Modélisme : les « Chemins de Fer Appartementaux » : révélation et conversion.

En 1967, paraît dans « Loco-Revue », la plus ancienne et la plus importante revue française en modélisme ferroviaire depuis 1937, et sous la signature de G. Fournet, un article qui est l’acte fondateur d’une ère nouvelle du modélisme ferroviaire en France. Il s’agit, tout simplement, de la simple prise de conscience qu’il existe, au-delà de la fenêtre d’une chambre contenant un réseau de trains miniatures, un chemin de fer réel, et que de le reproduire est beaucoup plus passionnant que de faire tourner un train-jouet sur un « rond de rails ».

Le titre de cet article paru dans « Loco-Revue » ? Les « Chemins de Fer Appartementaux ».

Ce jeu de mots, qui a l’air si anodin, fait que les chemins de fer sont, pour l’ensemble des lecteurs de l’époque, l’occasion d’une révélation et d’une conversion. Et même si, à l’époque, ils ne s’en rendent pas compte, aujourd’hui, la plupart des modélistes ferroviaires de haut niveau sont les disciples de G. Fournet qui, lui aussi, sans nul doute, ne se rendait pas compte de la portée de la description de son réseau… Ce réseau des « Chemins de Fer Appartementaux » est le premier d’une nouvelle ère.

Une inspiration locale : le réseau d’Indre-et-Loire.

Avec du matériel roulant très bas de gamme de l’époque, quelques rails et appareils de voie de type jouet, et surtout les moyens techniques du moment en matière de construction et de décoration du réseau avec du papier et du carton, G. Fournet construit, dans l’étroit couloir d’un petit HLM, un réseau qui est conçu comme une véritable ligne de chemin de fer, et très directement inspirée des lignes départementales du réseau d’Indre-et-Loire.

Le vrai réseau en voie métrique d’Indre-et-Loire, vu ici par exemple à Argenton, en 1935. Les tables du café n’engagent pas le gabarit et sont prudemment posées loin des rails.
Au premier plan, le tramway d’Indre-et-Loire en voie métrique assure la correspondance en gare de Château-la-Vallière située sur la grande ligne du réseau de l’Etat en voir normale. Cette gare est située entre Vendôme et Saumur.

Comme une vraie ligne de chemin de fer, ce réseau linéaire utilise l’espace disponible, allant d’un point à un autre avec un embranchement et ne tournant nullement en rond sur un circuit bouclé. Il est conçu, exploité et utilisé comme une ligne départementale ou locale. C’est bien à tous les sens du terme un réseau linéaire. C’est un réseau qui va d’un endroit à un autre. Il n’est plus question d’un « rond de rails » ou d’un manège de fête foraine.

C’est une démarche alors totalement nouvelle, et qui, aujourd’hui en 2024, serait encore perçue encore nouvelle pour un certain nombre de modélistes restés « classiques » et « joueurs enfants ». Pourtant, elle est accomplie en 1967, il y a 57 ans, en pleine époque du réseau « plat de nouilles » de type circulaire.

Un des plus inoubliables clichés parus dans Loco-Revue : la gare de Florval. Tout respire la simplicité, le sens, et la transposition précise de la manière d’exister d’une petite ligne de chemin de fer départementale (pas encore « de desserte fine du territoire »). Il s’agit de relier deux localités grâce à un matériel roulant simple : ici, des wagons Jouef bas de gamme composant des trains courts, quelques rails et aiguilles, quelques bâtiments simples faits … « maison » à tous les sens du terme.

« Le désir de construire un chemin de fer modèle devient à peu près insoutenable vers 1954… »

C’est ainsi que G. Fournet commence son article. Et il explique que, en face de ce désir, il n’y a pas de possibilité, pas d’espace, pour cause de vie familiale dans un petit appartement de type HLM. Sera-t-il victime du préjugé « un réseau de trains miniatures demande et occupe une pièce entièrement consacrée » ?  Par miracle, non…

L’insoutenabilité de son désir de faire du modélisme ferroviaire lui épargne d’aller grossir les rangs de l’armée des empêchés, des frustrés, qui, faute de chambre entière à consacrer au modélisme ferroviaire, s’abstiennent définitivement et entassent, sur une étagère d’une armoire, des boîtes contenant des modèles réduits et jamais ouvertes…

