Trains-jouets anciens : les autorails JEP.

En 1954, les grands autorails JEP de 1935, depuis une vingtaine d’années donc, sont toujours au catalogue JEP et font rêver tous les enfants. Ici le grand modèle à deux caisses de 69 cm, version SNCF, excelle toujours, roulant en douceur sur les rails en fer-blanc posés sur le tapis du salon.

Si les marques de trains-jouets françaises Hornby, LR et CR n’accordent aux autorails qu’une importance marginale, chez JEP ils sont, de très loin, les plus beaux autorails jamais produits par les fabricants de trains-jouets français, et si JEP se surpasse, c’est parce que le milieu des années 1930 voit le succès des autorails sur les réseaux français réels, et parce tous les enfants en veulent. Laissant à ses concurrents de ne faire que de petits modèles simples, JEP frappe très fort avec ses grands modèles articulés à soufflets et sur bogies qui sont, comme les vrais, de véritables trains.

Le coup est très dur, commercialement, pour JEP quand, en 1935, Hornby et CR s’emparent du thème très porteur qu’est l’autorail Bugatti. Si l’autorail est la grande nouveauté des réseaux français pendant les années 1930 depuis le succès du concours organisé par les réseaux PLM et Etat au début de cette décennie, l’autorail crée par le prestigieux constructeur de voitures de course et de luxe qu’est Bugatti est la star des stars, bénéficiant du renom auréolé de mystère qui entoure les automobiles de ce constructeur français original et chic. Hornby a su jouer, avec opportunité, un coup de maître et CR, pour sa part, fera le même choix, quitte à décliner des Bugatti dans des versions aussi fantaisistes les unes que les autres.

JEP s’est laissé distancer et se doit de répliquer, et choisit, l’année suivante, de se consacrer aux fameux « Trains automoteurs rapides » ou TAR que le réseau du Nord vient de lancer à grand fracas publicitaire. Est-ce que JEP a misé sur le bon cheval ? Pas vraiment, car le très sérieux TAR, de conception classique à l’allemande, fera une carrière plus discrète et réservée que le très « flashy » Bugatti qui a séduit Hornby et CR. Mais, l’autorail JEP, par lui-même, se fera une réputation de tout premier plan pour ses seules qualités de jouet à la fois très beau, très performant, et robuste : c’est tout ce que JEP pouvait demander, et la firme vendra des milliers d’autorails, comme leur abondance, sur le marché de la collection aujourd’hui, en témoigne.

Un TAR Nord réel, vu dans les années 1950. JEP a réduit le nombre de fenêtres de la cabine de conduite de 5 à 3, a ignoré la forme typiquement Nord des fenêtres latérales, et a surtout ignoré les couleurs de cette performante rame automotrice.
TAR Nord en service: la relation Paris-Lille est couverte en 2 heures, au lieu des 3 demandées par les trains express.

Les petits modèles JEP.

Si les grands modèles longs de 69 cm et même 101 cm sont spectaculaires et sont désirés par les enfants qui les voient dans les vitrines de Noël des grands magasins, ils sont malheureusement chers, et bien au-dessus des moyens de l’ensemble des parents des années 1930. JEP n’oublie pas sa vocation de grand fabricant populaire et, à ce titre, la firme est obligée de produire des modèles simples et petits, mais de la même qualité que celle qui a fait la célébrité de la marque.

En 1935 apparaît un autorail à deux caisses (réf. 5280/2 ou 5780/2 selon le type de courant) long de 31 cm, ou à trois éléments, long de 43 cm. Chaque élément est sur deux essieux seulement comme chez Hornby et CR, et il existe une version mécanique ou électrique. Rien à dire sur ces modèles sympathiques sinon que l’on se demande ce que font, sur le toit, deux kiosques de conduite quand il s’agit, en principe, de représenter un TAR qui est une rame automotrice diesel classique à trois éléments avec une grande loge de conduite à chaque extrémité ! Les couleurs émaillées sont d’un beau rouge dense et d’un crème très jaune, pour les modèles à deux caisses, et bleu et crème pour les modèles à trois caisses, couleurs qui n’ont rien à voir avec celles du TAR Nord, mais qui sont traditionnelles pour les autorails courants de l’ensemble des réseaux français. D’excellente qualité, ces autorails au prix le plus accessible du catalogue JEP, seront de bons jouets sans histoire, à la vente régulière et facile : un grand nombre de foyers français seront naturellement acheteurs.

