Le chemin de fer des confins de l’Europe: 7-Grèce.

Le réseau de la Grèce : beau comme l’antique ?

Une des pays fondateurs de la civilisation antique a moins brillé par ses chemins de fer qu’il n’a, jadis, brillé par ses monuments et ses villes. Il faut dire que, quand au début du XIXe siècle, l’Europe accomplit sa révolution industrielle, le vent de l’histoire a tourné depuis longtemps et que la civilisation, justement, est devenue industrielle, et fondamentalement anglaise.

Aux temples grecs succèdent les gares anglaises, aux grandes villes de marbre blanc succèdent les grandes villes de briques noires, et aux voies dallées succèdent les lignes de chemin de fer. La Grèce, qui, jadis a mené le combat de la civilisation, désormais suit à distance et se dote difficilement d’un modeste réseau.

Locomotive type 141 de construction américaine sur le réseau gerc en 1915. La Grèce n’aura que rarement connu des locomotives performantes et puissantes et circulant sur de rares lignes en voie normale.

Un pays qui n’a pas besoin de chemins de fer. 

Le royaume de Grèce qui s’étend, au début du XXe siècle, sur une superficie de 65.000 km2 et compte 2.700.000 habitants est complètement entouré par la mer, sauf du côté de sa frontière nord. Ses côtes, comportant de nombreux golfes, qui s’avancent profondément dans les terres, ont fait dire vers 1850, au Ministre des Travaux Publics d’alors, un certain Manitakis, que la Grèce possédait par l’eau ses voies de communication et d’accès naturelles et qu’elle n’en avait pas besoin d’autres.

La Grèce ne permet qu’un développement lent et difficile des voies ferrées, c’est vrai, mais de là à faire des prédictions ministérielles d’un tel acabit… Sauf la plaine de la Thessalie, le pays est en général assez montagneux et accidenté. La partie cultivable du pays ne comporte guère que 18% de la superficie totale à l’époque. On y récolte moins de blé qu’on n’en consomme, les autres produits étant principalement les raisins, surtout de Corinthe, les olives et l’huile, le tabac, le vin. On y fait un peu d’élevage avec des moutons et des chèvres. Les mines produisent surtout du plomb et du zinc. Enfin il existe, spécialement près d’Athènes, des gisements de marbre assez importants. Les principales branches industrielles sont le tissage de la soie en Thessalie, les tanneries et la construction des bateaux.

Tandis que les voies de communication par terre sont peu développées, la flotte de commerce, avec ses 350 000 tonnes, est déjà très importante. Le mouvement commercial de la Grèce s’élève à environ 250 millions de francs et se dirige en première ligne sur l’Angleterre, puis la Russie, l’Autriche-llongrie, la France, et enfin, pour une très faible quantité, la Turquie et l’Allemagne. A l’exception de Trikala et de Larissa presque toutes les principales villes de la Grèce sont situées au bord de la mer ou en sont peu éloignées.

C’est seulement dans les dernières années du XIXe siècle que l’amélioration de la situation financière de la Grèce permet de s’occuper des voies de communication terrestres et de donner un regain d’activité à la construction des voies ferrées.

D’Athènes au Pirée, 10 km pour commencer.

La plus ancienne ligne de la Grèce est celle qui relie Athènes cru Pirée ; elle a seulement 10 kilomètres de longueur et elle connaît surtout un grand trafic de voyageurs. Elle est construite par l’ingénieur allemand Nikolaus Zink que le roi Otto fait venir de Bavière.

La ligne est née sous une bonne étoile car elle est en voie normale de 1435 mm d’écartement. Elle est bien tracée  et a été ouverte à l’exploitation en 1868. Cette ligne est exploitée par une compagnie anglaise. La ligne dite du Pirée-Athènes-Péloponnèse, livrée à l’exploitation en 1888, passe par Mégare et Corinthe.

Elle bifurque au delà de l’isthme, donnant une branche qui descend vers Argos et qui se partage à partir de ce point eu deux tronçons qui aboutissent respectivement aux ports de Nauplie et de Myla, dans le golfe de Nauplie, tandis que l’autre branche, à partir de Corinthe, suit le bord de la mer jusqu’à Patras et Katakolo.

Un mauvais choix, ensuite, avec la voie métrique.

Cette autre ligne, à voie métrique, a une longueur de 305 kilomètres. Elle est exploitée par une Société grecque qui a reçu du gouvernement, pour la construction, une subvention kilométrique équivalent 20.000 francs de l’époque, une fois la ligne construite et cédée. Elle est prolongée, par un souterrain, jusqu’au centre d’Athènes vers 1900, puis électrifiée en 1904, et la circulation est alors de 80 trains par jour, faisant de cette ligne un véritable métro entre Athènes et son port.

