Les locomotives de l’Orient-Express n’existent pas. L’Orient-Express n’a jamais eu de locomotive ou de type de locomotive attitrée. L’Orient-Express est un train… sans locomotive, crée par Georges Nagelmackers qui utilise les voies et les locomotives des réseaux des différents pays en fonction des besoins du trajet prévu, moyennant, on s’en doute, une redevance prise par les compagnies de chemins de fer sur les bénéfices considérables que font naître ces trains de luxe, l’Orient-Express en tout premier lieu.
Discrètes, donc, et assurant sans se faire remarquer un service ponctuel, les locomotives sont au service du train, et s’effacent, si l’on peut le dire, devant l’importance même du train, prenant à tour de rôle la tête du train lors des relais-traction aux frontières ou dans les grandes gares sans que les voyageurs eux-mêmes ne s’en aperçoivent tout au long d’un trajet de 3.223 km si l’on se fie à l’horaire de 1936, de Calais à Istanbul par Budapest.
Les premières locomotives n’avaient qu’une autonomie d’environ 150 à 200 km, distance déjà considérable où le cheval n’était que le seul moyen de transport rapide, cette distance étant parcourue en tête de trains pesant plusieurs centaines de tonnes. Il a fallu établir, tous les 150 à 200 km, de véritables villes, parfois en rase campagne, où des milliers de cheminots s’affairaient à nettoyer les chaudières, à remplir le tender de plusieurs tonnes de charbon et de plusieurs dizaines de tonnes d’eau, de manière à ce que, comme dans les relais postaux fournissant des chevaux reposés, les locomotives puissent, quelques heures plus tard, être remises en tête des trains. Un train parcourant, par exemple, le trajet de Paris à Lyon, changeait de locomotive à Laroche-Migennes (dépôt emblématique du réseau du PLM établi en pleine campagne), puis à Dijon, puis à Mâcon, et enfin arrivait à Lyon.
Les dernières locomotives du PLM qui roulaient dans les dernières années 1930 pouvaient faire un Paris-Lyon, soit 512 km, sans aucun arrêt, remorquant le train caréné sur toute la longueur du trajet: les progrès accomplis étaient donc considérables.Le remplacement d’une locomotive par une autre, tenue prête dans la gare proche du dépôt, demandait quelques minutes.
C’est ainsi que, pour le trajet Calais-Istanbul, l’Orient-Express pouvait demander une vingtaine de locomotives successives, tenues prêtes à tous les dépôts, mais aussi, par nécessité, à tous les passages de frontière, car les réseaux nationaux avaient des caractéristiques techniques imposant l’utilisation de locomotives locales.
LE PREMIER ORIENT-EXPRESS
Les contrats signés entre la CIWL et les compagnies ferroviaires demandent la fourniture de machines en parfait état de fonctionnement, compatibles techniquement avec les fourgons et les voitures formant le train, et capables de respecter l’horaire convenu. IL est à noter que les « graphiques » (c’est-à-dire les documents de marche) des trains de la CIWL sont tracés avec une marche assez peu « tendue » (ce terme veut dire que l’on n’est pas à la minute près et qu’il y a des possibilités de rattrappage de retards éventuels). Ces graphiques prévoient aussi, et avec réalisme…, des vitesses relativement modérées pour donner la souplesse nécessaire de manière à ce que les horaires puissent rendre possible la vie quotidienne des voyageurs : pas de sommeil troublé par des arrivées ou des départs en pleine nuit, pas de contrôle au passage des frontières même pendant le sommeil des voyageurs puisque les « conducteurs » des voitures-lits gèrent les passeports et descendent les présenter au poste de douane.
Les trains de la CIWL ne sont donc pas des champions de la vitesse, mais plutôt de la commodité des horaires et du plaisir de vivre à bord d’un train. C’est pourquoi on ne verra pas toujours en tête du train des locomotives prestigieuses et connues pour leur rapidité, mais bien des locomotives souvent de catégorie moyenne, fiable. L’Orient-Express de la période 1883-1914 est celle du triomphe, en Europe comme aux Etats-Unis, de la locomotive à deux essieux moteurs.
Les ingénieurs ont été confrontés, dès les débuts du chemin de fer, au patinage des locomotives à un seul essieu moteur qui peinent à démarrer les premiers trains. La nécessité de placer un deuxième, ou même un troisième, essieu moteur réuni au premier par des bielles de liaison, est devenue rapidement une nécessité, mais ne peut être appliquée qu’aux locomotives pour trains de marchandises.
Les ingénieurs craignent, en effet, que les bielles, dont le poids déséquilibre les roues et doit être compensé par des contrepoids sur les roues, ne créent des vibrations à certaines vitesses, ce qui pourrait entraîner des ruptures de bielles ou de rayons de roues, donc des catastrophes.
Le problème semble maîtrisé vers 1860-1870, et quand l’Orient-Express est mis en service en 1883, ces locomotives conçues une dizaine d’années plus tôt sont en service. Ces locomotives ne développent que 150 à 250 ch. (mesures d’époque), ce qui est à peine suffisant pour remorquer un train d’une centaine de tonnes à 60-70 km/h.
Réseau de l’Est (France)
Au départ de Paris (si nous suivons l’horaire de 1902 dans le sens Paris-Istanbul par Belgrade, par exemple), la compagnie de l’Est fournit ainsi ses petites locomotives type 120 de la série 501 à 562 construites entre 1878 et 1887, ou encore, quelques années plus tard, les fameuses « Chameau » type 220 à double chaudière construites entre 1891 et 1905 et qui ont été très photographiées à l’époque, vu leur forme curieuse.
D’autres locomotives type 220, série 2401-2432, construites entre 1899 et 1904, donneront, avec près de 1000 ch., plus de cohérence avec le poids croissant du train et formeront une belle époque classique pour la partie française du trajet jusqu’à Avricourt. On verra aussi des locomotives type 230, donc à deux essieux porteurs et trois essieux moteurs, de type mixte plutôt qu’express, remorquer le train peu avant la Première Guerre mondiale.
La ligne est à profil facile, puisque l’on traverse les plateaux de l’est de la France et sur des voies dont la qualité de pose est renommée. Une locomotive type 120 Est, série 501 à 562, construite entre 1875 et 1888, a remorqué le “Train Eclair” de la CIWL en 1882 avant de remorquer le fameux Orient-Express. Ici la 544 en tête d’un train omnibus ordinaire.

