La locomotive diesel à deux moteurs ? Non merci.

Les quatre locomotives diesel d’une SNCF des années 60 très fière de les essayer, à savoir les BB-69001, BB-69002, CC-70001 et CC-70002, sont tombées dans le domaine de l’oubli le plus total. Elles naissent lors de la grande époque de l’espoir d’une traction diesel de ligne « à la française », avec des trains rapides et lourds parcourant les lignes dont l’électrification n’est pas jugée rentable. Le seuil de rentabilité dépend du prix du baril de pétrole et, donc, est doté d’une versatilité et d’une instabilités toutes… pétrolières. Ce seuil ne manquera pas de varier, et même de descendre, permettant alors à un certain nombre de lignes de moyenne importance de faire partie du club très fermé mais envié des « électrifiables ». Alors le royaume des espérances de la traction diesel commence à se doter de frontières instables et les rêves des ingénieurs doivent varier en conséquence et se convertir à la dure « realpolitik » du réalisme fluctuant : de magnifiques prototypes, si prometteurs, sont, désormais, non viables. C’est le cas de nos quatre « stars ».

Elles ont un deuxième handicap. Dotées chacune de deux moteurs diesel offrant une puissance totale d’environ 3 500 kW, un record en traction diesel française pour une seule machine, ces quatre exceptions resteront sans descendance, pénalisées par la présence de deux moteurs et d’un manque de conviction des ingénieurs en matière de locomotives à plusieurs moteurs diesel. Les CC-65000 (sur lesquelles nous reviendrons), elles aussi à deux moteurs, seront, en fin de compte, une réussite malgré leur nombre restreint.

Deux moteurs : la mauvaise étoile.

Ces quatre prototypes connaissent aussi, mais pour des raisons différentes, un destin parallèle à celui de bien des prototypes de l’époque qui suit la création de la SNCF. Elles sont pénalisées par la présence de deux moteurs. Multiplier des moteurs pour une puissance donnée (locomotive à deux moteurs ou bien deux locomotives monomoteur en unités multiples) revient à alourdir les coûts de maintenance, surtout par le fait des accumulations d’heures en main d’oeuvre et une main d’oeuvre beaucoup plus qualifiée (et plus chère) que celle des ajusteurs ou des chaudronniers des dépôts de la vapeur. Les grands trains américains de wagons porte-conteneurs, avec jusqu’à sept locomotives diesel en tête, ne sont pas un modèle de rentabilité, et, sur les sept locomotives du train, il y en a toujours au moins une ou deux en panne.

Au moment où ces quatre « jeunes espoirs » sont essayés, déjà sortent de nouveaux moteurs plus puissants qui laissent espérer que le règne du moteur unique est enfin en vue. Entre 1940 et 1970 la puissance par cylindre passe de 50 à 300 ch. : avec 16 cylindres, la puissance théorique de plus de 5 000 ch. est possible. Et, de ce fait, le plafond de puissance de 2000 ch., auquel se heurtent les ingénieurs des années 1950, est dépassé dès 1967 avec des puissances de 2650 kW, soit environ 4000 ch qui sont atteintes, par exemple, sur les CC 72000.

Au départ, sans doute, de la gare de l’Est. A gauche, la BB-69001 et à droite la A1A-A1A 68007 qui représente, elle, une valeur un peu plus sûre – mais dont les débuts en ligne entre Paris et Chaumont, aussi, donnèrent quelques soucis. Cliché René Floquet.

La fin de la période des essais de la traction diesel.

Le BB-69001 et BB-69002 ont essayé de résoudre le problème fondamental posé à la locomotive diesel des années 1960 : le rapport entre le poids et la puissance. Ces données sont essentielles et la non-résolution du problème du rapport poids/puissance empêche la traction diesel d’occuper le «créneau» qui lui revient, laissé libre par la vapeur. Il faut franchir la double barre du moins de 100 tonnes et du plus de 2000 ch.