La situation du réseau à la fin des années 1880 est donc contrastée et peu cohérentes. A l’époque, la Grèce se dote d’un réseau en voie métrique dont elle espère beaucoup sur le plan de son développement. La ligne de Pyrgos à Kamakolo, ouverte en 1883, a été construite par la ville de Pyrgos et à ses frais. Cette ligne, à voie métrique, a une longueur de 13,1 km seulement. La ligne de l’Attique part d’Athènes et aboutit au Laurium près du port d’Ergastiria. Elle comporte aussi un embranchement sur Kifasse qu’on doit prolonger pour desservir les carrières de marbre du Pentélique. Cette ligne, en voie métrique, a une longueur de 16 kilomètres. Elle est exploitée depuis 1885 par la Société grecque des mines du Laurium qui l’a construite sans aucune subvention du gouvernement.

La ligne de Thessalie part de Volo et aboutit à Larissa en passant par Valestina. A Valestina la ligne bifurque pour se rendre par Pharsale à Kalabak. Cette ligne, à voie métrique, a une longueur de 204 kilomètres . Elle est exploitée par une Société grecque qui a reçu du gouvernement, pour la construction, une subvention kilométrique de 20.000 francs, une fois cédée. Les lignes en voie métrique en construction ou simplement concédées sont la ligne de Myla à Kalamata, qui doit former le prolongement de la branche de Corinthe à Argos et à Myla, partira de ce dernier point, pour aboutir à Kalamata situé dans le golfe de Coron. Cette ligne construite en voie métrique par une Société belge, pour le compte du gouvernement hellénique, aura 180 kilomètres de longueur.

On prévoit aussi de construire une ligne de Krionero à Missolonghi et Agrínion. Elle partira de Krionero, dans le golfe de Patras, où l’on pourra plus facilement créer un bon port qu’à Missolonghi, situé à 15 kilomètres à l’Ouest. Au delà d’Agrínion. la ligne devra, plus tard, être prolongée jusqu’à Arta et Jannina. Cette ligne, construite en voie métrique par une Société belge, pour le compte du gouvernement hellénique, aura 61 kilomètres de longueur.

Et voici, même, l’écartement  de 750 mm !

La ligne de Dracophto à Kaluvryta, en voie de 750 mm d’écartement, comprendra sur ses 24 kilomètres de longueur totale une section de 3600 mètres à crémaillère. Il y a en Grèce une dernière catégorie de lignes comprenant celles qui, bien qu’approuvées, ne sont pas encore concédées. La ligne de Pynqos à Sparte et Gytheion, en voie métrique, est prévue sur environ 165 kilomètres. La ligne de Pyrgos à Navarin, avec embranchement à Méligala, en voie métrique, aura environ 140 kilomètres. Enfin la ligne de Katavryta à Tripoli, à voie de 750 mm d’écartement, sera d’environ 90 kilomètres. Enfin la ligne d’Itea à Bralo, en voie métrique, aura une longueur d’environ 40 kilomètres.

Locomotive-tender grecque en voie de 750 mm vue en 1908.

Le problème : relier la Grèce à l’Europe.

Un des grands problèmes qui se posent quand la Grèce réalise son réseau ferré est sa mise en relation avec le reste de l’Europe : il faut passer par la Turquie, ce qui, diplomatiquement et humainement, n’est pas une chose aisée du fait de l’histoire des deux pays.

Depuis de longues années on étudie la solution de la jonction des chemins de fer turcs et grecs. Vers la fin des années 1880, la question, en ce qui concerne la Turquie, parait sur le point d’aboutir. Un financier allemand, du nom de Kaulla , qui représente un groupe bancaire de son pays, vient d’obtenir la concession d’une ligne de 205 kilomètres entre Salonique et Monastir. Il demande également un embranchement de 115 kilomètres de Karaférié à Serfidjé. Cet embranchement qui doit être ultérieurement prolongé jusqu’à la frontière grecque est momentanément ajourné…

Les chemins de fer de la Thessalie.

En 1881, quand la Turquie cède la Thessalie à la Grèce, le banquier Mavrocordato de Constantinople entreprend avec succès la construction et l’exploitation d’une ligne en voie métrique, malheureusement,  reliant Volo à Larissa, via Velestine, soit un parcours de 60,5 km., avec un embranchement encore plus important de Velestine, via Pharsale, Karditsa et Trikala, à Kalabaka sur 143,5 km.

Plus tard, en 1886, vient encore s’ajouter le prolongement à voie de 600 mm, encore un écartement nouveau introduit en grèce, de Volo à Lechonia et Miliaos sur 29 km. Le fait, pour ce petit réseau de lignes, de relier entre elles les villes les plus importantes de Ia Thessalie, et de traverser cette région fertile, lui assure un trafic rémunérateur.

Le grand projet des Chemins de fer Helléniques.

