Dans son numéro d’octobre 1896, page 225, la Revue Générale des Chemins de Fer (RGCF) annonce la circulation d’un « Train à grande vitesse entre Londres et Paris ». L’Eurostar décrit avec un siècle d’avance ?
Non, cet article est l’expression d’une profonde admiration, de la part de la rédaction de la RGCF, devant l’exploit représenté par un voyage de Londres à Paris dans le temps record de 6 h 30 m, au lieu des 7 h30 m habituellement demandés par le train plus la traversée en « paquebot ». Et pendant un siècle, les temps de trajet tout comme le prix du billet d’ailleurs, resteront à un niveau tout aussi inconfortable.

Depuis les années 1870, quand se met en place le système permettant, par le train et le bateau à vapeur, un Paris-Londres qui peut se dire « rapide », les conditions du voyage seront décourageantes pendant plus de 120 ans et jusqu’à la fin du XXe siècle.
C’est ainsi que, jusqu’à la mise en service du tunnel sous la Manche en 1993, les temps de trajet ne seront jamais diminués.
Il faut endurer un voyage de 6 h 30 dans les meilleurs cas, quand la Manche le veut bien… L’histoire du voyage entre le continent et le Royaume-Uni est celle d’un long et difficile parcours du combattant pour le voyageur qui saute dans un train, puis dans un bateau, puis dans un autre train, accumulant attentes en douane et retards dus aux problèmes techniques ou aux intempéries, et tout cela pour un billet dont le prix reste très cher.
Quand est-ce que cela a commencé ? La traversée de la Manche est une aventure qui se perd dans la nuit des temps, et tout commence, on s’en doute, bien avant l’existence des chemins de fer. Les voyageurs prenaient des diligences, de part et d’autre de la Manche, et passaient par des ports pour prendre des bateaux à voiles, et se livrer ainsi aux caprices des vents et des tempêtes. La traversée de la Manche était une épreuve redoutée, vu les intempéries quasi permanentes régnant sur ce bras de mer pourtant peu large.

Lors de la constitution du réseau du Nord, on organise, à partir de 1848, un service de transport postal avec deux relations par jour sous responsabilité française et deux autres de nuit sous responsabilité britannique, ceci par Calais et Douvres.
Ces « malles-poste » sont transportées par des « paquebots » et sont adjugées à partir de 1854 aux compagnies ferroviaires et maritimes qui s’y intéressent – leur motivation étant d’ailleurs entretenue par de fortes subventions de la part des deux États concernés.
Mais il faut croire que, malgré ces subventions, « ça eut payé » et les candidats aux adjudications ne se précipitent guère, surtout en ce qui concerne les compagnies ferroviaires, tant pour celles de l’Ouest que du Nord. Tant et si bien qu’en 1893, le Nord fut obligé par les pouvoirs publics d’assurer ce transport du courrier, et la compagnie se mue en armateur en louant des navires qu’il engage son propre pavillon à partir de 1896, et mettant même en service, en 1899, deux bateaux qu’il a fait construire.

Mais au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Nord jette le gant… et les pouvoirs publics devront le relever.
La SNCF « héritera », entre autres charges, d’assurer ce service transmanche. La RGCF se fait l’écho de l’enthousiasme de 1896. Les voyageurs partant de Londres en 1896 bénéficient de 13 départs quotidiens pour le continent dont cinq effectués de nuit. En 1900 on en ajoute encore deux pour faire bon poids.

C’est l’enthousiasme : le Royaume-Uni est enfin rattaché au continent d’une manière efficace, et les compagnies pensent que les 15 trains quotidiens seront remplis d’hommes d’affaires et de touristes, le tout dans une grande fusion passionnelle du « business » à la britannique et des affaires à la française. Hélas… Le principe de réalité fait rapidement suite à celui du plaisir, et il faut ouvrir les yeux et déchanter.
En 1912, à la veille de la Première Guerre mondiale, le nombre de trains quotidiens est de… trois ! En 16 années, 12 relations ont été supprimées. Il ne reste qu’un train de nuit et un train de jour entre Victoria et Newhaven (avec arrivée à Dieppe) et un train au départ de Waterloo pour Southampton (avec relation par bateau jusqu’au Havre).
Il faut bien se rendre à l’évidence : le Royaume-Uni tourne déjà, en attendant le Brexit, le dos à l’Europe, qui le lui rend bien, et les relations entre Londres et le continent ne génèrent qu’un trafic relativement modeste et jamais, semble-t-il aux yeux des compagnies ferroviaires ou maritimes, les rares relations maintenues en cette veille de Première Guerre mondiale ne seront rentables.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la seule amélioration est le regroupement de l’ensemble des services, départs et arrivées, en gare de Victoria. Le réseau britannique du Southern Railway, crée en 1923 par fusion de plusieurs petites compagnes, tient désormais à assurer et à développer cette relation avec le continent de la manière la plus prestigieuse et la plus efficace possible, image de marque oblige.