Les BB-69000 ne pèsent que 84 tonnes et développent 3000 kW aux moteurs. Elles doivent leur gain de poids remarquable à l’abandon de la transmission électrique purement et simplement au profit de la transmission hydraulique. L’économie est nette : pas de générateur, pas de moteurs de traction. Le gain est d’une quinzaine de tonnes, et ainsi on peut supprimer deux essieux moteurs, la machine étant assez légère pour passer du type CC au type BB.

Tout en double : un handicap, donc.

Elles comportent deux moteurs (une des raisons de sa non-descendance) d’un type rapide à faible poids par cheval : 3 kg seulement. Il s’agit de deux moteurs 16.PA des Chantiers de l’Atlantique ne pesant que 7,2 tonnes chacun et développant 2400 ch (mesures d’époque). Mais surtout, chaque locomotive possède deux transmissions hydrauliques allemandes Voith qui ont été traitées d’une manière originale.

La disposition habituelle est de loger la transmission à bord de la locomotive et d’entraîner les essieux moteurs par un mouvement à base de cardans et de roues dentées, solution toujours fragile et lourde. Ici, les transmissions ont été conçues comme étant, en quelque sorte, des moteurs électriques de bogies monomoteurs, et logés directement dans le bogie dont ils forment une partie du bâti. Le bogie est le monomoteur MTE utilisé notamment sur les très nombreuses BB-67000. Le fait que la transmission fasse partie du bâti du bogie est un gain de poids considérable et une simplification mécanique, donc un gage de robustesse.

La caisse de ces locomotives a été constituée avec des solutions originales, comme des longerons en acier soudé et une poutre transversale servant aussi de réservoir. Les cabines de conduite sont en polyester (comme celles des BB-67000) et sont boulonnées à la caisse. Au centre de la locomotive, se trouve le grand compartiment des deux moteurs diesel, ventilé à l’arrêt par deux groupes motoventilateurs et en marche par un groupe de réfrigération aspirant l’air.

La transmission hydraulique : le ver dans le fruit ?

Ces locomotives BB-69001 et BB-69002 sont donc surtout exceptionnelles par leur transmission hydraulique, et c’est incontestablement ce qui les fait échouer pour de nombreuses raisons, tant techniques qu’humaines.

Pourtant, en la comparant avec la transmission électrique, la transmission hydraulique offre de réels avantages expliquant d’ailleurs son grand succès sur le réseau allemand. Le tout premier est une excellente résistance à l’emballement en cas de perte d’adhérence, et, en second, une possibilité d’accepter les surcharges temporaires, chose nécessaire dans le domaine ferroviaire lors des démarrages de trains lourds. Enfin, et surtout, le gain de poids est considérable grâce à cette transmission.

Mais la transmission électrique offre d’autres atouts, tout en se présentant différemment, écrit l’ingénieur Claude Goubert : « La transmission électrique a une capacité de surcharge importante due à l’inertie thermique des machines tournantes. La transmission hydraulique a une inertie thermique beaucoup plus faible, car il ne faut pas dépasser 110° centigrades en régime soutenu et 130° en pointe à la sortie d’huile de la boîte. Il en résulte que la transmission hydraulique sera définie par l’effort continu élevé qu’elle devra fournir pour franchir les surcharges au démarrage, alors que la transmission électrique le sera par l’effort à soutenir en vitesse puisqu’elle n’implique pratiquement pas de limitation au démarrage. »

La BB-69002 en ligne.

Des moteurs médiocres ou une transmission peu efficace ? Ou… les deux ?

