La ligne du Cercle Polaire : elle réchauffe les appétits.

C’est une très belle histoire et cette ligne est mythique. Elle prouve d’abord que les appétits économiques et politiques sont excités aussi par le Grand Nord, d’une part, et, d’autre part, que le grand froid, la neige, la glace, font partie d’un quotidien possible et normal du chemin de fer au lieu d’une fâcheuse paralysie indésirable et exceptionnelle comme cela se produit dans les pays tempérés. Cette ligne dite du « Cercle Polaire » est ouverte, active, et fiable à longueur d’année : chose surprenante.

Dans beaucoup de pays froids ou le thermomètre « s’oublie vers le bas » jusqu’à -20 ou plus si affinités, les trains roulent tous les jours, que ce soit en Russie ou au Canada ou en Alaska, alors que dans nos climats dits « tempérées » la moindre petite givre ou le moindre flocon fait éternuer et frissonner l’électronique de nos magnifiques TGV. Il est vrai, aussi, que les trains de Sibérie, du Canada, ou de l’Alaska ne roulent pas à 320 km/h et la cadence n’est pas de vingt trains par jour.

Les trains du Grand Nord sont donc lents et rares, ne l’oublions pas avant de critiquer les nôtres. Laissons, toutefois, à ce type de chemin de fer, d’être exceptionnel avec ses caténaires qui ont appris à aimer le givre et ses rails qui ont appris à aimer la neige. Laissons-leur de faire partie du club très fermé des « trains de l’extrême » qui comprend ceux de l’Himalaya ou des Andes, ou de Mauritanie ou d’Australie. Le réchauffement climatique vient d’y aller de son obole, et rouvre des passages maritimes par le Grand Nord et met en télétravail à domicile les chasse-neige des chemins de fer du Cercle Polaire.

Le vieux problème des minerais scandinaves.

Le problème est ancien : si la Suède dispose de très importantes mines de fer dans le nord du pays, la question cruciale a toujours été de son acheminement vers un port qui soit ouvert à longueur d’année, ce qui n’est guère le cas des ports suédois donnant sur la mer Baltique comme celui de Lulea. De l’autre côté du sous-continent scandinave, et pour la façade atlantique de la Norvège, il en est tout autrement. Cette façade, que l’on imaginerait a priori plus exposée au froid, est baignée par le « Gulf Stream » qui augmente suffisamment la température de l’eau pour libérer en permanence les ports norvégiens des glaces. C’est bien le cas du grand port de Narvik situé pourtant très près du Pôle Nord.

Il était donc naturel, pour le réseau ferré suédois, d’entreprendre la construction d’une ligne reliant directement les mines de fer de Kiruna à ce port, même situé dans un autre pays et en direction du nord-ouest. C’est la fameuse ligne du « Cercle Polaire », la ligne la plus proche du pôle Nord qui ait jamais été mise en service.

Le réseau suédois, par exemple, en 1954. Pour l’exportation des minerais, le port norvégien de Narvik, reste toujours le plus intéressant parce que le moins éloigné et ouvert en permanence.

Ne pas confondre « Polar Line » et « Cercle Polaire ».

Avant d’aller plus loin, précisons qu’il existe aussi une « Polar Line » qui, on l’a oublié, fut un très ancien projet de construction d’une ligne de chemin de fer norvégienne vers le nord, mais abandonné à mi-parcours, faute de moyens et surtout par renoncement devant les conditions climatiques. La « Polar Line » a fait rêver des ingénieurs dès 1872 et jusqu’à la fin des années 1920 : cette ligne de l’impossible devait longer la côte norvégienne, vers le nord. Seule une partie du projet, connue parfois sous le nom de « Nordland Line » a été réellement construite avant la guerre.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le projet initial reprend vie avec une Allemagne fort entreprenante qui s’invite en Norvège – mais qu’est-ce que l’Allemagne en guerre n’a-t-elle pas essayé ? Hitler prend en mains le projet et trouve que l’idée d’une ligne de chemin de fer longeant les côtes norvégiennes, hostiles à la navigation et trop découpées, permettrait de rejoindre le nord de la Scandinavie, et donnerait un accès direct à la mer de Barents. C’est là où il compte positionner les redoutables sous-marins, les «  U-Boot » allemands, avec lesquels il rêve de détruire la flotte soviétique, d’une part, et, d’autre part, c’est, pour lui, un passage très intéressant, stratégiquement, pour alimenter le front de l’est en hommes et en moyens et pour s’emparer du port russe de Mourmansk.

