Les femmes au travail dans les chemins de fer.

La Révolution industrielle a besoin d’elles, et, pour un salaire de misère, elles vont partir dans les grandes villes pour s’embaucher dans les usines, les filatures, le commerce, les entreprises de toutes sortes, mais aussi les bureaux des grandes administrations ou des banques, et aussi auprès des compagnies de chemins de fer comme garde-barrière, ouvrière, ou marchande sur un quai. Avec les hommes, elles partagent une existence rude et difficile, et, avec les hommes, elles découvrent leur différence sous la forme de l’inégalité. Tout compte fait, auront-elles fait une bonne affaire ? Soyons corrects, et disons que oui…

Vendeuses de madeleines (pas celles de Proust pour autant) ces femmes assurent, en marge du chemin de fer qui les ignore, les “petits boulots” qui peuvent rapporter de quoi se cramponner à la survie. Nous sommes en 1910, peu de temps avant que la mobilisation des hommes fera que les compagnies s’intéresseront à elles comme “variable d’ajustement”.

Les femmes au travail dans les chemins de fer ? Voici ce qu’en pense, dans la Revue Générale des Chemins de fer en 1885, un dirigeant de la compagnie des chemins de fer de l’Est en France  : « L’étude de cette question, non moins séduisante par son côté moral qu’au point de vue purement humanitaire, a même été poussée si loin dans ces derniers temps, que plus d’un esprit généreux s’y est laissé entraîner jusqu’aux limites de l’utopie. L’accession des femmes aux carrières et emplois précédemment réservés à l’homme seul doit être, en effet, restreinte, à notre avis, dans des bornes assez étroites, qui ne peuvent être fixées raisonnablement que par les lois de la nature et le sentiment des convenances. »

Prendre chez la femme les qualités de la ménagère économe et dévouée.

Les avis sont très partagés, dans le monde des chemins de fer du XIXe siècle, quant à la présence de femmes dans les gares, les dépôts, les ateliers, ou à bord des trains. Et ce sont bien les domaines les plus rudes ou les plus exposés, comme la conduite des locomotives ou le contrôle dans les trains, ou encore le travail dans les ateliers ou dans les cabines d’aiguillage, qui seront les plus fermés au travail féminin.

Mais les directeurs des compagnies, toujours à la recherche d’économies, pensent au rôle de la femme chez elle, tenant avec rigueur et économie son ménage, et verraient bien ces qualités développées dans les tâches d’administration et de gestion. « A ce rôle d’apparence modeste, où, par ses travaux d’intérieur et son art de tout utiliser sans rien perdre, par son esprit d’ordre et de sage économie, la femme procure déjà en réalité, un gain fort appréciable à la communauté, elle peut assurément joindre encore au besoin quelque travail salarié pour le compte d’autrui. »

Toutefois on hésite encore à faire sortir la femme de chez elle, et à exposer le ménage aux aléas d’une vie mouvementée et aventureuse… Et comme le mari, lui, travaille et apporte l’essentiel des revenus, cela serait-il rentable pour la classe ouvrière de voir ses épouses aller prendre du temps et mettre en péril la paix conjugale pour quelques sous d’appoint ?

Mais l’existence, pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, de nombreuses veuves ou orphelines, sans ressources, donne mauvaise conscience aux dirigeants du monde industriel, d’autant plus que cette situation est le résultat, dans la quasi-totalité des cas, d’accidents du travail, eux-mêmes dus à la pingrerie des entreprises en matière de mesures de protection :  « C’est là que la question apparaît pressante, inéluctable c’est là que la société, en présence de la femme dénuée de tout secours matériel, de tout appui moral, doit lui tendre la main et faire en sorte de mettre à sa disposition, fût-ce même hors de chez elle, un travail compatible avec ses aptitudes et capable de lui assurer, sans détriment pour son honneur, le pain de chaque jour. » écrit le directeur de la compagnie de l’Est.

Les premières femmes au travail dans les chemins de fer.