Il lui faut passer aux actes, et, comme un ingénieur chargé de construire une ligne réelle parcourant les vallées et les passages possibles, il explore le terrain, celui du petit appartement, et découvre qu’il y a des passages, des emplacements mesurés mais qui existent : près de cette porte on peut loger une gare, dans ce recoin on peut loger une courbe, au-dessus de ce meuble de famille on peut poser un plateau supportant une autre gare, et dans ce placard on peut loger, sur une étagère, une troisième gare. Le long du couloir, qui fait un mètre de large, on peut, sans gêner le passage des occupants de l’appartement, aménager une ligne et son décor sur une largeur d’une trentaine de centimètres. Progressivement le projet prend corps, et, d’année en année, il est réalisé, par petites étapes.

Un peu de « territoires de la ruralité péri-urbaine » sur fond de jardinage ou de nature modestement domptée avec utilisation de ce que l’on trouve sur le catalogue Jouef pour trois sous, voilà ce qui crée cette « atmosphère » si particulière de ces « Chemins de Fer Appartementaux ». Ici, la gare de Florval. Clichés Loco-Revue.

Les départementaux d’Indre-et-Loire : la référence, le modèle.

Une enfance passée le long des voies de ce petit réseau départemental tient une large place dans les souvenirs de G. Fournet, et il va utiliser les caractéristiques de ce réseau réel pour concevoir le réseau miniature en adoptant des courbes de faible rayon (mais quand même de 650 mm (ce qui est très correct et très réaliste par rapport aux courbes de 325 ou 445 mm de Jouef). Il va aussi choisir des rampes à pourcentage relativement élevé par rapport à celles des grandes lignes de la SNCF, et des plans de voies simples dans les gares. Il choisira aussi des locomotives et du matériel roulant de faible longueur et à tamponnement central – ce point étant particulièrement crucial en modélisme ou la reproduction du tamponnement classique à deux tampons ne manque pas de poser de nombreux problèmes en courbe. À cela, on ajoute une signalisation très simple réduite à quelques disques comme sur les lignes secondaires réelles, des bâtiments modestes et de faibles dimensions, existant dans la réalité que sur le réseau miniature.

Il s’agit donc de construire une ligne allant d’une gare A à une gare B, un point c’est tout, et non de faire des boucles en tous sens prétendant être la ligne de la grande artère du Paris, Lyon et Méditerranée ou, pourquoi pas, du Paris-Moscou.

Sur cette carte de l’annuaire Pouey de 1933 donnant toutes les gares de France, le réseau d’Indre-et-Loire comporte, en violet, les grandes lignes du PO et en vert celles de l’Etat. Mais ce sont les petites lignes (en pointillé noir) qui intéressent G.Fournet, soit celles du réseau d’Indre-et-Loire, soit celle des tramways électriques du Loir-et-Cher voisin qui pénètrent dans le département.

La ligne des « Chemins de Fer Appartementaux » est donc en voie unique, avec ses courbes à très faible rayon, et les trains, une fois arrivés au terme de leur parcours, dans une des gares terminus, doivent être recomposé grâce à des manœuvres, donc grâce aux appareils de voie et aux voies de garage et d’évitement établis dans les gares pour cet usage. Tout prend ainsi son sens, et les règles du « jeu » se précisent, et deviennent cohérentes, même si elles sont contraignantes parce que filles de la réalité.

Si les chemins de fer départementaux d’Indre-et-Loire sont en voie métrique, le concepteur des « Chemins de Fer Appartementaux », lui, reste fidèle à la voie normale, donc 16,5 mm en « H0 », ceci pour deux raisons. La première est qu’il y a eu nombre de réseaux privés locaux ou départementaux en voie normale dans la réalité, et la seconde est que, en « H0 », ce choix permet de conserver les châssis-moteurs, les organes de roulement, les voies et rails du commerce courant. Sage précaution, car si on faisait du métrique à l’échelle 1/87ᵉ, on ferait alors du « H0m » sur voie de 12 mm : à l’époque aucune production commerciale courante et accessible n’existe dans cet écartement, et il faut utiliser les trains de l’échelle « TT » (1/120) sur voie normale de 12 mm, comme ceux de la marque Rokal allemande, qui est très chère et difficile à trouver en France.

Le système technique du réseau.

