Au début du XXe siècle, la Roumanie est formée des deux principautés, la Moldavie et la Valachie, au Nord du Danube, et du territoire de la Dobroudja qui lui a été annexé par le traité de Berlin en 1878. Le pays tient à l’époque le premier rang parmi les États balkaniques en ce qui concerne l’étendue des chemins de fer par rapport à la population avec 5,5 km. pour 10.000 habitants, et par rapport à la superficie du pays avec 2.5 km. par 100 km. carrés. Il ne reste plus qu’à développer ce réseau, si toutefois l’avenir le permet…

Le chemin de fer des deux provinces.
Les avantages que retirent les deux anciennes provinces danubiennes formant la Roumanie, ceci depuis des siècles, à partir du trafic par le Danube se limitent aux ports et à leurs plus proches environs. Par contre, le développement de l’intérieur du pays reste très en arrière, et le prince Alexandre Ghika veut construire un réseau ferré en Valachie, mais le manque de ressources tout comme la stabilité politique ne permettent pas de faire aboutir ce projet.
Plus tard, la situation politique des deux principautés s’étant affermie, les considérations économiques prennent une place de plus en plus importante dans le développement de leur politique, et on envisage comme première tâche une communication plus directe par voie ferrée avec l’Europe Centrale et des principaux ports du Danube avec l’intérieur du pays.
Les premiers pas, mais pas selon la volonté du prince.
Mais ce ne fut guère qu’après l’union de la Moldavie et de la Valachie sous le gouvernement d’Alexandre Juvn Cuzas, entre 1859 et 1866, qu’on entre résolument dans la période de réalisation des lignes projetées. Le premier emprunt de cette nature a lieu en 1864 et se monta à 12.027.285 francs; le second, de 10,975.122 francs, a lieu un an après, en 1865. pour la construction d’une ligne de Giurgiu à Bucarest (70 km), concédée à une Compagnie anglaise (Barcley et C°) et qui estouverte au trafic le 1er novembre 1869.
C’est la « Loi des voies de communication de 1868 » qui donne à la construction des chemins de fer son véritable essor. A la suite de cette loi on concède à la Société austro-anglaise Ofenheim et C°, un total de 222 km. de lignes sur les relations ltzkany à Veresti, Pascani et Roman, mais aussi de Pascani à lasi.
On concède à la Société prussienne Stroussberg et Cie, les 917 km. de lignes des itinéraires de Roman à -Tecuci, Barbosi et Galati, et aussi de Barbosi à Braila, Chitila et Bucarest, et enfin de Chitila à Craiova et Verciorova. La construction de ces lignes, de même que celle de Giurgiu à Bucarest, est traitée à forfait avec un produit net annuel garanti.
Le réseau roumain en 1914.
Le réseau ferré roumain, tel qu’il existe à la veille de la Première Guerre mondiale, a été construit d’après le plan fondamental comprenant simplement deux grandes lignes principales sur lesquelles viennent se raccorder de nombreux embranchements
La première ligne principale, longue de 818 km., commence à l’extrême sud-ouest de la Roumanie à Verciorova, station frontière et de raccordement aux chemins de fer de l’État hongrois, puis traverse la plaine profonde de la Valachie vers l’est jusqu’à Bucarest, puis oblique au nord-est et rentre en Moldavie qu’elle remonte du sud au nord jusqu’à Burdujeni, station de raccordement avec les chemins de fer de l’État autrichien.
La deuxième ligne principale, longue de 408 km., traverse la Moldavie du nord au sud, en grande partie parallèlement à la première. A ces deux lignes s’ajoutent des lignes de raccordement aux réseaux des pays voisins, notamment la Hongrie et la Russie.
Sur les 3.187 km. existant à la veille de la Première Guerre mondiale, 21 km sont en écartement russe (en Moldavie), et 33 km sont en voie métrique. Seulement 88 km. de lignes sont à double voie. Dans ce pays de plaines on ne compte que 16 tunnels à voie unique d’une longueur totale de 4.296 mètres et 2 à double voie d’une longueur de 490 mètres. D’autre part il y a 117 ponts de plus de 30 mètres de long et 9 viaducs.