En introduisant pour la première fois des veuves ou orphelines d’agents comme distributrices-receveuses dans les gares,  les Compagnies de chemins de fer des années 1850-1860 prennent l’initiative de ce que l’on appelle alors « une innovation hardie ». On redoute, en effet, « par la réunion de personnes des deux sexes dans un même service et dans des locaux presque communs, de compromettre à la fois la discipline et la morale ».

On pouvait également d’autre part, « sans faire injure aux qualités intellectuelles de la femme, conserver quelques doutes sur son aptitude à remplir convenablement des fonctions aussi nouvelles » écrit notre directeur de l’Est. Mais, très rapidement, les compagnies de chemins de fer découvrent ce qu’elles savaient déjà : elles (il s’agit des compagnies et non des femmes) viennent de faire une excellente affaire, car ces femmes non seulement se montrent efficaces et sérieuses, mais aussi elles ne boivent pas, ne traînent pas au bistrot en cours de chemin, se syndiquent peu ou pas du tout, et leur résistance physique est au moins aussi bonne que celle des hommes, sinon meilleure.

« L’aptitude générale de la femme aux travaux de caisse ou de bureau s’est trouvée si nettement établie par les essais successifs des Compagnies et de diverses Administrations, que, dans les Chemins de fer notamment, l’importance numérique du personnel féminin tend à s’accroître chaque année, sans qu’aucun abus, aucun inconvénient grave ait fait regretter jusqu’à ce jour d’avoir introduit définitivement dans les moeurs sociales un progrès économique aussi incontestable » conclut un rapport écrit au début des années 1880.

Elles travaillent, mais elles n’existent pas.

Le chemin de fer utilise, en fait, et depuis des décennies, des femmes, mais ces femmes n’existent pas officiellement. Traditionnellement, ces femmes travaillent, mais comme épouses de cheminots, et ayant été introduites dans les chemins de fer par leur mari qui, en quelque sorte, leur apporte un solide appui. Beaucoup de femmes sont des épouses de poseurs de la voie, d’aiguilleurs, de chefs et de sous-chefs d’équipe qui, sous le nom d’aides-garde-barrières, sont chargées, comme auxiliaires de leur mari du service d’un passage à niveau dont la maison sert de logement au ménage.

En 1877, sur le réseau Nord; les hommes prennent la pose autour de la belle locomotive type “Outrance”. La garde-barrière reste, modestement, postée sur le coté des voies.Très belle dans sa grande tenue, elle joue aussi le rôle de signal (vivant et mobile): sa robe est réglementairement rouge et blanche, la couleur des signaux d’arrêt, pour lui permettre d’être mieux vue et d’alerter les mécaniciens en cas de danger.

A la Compagnie de l’Est au lendemain de la guerre de 1870, le nombre de ces femmes est de plus de 2.000, et l’allocation spéciale, au demeurant très modique, qui est affectée à la rémunération de leur travail varie selon le fait que le service du passage à niveau qu’elles occupent exige la manoeuvre d’une ou plusieurs barrières, soit à portée de la main, soit à distance. Ces rémunérations dérisoires sont de l’ordre de 100 à 200 francs par mois, ce qui équivalent à un salaire minimal d’ouvrier non qualifié (en 1910, on fera grève pour 5 francs par jour, ou une thune, soit 160 francs par mois environ).

Le mari seul est considéré comme employé de la Compagnie. Il figure seul sur les états du personnel et que, seul, il est admis à émarger, aussi bien pour l’allocation afférente au service des barrières que pour son propre salaire. En d’autres termes, conformément aux principes généraux posés en tête de cette étude, c’est ici le mari qui gagne de ses mains le pain de tous les siens. Quant à la femme, elle ne fait qu’apporter, par un travail à domicile, un léger appoint au salaire personnel du chef de la famille; mais elle n’est pas titulaire d’emploi; elle ne gagne pas sa vie. 

Si le mari meurt, la femme n’est plus payée parce qu’elle n’existe plus – si tant est qu’elle ait existé jusque là. Dans les chemins de fer du Second empire, au moins, l’avantage est qu’ il n’y a pas de veuves de cheminots…

Le premier emploi des femmes : épouse du chef de gare et, à ce titre, mère de famille nombreuse. Cette photographie paraît dans le Bulletin PLM qui tient sa rubrique mensuelle du concours de “Nos belles familles PLM”. La compagnie encourage, et récompense, cet exploit quelque peu décoté aujourd’hui…

Les compagnies découvrent enfin la veuve de cheminot.