Ce n’est pas pour autant une révolution. Quatre trains par jour sont affichés dans les années 1920 avec un départ à 9 h et 16 h 30 par Folkestone, et 11 h et 14 h par Douvres. La spirale de la faible demande de transport qui réduit l’offre de transport est ainsi toujours amorcée et pèse beaucoup sur l’avenir des relations Paris-Londres.
Le tourisme de luxe international : créateur d’espoir pour les relations transmanche dans les folles années 1920.
Toutefois, au lendemain de la Première Guerre mondiale, le marché du tourisme de luxe, et international, se développe subitement, avec l’arrivée d’une nouvelle clientèle issue d’une classe sociale moyenne mais aisée, et qui est beaucoup plus nombreuse que celle du « happy few » aristocratique formée par les rares touristes de la Belle époque.

La Compagnie Internationale des Wagons Lits connaît une période dorée avec une forte demande de voyages de luxe, et crée sa nouvelle génération de trains comme la Flèche d’or (Paris-Calais-Londres), ou le nouveau Train Bleu (Paris-Nice), et renouvelle son Orient-Express (Paris-Istanbul) et l’ensemble de ses grands trains.


De son côté, le très puissant London, Midland & Scottish Railway (LMS) qui relie Londres à l’Écosse en passant par le cœur de l’Angleterre et par la côte Ouest, s’intéresse subitement au tourisme international et au voyages de luxe. Ce réseau, qui est le plus grand du Royaume-Uni, désire prolonger ses excellents services depuis le nord du pays par des relations directes avec le continent, et lance, le 15 mai 1927, une relation maritime entre le port de Tilbury, situé sur l’estuaire de la Tamise à l’est de Londres et Dunkerque.
Le manque de confort des bateaux affrétés par le LMS et l’inadaptation complète du petit port de Tilbury eurent vite raison des quelques voyageurs qui se présentèrent, et ce service disparut discrètement en 1932, laissant le réseau concurrent du Southern désormais tranquille dans son domaine du sud du Royaume-Uni et de ses ports de la Manche.


En mai 1929 la mise en service complète du service Paris-Londres par les trains “Golden Arrow” (Londres-Douvres) et “Flèche d’or” (Paris-Calais) annonce une nouvelle ère placée sous le signe de l’efficacité et du confort. Dès 1926, le train “Flèche d’or” circule seul entre Paris et Calais, inaugurant de nouvelles voitures Pullman de la CIWL qui sont techniquement le summum du savoir-faire ferroviaire de l’époque.

Grâce à de puissantes locomotives « Superpacific » sur le réseau du Nord, à un nouveau navire le « Canterbury », et à des locomotives du type Atlantic sur le Southern, la relation Paris-Londres peut être bouclée en 6 h 35mn – quand, du moins, tout va bien sur la mer. Dans les faits, et jusqu’à Eurostar, jamais le temps ne sera amélioré – pour ne pas dire que ce temps de 6 h 35 restera le meilleur et fera bien rêver des voyageurs des années 1950 à 1990 !
L’âge d’or du voyage Paris-Londres en 1939.
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, c’est l’apogée des relations transmanche par fer et mer, avec des départs quotidiens au départ de Victoria et passant par Folkestone à 9 h et 16 h 30, tandis que, pour le trajet par Douvres, on peut partir à 10 h 30, 11 h et 14 h, et par Newhaven, les départs sont à 10 h 05 et 20 h 20.

