – Glasgow annoncés en 4h 15 mn (moyenne de 150 km/h), et imprimés dès 1978, alors que le service correspondant ne commence qu’en 1981 : la publicité devançant, en quelque sorte, le produit et ce qui n’est, pour le moment, qu’une hypothèse. Est-ce cela qui porte malheur à ce train exceptionnel et injustement frappé par le sort ?
Toujours est-il que les pannes et problèmes techniques s’accumulent, créant même un déraillement – heureusement sans gravité – à 160 km/h. en fait, jamais la rame d’essais n’assurera un service régulier. Devant un regrettable excès de débats et de prises de position très voyantes, devant aussi une médiatisation comme la presse britannique sait les créer, le gouvernement préfère refuser l’autorisation de construire des rames de série.
Donc le projet de l’APT est abandonné, laissant aux seuls « High Speed Trains », les fameux HST qui sont des rames classiques et en traction diesel, de pratiquer des vitesses élevées en service régulier sur le sol britannique, roulant en pointe à 125 mph (soit 200 km/h). On pensa alors à des HST à traction électrique, dans la mesure où l’avancée de la caténaire sur les grandes lignes britanniques est à l’ordre du jour et se réalise dans les faits ; il est vrai que, somme toute, les HST sont des trains diesel-électriques, ayant déjà, dans leur châine de traction, une motorisation électrique performante déjà installée. On pense aussi à des APT simplifiés, sans inclinaison, sans freins hydrocinétiques, bref des APT moins « avancés » : cette solution n’aurait pas eu de sens dans la mesure où, justement, l’inclinaison était la seule réponse permettant la circulation sur des lignes sinueuses. .
Caractéristiques techniques APT
Type: rame automotrice.
Date de construction : 1978
Courant traction: monophasé 25 000 v 50 Hz.
Moteurs de traction: 4
Masse totale: 460 t
Capacité: 534 places
Longueur totale: 293,6 m
Le HST britannique : 125×1,6=200. L’honneur est (discrètement) sauf.
Il ne fait pas beaucoup parler de lui, et son record à 148 mph, soit 238 km/h, le 1er novembre 1987 à Northallerton près de York, est presque oublié, y compris les numéros des motrices du train 43102 et 43159, alors que, tous les jours, au Royaume-Uni, il roule à 125 mph, soit 200 km/h, en service courant sur les difficiles et sinueuses grandes lignes non électrifiées d’outre Manche. A sa mise en service, dans un pays encore peu électrifié, il joue en traction diesel le rôle du TGV français : normal, puisque HST veut dire High Speed Train, ou train à grande vitesse…
Toute l’histoire du HST , ou High Speed Train, est, à ses origines, imbriquée dans celle de l’APT, ou Advanced Passenger Train, et, il faut bien l’avouer, le HST se serait bien passé de cet extravagant et encombrant cousin qui lui a ravi l’attention des médias, accaparant les caméras avant de connaître la série d’échecs retentissants que l’on sait, qui a duré une quinzaine d’années. Le HST, lui, n’a pas connu d’échecs, et, loyalement et sans faillir, a porté sur ses petites épaules toute l’aventure de la grande vitesse britannique des années 1980 à aujourd’hui, roulant sans problème à 200 km/h, avant que des Eurostar ne viennent, entre la côte Sud et Londres, rafler la mise en ajoutant une centaine de kilomètres/heure de plus.
Le HST tire, malgré tout, un certain profit de toutes ces innombrables marches d’essais de l’APT. Une rame HST se compose de sept ou huit voitures classiques grandes lignes du type le plus récent qu’est la voiture Mark III, encadrées par deux locomotives diesel-électriques, au carénage qui s’intègre parfaitement dans le gabarit et le galbe des voitures Mark III, et capables chacune de fournir une puissance respective de 1680 kW, soit 3360 kW pour la rame entière. Réalisé sous forme d’un prototype dès 1970, le HST fait son entrée en service commercial au mois d’octobre 1976, après environ six ans d’essais minutieux et de modifications, notamment très heureuses au niveau du dessin de la face avant.
Le High Speed Train accomplit ses débuts sur la grande ligne de Londres (gare de Paddington) à Bristol et au sud du pays de Galles, dont la première partie bénéficie d’un remarquable alignement et d’un tracé en grandes courbes du au génie et à la clairvoyance anticipatrice d’lsambard Kingdom Brunel quand, au milieu du XIXe siècle, il établit le réseau du Great Western Railway en voie de 7 pieds.