Réseau d’Alsace-Lorraine (Allemagne)
N’oublions pas nos leçons d’histoire. Après la guerre de 1870-1871, la Prusse a annexé l’Alsace et la Moselle (et non la Lorraine entière, contrairement aux appellations du réseau), mais il est injuste d’oublier que la Prusse a racheté le réseau pour un prix de 325 millions de francs-or que, d’ailleurs, nous n’avons pas rendus en récupérant le réseau en 1918 ! Mais ne refaisons pas le traité de Versailles. Perdant 840 km de lignes, le réseau de l’Est ne peut ouvrir la voie à l’Orient-Express que jusqu’à Avricourt, point de passage de la frontière marqué par une massive gare allemande.
Là, les locomotives sont du lourd, avec de belles 220 allemandes de 1898, puis des 220 construites par De Glehn série S5 allemande, puis des 230 formant les belles séries S9 et S10 de 1200 ch. construites entre 1908 et 1913, et enfin, ô luxe et progrès, des Pacific, donc à disposition d’essieux type 231, formant la série S12 construite à partir de 1909. La ligne est plus difficile car elle doit franchir les hauteurs qui donnent accès à la vallée du Rhin, contournant les Vosges par le nord, générant des rampes et des successions de courbes et de contre-courbes.
Le réseau de l’état de Bade (Allemagne)
Ce réseau est surtout fournisseur de locomotives à deux essieux moteurs, des 220 des séries IIIa, IIa ou IIb, qui prennent le train en charge au départ de Strasbourg pour Stuttgart. Sans doute, pour Werner Sölch, le grand spécialiste allemand de l’Orient-Express, il est possible qu’il y ait eu, peu avant la Première Guerre mondiale, des locomotives badoises du type 230 série IVe, mais il n’est pas certain du tout que ce réseau, qui disposait déjà de 221 ou Atlantic type N4V, et aussi de Pacific 231 série H4V, les ait mises en tête de l’Orient-Express.
Le parcours longe le Rhin jusqu’à Karlsruhe et ne pose pas de difficulté, mais l’accès à Stuttgart et la traversée des reliefs du plateau Souabe où le Danube prend sa source n’est pas des plus faciles.
Le réseau du royaume du Wurtemberg (Allemagne)
Ce réseau met en tête de l’Orient-Express de petites locomotives type 121 construites en 1892, mais assez puissantes avec leurs trois cylindres, puis ce seront des 220 construites à partir de 1899 et de 1907, et le passage aux choses sérieuses se fait avec des locomotives à trois essieux moteurs, type 230 de 1898, capables de donner 800 à 900 ch. et enfin de véritables et magnifiques Pacific wurtembergeoises, les IVc, les plus belles de l’époque, à partir de 1909, qui « alignent » près de 2000 ch. et remorquent l’Orient-Express entre Stuttgart et Ulm à un bon 100 km/h malgré le profil accidenté de la ligne.