Le réseau est alimenté par un pupitre de commande principal et des pupitres locaux placés chacun devant une gare, comprenant seulement un inverseur et un rhéostat, et des boutons poussoirs pour sélectionner un courant redressé à une ou deux tensions, selon le type de mouvements désiré. Il y a une tension faible pour les manœuvres à l’extrême ralenti et une autre, plus forte, pour les mouvements en pleine voie. Les aiguilles des appareils de voie sont commandées par des tirettes placées à demeure au niveau de chaque appareil et dépassant sur la bordure antérieure du réseau.

Les douze appareils de voie du réseau Hornby en « H0 » de l’enfance de l’auteur des « Chemins de Fer Appartementaux » lui ont laissé un merveilleux souvenir et l’ont d’ailleurs familiarisé avec les manœuvres et leurs joies… Il n’y a donc aucun câblage compliqué, et les lames des aiguilles assurent l’alimentation des pointes de cœur (non isolées, mais entièrement métalliques) des appareils de voie, ce qui évite l’emploi des appareils à pointe de cœur isolées si génératrices de problèmes de captage de courant en système deux rails. Il y a beaucoup d’appareils de voie sur le réseau, rendus nécessaires comme dans la réalité par le tracé et la nécessité de faire des manœuvres.

Le réseau est en système « deux rails » : ce choix d’abandonner le système « trois rails » a été fait pour de pures raisons esthétiques par G. Fournet qui tient à retrouver les voies telles qu’elles sont en réalité. Comme il n’y a pas d’acrobaties de tracé du genre boucle avec raccordement en diagonale pour faire une raquette de retournement, ni de triangle de retournement, il n’y a donc pas de problème de court-circuit entre les deux rails de polarités opposées liés au deux rails.

Il reste, cependant, le problème du captage souvent aléatoire du courant traction… mais, il est vrai que sur un réseau de dimensions modestes où tout est à portée de main, la moindre zone encrassée et défectueuse est facilement détectée et nettoyée. Par ailleurs, une partie du réseau est équipée en caténaire pour un tramway, caténaire toutefois provisoirement non fonctionnelle mais qui sera utilisée pour un captage sûr et indépendant.

Les appareils de voie sont câblés selon un système utilisé par la marque anglaise Peco et baptisé « Electrofrog », système assurant ou non la présence du courant traction dans les deux voies du côté du talon de l’appareil, si on alimente l’appareil par la voie de la pointe. Cette possibilité est reprise et utilisée par G. Fournet pour l’alimentation ou non des voies de service des gares par le simple positionnement des lames des appareils de voie venant, ou non, coller au rail de roulement extérieur et y prendre le courant par simple contact.

Ce système est simple, fiable, évite l’installation de pupitres avec de nombreux boutons et de fils sous le réseau : les appareils de voie sont simplement alimentés par les deux files de rails de la ligne principale, et assument ensuite la distribution du courant dans les voies embranchées en fonction de la position des lames. Dans le cas d’une voie de garage avec, donc, un appareil de voie à chaque extrémité, il suffit de faire une coupure dans chaque rail de la voie de garage, en son centre, pour obtenir deux sections électriquement indépendantes et dépendant chacune de la position des lames d’aiguille de son extrémité : ceci est très commode pour les manœuvres avec deux locomotives simultanément sur une même voie de garage, notamment pour la composition des trains et leur départ en sens inverse.

Les pointes de cœur non isolées changent donc de polarité selon la position des lames des aiguilles, et elles contribuent au captage du courant lorsque les locomotives roulent sur elles. Ceci évite le défaut principal du système en deux rails avec des pointes de cœur en plastique : l’arrêt inopiné des locomotives courtes type 020 ou 030, ou des automotrices circulant seules.

L’étude des gares réelles du réseau d’intérêt local d’Indre-et-Loire montre la présence d’une voie de débord, d’une voie de garage et, éventuellement, d’une seconde voie de garage, établie pour être accessible par les deux extrémités avec des aiguilles d’embranchement sur la voie principale. Comme les voies sont à travelage noyé dans le sol ou la chaussée, les rails sont fixés directement sur la surface du contreplaqué. Toutefois, sous les appareils de voie, une couche du contreplaqué a été enlevée pour permettre de glisser des traverses apparentes, comme dans la réalité.

Les bâtiments et le décor.