Les British Railways, profitant des capacités d’accélération du HST, lui tracent un graphique de marche qui le fait rouler à 200 km/h sur de longues sections, créant de ce fait un remarquable service auxquels ils donnent le nom d’Inter-City 125, par allusion commerciale, mais méritée, à la vitesse de 125 miles par heure, c’est- à-dire 200 km/h. Depuis cette époque, ce service continue de compter parmi les plus rapides et les mieux étoffés du monde, même si ceux des TGV de la SNCF et des ICE de la Deutsche Bundesbahn sont venus ajouter leurs performances à ceux du Shinkansen des chemins de fer nationaux japonais.
Un service de qualité qui bouleverse les habitudes britanniques.
En effet, pas moins de 80 trains, dans les dernières années 1970, circulent chaque jour à une moyenne horaire comprise entre 145 et 163 km/h. Dans le courant de 1979, d’autres rames HST entrent en service sur la grande ligne de la côte Est, celle des exploits du Flying Scotsman du temps de la vapeur, reliant Londres au Yorkshire et à l’Écosse, où d’importants travaux d’amélioration de la voie leur permettent de soutenir une vitesse élevée sur de longues sections.
Ces services Inter-City 125 ne tardent pas à faire la preuve de l’impact commercial des grandes vitesses et des fréquences élevées entre Londres King’s Cross et le West Riding, le trafic augmentant en quelques mois de 13%. Il est vrai que ces deux lignes offrent les meilleures conditions d’exploitation de toute la Grande-Bretagne pour être parcourues par des trains classiques à une vitesse aussi élevée.
Il est vrai aussi, et malheureusement, la politique des transports britanniques de l’époque n’est pas en faveur du chemin de fer. Et, en toute logique libérale, les British Railways décident de passer outre et de faire avec les moyens du bord. Malgré le refus qu’opposent les pouvoirs publics à de nouveaux investissements dans la construction de rames supplémentaires demandées par les British Railways pour assurer par HST tous les services lnter-City au départ de Londres King’s Cross, ces derniers parviennent, avec une ténacité bien britannique et churchillienne, à établir un bel horaire bien étoffé sur les deux lignes aux périodes de pointe.
Faute d’infrastructures nouvelles, on hérite d’anciennes qui ont leurs qualités.
Il faut dire que, héritage des glorieux temps de la vapeur et des anciennes compagnies, ces lignes au départ de Londres ont une belle plateforme à quatre voies sur une longue distance. Les HST font en faire leur choux gras, car il est possible, pour les British Railways, d’y assurer la voie libre aux HST en assurant une séparation des flux, quitte à détourner dans certains cas quelques trains plus lents par des itinéraires parallèles. Par ailleurs, le faible rayon des courbes, du moins par rapport à la pratique britannique) ainsi qu’un excellent profil permettent aux HST de soutenir des vitesses oscillant entre 160 et 200 km/h.
Par contre, lorsque les British Railways introduisent le HST sur la ligne de Londres à Plymouth et Penzance, ceci dans le but de standardiser le matériel affecté aux services lnter-City dans cette région, les nombreuses courbes de cette ligne à l’ouest de Reading ainsi que sa signalisation partiellement vétuste l’empêchent de dépasser la vitesse de 145 km/h, sinon sur une courte section de 58 km.
La conséquence est qu’il ne se produit pas de bouleversements des horaires comparables à ceux qui s’étaient produits lorsque le HST fait son apparition sur le ligne de l’Ouest et sur celle du Nord-Est. Aussi les pouvoirs publics s’interrogèrent-ils sur la nécessité d’investir encore dans un type de matériel dont l’entretien s’avérait pus coûteux que celui des trains qu’il remplaçait. Si bien qu’en 1981, alors que le réseau britannique fonde encore l’avenir de ses services Inter-City sur le HST, et dans l’attente de l’avènement, de plus en plus hypothétique, de l’APT, on décide en haut lieu de mettre un terme à leur construction. Pour l’avenir, les progrès des chemins de fer britanniques, en matière de vitesse, ne reposeraient plus que sur le mythique APT… Les HST pouvaient donc continuer à rouler en sérénité et en accomplissant, tous les jours, leurs excellentes performances sur un réseau avec lequel ils s’accommodaient, démontrant qu’en roulant à 200 km/h, on faisait pour le moins l’économie de la construction intégrale d’un réseau nouveau permettant, à l’instar du TGV français, de réduire les temps de trajet du tiers : ils ont démontré, par la force des choses, à un Royaume-Uni pingre et avare pour ses infrastructures ferroviaires, que, tout compte fait, le choix HST était très acceptable. Finalement les performances des HST sur les infrastructures anciennes, et sommairement réaménagées, ont exclu le Royaume-Uni de l’Europe de la grande vitesse ferroviaire. Depuis très peu de temps, toutefois, sur la nouvelle ligne du Kent, des rames Eurostar roulent à 300 km/h sur le sol anglais et marquent, peut-être, un revirement profond et l’amorce d’un véritable réseau à grande vitesse.