Le royaume de Bavière.
Ce réseau est particulier, car, jusque-là, le parcours de l’Orient-Express a été relativement facile, mais en Bavière, ce sont les premiers « profils difficiles » comme on dit en termes ferroviaires, avec un relief un peu plus accidenté et des voies en courbes et contre-courbes menant à Munich, Salzbourg et puis Vienne. La Bavière, en outre, tient à montrer sa différence – pour ne pas dire son excellence – par rapport à l’ensemble des réseaux ferrés allemands qui sont placés sous la lourde domination prussienne et son administration rigoureuse et peu innovante.
Si tout commence, comme pour les autres réseaux, avec de petites locomotives à deux essieux moteurs type 120 puis 220 séries B-IX, B-X et B-XI datant des années 1889 à 1892, la Bavière passe à de magnifiques, hautes et fines locomotives, toujours à deux essieux moteurs type 222, mais avec des roues immenses, les séries S 2/6. Ce sont les plus belles locomotives du monde à l’époque, capables de donner 2200 ch et d’atteindre 150 km/h, vitesse bien entendu jamais atteinte avec l’Orient-Exoress, ce qui aurait vidé les plats sur les tables de la voiture-restaurant.

Mais, peu avant 1914, la Bavière fera encore mieux, donnant à l’ Orient-Express en 1908 la Pacific dont il a besoin, la plus fabuleuse de l’époque, la S 3/6, qui, aujourd’hui toujours reste associée, pour les amateurs allemands, à ce train. Elle peut donner 1800 ch et rouler à 120 km/h, ce qui dépasse les performances attendues par la CIWL pour son train en cette veille de Première Guerre mondiale où la vitesse n’est pas encore une fin en soi.

Le Réseau de l’état d’Autriche
L’Orient-Express pénètre, pendant l’année 1883, sur le Réseau de l’Impératrice Elisabeth, qui sera nationalisé en 1884 sous le nom de « Westbahn » (réseau Ouest). Les locomotives sont, malgré un parcours difficile dans les montagnes, du type 120, mais on passe au type 220, un peu plus lourd et puissant, à partir de 1885, avec les séries autrichiennes 106 à 308.
L’Autriche est, déjà, le réseau qui donne des soucis de vitesse moyenne trop basse pour Georges Nagelmackers : les réseaux français et allemands font du bon travail, mais dès que l’on est sur le sol de la double monarchie, les choses se gâtent… en attendant d’empirer dans les Balkans.