Le but idéal est, pour le créateur du réseau, de faire figurer tous les éléments caractéristiques des chemins de fer réels, tels qu’on peut les observer en parcourant les voies ferrées. Bien entendu, il n’était pas possible d’atteindre un si vaste objectif au long d’un développement de quelques mètres de plateaux. Mais cet idéal est toujours présent à son esprit, et dans les limites du cadre dont il dispose, il estime avoir réussi à faire entrer le maximum de variété dans le paysage et les ouvrages d’art.

Ainsi, la sinuosité du tracé économique de ces chemins de fer départementaux n’exclut pas les alignements, chaque fois que la topographie en offre la possibilité aux ingénieurs. Dans le cas des « Chemins de Fer Appartementaux », les parties rectilignes sont à établir sur les plateaux étroits du couloir. Les plateaux de 0,42 m reçoivent donc un tracé aussi varié que possible. Le souterrain ne peut être bien long, mais pour qu’il soit très obscur, il est tracé en courbe « pour inspirer l’effroi escompté des ténèbres opaques et insondables » écrit l’auteur du réseau. Ce terrifiant ouvrage, qui mesure soixante centimètres, atteint bien son but, son prestige maléfique étant rehaussé par son nom souterrain de la « Chimère » !

Les bâtiments sont tous « maison », c’est le cas de le dire, construits par l’auteur du réseau et d’après des dessins faits ou des photos prises sur place sur le réseau réel. Le souterrain ainsi assure une rupture scénique entre les deux parties principales du réseau que sont les gares et sites de Bourgenty et de Chantazur – tous ces noms étant fictifs, on s’en doute, mais très représentatifs de l’esprit du réseau. Le site de Florval est à part, dans une autre pièce de l’appartement, intégré à un placard dans lequel la voie pénètre par une porte donnant dans le couloir… et qui doit rester ouverte en permanence, du moins tant que le réseau est en service.

Dans la pièce où se trouve la station de Bourgenty, il est possible de conserver la même largeur de plateau standard utilisée pour l’ensemble du réseau, soit 0,42 m, de même que dans la pièce où se trouve la station de Florval. Mais, pour aller de l’une à l’autre, il faut emprunter un long couloir qui permet de réaliser une ligne de tramway de type départemental interurbain longeant une route, et dont la station terminus établie au bout du couloir dessert la petite cité de Chantazur. Ce tramway relie Chantazur à Bourgenty en utilisant, sur une partie de son parcours, la voie des « Chemins de Fer Appartementaux » de Bourgenty à Florval. Ainsi est née la « Compagnie des Tramways Domestiques » dont le matériel roulant reçoit les deux lettres TD.

La gare de Bourgenty, la plus importante du réseau des « Chemins de Fer Appartementaux ». Elle est commune aux lignes de Florval (traction vapeur) et de Chantazur (tramway départemental électrique). Cliché Loco-Revue.

Le matériel roulant et l’exploitation du réseau.

Le parc moteur des « Chemins de Fer Appartementaux » comprend deux locomotives-tenders de la rare marque artisanale TAB dont une est ré-équipée d’un moteur Fleischmann, deux autres locomotives 030T Fleischmann, et une 030T Rivarossi. Les wagons sont, pour les voyageurs, des voitures Fleischmann, les fourgons dont des Jouef, et les wagons à marchandises sont des Jouef et du Liliput des années 1950. L’ensemble du matériel a été équipé du tamponnement central (pour éviter les complications des tampons latéraux) et d’un attelage automatique.

Pour le matériel des « Tramways Domestiques » il y a une motrice tramway Rivarossi et ses deux remorques assorties, une locomotive type « Boîte à sel » Fleischmann, des wagons couverts, tombereaux, plats et un fourgon.

Si l’exploitation du réseau est très manuelle, il est à noter qu’une signalisation, de type mécanique et simple assurée par des disques, prend en charge un certain nombre d’automatismes de protection empêchant les prises en écharpe des trains, ou la manœuvre intempestive d’aiguilles sous les roues d’un train. De même, les postes de commande des gares ne peuvent être sous tension que moyennant certaines conditions de sécurité assurant des « enclenchements » électriques.

Quelques belles lignes écrites dans Loco-Revue par un modéliste ferroviaire visionnaire et inspiré.