Mais les BB-69000 souffrent d’être dépassées sur le plan des moteurs. Dotées chacune de deux moteurs, elles sont sur ce point handicapées, comme nous l’avons vu précédemment, alors que, pendant leurs ses essais intensifs, déjà sortent des moteurs capables de fournir 3000 kW et entraînant un seul générateur à alternateur sans problème. La solution des deux moteurs diesel de 1800 kW et des deux transmissions des BB-69000 est donc rapidement périmée. Et c’est bien ce fait du double moteur et de la double transmission qui condamne ces deux prototypes BB-6900l et 69002 plutôt que la transmission seule, contrairement à ce qui a été longtemps cru.

Toutefois, il est vrai que la transmission hydraulique n’arrange pas les choses intrinsèquement : peu connue en France, pratiquement ignorée des services d’entretien et des ateliers, elle connaît le rejet psychologique que, traditionnellement, les cheminots de tous grades ont pour le matériel hétérogène. Le moindre échauffement de la transmission est suspecté d’annoncer des pannes graves. En outre l’obligation de dépendance technique d’une firme étrangère (Voith en l’occurrence) n’est pas perçue comme désirable par la SNCF.

Quand la SNCF ne veut pas multiplier les moteurs et les ennuis.
La majestueuse et impressionnante CC-70001. Hélas, elle ne vécut que peu d’années, ainsi que la CC-70002.

Les CC-70001 et 70002 : l’originalité est dans la génératrice.

Par rapport aux BB-69000, le point fort des deux CC 70000 est la génératrice de courant : il s’agit d’un alternateur dont et le rotor et le stator tournent en sens inverse l’un de l’autre. La vitesse relative entre les deux est donc double de celle de chaque moteur diesel entraînant l’un le stator et l’autre le rotor, soit 1500 × 2= 3 000 tours/minute. Le poids gagné est de 50% par rapport à la solution de la génératrice classique à stator fixe. Fonctionnant à fréquence variable, l’alternateur alimente les moteurs de traction par l’intermédiaire de redresseurs au silicium.

Une championne du rapport poids/puissance.

Ces deux locomotives diesel atteignent la plus grande puissance massique que la SNCF ait connue en traction diesel avec 30 kW/t : l’ensemble des locomotives diesel de ligne que la SNCF fera circuler ultérieurement, comme les BB-67000 ou les CC-72000 ne dépassera guère 20 kW/t. À titre de comparaison, la CC-40100 électrique, locomotive contemporaine, est déjà à 41 kW/t et plus tard la BB-26000 atteint 62 kW/t avec ses 5 600 kW pour seulement 90 tonnes.

La CC-70000, la plus performante des locomotives diesel françaises de l’époque, montre que la locomotive diesel sera toujours très lourde et d’une puissance très limitée en rapport, et que la locomotive électrique, déjà dans un rapport puissance/poids double à l’époque, fera encore plus pour atteindre le triple aujourd’hui.

En allant jusqu’au bout des possibilités, les deux CC-70000 soulignent à quel point, justement, ces possibilités sont très limitées. Le SNCF est à un carrefour : il faut choisir entre deux politiques de traction pour les lignes non électrifiées, soit une traction diesel puissante avec des lourdes et complexes, dont la relative fragilité coûtera sur le plan de l’entretien, soit des locomotives diesel moyennes et simples utilisables en double (ou multiple ?) traction selon les poids des trains et les performances attendues, laissant le seuil de l’électrification jouer librement pour rentabiliser ou non l’installation d’une caténaire. Le choix définitif se fera sous la forme de la locomotive monomoteur de puissance moyenne : les BB-67000 et CC-72000.

L’époque des choix définitifs.

Les CC-70000 ont marqué la fin de la période des prototypes en matière de traction diesel, et la fin d’une période qui ne peut se qualifier de période de recherches véritablement, mais de période d’essais de solutions techniques diverses présents dans les cartons de la SNCF, et exécutés par des constructeurs habitués à un travail sur commande scrupuleusement suivi.