Un départ de Waterloo par Southhampton existe à 21 h et touche Le Havre. Enfin un départ de nuit de Londres à 22 h permet le trajet par le fameux “Night Ferry”. Destiné surtout à un « happy few » de riches touristes venant passer leurs vacances sur le continent, notamment en Suisse ou sur la Côte d’Azur, la “Flèche d’or”, le “Train Bleu” et tous ces trains de luxe qui partent des ports français de la Manche sont certes rentables pour la CIWL, mais leur clientèle reste à la fois exigeante et volage, choisissant difficilement d’abandonner leur luxueuse limousine avec chauffeur pour prendre le train et cédant facilement au chant des sirènes de l’aviation dès que le confort et la sécurité sont acceptables dans les airs, avec l’aide de la bonne cuisine et des vins fins servis à bord.

La Seconde Guerre mondiale, en particulier, vide ces trains et à la fin des années 1940 il ne reste plus que deux services quotidiens par Douvres (« Flèche d’or »), un service par Folkestone, un autre par Newhaven, et un unique service de nuit. La durée du trajet est inchangée depuis 1929, soit un Victoria-Douvres en 95 mn (trois minutes de gagnées par rapport au service d’avant-guerre !) mais un Calais-Paris en 3 h 16 (contre 3 h 10 avant-guerre : les minutes gagnées sur le sol britannique se trouvant donc perdues en France !).
Le bateau « Invicta », pour sa part, met cinq minutes de plus que le fameux « Canterbury » d’avant-guerre.


Celui que l’on n’attendait pas : l’avion.
Mais, au milieu des années 1920, un intrus, qui a fait ses premières armes pendant la Première Guerre mondiale, arrive sur la scène internationale : l’avion. Née dans la décennie précédente sous la forme d’engins aussi peu fiables que pétaradants, l’aviation a tiré tout son profit de la Première Guerre mondiale qui a occasionné des recherches et des perfectionnements incessants pour devenir, dès les premières années 1920, un moyen de transport performant et sûr. En 1925, entre Paris et Londres, 20.721 voyageurs ont traversé la Manche en avion, et ce nombre a doublé dès 1928 avec 43.179 voyageurs, tandis que d’autres sources indiquent une progression de 27.000 voyageurs en 1929 à 39.500 en 1939 donnant une perte de 3.760.000 F pour la compagnie du Nord à l’époque.
« La vitesse commerciale des trains de voyageurs n’a guère varié depuis un demi-siècle, et si les chemins de fer se décident à une amélioration qui est possible depuis longtemps, c’est à la concurrence de l’avion qu’on le devra. (…) L’avion poursuit sa course obstinée vers des vitesses de plus en plus élevées, sans augmenter ses tarifs, et souvent même en les abaissant. ». Écrites dans le « Bulletin PLM » et pour le compte d’un réseau qui se soucie de ses trains de luxe desservant la Côte d’Azur, ces lignes concernent encore plus le réseau du Nord qui pourrait lui aussi les écrire.
En 15 années, de 1932 à 1947, l’aviation mondiale multipliera sa clientèle (donc ses passagers-kilomètres) par 46, en passant de 405.000 à 19.000.000: sur la même période les chemins de fer français sont passés de 29 à 26 milliards de voyageurs-kilomètres.
Plus que l’automobile, l’avion va vider les grands trains internationaux, et la SNCF, qui, pour sa part, assure sur le territoire national un grand nombre de relations internationales au départ de Paris, perd déjà beaucoup d’argent sur ce point.

La relation Paris-Londres n’échappe pas à cette règle, les voyageurs faisant un trajet en avion d’environ trois heures avec des aéroports relativement peu éloignés des centres des villes et une circulation routière peu importante.
D’après la RGCF de septembre 1967, les Chemins de fer ont maintenu, entre le Royaume-Uni et la France et jusqu’à la dernière guerre, un monopole de fait, qui disparait ensuite avec le développement de l’aviation commerciale dès 1949. C’est ainsi que, sur la relation Paris-Londres, par exemple, 187.000 passagers sont transportés par voie aérienne contre 816 000 par voie maritime. La proportion des transports aériens par rapport à la voie ferrée augmente au cours des années suivantes, avec, par exemple en 1953, un total de 411 000 voyageurs par avion contre 667.000 par le rail et la mer.
Enfin, en 1960, l’avion transporte plus de passagers entre Paris et Londres que le chemin de fer et le bateau, avec 787 000 voyageurs par voie aérienne, contre 770 000 par voie ferroviaire et maritime.