La voiture UIC permet enfin le 200 km/h.
Voiture de transition entre les DEV étudiées immédiatement après la guerre et la voiture Corail, la voiture UIC est importante par son nombre de 1327 exemplaires et par son rôle très actif, entrant dans la composition des trains rapides des difficiles années 60 et 70 pendant lesquelles la SNCF a fort à faire pour affirmer une image de marque moderne et performante et se lance dans le “200 à l’heure”. La voiture UIC y contribue fortement.
Cette voiture prend le nom de “Voiture UIC” parce que l’Union Internationale des Chemins de fer, dont le siège est à Paris, est pour beaucoup dans sa création. L’UIC a été créée en 1922 dans le sillage de la Société des Nations, et a été confirmée par les Nations Unies en 1950. Entre autres, a eu un important rôle de normalisation des organes des véhicules des différents réseaux mondiaux: en effet les trains circulent d’un pays à un autre, franchissent les frontières, et il est indispensable non seulement que le matériel remorqué puisse être attelé à toute locomotive autre que celles de son pays d’origine mais que le matériel de différents pays puisse entrer dans la composition de trains communs sur le réseau de l’un ou l’autre pays (cas qui se produit dans les triages pour les wagons de marchandises ou dans les gares internationales pour les trains de voyageurs à « tranches » directes séparés en cours de route).
Les voitures UIC offrent, partout en Europe, un type de confort homogène quel que soit le pays dont on emprunte le réseau, mais aussi des organes standardisés facilitant le dépannage et l’entretien, ce qui est essentiel pour un matériel roulant susceptible de traverser les frontières.
Les voitures françaises dites « UIC » sont commandées à partir de 1960 par une la SNCF qui applique les normes préconisées par l’UIC de manière à obtenir un véhicule parfaitement apte au service international – les années 60 sont celles du développement des relations européennes – mais aussi un véhicule dont le niveau d’équipement et de confort pour les voyageurs soit celui des autres pays européens.
La longueur de la caisse, le nombre de compartiments, le type et la disposition des portes d’accès, le type d’intercirculation entre les voitures sont les points essentiels. L’UIC offre deux types de caisses, 26,4 m et 24,5 m, et la SNCF choisit la version courte offrant 9 x 6 places en 1ère classe ou 10 x 8 places en 2ème classe. Les portes préconisées par l’UIC sont du type allemand Mielich s’articulant en deux parties et s’ouvrant vers l’extérieur, dont les poignées restent toujours à l’intérieur, en cours de route et sont à l’extérieur en cours d’arrêt, ce qui garantit leur propreté pour les voyageurs qui y posent leurs mains. Ce type de porte, d’ailleurs, a été reconduit sur les voitures Corail où il excellera. L’intercirculation préconisée par l’UIC est celle à bourrelets caoutchouc de forme cylindrique de type allemand qui remplace désormais le vieux soufflet en « accordéon ».
La vitesse en service, initialement, est de 160 km/h, ce qui anticipe sur les pratiques de l’époque dont la plupart des trains sont tracés à 120 ou 140 km/h. Notons que 26 voitures UIC, par une pose d’un frein complémentaire électromagnétique, seront les championnes du 200 km/h avec le « Capitole » en 1967, peintes alors dans une superbe livrée rouge vif et gris perle qui est une innovation marquante à l’époque, la SNCF se mettant aux couleurs. C’est d’ailleurs cette utilisation, très spectaculaire à l’époque et très remarquée par la couleur rouge, qui donne à la voiture UIC un véritable statut de « star » et assure, auprès du grand public, une importante promotion pour le chemin de fer. Malheureusement pour les voitures UIC, cette âge d’or du Capitole sera de courte durée, puisque, sur ce train très prestigieuse comme avec l’ « Etendard » Paris – Bordeaux, les superbes voitures « Grand Confort » les détrôneront dès 1970. Il ne leur restera que la possibilité, pour certaines, de toujours rouler à 200 km/h pour un temps en assurant les forcements du « Capitole » ou de l’ « Etendard » en week-end et avant que les TGV Paris-Bordeaux ou Paris-Toulouse ne viennent rafler la mise et mettre fin à la carrière de ce grand train.