Le choix définitif pour la traction diesel de ligne, car il faut bien un choix pour ce mode de traction que les lignes non électrifiables réclament, se fait sous la forme d’une solution de compromis, qui refuse les aléas techniques de tel ou tel prototype précédent, qui navigue à vue entre des écueils repérés avec précision et savoir-faire. On rejette la transmission hydraulique de l’une, la solution bimoteurs de l’autre, les masses de plus de 100 tonnes, ou les génératrices à courant continu. Mais surtout, on abandonne l’idée de la locomotive diesel de ligne de « 4000 ou 5000 chevaux » envisagée sérieusement durant les années 1960-1965, dans la mesure où l’énergie nucléaire, dont la France se dote d’une manière exemplaire déjà, laisse définitivement à la locomotive électrique un monopole de la grande puissance de traction à bon marché.

Effectivement, passer à des puissances supérieures à 4000 ou 5000 ch d’époque est nécessaire pour la traction de trains lourds rapides sur des lignes comme Paris-Clermont-Ferrand, Paris-Bâle, Paris-Nantes, lignes qui desservent une succession de villes d’importance moyenne, qui ne fournissent pas un potentiel de transport suffisant pour justifier une électrification, mais dont les élus comptent suffisamment, par contre, pour maintenir une pression en faveur de services ferroviaires de qualité, et dont une population utilise effectivement les relations avec Paris d’une manière suivie.

C’est, bien sûr, sur ce seuil des 4000/5000 ch. que la traction diesel est en bascule d’une manière cruciale par rapport à la traction électrique. Mais, malheureusement pour elle, elle ne peut relever le défi techniquement avec toute la fiabilité nécessaire que réclame un service ferroviaire. Pour augmenter la puissance des moteurs diesel par litre de cylindrée, c’est-à-dire pour faire encore plus puissant sans faire plus lourd, il faut brûler plus de combustible, donc y introduire encore plus d’air.

Mais sans, pour autant, augmenter le taux de compression (ce qui est risqué car on augmente les contraintes mécaniques) on peut comprimer l’air en suralimentant le moteur avec de l’air qui est refroidi. Il faut alors surmonter deux problèmes techniques,  particulièrement posés à l’époque avec les moteurs diesel : trouver des turbosoufflantes assez puissantes et de rapport de compression d’au moins 4, et démarrer le moteur. Or le moteur ne tournant pas encore, la turbosoufflante, qui fonctionne avec les gaz d’échappement, ne peut comprimer l’air. Pour sortir de ce cercle vicieux technique, on pense, à l’époque, à faire fonctionner la turbosoufflante comme une turbine à gaz autonome en lui adjoignant une chambre de combustion.

Comme le conclut l’ingénieur Gérard Coget en recevant l’auteur de ce site lors de son travail de thèse en 1992 :   « Cette technique, ou ses variantes, et à condition qu’elles ne posent pas de problèmes quant à la fiabilité et à la simplicité d’emploi du moteur diesel, permet d’espérer un progrès considérable. Le domaine d’application de la traction diesel ne pourra alors que s’ouvrir plus largement dans la mesure où l’énergie nucléaire, par le biais de la traction électrique, ne viendra pas concurrencer trop fortement l’énergie d’origine pétrolière ».

CARACTERISTIQUES TECHNIQUES

Type : CC

Date de construction : 1964

Moteurs : 2 diesel 16 cyl.

Puissance totale : 3 500 kW

Masse : 117 t

Longueur : 22,73 m

Vitesse : 140 km/h

Le poids historique de l’indécision.

La SNCF des années 1960 est à un carrefour : il faut choisir entre deux politiques de traction pour les lignes non électrifiées. Soit elle définira une traction diesel puissante avec des lourdes et complexes, dont la relative fragilité coûtera sur le plan de l’entretien, soit elle se tournera vers des locomotives diesel moyennes et simples qu’elle utilisera, s’il le faut, en double (ou multiple ?) traction selon les poids des trains et les performances attendues, laissant dans le deuxième cas le seuil de l’électrification jouer librement pour rentabiliser ou non l’installation d’une caténaire.