Des versions lithographiées, plus légères et moins robustes, sont produites à partir de 1936. Il s’agit d’autorails à deux caisses réf.4360/2 ou à trois caisses 4370/3 pour les modèles mécaniques qui prennent le nom de réf. JEP 11 quand ils sont en coffret avec des rails CM6 à faible rayon de courbure. Ces modèles disparaissent en 1940, sauf le petit modèle peint (réf.5780/2) qui continue jusqu’en 1953.

Le petit modèle à deux caisses: dimensions minimales, nombre de roues minimal, mais la qualité est maximale. En tôle épaisse, lourd, le jouet est “increvable” comme seul JEP sait les faire.

Le modèle le plus connu : le grand autorail à deux caisses.

Le premier grand modèle JEP, réf.5785/2, apparaît en 1935, inspiré du Train automoteur rapide (TAR) Nord. Par rapport à l’automotrice réelle composée de trois caisses ayant chacune deux bogies propres, le modèle JEP est réduit à deux caisses roulant sur trois bogies. Le bogie moteur central est commun aux deux caisses, reliées entre elles par un soufflet : bref ce bogie d’intercaisse imite ceux du train caréné « Jubilee » britannique qui, remorqué par une Pacific A4, relie Londres à Edimbourg, et a des voitures en teck articulées sur des bogies communs. Un demi-siècle plus tard, c’est aussi le principe des bogies porteurs intercaisse des remorques du TGV.

Lourd, robuste, réalisé dans un acier épais, et recouvert d’une peinture à l’étonnante solidité, ce bel autorail JEP roule sans dérailler, en silence, en souplesse et d’une stabilité étonnante. Doté de portes ouvrantes qui permettent aux enfants de faire voyager des soldats de plomb, d’aérateurs, d’un éclairage, avec des marquages NORD en relief, le jouet a très belle allure et en impose avec sa longueur de 69 cm. Il reste au catalogue de la marque jusqu’en 1957, recevant en 1939 des marquages emboutis SNCF. Il n’évoluera plus guère, sauf, en 1951, avec l’apparition d’un moteur à courant continu et des vitrages (réf.6095/2).

La page autorails du catalogue de 1935. La France entière a la foi en ses autorails, “train de l’avenir”, qui sauveront le réseau ferré national.
Sur le même catalogue, le grand autorail JEP (qui a pris une forme bizarre en poire) défie le train Flèche d’or qui est le jouet le plus cher de JEP. Les voitures du train sont bleues, sur ce dessin au lieu d’être de couleur marron, comme en réalité depuis 1932, mais ce ne sera le cas chez JEP qu’en 1957.
Grand autorail double : à gauche le modèle d’après-guerre à marquages SNCF, à droite le modèle de 1935 à marquages Nord.
Le bogie moteur d’intercaisse des grands autorail JEP, tel qu’on le découvre une fois le soufflet retiré. Un chef d’œuvre d’ingéniosité et une puisssante “locomotive” compacte.

Les mythiques autorails « grand triple bleu » ou « grand triple rouge ».

Cet autorail  triple réf.  5290/2 ou 5790/3 (selon le type de courant) apparaît sur le catalogue de 1936. Il est une évolution de l’autorail réf. 5785 à deux caisses, mais est composé de trois caisses, les deux premières étant sur un bogie moteur commun, et la troisième caisse étant un élément séparé sur deux bogies propres et que l’on peut dételer.

Le catalogue de 1936 prévoit deux nouveautés qui n’ont jamais été fabriquées: une remorque intermédiaire permettant de faire des compositions à quatre caisses et plus, d’une part, et, d’autre part, une locomotive type vapeur carénée du type 221 qui aurait formé un train aérodynamique en empruntant une remorque intermédiaire et une remorque d’extrémité de l’autorail triple.

Peinte en bleu et crème, ou en rouge et crème, et jusqu’en 1940, vendu encore sur stocks en 1945, cet autorail est rare et il constitue une des pièces les plus recherchées et les plus chères sur le marché de la collection des trains JEP actuellement, atteignant couramment 3000 à 4000 Euros.

Le magnifique grand triple bleu, très recherché des collectionneurs actuels, surtout s’il est complet et dans son coffret d’origine, comme ici. Noter la présence d’un rhéostat “tous courants” à ampoule en série, solution dangereuse pour les enfants avec le courant 110 ou 220 v présent dans la voie.
Les nouveautés de 1936: le “Front Popu” a fait que le train aérodynamique, formé de deux éléments du grand autorail triple en bleu et crème, et d’une curieuse locomotive type 221, n’est jamais sorti. Le raccordement du soufflet et du tender traduit, d’ailleurs un (mauvais) montage “artistique” avec des ciseaux et de la colle.

Les deux générations d’autorails JEP.