L’organisation Todt est chargée de réaliser le projet, et des milliers de prisonniers de guerre, notamment russes, ou des pays de l’Europe de l’est, y laissent leur vie. Des dizaines de tunnels sont creusés mais jamais terminés, des gares sont construites, des plateformes sont établies, mais jamais les rails ne seront posés. Notons que l’ironie du sort qui fait que rien ne se perd, rien ne se crée, fait aussi qu’une route européenne « E6 » utilise aujourd’hui ces tunnels et ces ponts construits au prix du sang versé.

En 1962, la ligne, appelée « Nordland Railway », est achevée et atteint Bodø. Puis, à partir des années 1970, les projets de prolonger la ligne encore plus au nord sont remis au goût du jour. En 2022, un projet a été concédé par l’État à la société norvégienne des chemins de fer « Jernbaneverket », et est, comme on doit le dire, en cours d’étude.

Les réseaux de la Suède et de la Norvège en 1911. Pour ce qui est du Grand Nord, le rêve novérgien s’arrête en gare de Sunnan, et pour de longues décennies encore.
Le réseau suédois (sur fond rose) et norvégien, d’après une carte Chaix datant de 1967. La ligne de Lulea (Suède) à Narvik (Norvège) dite du « Cercle polaire» est bien présente, et reste raccordée au seul réseau suédois. La « Polar Line » ou « Nordland Railway » norvégienne ne dépasse pas Bodo en direction du nord et, aujourd’hui, en est toujours là.

Deux pays pour la ligne dite du « Cercle Polaire ».

La Suède a une superficie de 449 964 km², et elle est peuplée de presque 9 millions habitants. Le réseau ferré des « SJ », sigle du réseau national des « Statens Järnvagär », est l’œuvre même de l’état suédois qui se met à l’ouvrage dès 1852 avec la prise en charge de la construction du réseau ferré à partir des ports de Malmö et de Göteborg, puis en direction de la capitale Stockholm. Cette volonté de l’État a permis la création d’un réseau là où, par manque d’espoir de bénéfices, des compagnies privées auraient renoncé. Les États, rappelons-le, c’est fait pour cela…

C’est ainsi que des lignes dans les régions reculées du « Nordland » (ici aussi, comme en Norvège, pour désigner le nord du pays) ont pu être construites et permettre la mise en valeur des gisements de minerai. En 1914, le réseau ferré suédois ne comprend que 13 000 km de lignes (dont 10 000 à voie normale), ce qui est très faible par rapport à la surface du pays et ne donne une densité ferroviaire qui n’est que 3 km par 100 km². Si le pays offre des conditions de relief faciles pour construire des chemins de fer, des terrains très bon marché, une abondance de bois et de pierre, en contrepartie la grande dissémination des habitants est très défavorable. Un autre problème traditionnel du réseau suédois est le manque de charbon et il n’est pas étonnant que le gouvernement suédois ait encouragé son réseau ferroviaire à procéder, dès 1905, à une électrification qui se développera rapidement entre les deux guerres. Sur les 15 000 km de lignes que compte le réseau en 1950, la Suède en a déjà électrifié 6.000 en courant monophasé 15 000 V à fréquence spéciale 16 2/3 Hz mis au point par la Suisse et l’Allemagne.

Le pays voisin, la Norvège, a une superficie de 323 877 km² et compte près de 5 millions d’habitants. Suédoise depuis 1815, la Norvège reçoit sa première ligne de chemin de fer en 1854. Elle est indépendante en 1905 et doit poursuivre la construction de son propre réseau qui, jusque-là, n’avait de lignes que pour la relier à la capitale suédoise. La forme générale du pays impose la construction d’une grande ligne en direction du nord. Avec une population très peu nombreuse, et un territoire très montagneux s’étirant sur plus de 1 600 km en direction du Pôle Nord, le pays ne se prête pas à la construction d’un réseau dense. Le réseau ferré NSB-BA, sigle du réseau national « Norges Statsbaner », comprend actuellement environ 4 000 km en voie normale, et dont environ 2 500 km sont électrifiés en courant monophasé 15.000 V à fréquence 16 2/3 Hz, comme son voisin suédois, et comme le nord et le centre de l’Europe. Cette très sage précaution d’une standardisation du système d’alimentation électrique des réseaux vaut, aux trains de toute la Scandinavie, une facilité exemplaire de passage d’un pays à un autre jusqu’en Europe centrale, ce qui avantage le transport ferré.

La richesse venue du froid.

La ligne dite du « Cercle Polaire », reliant Lulea à Narvik par Kiruna sur une distance de 473 km, est construite à partir de 1883. Vu l’importance de son trafic, elle est électrifiée à partir de 1915, formant ainsi une des premières grandes électrifications européennes, et l’électrification est, bien entendu, faite selon le système en monophasé déjà utilisé en Suède.