La carrière des « UIC ».
Peu remarquées à leur arrivée en 1963-64 parce que, pour le voyageur, peu différentes des voitures DEV (voir l’article paru sur ce site il y a peu de temps), elles entrent alors dans la composition de l’ensemble des trains de catégorie supérieure de la SNCF autres que TEE, notamment sur les réseaux Sud-est et Sud-ouest où la version couchettes, reconnaissable à son toit plus bombé, assure de longs parcours de nuit.
A la fin du XXe siècle, les voitures « UIC » assurent des trains de permissionnaires, des trains de forcement lors des pointes des grands départs, ou encore des trains régionaux ou de prolongement de parcours TGV. Victimes de l’arrivée massive des voitures Corail, les UIC, sont reléguées à un rôle second souligné, d’ailleurs, par leur livrée verte et grise qui date. Mais leur confort reste très acceptable toujours dans leurs dernières années au milieu de la première décennie du XXIe siècle.
Encadré technique.
Voiture UIC
Type : bogies
Année de construction: 1963 à 1976.
Fin de service : 2006.
Nombre: 1327 (dont 8 pour le Luxembourg).
Longueur: 24,5 m.
Capacité maximale: 80 (2ème classe).
Capacité maximale couchettes: 54 (2ème classe).
Vitesse: 160/200 km/h.
Masse: 40/44 t.
Nombre de voitures et diagramme :
185 53 305 43 118 175 448 | A9 A4B5 B10 A7D B5D A4c4B5c5 B9c9 |
Le 200 km/h avec le « Capitole » : un grand train en trois mouvements.
Très connu dans le monde entier quand il roule à 200 km/h à partir de 1967, ce train existe pourtant depuis 1960, mais il mène alors une existence discrète.
La SNCF des années 1960 n’est pas encore portée sur la grande vitesse, en dépit des enseignements des essais des Landes qui ont lieu en 1955 avec la BB 9004 et la CC 7107, et à 331 km/h. C’est l’époque des trains lourds, lents, rares, mais très économiques et très rentables, tels que les pouvoirs publics l’ont assignée au chemin de fer pour laisser la part belle à l’avion et à l’automobile. C’’est pourquoi, quand la SNCF crée, le 15 novembre1960, une relation nommée « Capitole » entre Paris et Toulouse, ce train ne roule que trois fois par semaine, sous les numéros 1009 dans un sens et 1010 dans l’autre, accessibles uniquement en première classe pour une clientèle d’hommes d’affaires pas encore séduits par les « Caravelle » qui font le même parcours, mais à un tout autre tarif.
Le « Capitole » quitte Paris les mardis, jeudis et samedis, et revient de Toulouse les lundis, mercredis et vendredis, s’arrêtant à Limoges, Brive, Cahors et Montauban. Le trajet de 712,3 km s’effectue en sept heures, donc à une vitesse moyenne commerciale un peu supérieure à l’emblématique « cent à l’heure » qui permet, en ces périodes où l’autoroute n’existe pas encore entre les deux villes, de damer le pion à la DS 19. Les trains partent vers 17 heures et arrivent à minuit : les dernières heures doivent être longues…
La composition de ce train est, à l’époque, tout à fait identique à ce que l’on trouve sur d’autres grandes lignes de la SNCF pour des trains analogues comme les Paris-Bâle ou Paris-Lille, avec quelques voitures A9 du type DEV en acier inoxydable, une voiture-restaurant de la CIWL, et, éventuellement un fourgon s’il n’y a pas de voiture mixte-fourgon. Comme la ligne de Paris à Toulouse est électrifiée et en courant continu 1500 volts, on met en tête le « nec plus ultra » de l’époque : une BB 9200. On ne peut pas dire que le train remporte un succès immense, et, même, la SNCF l’arrête pendant le service d’été suivant, de juin à septembre 1961.
Le « Capitole » est en circulation au service d’hiver 1961/1962 chaque jour, dans les deux sens, sauf les samedis et les dimanches. De nouveau supprimé pour les services d’été qui suivent, il circule à des vitesses légèrement améliorées, la SNCF parvenant à grignoter des kilomètres-heures grâce à des travaux de voie avec un temps de trajet ramené à 6h45 (105,5 km/h), puis à 6h40 (106,9 km/h) au milieu des années 1960. Une bonne campagne de publicité commence à donner à ce train une image de marque favorable, et le train doit être dédoublé les vendredis, entre Paris et Limoges, puis entre Paris et Brive.