Lorsque les compagnies de chemins de fer se mettent à recruter des femmes, toute place vacante est d’abord réservée aux veuves et orphelines d’agents morts au service de la Compagnie. Si aucune postulante ne se présente, la place est réservée, à défaut de veuves ou d’orphelines, à des femmes, des filles ou des soeurs d’agents en activité.

Deux catégories d’emplois existent administrativement. La première catégorie d’emplois, la seule où les femmes employées soient complètement assimilées aux autres agents de la Compagnie, comprend les emplois suivants : receveuses titulaires, employées aux services de la Comptabilité générale ou d’autres services des réseaux, et ce que l’on appelle les « préposées à la salubrité » (pour ne pas dire les “dames-pipi”). La Compagnie de l’Est emploie ainsi en 1885 environ 116 femmes, dont le tiers environ sont “commissionnées” (= titulaires); les autres sont en “régie” (= non titulaires).

Leur gain varie de d’un misérable 180 à un confortable 4.000 francs par an, avec un chiffre moyen de 850 francs, à une époque où quelques francs par jour représente déjà un bon salaire. Il peut leur être alloué, de plus, dans les gares où le service offre une certaine importance, une gratification de fin d’année de 75 francs. Enfin, il leur est accordé éventuellement une “indemnité de caisse”, qui, sans pouvoir être considérée comme un gain, n’en constitue pas moins une précieuse ressource qui varie de 50 à 1.000 francs.

Dans la seconde catégorie d’emplois, les femmes, sans jamais acquérir la qualité d’employées de la Compagnie, peuvent obtenir sur sa désignation immédiate, sur sa proposition ou tout au moins avec son assentiment, un emploi de gérante de buffets, de bibliothécaire (ne nous y trompons pas, c’est un emploi de marchande de livres et de journaux), de gérante de bazar, etc. La nomination aux gérances de buffets appartient directement à la Compagnie, mais les titulaires une fois choisis par elle, ne sont plus à son endroit que des locataires astreints à lui payer un loyer proportionnel à l’importance du trafic de la gare et elles sont congédiables, sans indemnités, pour telles ou telles infractions aux clauses spéciales de leur bail. Elles sont, en quelque sorte, des commerçants indépendants qui exploitent un fonds à leurs risques et périls. La gérance de ces établissements exige toutefois des connaissances particulières ou une expérience professionnelle, ce qui fait que les compagnies évitent d’appeler aux meilleurs emplois des veuves ou orphelines reconnues comme inexpérimentées. La compagnie de l’Est, ainsi, confie 16 buffets à des femmes. Deux d’entre eux ne donneraient, d’après la déclaration des titulaires, aucun bénéfice net…

Kiosque pour journaux et livres dans la gare Montparnasse, en 1929.

Les bibliothécaires sont nommées par la maison Hachette, ou la maison Chaix (spécialise des indicateurs et des horaires imprimés) et les gérances de vitrines sont assurées par une Administration des Bazars (sic). Une seule personne prend souvent en charge, dans les gares peu importantes, ces deux commerces, et les 99 bibliothécaires du réseau de l’Est gagnent entre 100 francs et 4.700 francs, et, pour les 24 gérances de bazars, de 50 à 3.500 francs.

D’après la Revue Générale des Chemins de fer de l’époque, les femmes sont couramment au travail dans les ateliers de Noisy-le-Sec, de la Cie de l’Est, en 1930, sans doute à la suite des recrutements massifs durant la Première Guerre mondiale.

Les receveuses-adjointes sont, plus encore que les gérantes de buffets, de bibliothèques ou de vitrines, indépendantes de la Compagnie, qui, en réalité, ne les connaît même pas officiellement. Elles sont recrutées directement, au tant que possible parmi les veuves, orphelines ou femmes d’agents, par les receveuses-titulaires, qui, seules responsables en cas de déficit ou de tout autre faute imputable à leurs aides, sont les premières intéressées à exiger de leurs subordonnées les aptitudes requises et une tenue convenable.