Les autorails JEP apparaissent en deux vagues successives : celle de 1935, qui ne comporte que des modèles à deux caisses, peints, en tôle épaisse, et celle de 1936 où apparaissent les modèles lithographiés en tôle fine, et aussi où apparaissent des versions à trois caisses pour les deux séries peintes ou lithographiées.

En 1937, JEP ajoute les modèles en coffret sans rails ni alimentation, avec la même référence, mais suivie de la lettre « A » après le deuxième chiffre. Par ailleurs, la réf. 4370-3 est retirée du catalogue et est soldée « hors tarif ». 

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tous les autorails ont disparu du catalogue, sauf le grand modèle à deux caisses réf.5795-2 de 69 cm, décrit sur le catalogue de 1946 … mais avec l’illustration du « grand triple bleu » de 101 cm !!! Les références 4360-2, 4360-2 A, 5780-2A de 31 cm et la nouvelle réf. 5995-2A de 69 cm sont présentes sur le tarif de 1949. En 1950, le JEP N°11 est de retour, et la gamme est stabilisée. Le petit modèle de 31 cm disparaît en 1953, et le grand modèle de 69 cm en 1957.

Les petits autorails JEP en 1938.

Le dernier autorail JEP.

En 1954, les techniciens de l’usine décident de cesser une curieuse opération menée jusque-là et  consistant à couper en deux une caisse emboutie en une seule pièce, ceci pour obtenir les deux caisses de l’autorail court réf. 5780-2 cette opération s’explique par le fait qu’il aurait été impossible d’emboutir une pièce ouverte à une extrémité et fermée à l’autre. JEP, qui appartient à la SIF (Société Industrielle de Ferblanterie) sait que l’on ne peut obtenir, par emboutissage, des casseroles ou des cuvettes que si ces pièces sont parfaitement symétriques et rondes en tous sens, ce qui permet de répartir le métal. Mais, chez JEP, désormais et couper cette caisse en deux, on peut faire un modèle à une caisse, donc aux extrémités symétriques et rondes, quitte à faire un modèle sur bogies. Ceci donne un joli modèle de style disons « moderne » qui ne correspond à aucun type SNCF précis, et à caisse unique et bogies, soit rouge et crème réf. 5880/1(moteur électrique à courant alternatif) soit vert deux tons réf. 6085/1 (modèle à courant continu). Une version sans moteur sert de remorque. 

Très avantagé par des baies vitrées dont les frontales ont des dégivreurs ronds, cet autorail parvient à sauver des apparences de modernité avec l’aide de tampons rectangulaires, une peinture en deux tons avec « moustaches » très SNCF. La qualité mécanique est magnifique : c’est bien du JEP, bien lourd, bien solide. Il reste fidèlement jusqu’au bout sur le catalogue, c’est-à-dire jusqu’en 1966, dernière année de fabrication des trains JEP, survivant aux autres modèles de 31 et 60 cm disparus l’un en 1953 et l’autre en 1957.

Le dernier autorail JEP, à caisse unique et sur bogies, est tout aussi excellent que ses prédécesseurs. Mais les autorails sont, maintenant, dépassés par les BB et les CC, et aussi par l’automobile qui commencent à envahir les catalogues JEP? Catalogue de 1959.

Le tableau des autorails JEP de 1935.

RéférenceLong. (cm)Nombre de caissesDécorationTypePrésence d’une alimentation
5280-2 BV312PeintureElectrique « Bass-Volt »Transfo 551
5780-A312PeintureElectrique « Bass-Volt »Non
5280-2312PeintureElectrique « Tous courants »Rhéostat 546
5280-A312PeintureElectrique « Tous courants »Non
4380312PeintureMécanique
4380-A312PeintureMécanique
5785-2 BV692PeintureElectrique « Bass-Volt »Transfo 552
5785-A692PeintureElectrique « Bass-Volt »Non
5285-2692PeintureElectrique « Tous courants »Rhéostat 546
5285-A692PeintureElectrique « Tous courants »Non

Les ajouts de 1936.

RéférenceLong. (cm)Nombre de caissesDécorationTypePrésence d’une alimentation
4360-2312LithoMécanique
4370-3433LithoMécanique
JEP 11433LithoMécanique
JEP 12312PeintureMécanique
JEP 13463PeintureMécanique
5280-3463PeintureElectrique « Tous courants »Rhéostat 544
5780-3463PeintureElectrique « Bass-Volt »Transfo 548
5290-31013PeintureElectrique « Tous courants »Rhéostat 549
5795-31013PeintureElectrique « Bass-Volt »Transfo 555
5895-31013PeintureElectrique courant continuRhéostat 545
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