Le 28 mai 1967, la SNCF frappe un très grand coup avec un train roulant, pour la première fois dans l’histoire du rail français, en service commercial à la vitesse maximale de 200 km/h, ceci selon la volonté du ministre des transports Edgar Pisani sur suggestion très ferme de l’ingénieur Fernand Nouvion qui est allé chercher en dehors de la SNCF l’appui d’un ministre pour pouvoir instaurer la grande vitesse. Des essais ont lieu sur la voie 2 entre les Aubrais et Vierzon, avec la BB 9291 et des CC 40100. Les rapports d’engrenage de quatre locomotives BB 9200 sont modifiés pour donner un développement plus long, les bogies des voitures ont été dotés de freins électromagnétiques d’urgence supplémentaires, la signalisation a été modifiée, et surtout les locomotives et les voitures du train sont peints dans un rouge vif « flashy » qui tranche sur la tradition du vert sombre SNCF et fait le succès médiatique du train. Même le journaliste Georges de Caunes fait, pour TF1, une émission spéciale le 27 mai 1967, pour préparer l’événement qu’est la mise en service des trains 1005 et 1010 à 200 km/h.
Mais passer d’un seul coup de 160 km/h à 200 km/h est un véritable bond qui fait suite à une série de pas modestes. Si, techniquement, le bond est préparé par plus de 400 essais à 200 km/h et 40 à 50 essais à 250 km/h, économiquement, le pari n’est pas gagné. Les calculs montrent qu’une augmentation de 5% de voyageurs de plus que dans le train à vitesse normale équilibrerait financièrement les surcoûts dus à la plus grande vitesse. Il fallait 5%: il y eut 42%.
Effectivement le premier bilan d’exploitation du “Capitole” fait état d’une augmentation de 42% du nombre des voyageurs/kilomètres entre octobre 1966 et octobre 1967, avec un bénéfice de 260 000 F. Et pourtant le gain de temps de parcours est assez … symbolique, avec seulement 40 minutes sur un trajet de presque sept heures. Et pourtant le succès de ce train « qui roule à 200 à l’heure » est considérable, et vient, sans nul doute, d’ailleurs que du gain de temps si symbolique. La magie du chiffre 200 y est pour beaucoup, et un indicateur mural de vitesse, installé dans la voiture-bar du train, contribue à créer le mythe de la grande vitesse. Et pourtant… si le train roule à 200 km/h, ce n’est guère que pour le temps d’une démonstration sur 70 km dans les plaines de la Sologne entre les points kilométriques 125 et 195, soit entre le pont sur la Loire et le tunnel de l’Alouette, avant de redescendre à de sages vitesses classiques sur le tracé tourmenté de la ligne qui impose même un 110 km/h dans la longue traversée du Massif-central.

L’ingénieur Marcel Garreau ne n’y trompe pas: « Parmi les raisons qui peuvent jouer en faveur du chemin de fer, quand il est à la fois rapide et confortable il y a, je crois, le plaisir de faire une grande vitesse au sol, dont on se rend compte, et cela sans être emporté comme un paquet, en continuant, au contraire, à mener une vie normale, à lire, à prendre un repos, à causer, à sommeiller librement ». Bref, l’avion que vise Marcel Garreau dans ces lignes, n’est ni de la vitesse, parce que l’on ne la perçoit pas, ni du confort, ni de la liberté: l’expérience, déjà à l’époque, de la « classe sardine » et des entassements du transport aérien démocratisé commence à tuer le mythe enchanteur de l’avion, privilège jusque là d’une classe fortunée, et à ouvrir la voie à d’autres formes de la vitesse avec d’autres moyens de transport.
La troisième période est la plus longue, historiquement, même s’il est, dans une certaine mesure, celle de la stagnation des vitesses et de la régression du train une fois la liaison TGV ouverte par Bordeaux, faisant le trajet en cinq heures. Le train change complètement d’aspect avec ses magnifiques CC-6500, et surtout les splendides rames Grand Confort qui sont les plus réussies de la SNCF à l’époque. Jusqu’au début des années 1980, le train connaît un succès croissant et son niveau de confort et de luxe, avec l’air conditionné et une restauration de qualité, est exceptionnel. Les rames comportent jusqu’à treize voitures, et il faut dédoubler le train les jours de pointe. C’est bien avec le « Capitole » que la France découvre que les trains peuvent être plus rapides et plus confortables que les autres moyens de transport, et le TGV d’aujourd’hui doit beaucoup au « Capitole ».