Les ingénieurs autrichiens savent que leur réseau n’est pas excellent, car construit à l’économie, et Carl Gölsdorf, un des meilleurs ingénieurs de son temps, va construire des locomotives à trois essieux moteurs, mais très légères, à disposition d’essieux 131. Les rampes autrichiennes demanderont la double traction ou même la triple traction (deux ou trois locomotives en tête) jusqu’à ce que, Gölsdorf dessine, pour comble d’originalité, son type 132 – c’est-à-dire une Pacific inversée, avec son bogie à l’arrière pour supporter le poids du foyer et son unique essieu porteur à l’avant, qui semble bien insuffisant pour guider et stabiliser la locomotive. Gölsdorf gagne son pari, et sa 132, série 310, donnant près de 300 ch., sera la locomotive la plus emblématique de l’Orient-Express en ce qui concerne la partie « Mittel-Europa » de son trajet, assumant seule la traction du train jusqu’à Vienne.
L’Orient-Express, parvenu à Vienne, change de réseau, et les voyageurs, eux, ne changent pas de lit ni de table, ignorant tranquillement ces complications techniques ! Ici, il s’agit d’aller de Vienne à Budapest, par Brück et Presbourg, donc en suivant la vallée du Danube toujours, et d’aller jusqu’à Orsova, sur la frontière roumaine.
On a toujours des 120, puis des 220 en tête, datant des dernières années du XIXe siècle et notoirement insuffisantes. On dit, mais ce n’est pas du tout prouvé, que, faute de mieux et devant la chute de la vitesse qui finissait par être celle du pas, on aurait mis des locomotives Engerth devant l’ Orient-Express. Ce sont de lourdes et lentes machines, très puissantes avec 200 ch., faites pour hisser des trains de marchandises par-dessus les cols autrichiens, et qui, ici, parviennent à faire bonne figure en suivant les voies relativement peu accidentées mais assez sinueuses de la vallée du Danube.
Réseau du royaume de Roumanie
Ici il faut contourner par le sud les Alpes de Transylvanie, et desservir Bucarest, et terminer le voyage ferroviaire à Constanza ou à Varna pendant les 1883-1888, en attendant que la ligne soit en service jusqu’à Istanbul. Dépourvue d’industrie ferroviaire, la Roumanie achète des locomotives allemandes et met en tête de l’ « Orient-Express » ce qu’il a de mieux, comme des petites 121 construites dans les usines Hanomag en 1886, puis des 220 provenant de chez Hartmann et construites en 1887.
Si l’on excepte l’utilisation de locomotives roumaines type 230 de construction italienne Breda de 1901, les chemins de fer roumains fournissent toujours du matériel allemand, sous la forme de magnifiques Pacific bavaroises, les bien connues S 3/6 construites en Bavière chez Maffei en 1913 : elles contribuent donc, ici aussi, à immortaliser la légende du train, et font croire que les locomotives faisaient l’intégralité du trajet puisque l’on retrouve la « même » locomotive en Allemagne et en Roumanie !
Réseau des chemins de fer serbes
Une fois la ligne ouverte jusqu’à Istanbul en 1888, le trajet par Belgrade, en Serbie, et par Sofia, en Bulgarie, l’emporte sur le trajet roumain. Pour ce qui est de la Serbie, ce réseau n’hésite pas, devant l’absence de locomotives puissantes, à mettre devant le train le plus prestigieux du monde de petites locomotives 030, pour trains de marchandises, capables en théorie d’atteindre 55 km/h, achetées chez Hartmann en Allemagne.
Puis, en 1887, ce seront des locomotives de construction belge (ce qui plaira sans doute à Georges Nagelmackers) de type 220, et enfin des locomotives Schwartzkopff allemandes, mais assez modestes, de type 131 pour train de messageries.
On aura compris que, en Serbie, on pouvait prendre son temps et rester à table plus longtemps au wagon-restaurant…

Le réseau de l’état bulgare.
Ici aussi, favorisé par l’achèvement de la ligne en 1888, la Bulgarie se fournit, comme en Roumanie, auprès de l’industrie allemande avec de petites locomotives type 130 en double traction bien lente, puis, à partir de 1897, de plus puissantes 230 construites chez Maffei, en Bavière.

On aurait, d’après Werner Sölch, vu une unique Pacific essayée en tête du train, construite en Belgique, chez Cockerill. Le réseau bulgare est, en tous cas, le seul à avoir osé mettre des locomotives à quatre essieux moteurs et petites roues, pour trains de marchandises donc, devant l’Orient-Express. Georges Nagelmackers, s’il l’a su, a du comprendre que l’on avait guère le choix pour « faire l’heure »…
Le réseau de l’ « Orientbahn » en Turquie
A partir de 1888, le long voyage, intégralement en train, prend fin en Turquie, en passant sur les reliefs situés au sud des monts Istrandja qui annoncent Istanbul. Vers 1898, de modestes type 230 à petites roues sont en tête, la plupart de construction allemande, ce pays ayant encore son immense influence politique et industrielle au Moyen-Orient.
Les firmes Hanomag et Krauss fournissent des locomotives de type 220 à la fin du XIXe siècle, et ces locomotives vont devoir durer jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale sans aucune chance de remplacement : les temps sont durs pour la Turquie, et l’Orient-Express arrive enfin sur le Bosphore derrière de bien modestes locomotives, vieillottes et dépassées. Mais, parmi les voyageurs, personne ne s’en est aperçu.