C’est ainsi que 22 femmes vivent de ce travail qui les rattache, au moins indirectement, à la Compagnie de l’Est : elles gagnent de 450 à 1.350 francs par an, ce qui donne une moyenne approximative de 800 francs par receveuse-adjointe. Les receveuses titulaires, évidemment, gagnent un peu plus …

Les premiers « acquis sociaux » accordés aux femmes.

Dans la première catégorie, la femme est employée de la Compagnie: elle est affiliée à la Caisse de Prévoyance, et, de plus, en cas de titularisation, à la Caisse des Retraites. Dans la seconde catégorie d’emplois, la femme n’est pas employée de la Compagnie: elle n’aura donc aucun droit au bénéfice des deux institutions créées en faveur des agents.

Moyennant une cotisation obligatoire de 1% de son traitement, toute femme employée, qu’elle soit commissionnée ou en régie, a droit, en cas de maladie, aux soins gratuits des médecins de la Compagnie, à l’intégralité de son traitement pendant les deux premiers mois de congé maladie, au remboursement de toutes les dépenses de médicaments, aux frais d’inhumation en cas de mort. La Compagnie alloue aux orphelins mineurs de 18 ans un secours égal à deux mois d’appointements de la mère décédée.

Moyennant une retenue obligatoire de 3% de son traitement, toute femme employée « commissionnée » peut bénéficier d’une retraite à 55 ans d’âge et après 25 ans de service, soit d’office, si les conditions sont remplies, soit sur la demande de l’intéressée. La pension est égale à la moitié de son traitement fixe moyen des 6 dernières années avec augmentation d’un soixantième de ce traitement par année passée au-delà de la double limite d’âge et de service. A tout âge, en cas de maladie ou d’infirmité grave, la femme peut obtenir sa retraite avec l’agrément de la Compagnie, au bout de 15 ans de service au moins, avec une pension égale aux l3/60 du traitement moyen des 6 dernières années, avec augmentation d’un soixantième par année de service au—delà des limites précitées. A tout âge, en cas de décès en activité, après 15 ans de service a moins, la Compagnie attribue aux orphelins mineurs de 18 ans une pension égale à la moitié de celle qui eût été attribuée à l’employée défunte, en la supposant mise à la retraite au jour de son décès. Au décès d’une femme pensionnée comme ancienne employée commissionnée, la moitié de sa pension  est versée à ses enfants légitimes âgés de moins de 18 ans.

Femmes au travail, et au coeur du système ferroviaire puisque sous une locomotive, dans un atelier PLM pendant la Première Guerre mondiale. Leurs “hommes” sont mobilisés: à elles de les remplacer. Les compagnies leur reconnaissent, enfin, les qualités professionnelles requises.
Femmes au travail dans les ateliers des voitures de la Cie du PLM en 1917. Pour le photographe, on soigne la pose…

La réalité du travail des femmes dans les chemins de fer.

Les droits décrit ci-dessus sont un fait acquis pendant les dernières décennies du XIXe siècle, mais ne donnent à ces femmes, ne nous y trompons pas, nullement une situation stable et sereine au moment de la retraite ou de l’accident : la modicité extrême des sommes allouées constitue un minimum de revenus qui leur épargnent la misère et la mendicité. Le logement gratuit, sous la forme de la maisonnette de garde de passage à niveau, est, sans nul doute, l’élément le plus appréciable, mais n’oublions pas que ces maisonnettes n’ont pas l’eau courante sur l’évier et ont un puits au fond du jardin, n’ont pas de toilettes autres qu’un WC glacial situé à l’extérieur dans un appentis collé à la maison, n’ont pas de chauffage, pas d’électricité. Deux pièces au rez-de-chaussée, et deux pièces mansardées dans le grenier au premier étage forment le logement. La construction est certes de qualité, avec des murs épais et de beaux chaînages d’angle en pierre de taille, mais ceci est plutôt pour l’image de marque de la compagnie qu’un élément de confort et de considération pour les occupants… et cette demeure princière est, n’oublions pas, liée à un travail qui demande une présence jour et nuit.