Le réseau de la “grande Roumanie”
La « grande Roumanie » nait en 1918 et se trouve à la tête d’un réseau de 11 349 km, très disparate, formé de celui d’origine plus ceux de la Bessarabie (1188 km), de Bukovine (611km), de la Transylvanie et du Banat (5745 km).
Il faut non seulement reconstruire le réseau détruit par la guerre, mais il faut lui donner un écartement en voie normale pour la partie Moldave, et des caractéristiques techniques standardisées, et il faut construire intégralement des lignes nouvelles pour le restructurer en fonction des frontières du nouvel état.
Seuls, les chemins de fer de l’ancien royaume convergent, d’une part, vers Bucarest, d’autre part, vers les bouches du Danube et la mer Noire. Quant au système des Chemins de fer du Banat, de la Transylvanie et de la Bucovine, il est orienté vers Vienne, Budapest, Fiume ou Trieste, et celui de la Bessarabie tend vers Odessa ou l’intérieur de la Russie.
Il faut, comme dans tous les États nés ou agrandis à la suite de la Grande Guerre, commencer par rétablir les lignes dévastées et remédier à ce manque d’homogénéité. Il est nécessaire, pour cela, d’orienter l’ensemble des chemins de fer de la Roumanie en direction des bouches du Danube il faut relier les ports roumains de la mer Noire à tous les points de la frontière vers la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Yougoslavie, et les travaux nécessaires sont entrepris.
D’autre part, de 1923 1924, on met à l’écartement normal les chemins de fer de Bessarabie qui,: faisant partie jusque là du système russe, étaient à voie large (1524 mm). Enfin, des négociations sont entamées pour le rachat d’un certain nombre de voies ferrées privées en Bucovine et on Transylvanie.
Bien entendu, cette réorganisation comportant l’unification de plusieurs réseaux est très difficile, d’autant plus que les moyens matériels dont on dispose depuis la guerre sont extrêmement réduits. Toutefois on travaille avec persistance dans ce sens. On commence l’établissement de nouvelles lignes de chemin de fer pour attirer vers les bouches du Danube une partie du trafic oriental de la Tchécoslovaquie, en attendant de le faire également le plus rapidement possible pour les autres pays voisins comme la Yougoslavie, la Hongrie, ou la Pologne.
D’autre part, une ligne de Galati à Reni a été construite avec un pont sur le Pruth pour créer une nouvelle communication de la Bessarabie avec le reste du pays et surtout avec Galati. On ouvre aussi une ligne reliant Arad et Oradea Mare à la frontière de Hongrie, et une ligne d’Hamangia à Babadag dans la Dobroudja. La Roumanie conclut aussi un certain nombre de conventions pour favoriser le transit, par la Roumanie, des pays du Nord vers ceux du Sud, comme la Bulgarie, la Grèce et la Turquie.
D’ailleurs il est clair que la nouvelle politique de l’État roumain tend à avantager de plus en plus le passage par la Roumanie des produits de l’Europe centrale et septentrionale vers les Balkans, la mer Noire ou la mer Egée, l’Asie Mineure, la Perse et le Caucase, ainsi que le passage des produits coloniaux et tropicaux vers le centre et le nord du Continent.
La situation pendant les années 1920 et 1930.
Vers la fin de 1928, le Gouvernement roumain parvient à mettre définitivement au point un plan de restauration financière comportant, notamment, la stabilisation de la monnaie et la réorganisation des chemins de fer, considérée comme indispensable pour faire face aux nécessités économiques. Ce gouvernement peut alors faire appel au concours des capitaux étrangers pour l’exécution de ce plan. Le réseau est en si mauvais état qu’il faudrait 12 milliards de lei – la monnaie roumaine – pour le remettre à niveau: pour atteindre ce but, les billets coûtent en moyenne 20 fois le prix d’avant 1914… mais l’argent, lui, vaut 40 fois moins !
Et en 1926 le gouvernement roumain doit augmenter les tarifs de 30% pour essayer de trouver l’argent nécessaire à la remise en état du réseau. Quelques années après la guerre, en 1925, on ne trouve que 1 690 locomotives en service effectif sur le réseau roumain, et 2208 autres locomotives sont toujours en réparation ou en attente de l’être. Le nombre des kilomètres-trains parcourus journellement a passé de 23 209 en janvier 1920, à 169171 en Septembre 1928. L’augmentation est de 628 %. Pour le nombre de wagons chargés quotidiennement, il est passé de 55 421 en août 1921 à 201133 en octobre 1928 : l’augmentation est de 260 0/0. A la fin de 1928, circulent 489 trains de voyageurs, 519 trains mixtes, 561 trains de marchandises.
Les Chemins de fer roumains mettent en service dans le courant de juin 1928, sur le parcours de Bucarest à Sinaïa et à Cronstadt, un nouveau train rapide, le « Carpathes-Express » (orthographe d’époque) qui ne met pas plus de 3 h 14 à l’aller, et de 3 h 22 au retour pour accomplir un trajet de 170 kilomètres, malgré de nombreuses rampes rencontrées dans les Carpates. Ce nouveau train ne comporte que des voitures de 1re et de 2e classe, et n’est accessible que moyennant un supplément.
En même temps l’horaire du célèbre train de luxe l’Orient-Express a été amélioré de telle sorte que la durée du de la frontière occidentale à Bucarest a été diminuée de 4h15 mn. Il est question de rétablir l’express d’avant-guerre « Ovidiu-Express » qui prolonge l’Orient-Express jusqu’à Constanta et qui, correspondant dans ce port aux horaires des lignes navigation de Constanta à Constantinople, ouvrira une nouvelle relation rapide avec les principaux centres commerciaux turcs. La Roumanie, enfin, parvient à obtenir de la CIWL la présence de nombreuses voitures lits et restaurant dans les trains rapides du réseau.