Les voitures « Grand Confort » : le “Train à Grande Vitesse” … est un train.
Ces très belles voitures sont un sommet techniquement et esthétiquement quand la SNCF les engage sur ses relations rapides en 1970. Elles sont aussi les voitures des débuts de la grande vitesse, puisqu’elles roulent à 200 km/h dans les trains « Etendard » (Paris-Bordeaux) et « Capitole » (Paris-Toulouse). L’arrivée des TGV leur a ravi leur premier rôle.
Ces voitures marquent un tournant dans l’histoire des trains de voyageurs français avec l’engagement d’une politique durable de grandes vitesses: il y a un marché pour la grande vitesse ferroviaire en France et que le chemin de fer ne doit pas s’avouer battu par l’avion.
A l’époque la SNCF n’a pas encore adopté sa doctrine en faveur des automotrices non modulables (le TGV) et ses dirigeants estiment que le train à grande vitesse doit d’abord être un… train, c’est à dire un ensemble formé d’une locomotive et de voitures. L’avantage de cette formule est la modularité, c’est-à-dire la possibilité de faire varier la capacité en places offertes en fonction de l’affluence des voyageurs, alors qu’une rame automotrice, comme celles des TGV, est à composition invariable, avec le risque de ne pouvoir s’adapter aux fluctuations du trafic.
Pendant les années 1960, la SNCF étudie déjà sa locomotive à grande vitesse, la CC 6500, capable de rouler à 200 km/h en tête de trains de voyageurs lourds grâce à ses 6000 kW (plus de 8 000 ch), et qui sera mise en service en 1969. Mais il lui faut aussi les voitures: ce seront les « Grand Confort ».
Commandées à la firme De Dietrich par tranches successives entre 1967 et 1969, ces 101 voitures sont mises en service entre 1970 et 1974. Le parc initial comprend 21 voitures à couloir central, 40 à couloir latéral, 6 voitures bar, 10 voitures restaurant, et 13 fourgons générateurs.
En 1972 la SNCF commande 13 voitures supplémentaires à couloir central. Le parc total est donc de 101 exemplaires. Ces voitures diffèrent des voitures type TEE ou « Mistral » 69 qui les précèdent par le fait que, pour des raisons de coût, elles le sont pas en acier inoxydable mais en acier ordinaire. Cela leur vaut d’être plus lourdes de 6 à 7 tonnes, ce qui donne une facture traction plus élevée. Les teintes extérieures sont magnifiques et chatoyantes, avec du rouge, de l’orange, du gris. Non prévues pour être intégrées au pool TEE, elles n’en comportent pas le sigle, mais celui-ci sera ajouté ensuite par des plaques fixées au-dessus des baies.
L’aménagement et la décoration intérieures sont proches des voitures TEE en acier inoxydable. Les voitures restaurant ont pour particularité d’avoir un indicateur de vitesse qui est très apprécié pour la partie des trajets parcourue à 200 km/h – ceci seulement sur un tiers de l’itinéraire Paris – Toulouse, dans les plaines de l’ïle de France. Les portes extérieures du compartiment à bagages des voitures A6D sont à rideau vertical et abandonnent ainsi la traditionnelle porte coulissante.
Les bogies Y28F qui portent ces voitures sont adaptés aux masses importantes de ces voitures et aux vitesses de 200 km/h, et ont donc quatre sabots de frein en fonte par roue au lieu de deux sur les bogies traditionnels. En outre un patin magnétique permet un freinage direct sur les rails, ceci dans les cas d’urgence.
Ces voitures assurent dès 1970 les trains « Capitole », « Etendard », et « Aquitaine », tracés à 200 km/h, plus les trains sur la région Est « Kléber » et « Stanislas », tracés à 160 km/h En 1982 elles assurent des trains rapides TEE « Jules Verne » entre Paris et Nantes moyennant des transformations, et par prélèvement de voitures en excédent sur la région Est. Dès la montée en puissance des TGV et des lignes nouvelles à grande vitesse, ces voitures sont reléguées à des services moins nobles, comme les relations en 1ère classe dites « Club » (Paris –Strasbourg, Paris – Francfort, Paris – Toulouse) ou, pour certaines, des transformations en voitures de 2ème classe.

Prévues pour la « CID ».