En 1908, le nombre des voyageurs transportés sur le réseau grec s’éleva à 340.103, représentant 14.134.731 voyageurs/kilomètres. et produisant une recette considérable. De son côté, le trafic-marchandises est florissant. Sur le parcours Volo-Larissa, circulent chaque jour, dans les deux sens, deux trains de voyageurs et un train mixte qui effectuent le parcours de 60 km respectivement en I h. 40 et 2h. 20. Le parcours de Volo à Kalabaka, soit 161 km, est effectué chaque jour par un train de voyageurs et un train mixte, en 5h. 20 et 8 h respectivement.

La région la plus méridionale de la Grèce, le Péloponnèse dispose d’un vaste réseau ferroviaire presque totalement en voie métrique. lI a connu un développement tardif à partir de 1884 et s ‘étend aujourd’hui sur 730 km. Intégralement exploité en traction diesel, il connaît de temps à autre des marches spéciales en traction vapeur.

Au XIXe siècle, en raison de l’occupation turque au nord du pays, toute liaison entre le Péloponnèse et l’Europe centrale ou orientale est exclue. En matière ferroviaire, les efforts d’équipement se portent donc en priorité sur la péninsule.

La Grèce en 1910, d’après la Revue Générale des Chemins de Fer.

Peu avant la Première Guerre mondiale, la ligne qui, partant du Pirée, doit aller via Athènes, Thèbes, Livadia, et Larissa jusqu’à la frontière gréco-turque, et rejoindre une station de la ligne turque de Salonique à Monastir, est de la plus haute importance pour le développement économique de la Grèce, par suite du raccordement qu’elle lui procurera avec le réseau ferré de l’Europe centrale. À la fin d’août 1908, la section du Pirée à Athènes et à Demirli sur 304 km est terminée, de même que les embranchements de Schimatari à Chalkis sur 22 km., et de Lamia à Stylis sur 17 km., ainsi que la section de Demirli à Larissa sur 46 km. L’ensemble est au trafic en juillet 1909.

Mais pour la jonction avec les lignes turques, les gouvernements des deux pays n’ont pu encore aboutir â une entente, par suite du rôle important qu’aurait le projet au point de vile stratégique. Et pourtant, jusqu’à ce que cette jonction soit réalisée, la Compagnie des chemins de fer helléniques n’aura à compter que sur des recettes relativement très faibles.

Même en admettant ce fait accompli, le raccordement au réseau européen compensera difficilement les grands sacrifices d’argent, soit près de 40 millions de francs-or engagés dans ces lignes. La Grèce désire un raccordement à Salonique ou près de cette ville, mais le projet turc prévoit un raccordement à Karaferin, à 68 km. plus à l’Ouest. Au cas où aucune entente n’interviendrait entre la Grèce et la Turquie dans le délai fixé (ce qui est probable d’après la situation politique à la veille de la Première Guerre mondiale), la Compagnie hellénique serait obligée d’établir une communication avec Salonique par un service spécial de bacs à vapeur, ce qui ne compenserait nullement les avantages pouvant être retirés d’une jonction continue par rail.

Mais il faut observer que les tracés accidentés des lignes de la Bosnie ne se prêteront pas à un trafic international. Aussi on espère que la relation entre la Grèce et l’Europe par le Pirée, Salonique, Uskub, Belgrade et Vienne, sera possible, permettant d’accéder en Grèce par des trains directs.

Quand l’Orient-Express et le Simplon-Orient-Express assuraient une desserte directe d’Athènes: cette carte date de 1929 et représente la seule tentative de relation directe entre les grandes villes européennes et la Grèce.

En 1912 et 1913, à l’issue des guerres balkaniques, la Grèce obtient la plus grande partie de la Macédoine, le sud de l’Epire, ainsi que de nombreuses îles de la mer Egée. Mais cette nouvelle donne politique n’aplanit pas toutes les difficultés, et il n’y aura jamais de relation ferroviaire satisfaisante avec la Grèce par les Balkans, malgré les efforts de l’Orient-Express et d’un service de voitures directes pour Athènes quittant le train en cours de route.

La Grèce dans les années 1950. Les différents écartements ne sont pas indiqués et cette carte ne rend pas compte des impossibilités de circulation réelles.

Le réseau Grec, aujourd’hui, compte 2240 km seulement, dont 520 électrifiés, avec un trafic annuel de 1414 millions de voyageurs-kilomètres et 393 millions de tonnes-kilomètres. L’mportance du trafic aérien, routier et surtout maritime par tradition, ne sont pas à démontrer.

Le réseau grec dans les années 1970-1980. Les trains sont prisonniers de leur écartement (couleurs différentes) et ne peuvent circuler sur l’intégralité du réseau. Le Péloponnèse est isolé du reste du réseau national.
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