Les notes de voyage de Mr Fergusson, au temps des transbordements et des attentes en douane. Un lecteur décrit, pour l’excellente revue « Chemins de fer », son décourageant voyage de Paris à Londres.
Nous sommes en 1954.
Les conditions dans lesquelles les voyageurs l’effectuent actuellement sont, à n’en pas douter, fort désagréables. Il faut, à Calais, descendre du train sur un quai éventé et sans abri, assez souvent sous la petite pluie fine et glacée du Pas-de-Calais. À l’entrée de la passerelle, un agent de police réclame un ticket aux voyageurs chargés de leurs bagages à main : vexation bien inutile alors que ce ticket pourrait être demandé avant l’arrêt du train. Mais ce n’est pas tout : à l’autre extrémité de la passerelle, sur le bateau, un nouveau contrôleur exige la remise d’un autre ticket. Nouveau dépôt des valises à terre, nouvelle fouille dans les portefeuilles ou sacs à main. On dirait un film de Charlot….
Après ces deux contrôles, le malheureux voyageur se croit libre de déposer ses valises et de respirer l’air du large : il n’en est rien. Il est à nouveau canalisé en une file d’attente pour passer devant un guichet et répondre à la question « Pour quelle raison vous rendez-vous en Angleterre ? » La statistique a sans doute ses exigences : mais ne peut-on faire remplir un imprimé dans le train? Au moment du débarquement. Il n’est jamais possible de savoir de quel côté et par quel étage il se fera. Si le bateau est français, le renseignement donné est inexact, si le bateau est anglais, personne ne répond aux questions. Il serait simple de hisser une pancarte bilingue !
À la sortie de la passerelle, nouveau contrôle (sans doute pour dépister le passager clandestin), repose des bagages, re-recherche dans les poches. Il faut ensuite présenter les passeports (déjà visés sur le bateau) ouvrir ses bagages à la douane, les refermer et les reprendre pour monter dans le train. En résumé ce n’est pas le fait matériel de prendre et de quitter le bateau qui rend odieux le passage de la Manche, ce sont les tracasseries inutiles imposées aux voyageurs par les préposés des administrations pour leur commodité personnelle le voyageur est fait pour eux, et non eux pour le voyageur. »
Les années grises d’après-guerre.
Au milieu des années 1950, il est devenu notoire que, pour aller de Paris à Londres ou vice-versa, et par le train et le bateau, il faut plus de temps qu’au début du siècle !
L’augmentation du temps consacré aux formalités douanières, certes, vient s’ajouter aux pertes de temps diverses dans les ports, à une dégradation des services ferroviaires liés à celle de la situation générale du rail au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le résultat est un temps de trajet de l’ordre de 7 h 30, avec un Paris à Calais allongé par un arrêt de neuf minutes à Amiens et une attente à Calais où bateau ne part qu’une demi-heure après l’arrivée du train. À Douvres ou Folkestone, il en est de même avec des attentes de l’ordre de la demi-heure, notamment avec l’héroïque montée de la fameuse rampe reliant les gares de Folkestone-Harbour et de Folkestone-Junction plus les manœuvres dans la deuxième gare.
Bref, en tout, le voyageur perd environ une heure et demie en attentes de toutes sortes. Du côté de l’aviation, les choses ne s’arrangent pas pour autant : la saturation endémique des aéroports de Paris et de Londres donnent, pour moins de trois quarts d’heure de vol « sec », un trajet total d’environ quatre heures de centre-ville à centre-ville, notamment grâce à la mauvaise desserte de Roissy par un RER qui persiste dans son refus de venir au plus près de l’avion, laissant au métro de Londres de desservir l’aéroport de Heathrow de la manière la plus directe, sans autre intermédiaire qu’un simple escalier à descendre pour trouver la station de métro juste sous l’aéroport.