La demande d’acier n’a jamais cessé et a toujours augmenté, surtout et pendant les guerres mondiales. Voilà ce qui vaut à une Suède très neutre d’être sollicitée aussi bien par l’Allemagne que par les alliés. De cette époque date le transport de quantités de minerai telles que la ligne reste désormais en tête des lignes européennes pour ce qui est du tonnage. Des trains de 5 000 à 6 000 tonnes sont une pratique courante, ceci sur des rampes atteignant 10 pour 1000, et sous un climat extrêmement rigoureux et enneigé.

Pourquoi électrifier une telle ligne ?

Dès que la mise au point technique de la traction électrique sur de grandes distances est faite à la veille de la Première Guerre mondiale, la Suède se montre très intéressée par cette technique qui lui permettra de s’affranchir des performances modestes et de l’entretien coûteux des locomotives à vapeur. Le manque de charbon et l’abondance de ressources hydrauliques plaident aussi en faveur de la traction électrique. Les pays pionniers de la traction électrique, notamment la Suisse et l’Allemagne, sont des pays à climat tempéré, et la fragilité et le coût élevé des installations électriques ne laisse préjuger rien de bon pour ce qui est de la fiabilité de ce mode de traction dans des conditions polaires.

Mais, la Suède ne perd pas de temps, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour s’engager dans un vaste programme d’électrification de son réseau ferré, imitant en cela la Suisse qui elle a fait l’expérience de la pénurie de charbon et de l’immobilisation de ses trains pendant la guerre.  C’est déjà une bonne raison qui assure à la Suède son indépendance énergétique nationale.

La première grande électrification très attendue est celle de la ligne de Stockholm à Göteborg (458 km), soumise au « Riksdag » (le parlement) en 1920, et décidée seulement en 1923 après la longue résolution du problème des perturbations apportées par le courant monophasé aux communications téléphoniques et télégraphiques. Les travaux sont exécutés de 1923 à 1926 pour le prix de 44 600 000 couronnes, un investissement qui rapporta ensuite environ 4 %.

L’industrie suédoise, grande constructrice de locomotives à vapeur traditionnellement, étudie des prototypes électriques, puis, en 1921, on passe enfin aux choses sérieuses avec de longues locomotives articulées lourdes et puissantes du type 1C+C1 à six essieux moteurs, puis 1D+D+D1 à douze essieux moteurs. Ce grand nombre de roues motrices, atteignant donc 24 pour les locomotives à 12 essieux moteurs, multiplient considérablement les points de contact sur le rail glissant et verglacé, et évitent tout patinage : ces locomotives sont comparables aux 4/4 capables de rouler sur tous les terrains même enneigés, mais, elles sont, si l’on peut le dire, des 24/24 !

Les « Dm » : géants du Cercle polaire.

L’origine de ces locomotives 1D+D+D1 utilisées sur la ligne de Laponie est la 1C1 à trois essieux moteurs et deux essieux porteurs (ou bissels), connue en Suède sous le nom de série « D », et qui donna naissance, en 1940, à une locomotive type 1D par remplacement d’un bissel par un essieu moteur supplémentaire et suppression de l’une des cabines de conduite. Chaque locomotive de type 1D était prévue pour fonctionner accouplée en permanence, par l’extrémité sans cabine, avec une autre locomotive 1D identique, ceci donnant en fait une locomotive double du type 1D+D1 à huit essieux moteurs. Ces 1D+D1 ainsi formées reçurent le nom de série « Dm » formant un parc de 19 exemplaires, sans compter quatre autres exemplaires identiques affectés au réseau norvégien et fonctionnant sur la même ligne.

L’accroissement du poids des trains demande encore plus de puissance et, au début des années 1960, les chemins de fer suédois construisent de nouvelles locomotives toujours identiques au 1D précédentes, mais sans cabine de conduite et sans bissel porteur. Intercalées entre deux 1D, elles donnent des locomotives triples du type 1D+D+D1 formant la série « Dm 3 ». Essayée d’abord sur 3 locomotives 1D+D1, cette solution fut étendue à l’ensemble de la série pour former, donc, un parc homogène de 19 locomotives. Dotées de 6 moteurs de traction, ces locomotives triples développent jusqu’à 7.200 kW, pour un poids de 270 tonnes et une longueur de 35, 25 mètres, ce qui est sans nul doute un record européen, et ne manque pas de poser des problèmes de résistance des attelages qui doivent alors « encaisser » un effort de traction dépassant  93.000 daN. Des essais avec des attelages automatiques de type russe ont été entrepris pour cette raison. Ces locomotives exceptionnelles sont toujours en service. Elles circulent à une vitesse maximale de 75 km/h, mais plus proche de 50 km/h en service courant et dans les conditions difficiles que l’on devine.

La très mythique locomotive triple suédoise, type 1DDD1, série « Dm 3 », issues de locomotives type 1D1. Ces 19 locomotives datent de 1960.