Les femmes restent dans une situation totalement marginale par rapport au monde des cheminots, même quand elles pénètrent dans l’univers rude et viril des ateliers et des dépôts où elles sont employées dans les bureaux qui sont soigneusement aménagés dans les bâtiments à l’écart. Les seuls bureaux vraiment intégrés dans les ateliers et les dépôts sont ces rares locaux vitrés qui servent de Quartier Général de commandement et d’observation directe pour les chefs et les sous-chefs.  Les femmes ne sont pas là, mais plus loin, dans le ce que l’on nomme, avec condescendance, la « paperasse » ou l’ « administration » avec un long accent circonflexe sur les « a »…

Femme au travail, dans le Royaume-Uni des années 1920, derrière un guichet sur le Métropolitan Railway de Londres.
Femmes chargeant des marchandises dans une gare au Royaume-Uni en 1917. Les très volumineuses caisses en bois ne sont pas chargées de plumes.
Au Royaume-Uni, la reconnaissance de la condition ouvrière et la force des “trade unions” a sans doute ouvert aux femmes, dès le début du XIXe siècle, de véritables emplois et un statut comparable à celui des hommes, notamment dans le monde des chemins de fer, Metropolitan Railway compris.

Il est vrai que, vers la fin du XIXe siècle, on verra les ateliers et les dépôts s’humaniser avec la présence d’une veuve de cheminot, une « Maman » souriante et discrète qui assurera, sur une table propre dans une salle bien tenue, un coin de réfectoire et servira le café de l’aurore et celui des pauses de la journée, mais cela n’ira guère plus loin : le cœur du système ferroviaire, le monde de la traction et de l’exploitation, avec les dépôts et les cabines d’aiguillage, restera fermé pour longtemps encore aux femmes, et ne s’ouvrira professionnellement que vers la fin du XXe siècle, soit plus de cent ans après.

Les passages à niveau sont donc la première conquête de la présence féminine pour parler de ce qui est en contact direct avec la réalité ferroviaire active, le monde des trains, des horaires, des responsabilités. Nuit et jour, la garde-barrière sera là, saluée au passage par un coup de sifflet donné par le mécanicien ou le chauffeur des locomotives. Les équipes de conduite la connaissent par son prénom, et se souviennent de son mari tué en service, et se soucient de l’avenir de ses enfants qui entreront « au chemin de fer ».

Les cantonniers et les hommes d’équipe viennent la voir, et un certain nombre de passages à niveau se transforment en cantines, en restaurants, et, aujourd’hui un “chef” de la gastronomie française, une femme, Maïté, a commencé ainsi sa carrière en étant garde-barrière et en nourrissant les équipes de cantonniers.

Les femmes garde-barrière sont déjà au travail dès la fin du XIXe siècle, et ont appris à risquer leur vie pour protéger celle des inconscients qui “forcent” leur passage sur les voies.

Celles des gares sont plus nombreuses, plus fortes, car elles tiennent un commerce, ou, mieux encore, gèrent un buffet, et certaines femmes auront ainsi une réputation. Mais, comme pour les ateliers avec les ouvriers ou les ingénieurs, les femmes chef de gare ne sont pas pour bientôt.

C’est, sans aucun doute, dans le monde plus feutré des grands bâtiments centraux des sièges des compagnies, à Paris principalement, que les femmes feront une entrée plus massive. Mais, ici aussi, ce sera sous la forme très subalterne de l’employée de bureau, de la secrétaire du « patron », jusqu’à ce que la Première Guerre mondiale, en privant ces administrations de leurs hommes, donne, d’un seul coup, de réelles chances de carrière à ces femmes qui acceptent, en particulier, la machine à écrire, la sténographie et les téléscripteurs que ces messieurs les bureaucrate à l’ancienne refusaient, mais aussi les horaires que l’on ne qualifie pas encore de « flexibles ». Ce sont bien dans les bureaux que, non seulement dans le monde des chemins de fer mais aussi dans celui de l’ensemble de la vie économique et industrielle, que les femmes feront leur percée en direction des hautes qualifications professionnelles.

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