Le prix du billet : élevé, mais stable par rapport à l’inflation.
En 1852, selon l’ « Indicateur des chemins de fer », un Paris-Londres, aller simple, par train et bateau, coûte de 21 à 30 francs, selon la classe et la qualité de la « chambre » (sic) sur le bateau. L’aller et retour est donc de 42 à 60 francs, soit un équivalent de 140 à 220 Euros actuels en utilisant un calculateur d’inflation. En 1933, un Paris-Londres aller et retour se situe entre 200 francs en 3ᵉ classe et 450 francs en 1ʳᵉ classe soit de 124 à 278 Euros actuels, toujours avec le même calculateur..
En 1977, un Paris Londres aller et retour se situe entre 316 francs en 2ᵉ classe et 580 francs en voiture-lits 1ʳᵉ classe (“Night Ferry”), soit de 187 à 343 Euros actuels. Le billet aller et retour par le service Flèche d’Argent (train+avion) se paie 370 (en soirée) et 430 francs (billet dit « ordinaire ») soit de 219 à 254 Euros. Aujourd’hui, avec le tunnel sous la Manche et Eurostar permettant un voyage en 2h15m contre les 6h35m à 8h45m de jadis, le prix de l’aller et retour semble varier entre 100 et 500 Euros selon les très nombreuses possibilités tarifaires et conditions offertes. Il y a, pour le moins que l’on puisse dire, de très sérieux progrès.
La SNCF (et la RGCF) font flèche de tout bois.
Dès 1956, une Compagnie aérienne britannique la Silver City Airways et une Compagnie française Air-Transport ont l’idée de créer, pour les voyageurs sans voiture à transporter, une nouvelle liaison combinant la rapidité de l’avion et la régularité du train, en mettant au point un service fer-air Paris-Londres, baptisé « Flèche d’Argent ». Notons que, à l’époque, et toujours d’après la RGCF, il est question aussi d’une « Flèche Corse » entre Paris et Ajaccio, avec un vol au départ de Nîmes, et même d’une « Flèche des Baléares», avec un vol toujours au départ de Nîmes. Pour ce qui est du trajet transmanche, ce service représente, c’est vrai, le seul progrès notable depuis la création de 1876…
La « Flèche d’argent », c’est concrètement, au départ de Paris, un autorail rapide quittant la gare de Paris-Nord et, après un trajet de 2 h 13, venant se garer le long d’un “Fokker” attendant sur l’aéroport du Touquet. On traverse la nationale 40 à pied, accompagné des hôtesses qui font les barrières d’un passage à niveau virtuel, puis, 22 minutes plus tard on décolle. L’avion effectue un « saut de puce » de 36 minutes jusqu’à l’aéroport de Manston, puis ultérieurement de Gatwick, où l’on gagne la gare voisine en perdant 22 minutes chronométrées pour que l’un des nombreux trains de la banlieue londonienne qui dépose le client de la “Flèche d’Argent” après 42 minutes d’un trajet mouvementé sur les rails archaïques de la banlieue de Londres.


Voilà qui permet désormais, et si les caprices de la météo ne s’en mêlent pas, de boucler la totalité du trajet en 255 minutes soit environ quatre bonnes heures, pertes de temps compris lors des transbordements et des attentes.
Nous donnons ci-contre le dépliant de l’époque, avec les horaires et les tarifs. Le nombre de voyageurs transporté annuellement est de l’ordre de 47.000 dans le milieu des années 1960, et, d’après la RGCF, « les résultats obtenus par la Flèche d’Argent font l’objet d’une surveillance constante et sont examinés au cours d’une conférence semestrielle entre les représentants de la SNCF, des British Railways, et de la British United Airways. Il y a trois relations quotidiennes, toutes saisonnières.
À partir de 1964, le service du milieu de journée devient quotidien dans le but d’augmenter, dirait-on aujourd’hui, la « lisibilité » de ce service. Mais les conditions météo ne permettent pas toujours de l’effectuer correctement, et, par exemple, les voyageurs en direction de Londres, en cas d’impossibilité, restent leur autorail et sont acheminés jusqu’à Boulogne où, passant de l’argent à l’or, ils sont intégrés aux voyageurs de la Flèche d’or, et prennent le bateau puis le train de l’itinéraire historique.
Toutefois l’avion, qui vaut ce qu’il vaut au point de vue confort et régularité, est ultérieurement abandonné au profit, si l’on peut dire, de l’incertain « Hoverspeed » avec départ de Boulogne et une rame RTG venant se garer près de la plage qui assure, pendant quelques instants, la seule partie du trajet exempte de secousses violentes : dès que le « Hoverspeed » est sur les premières vagues, c’est une véritable partie de manège forain jusqu’au Royaume-Uni, décidément un royaume inatteignable sans grands sacrifices ! Ce sera la dernière évolution du cauchemar qu’était, depuis plus d’un siècle, le voyage Paris-Londres, celui d’avant Eurostar.
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