LES ORIENT-EXPRESS DE 1919 A 1939
Plus rien ne sera comme avant, sait-on déjà après la Première Guerre mondiale, et, pour l’Orient-Express cette approche peut aussi être exacte, mais en ce sens que, pour les chemins de fer européens, l’entre-deux guerres est une époque de renouvellement et d’innovations techniques remarquables.
Si, pour le commun des mortels, l’âge d’or c’est avant 1914, pour le chemin de fer, il commence, techniquement, après 1920. Mise au point vers 1907-1909, la locomotive type Pacific, ou 231, sera perfectionnée, et, plus puissante avec 800 à 1500 ch., plus rapide, atteignant 120 à 140 km/h en tête de trains de 300 à 400 tonnes, ce type de locomotive va dominer le monde, surtout en Europe. Toutefois bien des choses ont changé si l’on considère les réseaux et la géographie : les grands empires ottoman et austro-hongrois ont disparu et l’Allemagne conserve le sien malgré sa défaite et le traité de Versailles.
Le réseau ferroviaire allemand a été amputé, ou le français augmenté, l’austro-hongrois réorienté et éclaté, le polonais et le tchécoslovaque crées, tandis que les réseaux des Balkans, que ce soit ceux de Serbie, de Croatie, de Bosnie, ont fusionné pour donner un réseau yougoslave hétéroclite.
Réseaux du Nord et de l’Est (France)
Partant de Calais, le train connait, avec le réseau du Nord, l’un des meilleurs et des performants de son temps avec des lignes impeccablement tracées et équipées, et surtout une grande tradition de vitesse où le 140 km/h est pratiqué en ligne. Les « Superpacific » Nord dominent la situation au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis, en 1934, ce sont les imbattables « Chapelon » Nord qui étonnent les ingénieurs du monde entier par leur puissance.
Pour le réseau de l’Est, l’Orient-Express lui reste fidèle, et retrouve celui d’Alsace-Lorraine après son « retour à la France », mais avec des locomotives du type 230 série 3101 à 3280, qui sont de remarquables machines de vitesse, très performantes avec leurs 1900 ch.

L’Est dispose aussi de Pacific 231.051 à 073, type TP, qui développent 2200 à 2400 cv et remorquent facilement l’Orient-Express à120 km/h. De très puissantes Mountain type 241, à quatre essieux moteurs et donnant 2450 à 2600 ch. ont pu prendre en charge l’Orient-Express au départ de Paris, quand le train est « forcé » à dix « caisses » (voitures, en langage cheminot), soit 500 tonnes.

Sur l’ancien réseau d’Alsace-Lorraine, les 230 S9 ou S10 sont toujours en service, ainsi que les Pacific S14.
Réseau de la Deutsche Reichsbahn ou DR (Allemagne)
Nationalisé en 1920, le réseau allemand entreprend de grandes réformes, notamment en matière de traction avec la construction de locomotives dites « unifiées », c’est-à-dire constituées de pièces standardisées comme une chaudière commune à des dispositions d’essieux différentes, etc. Les Pacific bavaroises et wurtembergeoises continuent leur carrière, devenues les séries 18-1 et 18-4 ou 5, mais, en 1933, l’électrification de la ligne Stuttgart-Munich change la donne avec la traction électrique et les locomotives 1C1 (trois essieux moteurs et deux porteurs) série E-4 et surtout 1D1 (quatre essieux moteurs et deux porteurs) séries E16 à E18.