« ll faut reconnaître que, lorsque l’on a devant soi une vaste surface de contreplaqué absolument nue, il n’est pas facile d’imaginer d’un seul coup ce désert transformé en agreste paysage. Pour y parvenir, il faut procéder avec méthode. De toute manière, ce travail de création est l’une des activités les plus passionnantes du modélisme et je ne crains pas de dire que j’y vois une véritable forme de l’art. »

« Création » est un mot trop tort, c’est un mot à l’usage des dieux. Mais l’homme est capable de concevoir, en puisant dans son propre fonds, parmi les acquisitions accumulées en lui par l’usage de ses sens. Au lieu d’une création véritable, il réalise une synthèse à partir d’éléments mis en réserve dans sa mémoire au fur et à mesure que le monde qui l’entoure pénétrait en lui, sous forme de sensations associées à des émotions. Ces matériaux, il va les extraire de leur retraite intérieure, il va les harmoniser, non seulement entre eux, mais surtout avec sa propre sensibilité, miroir de ses émotions antérieures. Ainsi la réalisation matérielle qui en résultera sera l’expression même de sa personnalité, ce sera son œuvre, que nul autre n’aurait conçue dans la même forme à partir des mêmes matériaux et que nul autre que lui ne contemplera avec le même regard. »

Les « Tramways Domestiques ».

La ligne de tramway de Bourgenty à Chantazur n’a pas été facile à installer avec la construction de nombreux supports. Les choses ont été plus simples pour une ligne de contact composée d’un simple fil à suspension, dit de type «tramway ». Les supports sont faits avec du profilé de rail provenant de la voie Jouef en éléments droits, achetée spécialement pour ce travail. Le travelage Jouef récupéré est posé sur la plate-forme en liège, avec faux-ballast en liège également. Dans les courbes, une traverse sur deux est coupée du côté de l’extérieur de la courbe, puis du rail en maillechort est enfilé dans les crampons, en barres aussi longues que possible. Les rails sont ensuite peints en couleur rouille.

Les supports de la ligne de contact les plus simples sont composés d’un mât formé d’un rail et d’une console dont l’extrémité libre est courbée vers le bas et consolidée ensuite par une brasure à l’étain. Une suspension transversale est composée de fil en laiton soudé après la console et le mât, et qui porte un isolateur factice fait d’une tète de vis à bois en laiton. Sur cet isolateur est soudé le fil tramway. D’autres isolateurs factices sont faits avec la gaine isolante d’un fil électrique. Le fil de suspension transversal et le fil de contact sont en laiton de 0,6 mm.

Lors de la pose en courbe, avec un effort radial important, le mât est constitué de deux rails soudés dos à dos par les patins formant leur dessous. Dans les gares, on trouve des potences de divers modèles, façonnés à la demande, en fonction du tracé des voies, comme en réalité,  et construites selon le même principe que les supports ordinaires.

Pour leur pose, les mâts sont limés en pointe à leur base, puis enfoncés dans les trous qui sont percés dans le contre-plaqué du réseau. Le réseau est, comme on peut le voir sur le plan, composé de plateaux fixes et de plateaux démontables : pour permettre le démontage d’un plateau, des portiques munis de jambes de force terminent l’installation au droit des bords des plateaux, et supportent la tension du fil de contact. Une prolonge en fil d’acier, soudée aux fils, couvre l’intervalle entre deux portiques adjacents et permet le passage continu de la perche des tramways en service normal.

Le terminus de Chantazur des « Tramways Domestiques » comporte quatre appareils de voie dont trois sont intéressés par un programme d’automatisme assurant le ralentissement automatique d’un tramway revenant en gare, ceci avant la première aiguille, suivi d’un arrêt de 15 secondes pour descente de voyageurs, puis d’un dételage de la remorque et dégagement de la motrice au-delà de la seconde aiguille. Ensuite un arrêt de trois secondes se fait pendant la manœuvre automatique des aiguilles. Ensuite le programme assure le retour de la motrice à contresens par la voie d’évitement jusqu’au-delà de la première aiguille. Après un arrêt de trois secondes, c’est la manœuvre des aiguilles, puis le retour de la motrice vers la remorque avec l’attelage automatique et un arrêt en attente de départ. Enfin, c’est le départ en marche lente par action sur un bouton-poussoir depuis le poste de commande de la gare.