Le dévers est l’inclinaison que l’on donne aux voies, ceci vers l’intérieur d’une courbe, pour compenser les effets de la force centrifuge tendant à incliner les caisses des voitures vers l’extérieur. L’idéal est, comme le fait un cycliste, de choisir l’angle exact correspondant au rayon de la courbe et à la vitesse de circulation. Mais sur une même courbe des trains différents peuvent circuler à des vitesses différentes, et certains trains peuvent même s’arrêter dans la courbe. Une rame de wagons-citernes, dont le centre de gravité est toujours très haut, ne pourrait s’arrêter dans une courbe à trop fort dévers sans risque de versement à l’intérieur de la courbe, mais un train de voyageurs passant très rapidement sur une courbe à trop faible dévers donne aux voyageurs une sensation d’inconfort angoissante.
Pour concilier l’inconciliable, la SNCF a songé à équiper ces nouvelles voitures dites « Grand Confort » d’un système d’inclinaison dit « CID » (correction d’insuffisance de dévers) pouvant atteindre un angle de 5°, d’où l’inclinaison à 5° des faces des voitures vers l’intérieur. Mais par prudence, et par crainte bien fondée des complications et des dysfonctionnement liés aux systèmes d’inclinaison des caisses sur le matériel ferroviaire, la SNCF a préféré renoncer à ce système.

Caractéristiques techniques.
Type: voiture à bogies
Date de début de construction : 1970
Capacité: 17 à 76 pl selon les types
Masse: 49,5 à 63 t selon les types
Longueur: 25,5 m
Vitesse: 200 km/h
Eurofima : symbole d’une Europe (réussie ?) à 200 km/h.
Comme son nom l’indique, la société Eurofima est un organisme de financement créé le 20 novembre 1957 par les administrations ferroviaires européennes qui participent au capital de cet organisme. Il met à disposition pour les réseaux européens les moyens financiers nécessaires à l’acquisition de locomotives, de voitures et de wagons exclusivement. Cette action permet à des pays comme la Grèce, le Portugal, ou encore la Yougoslavie, de s’équiper en matériels neufs pour pouvoir faire face à la demande, tant sur le plan intérieur qu’international. Cette société, dont le siège est à Bâle, a ainsi donné la possibilité de renforcer ou de rénover des parcs moteurs ou roulants de manière sensible. C’est un bel exemple de réussite européenne.
L’Union Internationale des Chemins de fer (UIC) met au point, dès 1964, les caractéristiques d’une voiture européenne, capable d’entrer dans la compositions des trains internationaux, vite « voiture standard européenne » ou « VSE », terme imaginé par Louis Armand. Après avoir envisagé deux modèles à longueurs différentes, l’une de 24,50 m et l’autre de 26,40 m, seule la dernière formule en grande longueur a été retenue pour offrir, en service international, 6 places au lieu de 8 par compartiment dans les deux classes, donc y compris en seconde.

Ces voitures sont à couloir latéral, et offrent trois dispositions possibles : une voiture de 1re classe avec 54 places en 9 compartiments de 2,30 m de longueur, une voiture de 2e classe avec 66 places en 11 compartiments de 1,88 m de longueur, et enfin une voiture mixte 1re/2e classe offrant 60 places assises en 4 compartiments de 1re classe et 6 compartiments de 2ème classe, plus des strapontins dans le couloir. Ces voitures ont en commun leur longueur, leur distance entre les axes des bogies (19 m), leur hauteur totale (4, 05 m), leur largeur de caisse (2,825 m), mais leur poids varie de 42 à 43 tonnes selon les dispositions. Elles sont montées soit sur des bogies Minden-Deutz allemands classiques, ou Breda italiens (bogie type autorail dérivé), soit sur des bogies de conception nouvelle développé par la FIAT de Turin, ou par la SNCF sous le nom « Y 32 », ceci au gré des réseaux utilisateurs.
Les équipements de freinage comprennent un frein automatique à air comprimé à haute puissance agissant sur deux disques par essieu, donc huit par voiture, et sur des sabots classiques complémentaires en fonte. En outre, pour les voitures roulant à 200 km/h, un frein à patin électromagnétique agissant directement sur le rail est monté en complément. Chaque essieu a un système anti-enrayeur évitant le blocage, et à commande électronique.