La création de la compagnie allemande concurrente, la Mitropa, vient fermer pour toujours toute posssibilité de progrès et même d’efficacité pour la CIWL et son Orient-Express qui, désormais, prendra d’autres chemins par le sud de l’Europe sous le nom de Simplon-Orient-Express (voir ci-dessous).
Réseau de l’Österreichische Bundesbahn ou ÖBB (Autriche)
Devenu celui d’un petit pays de l’Europe centrale, le réseau autrichien parvient à maintenir, en tête de l’Orient-Express, des locomotives à vapeur à trois essieux moteurs comme des 230 à l’est de Vienne et surtout les fameuses 132, ou Pacific inversées de Gölsdorf. A partir de 1927, de lourdes locomotives-tender (portant sur elles leur réserves de charbon et d’eau) à disposition d’essieux 231T et 232T sont mises en tête de l’ Orient-Express très alourdi par ses nouvelles voitures métalliques pesant 50 tonnes pièce. Ces locomotives sont une réponse à ce défi, vu leurs qualités de puissance et d’adhérence sur les lignes à profil difficile, mais leur aspect très train de banlieue ou de marchandises, ne dore guère le blason du train sur le plan des apparences.
Les magnifiques 142, ou Mountain inversées, construites à partir de 1928, donnant des locomotives très impressionnantes, ont pu être mises en tête du train lors de certains « forcements » de la composition donnant un poids de 500 tonnes.

Le réseau Magyar Államvasutak ou MAV (Hongrie)
Ce réseau parvient à assurer une traction vapeur de qualité avec de puissantes Pacific série 301, très belles, ou encore d’inattendues 240 (quatre essieux moteurs et un seul bogie porteur avant) font encore mieux avec leurs 2500 ch., le train s’étant considérablement alourdi. C’est en Hongrie qu’est né l’électrification en courant monophasé de fréquence industrielle 50 Hz et l’Orient-Express essaiera, entre Hegeshalom et Budapest, ce courant de l’avenir que le TGV actuel français utilise.

Réseau Căile Ferate Române ou CFR (Roumanie)
Le réseau se doit, pour continuer à assurer le service de l’Orient-Express, de pratiquer la double ou la triple traction avec des locomotives remontant à l’avant-guerre, ou avec des locomotives pour trains de marchandises type 140. Toutefois la présence de Pacific allemandes Maffei, ou d’une série de 142 autrichiennes (version roumaine de la Mountain inversée redonne un peu de lustre à cet itinéraire qui finit sur le réseau turc qui, lui n’a pas changé depuis le début du siècle.
Réseau des Türkiye Cumhuriyeti Devlet Demiryolları ou TCDD (Turquie)
Ce réseau remplace, en 1927, les réseaux privés turcs, mais, pour l’Orient-Express, les locomotives demeurent, pour un temps encore, ce qu’elles sont avec des 140 allemandes et françaises plutôt destinées aux trains de marchandises et qui, en double traction, parviennent s’en tirer honorablement. On a même vu une locomotive type 050, destinée aux marchandises ou aux manœuvres lourdes, d’origine PLM, numérotée 5005, prendre le train en charge.

Né du grand bouleversement européen crée par la Seconde Guerre mondiale et le traité de Versailles, ce train est donc une variante de parcours de l’Orient-Express classique des débuts, avec la décision de passer désormais par des pays plus accueillants comme la Suisse et l’Italie ou la Serbie, et surtout d’éviter l’Allemagne et sa « Mitropa » dévoreuse.
Réseaux du Nord et du PLM (France)
Ces deux réseaux, très brillants par leurs performances pour le Nord et par leur classe pour le PLM, sont les grands bénéficiaires de la création du SOE qui quitte Calais à la manière du Calais-Méditerranée-Express (ou futur Train Bleu), fonce vers Paris à 120-130 km/h, rebrousse entre les gares parisiennes du Nord et de Lyon par la Petite Ceinture, et roule ensuite sans perdre de temps jusqu’en Suisse, franchit le Simplon, traverse l’Italie et rejoint Budapest directement par le sud de l’Europe et par une Yougoslavie qui vient de naître.
Sur le Nord, la traction est plus que brillante avec les fringantes « Superpacific » fortes de leur 1450 à 1600 ch. et leur « 120 à l’heure » maintenus tout au long du parcours avec des pointes à plus de 130 km/h. Mais, mieux encore, les « Pacific » type PO du Nord, transformées par l’ingénieur André Chapelon, arrivent à donner 3100 à 3400 ch. et enlèvent le SOE d’une manière qui finit par être aperçue même chez les voyageurs les plus endormis.
Sur le réseau du PLM, les « Pacific » PLM sont à l’œuvre, et le type 231G atteint 1980 ch. au crochet, et peut tirer des trains de 600 à 700 tonnes à plus de 100 km/h, ou de 350 tonnes à 120-130 km/h. La frontière suisse, c’est-à-dire Vallorbe, est rapidement atteinte à 3h19 du matin avec un départ à 20h10 de la gare de Lyon, avec le difficile franchissement du Jura inclus.