Ce programme nécessite quatorze relais de téléphone. L’archet de la motrice, dans ses mouvements, rencontre des contacts qui arment les relais intéressés aux différentes phases du programme. L’aiguille de bifurcation de pleine voie, dont la position normale correspond à l’itinéraire des trains type vapeur Bourgenty à Florval, est automatiquement mise en position déviée par les circulations électriques et remise en position normale automatiquement après dégagement par le train. Ce programme automatique a été fait uniquement pour le plaisir et l’amusement.

Pour information : les réseaux classiques de l’époque dits « plats de nouilles ».

On notera que ces réseaux classiques existent encore dans les expositions, foires et salons, des années 2000, soit un demi-siècle après la parution de l’article « Les Chemins de Fer Appartementaux ».

Un beau « plat de nouilles » qui a du couter cher et qui est, surtout, inaccessible, sauf en ce qui concerne le dépôt à gauche et le triage au centre du plan. Toute la partie à droite, le long du mur, est inaccessible et demande un fonctionnement impeccable et des rails parfaitement propres.
Ci-dessus : un autre « plat de nouilles » qui partage avec celui du dessus une presque totalité des voies (donc des trains) inaccessibles en cas de déraillement ou de faux-contact. Le « village de montagne » ou la gare de Pont-sur-Yonne sont hors de portée. On notera l’irréalisme délirant du tracé des voies, tout comme le surréalisme comique de la trappe « Accès trois personnes » (dont on espère qu’elles ne sont pas trop ventrues) qui ne permet aucune intervention sur le réseau, sinon en marchant dessus … s’il est solide.
Ci-dessus : quelques vues de ces immenses réseaux saturés en voies en tous sens que l’on voit encore dans les expositions. Coutant une fortune, mais pauvres en intérêt, leur grand nombre de trains en circulation demande des automatismes, donc, à la longue, génère l’ennui et le désoeuvrement pour le modéliste ferroviaire. Ce dernier passe son temps à dépanner en attendant de tout oublier.
Après avoir fait maines fois l’éloge et la pratique du petit réseau étagère avec deux gares terminus, donc de type linéaire et non circulaire, en 1969 dans son « Chemin de fer passion », votre serviteur Clive Lamming décrit, dans « Loco-Revue » N*391 de février 1978, le principe du réseau théatral avec ce qu’il appelle une « scène » et surtout une « coulisse » – ce dernier terme reste pratiqué aujourd’hui, et il est universellement reconnu et utilisé dans le modélisme ferroviaire. Il correspond à l’intraduisible « fiddle yard » de la pratique des modélistes britanniques.
En 1984, sur le manuel de plans de réseaux Jouef (tirage 40.000 exemplaires), le même Clive Lamming récidive avec, entre autres, le petit réseau « étagère » facile à loger dans une chambre d’enfant. Le succès de ce type de réseau est considérable auprès du dit « grand public » qui ignore tout du modélisme ferroviaire et qui y accès sans gaspillier de l’argent et de l’espace.

2 réflexions sur « Modélisme : les « Chemins de Fer Appartementaux » : révélation et conversion. »

  1. Merci Mr. Lamming pour vos articles toujours passionnants, et en particulier cette formidable histoire des Chemins de Fers Appartementaux ! Je me souviens d’un article de Loco-Revue de 1969 où vous présentiez votre réseau construit dans un endroit où « personne ne peut se rendre à votre place », un réseau point-à-point sur étagère – déjà – qui m’avait fasciné par le charme de son thème, un site industriel je crois, très original pour l’époque et surtout qui me parlait, ayant grandi près d’usines et de gares désaffectées … Tiens, cela me donne envie de rechercher ce numéro de Loco-Revue dans mes affaires!
    Dans l’attente de lire votre prochain article… 🙂

    Amicalement,
    Pascal Auzias

  2. Et bien j’ai retrouvé le numéro de Loco-Revue avec le réseau pour un « petit coin ». Le 327 pour être précis, avril 1972. Donc pas 1969 ! Et pas de site industriel sur ce réseau, mais deux gares et un dépot. Quand la mémoire nous joue des tours … En tout cas j’ai pris plaisir à le relire. Et comme vous annonciez la suite (l’exploitation du « petit coin ») pour le numéro 328 que je n’ai pas, je l’ai acheté illico sur eBay !
    Hâte de vous lire à nouveau,
    Amicalement
    Pascal Auzias

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