Ces cinq cent voitures sont réparties comme suit : cent à la SNCF, cent à la DB (Allemagne), cent aux FS (Italie), quatre-vingts à la SNCB (Belgique), cent aux OBB (Autriche) et vingt aux CFF (Suisse). Dans un premier temps, elles circulent attelées à d’autres types plus anciens, mais il n’est pas rare de voir circuler des rames quasi homogènes, du moins dans les pays ayant opté pour les deux classes. Les voitures Eurofima constituent un renfort bienvenu pour améliorer la qualité des trains internationaux, mais elles vont devenir aussi la base d’une descendance importante en Allemagne, en Suisse, en Italie et en Autriche. A la création des trains « Eurocity », le parc de voitures Eurofima et de leurs descendants est suffisant pour équiper l’intégralité des trains internationaux avec ce matériel, fait assez rare dans les annales du rail. Entre-temps, la notion de livrée européenne a cependant vécu, chaque administration reprenant sa liberté. Quelques rares unités circulent encore en Belgique, en Italie ou en Suisse, mais à la faveur d’une révision générale, elles changent de robe et prennent la couleur «nationale», par exemple en Autriche le « rouge trafic et gris foncé». Initialement vouées aux trains internationaux, les voitures Eurofima sont aussi introduites dans les trains « Intercity », comme en Suisse ou en Autriche.
Alors que les relations internationales ferroviaires reprennent leur progression, les réseaux européens ne disposent pas d’un nombre suffisant de voitures pour répondre à la demande. C’est la société Eurofima qui va, une fois encore, leur venir en aide et financer l’acquisition d’une importante série de voitures neuves, confortables et climatisées.


L’Europe aide-t-elle vraiment son chemin de fer ?
C’est une question que l’on peut vraiment se poser… L’idée Eurofima a souligné, à sa manière, la déficience d’une politique ferroviaire européenne. La Communauté Européenne, dans un souci de « revitalisation » du secteur ferroviaire, a mis en œuvre dans les dernières années du 20e siècle un modèle totalement original d’organisation du système : elle a estimé en effet que l’absence de concurrence entre opérateurs était une des raisons majeures de l’atonie du transport ferroviaire, de fret en tout premier lieu, mais aussi et surtout de voyageurs. Elle a également considéré que l’endettement des opérateurs « historiques » les mettait en situation défavorable par rapport aux modes de transport concurrents, et de fait, dans la plupart des pays, le coût des infrastructures était assumé par les opérateurs, alors que ce n’était pas le cas, et de loin (malgré dans certains cas des péages, autoroutiers par exemple) pour les modes concurrents. S’est ainsi mise en place une séparation complète entre les « gestionnaires d’infrastructure », propriétaires et gérants des installations fixes, et des « entreprises ferroviaires », qui ne sont plus que des opérateurs et qui, par le biais de péages, paient aux gestionnaires d’infrastructure les coûts induits par la circulation de leurs trains, tels que les coûts d’entretien des installations ou le coût de l’énergie de traction électrique qu’ils leur fournissent. Dans ce système, l’UE encourage la concurrence entre des « opérateurs » faisant circuler leurs trains sur les mêmes voies, de la même façon que des liaisons identiques sont exploitées par des compagnies aériennes concurrentes.
Un certain nombre d’opérateurs privés ont vu le jour. De difficiles problèmes demeurent toutefois comme la disparité des péages, calculés, par exemple, au coût complet dans certains pays et au coût marginal dans d’autres, ou l’attribution des franchises d’exploitation, généralisée au Royaume Uni, y compris pour des services « d’utilité publique » (régionaux), accordées au moins disant, c’est-à-dire à la compagnie qui demande la plus faible contribution d’équilibre pour ces services très généralement déficitaires, mais alors l’amortissement des investissements (en matériel roulant essentiellement, et en dépit des aides d’Eurofima, par exemple) conduit à des tarifs élevés, ou bien ces franchises sont accordées sur des périodes beaucoup plus longues et la concurrence a un caractère assez théorique. L’une des réponses à cette problématique est la mise en place de sociétés qui achètent le matériel et le louent ensuite aux opérateurs, mais cette solution exige un niveau élevé de standardisation. Celle-ci fait certes l’objet de règles de plus en plus contraignantes par le biais des « spécifications techniques d’interopérabilité », mais leur mise en œuvre, tant sur le matériel que sur les infrastructures demandera beaucoup de temps du fait de la longue durée de vie des équipements ferroviaires en général, et des investissements extrêmement conséquents avant de générer les retours qui en sont espérés.
Mr Lamming je n’aurais jamais assez de compliments pour vos écrits. C’est d’une grande richesse et tellement agréable à lire.
Bravo, vraiment.
Cordialement.
Nicolas HUBERT