Réseau des Chemins de Fer Fédéraux ou CFF (Suisse)
Le tunnel du Simplon est ouvert, pour une voie, en 1906, et, pour ses deux voies, en 1921. En 1928, le Simplon-Orient-Express effectue le trajet Vallorbe-Simplon en traction électrique, et, pour ce qui est des somptueux paysages suisses, c’est dommage, car le trajet se fait de nuit et, au petit matin, on est en Italie.
Les locomotives suisses sont de très belles Ae 3/6, c’est-à-dire des locomotives à trois essieux moteurs, un essieu porteur à une extrémité, et un bogie porteur à l’autre.

Réseau des Ferrovie dello Stato ou FS (Italie)
Tenus jusque-là à l’écart de l’itinéraire classique de l’Orient-Express, les chemins de fer de l’état italien vont jouer un rôle accélérateur puisque la CIWL le leur demande en choisissant l’itinéraire par le Simplon. Les locomotives à vapeur type 130 série 640 puis 653 des FS assurent la traction entre Domodossola et Milan jusqu’en 1925, puis c’est le type 131, série 685 des FS, qui prennent le relais. Entre Milan et Venise, on verra des 131, puis les belles Pacific de la série 691 à la fin des années 1930.

Notons que l’électrification de la ligne Cervignano-Trieste-Postumla, des locomotives électriques série E-626, à disposition d’essieux BBB (trois bogies moteurs) apportent une touche très originale à la traction du train.
Réseau des Jugoslavenske Željeznice ou JZ (Yougoslavie)
Crée en 1929 (en reprenant les divers réseaux croate, slovène, etc), le réseau Yougoslave assure la traction de lOrient-Express avec diverses séries de locomotives à vapeur de construction allemande, cette industrie étant traditionnellement le fournisseur des réseaux des Balkans. Des locomotives de type 230, ou parfois de type Pacific 231 série 05, sont utilisées, ainsi que des 141 série 06 dont les quatre essieux moteurs permettent une meilleure adhérence et une meilleure traction sur des voies de qualité souvent médiocre et au tracé difficile, passant par Zagreb, Vinkovci, Bucarest ou Belgrade, puis Sofia. Le tracé évite la vallée du Danube, mais cela se paie en pertes de performances.
Réseau des Balgarski Daržavni Železnitsi ou BDZ (Bulgarie)
Lui aussi client de l’industrie ferroviaire allemande, le réseau bulgare dispose de locomotives type 230 de construction bavaroise qui offriront des performances de plus en plus… moyennes quand le train sera composé, durant les années 1920, du nouveau matériel roulant métallique de la CIWL qui accuse un poids de 50 tonnes par voiture. La traversée du pays, de Tzaribrod à Mustapha (devenue Svilengrad) en passant par Sofia, Philippople (nom d’époque pour Plovdiv) prend beaucoup de temps, puisqu’en partant à minuit de Zagreb, on finit la nuit, on passe une journée, puis une autre nuit avant d’arriver à 7h58 à Istanbul (ce 7h58 pouvant dire : dans la matinée ou la journée !).
Pour ce qui est du réseau turc, se reporter au paragraphe concernant l’Orient-Express ci-dessus.
Réseau des Sidirodromoi Ellinikou Kratos ou SEK (Grèce)
Crée en 1920, ce réseau national continue à assurer ce à quoi les Grecs tiennent : une relation par voie ferrée avec l’ensemble de l’Europe. La branche Athènes du SOE en tiendra lieu jusqu’à ce que, en 1977, la suppression du train alors devenu Direct-Orient-Express y mette fin.
La traction à vapeur grecque prend en charge le train, avec notamment, des locomotives pour trains de messageries ou même de marchandises, comme ces 141 de construction américaine:

LA FIN DE L’ ORIENT-EXPRESS
Cette dernière période voit, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le recul de la traction vapeur mais avec de magnifiques locomotives qui en sont le chant du cygne, et l’arrivée de la traction électrique notamment en Allemagne et en Autriche pour commencer. A l’autre extrémité du trajet, la locomotive à vapeur cède sa place à la locomotive diesel.
Le train deviendra tout autre durant les années 1950-1960, perdant définitivement sa clientèle d’élite pour accueillir à bras ouverts, et par d’innombrables voitures généreusement fournies par l’ensemble des réseaux des pays du « bloc communiste », des foules d’immigrés venant travailler dans ce qu’ils espèrent être un paradis, et voyageant assis sur leur valise en carton à demi écrasée dans les couloirs et les soufflets.
On voit des compositions atteignant la vingtaine de voitures, sans compter des voitures postales et des fourgons les plus divers, et le train est devenu désespérément lent et lourd, accumulant des arrêts prévus et même imprévus. Réseau de la SNCF (France) Les Pacific construites entre les deux guerres sont remplacées par des locomotives SNCF comme les 141P, les 241P, mais les Mountain Est roulent encore jusque durant les années 1950.
A cette époque, tous les trains se ressemblent, et l’on peut voir des Flèche d’Or composés avec les mêmes voitures que l’Orient-Express et remorqués par les mêmes locomotives.


Pour ce qui est de la région Est, l’électrification Paris-Strasbourg met en tête du train les puissantes et rapides BB-16000 puis BB-15000.
Réseau de la Deutsche Bundesbahn ou DB (Allemagne)
Retrouvant le réseau de l’Allemagne de l’Ouest, l’ Orient Express est honoré avec une traction effectuée par de brillantes Pacific des séries 01 ou 03 notamment sur le trajet de de Stuttgart à Munich, mais l’électrification gagne l’ensemble du réseau allemand et peu à peu les belles locomotives E-16 à E-18 type 1D1, puis les E-41 et E-44 type BB sont en tête du train. On voit parfois des E-94 ou E-93 , qui sont de puissantes CC destinées aux trains lourds et lents, prendre en charge les interminables rames de voitures de ce qu’est devenu l’Orient-Express.

Réseau de l’Österreichische Bundesbahn ou ÖBB (Autriche)
Ce réseau assurera, avec la présence des massives et impressionnantes locomotives type 1D2, les dernières belles pages de la traction vapeur de l’Orient-Express au cœur de l’Europe, avant que des locomotives électriques série 1010 type CC, ou 1018 type 1D1 ou 1042 type BB ne prennent la relève.

Réseau Magyar Államvasutak ou MAV (Hongrie)
Pionnier de la traction électrique, ce réseau n’assure plus de traction vapeur, et, pour la partie du trajet située à l’est de Budapest, confie lOrient-Express à la traction diesel, soit importée des Etats-Unis avec les M-61, soit, obédience oblige, d’URSS avec les M-62.
Réseau Căile Ferate Române ou CFR (Roumanie)
Situation économoque oblige, ce réseau reste fidèle à la vapeur et devient, pour les amateurs, un musée vivant dans lequel, toutefois, il est réellement interdit de photographier. Les magnifiques 142 roulent jusqu’en 1966. La traversée des Carpathes demande jusqu’à quatre locomotives à vapeur en tête du train ! Le pays parvient, en pleine période communiste et sans choisir sur un catalogue soviétique, à s’offrir de couteuses locomotives diesel suisses type CC, série 060-DA, qui assurent la traction à partir de 1965 entre Simeria et Brasow.
Réseau des Türkiye Cumhuriyeti Devlet Demiryolları ou TCDD (Turquie)
La ligne de Halkali à Istanbul est électrifiée en 1965 en monophasé de fréquence industrielle, système français donc, et des locomotives électriques françaises type BB terminent le voyage jusqu’à la gare de Sirkeci. Ce qui n’est pas électrifié est confié à des locomotives diesel de construction américaine type CC formant la série turque DE-20.
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