On voit à quel point la doctrine SNCF ne fait aucun choix précis, les ingénieurs voyant dans le diesel « un mal complémentaire » de la traction électrique qui est la seule « vraie » désormais, celle qui succède à la vapeur. Les années 1960 à 1965 sont celles d’une « expérience traumatisante » des trop nombreuses pannes en cours d’essais ou en ligne. Il n’y a pas de recherche fondamentale réelle, mais des préparations de possibilités pour répondre, le cas échéant, aux besoins formulés par les services de l’Exploitation. Les « stocks d’avant-projets » s’accumulent et une « philosophie de l’immédiat » fait que l’on sort, de temps à autre, un avant-projet d’un carton pour examiner la possibilité d’une réponse à tel ou tel problème de traction ponctuel.

Dans ce climat d’indécision, il est certain que les CC-70001 et 70002 ne peuvent faire emporter quoi que ce soit, n’amenant rien de décisif en matière de rapport puissance/poids et montrant sans doute trop qu’il est urgent d’attendre qu’une vraie grande traction diesel, assez performante pour concurrencer la traction électrique, naisse un jour, ou que la traction diesel n’atteindra jamais ce stade…..selon les partisans du verre à moitié plein ou à moitié vide. C’est pourquoi les deux prototypes CC-70001 et 70002 resteront en l’état, marquant une attente de décision qui se sera jamais suivie d’effet.

Leur vie aura été brève : elles sont commandées à Alsthom en 1961, et sont mises en service à la fin de1965 et la en juillet 1966 au dépôt de Chalindrey. La CC 70002 fera aussi une série d’essais sur la ligne des Alpes entre Grenoble et Veynes, mais leur service principal est la traction des trains de la dite « ligne 4 » entre Paris-Est et Mulhouse et sur la ligne Saint-Dizier – Chaumont – Dijon.

Mais des pannes nombreuses font qu’elles sont retirées du service voyageurs au profit, si l’on peut dire, des trains d’eau minérale au départ de Vittel et Contrexéville. C’est ainsi que la CC-70002 est garée en 1973 pour après l’incendie de son alternateur, et la CC-70001 termine sa carrière en 1983, après la rupture d’un pignon de sa transmission. Le choix définitif se fera sous la forme de la locomotive monomoteur de puissance moyenne : ce seront les les BB-67000 et CC-72000.

L’opinion de Jean-Gabriel Ampeau à ce sujet.

Nous tenons à remercier Jean-Gabriel Ampeau, Responsable Sujets Systèmes chez SNCF Réseau, Direction de la Stratégie et Performance, Stratégie du Réseau, Pôle Stratégie Nationale, et aussi membre de l’AAATV Centre Val de Loire qui préserve l’A1A-A1A-68540 et un des coauteurs du livre « Les premiers diesels de forte puissance». Merci, donc, pour son commentaire concernant cet article « Trainconsultant » qu’il nous autorise à publier :

Merci pour cet excellent sujet (comme toujours). La transmission hydraulique des BB 69000 a souffert d’une autre tare essentielle aux yeux de la SNCF. C’était également l’impossibilité de chauffer électriquement les rames voyageurs sans ajouter un alternateur auxiliaire (solution retenue par la DB sur ses BB 218), et donc de réduire l’avantage énoncé d’allègement.

Celui-ci était d’ailleurs poussé à l’extrême, ce qui procurait de nombreuses vibrations en caisse et a maintenu jusqu’au bout les cabines avec leur unique et peu robuste masque en polyester.

Une version de série avec les cabines renforcées et un chauffage électrique n’aurait pu respecter les 84 t des prototypes 69001 et 69002, alors que dès 1965, la BB 67036 laissait entrapercevoir la solution de l’alternateur unique fournissant courant de traction et de chauffage des rames voyageurs.