Pourquoi une transmission par bielles sur des locomotives électriques ?

Un peu de technique, maintenant, pour expliquer pourquoi ces locomotives ressemblent à des locomotives à vapeur avec toutes leurs bielles en mouvement. La transmission par bielles, dont les Suédois ont fait grand usage, même sur des locomotives encore très récemment construites durant les années 1970, n’est pas un snobisme nostalgique voulant préserver l’aspect archaïque des locomotives. Les raisons de ce choix, apparemment dépassé techniquement, est celle de la plus grande robustesse et de la plus grande simplicité de ce type de transmission, endurant mieux les grands froids, les accumulations de glace et de neige, les patinages, que les transmissions à engrenages ou à cardans. Le jeu naturel des articulations des bielles est suffisant pour les débattements de la suspension, et ne demande aucun autre artifice mécanique. Donc, c’est « rustique et costaud », comme doivent l’être les hommes et les machines, et tout ce qui affronte le grand froid polaire, et ces locomotives ont roulé de 1921 jusqu’en 2007.

Les générations actuelles de locomotives utilisées sur la ligne ont des couplages de type CC (six essieux moteurs), donc offrant en totalité toujours 24 roues motrices, mais, désormais, sans les bielles qui fascinent les amateurs….

Voici comment cela commence en Suède, question traction électrique : c’est simple au possible, mais c’est solide, fiable, avec un gros moteur qui tourne lentement, et surtout celà ne craint pas le froid.
Les locomotives primitives de 1915, type 1D1, à caisse en bois et transmission par bielles, ancêtres des « Dm 3». Document SJ.
Locomotive type « D » à quatre essieux moteurs et faux essieu central, mise en service en 1920. Doc.The Locomotive Magazine.
Locomotive type 1C1.Série « Du » puis « Dy », N°151, à caisse bois.1925.
Une bien jolie « OF-2 », type 2BB2, à caisse en bois, de 1930. Document SJ.
Locomotive type 1C1, N°797, à caisse métallique. 1930
En 1988, chez Märklin, on est allumé par les allumettes suédoises et le service marketing conçoit des coffrets de trains suédois en « H0 » à caisse en bois, mais véritablement en bois. C’est très joli, mais le succès est très relatif, les amateurs trouvant que cela manque de détails. Aujourd’hui, évidemment, ce coffret est devenu une pièce rare.

La ligne aujourd’hui.

Depuis 1923, sur la ligne de Lulea à Narvik, un train entier de minerai se compose couramment d’une locomotive triple type « Dm3 »et de 52 wagons chargés à 80 tonnes, soit un tonnage brut, locomotive incluses, de 5 200 tonnes. Depuis janvier 2001, l’exploitant des mines MTAB qui a repris l’exploitation de la ligne, a mis en service de nouvelles locomotives formées d’un couplage de deux locomotives type CC et de nouveaux wagons chargés à 100 tonnes. Cela permet de constituer des trains, composés de 68 wagons, d’un poids total de 8 160 tonnes.

La ligne d’après une carte de 1958. Document RGCF.

Une des premières « Dm3 », de 1960, à caisse en acier. Document LKAB.

De nouvelles locomotives, au nombre de neuf, ont été commandées à Bombardier (ex-Adtranz) et ont été livrées entre 2000 et 2004. Longues de 45,8 m et pesant à elles deux 360 tonnes, ces très grandes locomotives sont équipées de moteurs asynchrones qui permettent le freinage électrique avec régénération, à la satisfaction des écologistes locaux qui veillent, on s’en doute, sur un environnement de très haute qualité.

Il est à noter que, dans les mines, le chargement des trains se fait automatiquement et sans arrêt, et que dans les ports, le déchargement des trains se fait tout aussi automatiquement et toujours sans arrêt, le train passant dans un système qui actionne les trémies. Le déchargement d’un train de 5 200 tonnes demande de 30 à 40 minutes.

Enfin, les voyageurs ne sont pas oubliés, et des trains de voyageurs réguliers circulent trois fois par jour, entre Narvik et Luleå, via Kiruna. Tout particulièrement la section 169 km reliant Kiruna à Narvik se trouve au nord du cercle polaire et franchit la chaîne scandinave par un col à 550 m d’altitude, et offre un immense attrait touristique.

Sur la ligne de Lulea à Narvik aujourd’hui. Les locomotives sont des CC pesant 360 tonnes par couplage. Les trains, pesant ici plus de 5 000 tonnes, sont toujours composés de wagons-trémie classiques, très lourds, avec une charge de 32 tonnes par essieu, exceptionnelle en Europe. Document MTAB/International Railway Journal.
Aux approches de Narvik : un bon service de trois trains de voyageurs quotidiens est toujours offert sur la ligne du « Cercle Polaire ». Doc. Wikipedia.

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