La période des autorails.
Les autorails prennent, pendant les dernières années 1930, et sur les Chemins de fer Roumains, un développement considérable qui s’est imposé par les avantages de ce moyen de transport et a été favorisé par la configuration géographique du réseau. Lorsque les CFR (Caile Ferate Române) décident de procéder à une large application de l’exploitation par autorails, l’autobus avait déjà capté une nombreuse clientèle et la concurrence était manifeste sur les lignes principales, pour les parcours allant jusqu’à 100 kilomètres et, sur les lignes secondaires, pour des distances plus grandes encore.
Le remplacement des trains de voyageurs à vapeur et à faible vitesse commerciale des lignes secondaires par des autorails simples, et, plus tard, lorsque la confiance du publie fut assurée, celui de certains trains plus rapides sur les lignes principales permettent, tout en réduisant les dépenses, d’augmenter les vitesses et ainsi de regagner en grande partie les voyageurs perdus.
C’est en 1934 que sont mis en exploitation les premiers autorails construits dans le pays. En moins de trois ans, l’industrie nationale livre 182 autorails sur lesquels 99 sont des voitures motorisées et 83 des constructions nouvelles. Les usines Malaxa à Bucarest, et aussi Astra à Arad et Unio à Satu Mare, construisent des autorails neufs à deux essieux qui, pourvus de moteurs plus puissants, permettent des vitesses plus grandes, principalement sur les rampes. Puis l’industrie nationale roumaine réalise des autorails à quatre essieux et même des trains-autorails à double commande. Au 10 novembre 1937, les CFR exploitent par autorails 6 728 kilomètres, soit 60% de leurs lignes.

La Roumanie, pays frère….
La Deuxième Guerre mondiale ajoute ensuite ses destructions aux difficultés courantes et la Roumanie devient un pays du bloc communiste. La « Societatea Nationala a Cailor Ferate Romane » règne à l’époque sur environ 10 000 km de lignes à l’écartement normal de 1435 mm et, curiosité historique, sur 48 km à l’écartement russe de 1524 mm -ceci sans compter d’autres lignes en voie de 762 et 610 mm.
L’électrification entreprise principalement durant la période communiste donne environ 3 500 km de lignes sous la tension de 25 000 v monophasé à fréquence industrielle, ce qui laisse une très grande part à la traction Diesel lorsque la traction à vapeur est supplantée.
Environ 1 000 locomotives électriques et 3 000 locomotives Diesel assurent un trafic d’environ 49 milliards de tonnes-kilomètres et de 30 milliards de voyageurs-kilomètres par an. Sous le bloc communiste des années 1950, tout ne va pas toujours comme dans le meilleur des mondes et bien des « pays frères » se détournent discrètement du grand frère soviétique pour se fournir en équipements industriels auprès de pays dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne partagèrent guère les mêmes points de vue ! C’est ainsi que la Suisse vient à construire, pour la Roumanie, 6 remarquables locomotives Diesel-électriques en 1959.
Mais le chemin de fer roumain commence à souffrir de la concurrence routière et aérienne. Simultanément le régime Ceaușescu commence à produire les fameuses automobiles Dacia.
La production industrielle d’autobus et de camions Dac et Roman, voilà qui oriente en profondeur une politique économique délaissant le rail au profit des grands axes routiers.
La fréquence et la vitesse commerciale du réseau ferré s’en ressentent et les trains roulent de plus en plus lentement et bondés, avec de nombreux arrêts en pleine voie1. En 1989, quand le monde communiste s’écroule, le réseau ferré roumain est certes l’un des plus actifs d’Europe de l’Est, mais aussi le plus dévasté par un manque total d’entretien et d’investissements.

La Roumanie en Europe.
Durant la transition vers l’économie de marché dans les années 1990, le gouvernement privilégie le « tout-routier » et les CFR sont le « parent pauvre » de la modernisation. En 1998 la Societatea Națională a Căilor Ferate Române (Société nationale des chemins de fer roumains) est scindée en quatre Régies autonomes.
Une cinquième division autonome est apparue en 2002 : la Societatea Informatica Feroviara SA7. Après cette réforme, la situation économique des chemins de fer roumains commence à se redresser, stimulée par la croissance de l’économie roumaine depuis l’an 2000. Aujourd’hui le trafic fret (ou marchandises) est d’environ 46.000 millions de tonnes-kilomètres par année, et celui des voyageurs de 4500 millions de voyageurs-kilomètres d’après les statistiques UIC.
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