Les BB 69000 ont également souffert d’une régulation de puissance mal conçue, procurant de brusques variations de l’effort de traction et générant donc de forts patinages. C’était moins la transmission hydraulique que la régulation de puissance qui était en cause.

Leur puissance a en fait toujours été inférieure aux 3530 kW/4800 ch annoncés, car elle est restée réglée à 3020 kW/4200 ch en puissance installée.

Concernant le protectionnisme, il était vivace au début des années 1960. Un des arguments du passage à la CC 72000 était que le moteur SULZER LVA était suisse, alors qu’il était fabriqué à Mantes chez CCM Sulzer ! Par la suite, la SNCF acheta pourtant des boites Voith pour les X 4630, 4900 et 4750 après avoir du admettre que la boite De Dietrich n’était pas des meilleures en confort et maintenance…

Pour ce qui est des CC 70000, c’est l’alternateur birotor qui fut un de leur gros talon d’Achille en même temps qu’il procurait une puissance massique élevée. En effet, si l’un des moteurs ne pouvait fonctionner, il n’était pas possible de fonctionner à demi-puissance, car la partie entrainée de l’alternateur aurait fait suivre l’autre partie et donc le moteur Diesel avarié. La BB 69000 elle composée de deux demi locomotives complètes pouvait fonctionner avec un seul moteur en service, y-c pour l’air comprimé puisque chaque moteur entrainait son compresseur.

L’autre grosse difficulté des CC 70000 était leur démarrage, car inexplicablement la statodyne produisant le courant basse tension et chargeant les batterie était sur le second moteur dans l’ordre de démarrage. Les batteries fatiguées en cas de premier démarrage laborieux n’étant pas « renipées » par le premier moteur lancé….

Cette erreur de conception assez grossière ne fut jamais corrigée, assez inexplicablement.

L’électronique des années 1960 était aussi assez capricieuse….

Quand elles fonctionnaient, les CC 70000 avec leur puissance, leur adhérence, et une régulation, au contraire des BB 69000, fine, étaient par contre très appréciées, car à la fois puissantes et très souples.

Il fallut attendre la CC 72075 pour les égaler en formule monomoteur, mais c’est alors le prix du pétrole qui coupa l’élan en faveur du Diesel de forte puissance.

L’opinion de Johannès Röder à ce sujet :

Merci, cher Monsieur Lamming, pour cet article très intéressant qui me fait penser à une chose qu’un ancien cheminot allemand m’a dit il y a quelques années :

« Les V200 resteront pour toujours mes machines préférées, du fait de leurs deux moteurs. Je parle de redondance ! En cas de panne, j’ai toujours pu rejoindre la voie d’évitement la plus proche avec le moteur restant, ainsi limitant l’impact sur les autres trains. » Clairement, les différences philosophiques entre la SNCF et la DB ne s’arrêtaient pas au choix de la transmission. Néanmoins, plus récemment, entre la BR245 DB quatrimoteur (!) mais à transmission électrique et les derniers développements en termes de « locomotives hybrides », on finit par se demander s’il y a un avenir pour la transmission hydraulique dans le ferroviaire, même de ce côté du Rhin. Surtout si, comme moi, on vient de Heidenheim – ville qui vit au rythme des usines Voith.
Cordialement,
Johannes Röder

Même en modélisme : une vie discrète.

La grande marque Jouef met sur le marché du « HO » une CC-70002 en 1967 qui est très soignée, mais dont la grande longueur de 243 mm est une gêne pour les modélistes ayant de petits réseaux et voulant représenter une petite ligne régionale avec de la traction diesel. La marque yougoslave Mehano sort un modèle assez rudimentaire, sans doute voulant pénétrer sur le marché français en copiant les modèles Jouef, mais sans savoir que son choix est, disons, discutable…

La catalogue Jouef de 1967 : la CC-70002 est trop longue pour tenir sur la page… et sur les petits réseaux des amateurs logés à l’étroit.
Le catalogue Jouef de 1968 montre un beau choix de modèles attirants, mais la CC-70002 a du mal à s’imposer.

3 réflexions sur « La locomotive diesel à deux moteurs ? Non merci. »

  1. Lancer la turbosoufflante de façon autonome à l’aide d’une chambre de combustion auxiliaire avant de démarrer le diesel, cela a vu le jour sur le char Leclerc de série avec le procédé Hyperbar. Les 100ch au litre de cylindrée on été atteint.

    1. Merci beaucoup, cher Monsieur, pour votre commentaire très intéressant. Bien cordialement, Clive Lamming

  2. Ampeau Jean-gabriel 13 mai 2024 — 17 h 15 min

    Bonjour,

    Merci pour cet excellent sujet (comme toujours). La transmission hydraulique des BB 69000 a souffert d’une autre tare essentielle aux yeux de la SNCF, c’était également l’impossibilité de chauffer électriquement les rames voyageurs sans ajouter un alternateur auxiliaire (solution retenue par la DB sur ses BB 218), et donc de réduire l’avantage énoncé d’allègement.
    Celui-ci était d’ailleurs poussé à l’extrême, ce qui procurait de nombreuses vibrations en caisse et a maintenu jusqu’au bout les cabines avec leur unique et peu robuste masque en polyester.
    Une version de série avec les cabines renforcées et un chauffage électrique n’aurait pu respecter les 84 t des prototypes 69001 et 69002, alors que dès 1965, la BB 67036 laissait entrapercevoir la solution de l’alternateur unique fournissant courant de traction et de chauffage des rames voyageurs.
    Les BB 69000 ont également souffert d’une régulation de puissance mal conçue, procurant de brusques variations de l’effort de traction et générant donc de forts patinages. C’était moins la transmission hydraulique que la régulation de puissance qui était en cause.
    Leur puissance a en fait toujours été inférieure aux 3530 kW/4800 ch annoncés, car elle est restée réglée à 3020 kW/4200 ch en puissance installée.
    Concernant le protectionnisme, il était vivace au début des années 1960. Un des arguments du passage à la CC 72000 était que le moteur SULZER LVA était suisse, alors qu’il était fabriqué à Mantes chez CCM Sulzer ! Par la suite, la SNCF acheta pourtant des boites Voith pour les X 4630, 4900 et 4750 après avoir du admettre que la boite De Dietrich n’était pas des meilleures en confort et maintenance…

    Pour ce qui est des CC 70000, c’est l’alternateur birotor qui fut un de leur gros talon d’Achille en même temps qu’il procurait une puissance massique élevée. En effet, si l’un des moteurs ne pouvait fonctionner, il n’était pas possible de fonctionner à demi-puissance, car la partie entrainée de l’alternateur aurait fait suivre l’autre partie et donc le moteur Diesel avarié. La BB 69000 elle composée de deux demi locomotives complètes pouvait fonctionner avec un seul moteur en service, y-c pour l’air comprimé puisque chaque moteur entrainait son compresseur.
    L’autre grosse difficulté des CC 70000 était leur démarrage, car inexplicablement la statodyne produisant le courant basse tension et chargeant les batterie était sur le second moteur dans l’ordre de démarrage. Les batteries fatiguées en cas de premier démarrage laborieux n’étant pas « renipées » par le premier moteur lancé….
    Cette erreur de conception assez grossière ne fut jamais corrigée, assez inexplicablement.
    L’électronique des années 1960 était aussi assez capricieuse….
    Quand elles fonctionnaient, les CC 70000 avec leur puissance, leur adhérence, et une régulation, au contraire des BB 69000, fine, étaient par contre très appréciées, car à la fois puissantes et très souples.
    Il fallut attendre la CC 72075 pour les égaler en formule monomoteur, mais c’est alors le prix du pétrole qui coupa l’élan en faveur du Diesel de forte puissance.

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