
La Flèche d’or JEP est bien, pour l’ensemble des collectionneurs actuels et pour l’auteur de ces lignes, le plus beau train-jouet français jamais produit. Inspirée par le train Paris-Calais, nommé Flèche d’or que la CIWL vient de lancer en 1926, la firme JEP crée en 1928 le plus beau train-jouet jamais produit en France. Ce train comporte de magnifiques voitures Pullman marron et crème, peut-être un peu raccourcies comme cela se fait dans le monde du joute, mais surtout une vraie Pacific à 12 roues, ce qui est un événement pour les enfants qui aiment les locomotives “ayant le nombre de roues comme en vrai”… Lorsque ce train disparaît du catalogue JEP en 1951, une page est tournée à jamais et, aujourd’hui, les collectionneurs tournent de nouveau cette page, mais en sens inverse.


En 1926, le train réel vient d’être crée par la CIWL pour la relation Paris-Calais-Londres avec traversée par bateau jusqu’à Douvres, puis par train de nouveau jusqu’à Londres. Il est un des plus célèbres de son temps, et marque l’arrivée, dans le parc de matériel roulant CIWL, des fameuses voitures-salon-Pullman dites “type Flèche d’or” qui auront une carrière brillante sur un grand nombre de trains de jour que cette compagnie fait rouler. De son côté, compagnie du Nord met en tête de ce train ses meilleures locomotives, c’est-à-dire des « Super-Pacific » série 3.1200 puis, à partir de 1934, des Pacific Chapelon série 3.1100, des séries de locomotives dont, pour l’une comme pour l’autre, la couleur chocolat à filets jaunes ne manque pas, non plus, de provoquer l’enthousiasme chez les enfants et les adultes.



Les voitures-salons Pullman à bogies et de couleur marron et crème (puis bleu et crème à partir de 1932) composent le train, et sont du meilleur chic avec leur toit blanc. En montant à bord, l’aristocratie britannique et française voyage dans d’authentiques meubles, des marqueteries, des glaces, des cristaux : bref ce sont de véritables palais roulants. Le fourgon du train est particulier : il transporte, posées sur des plateformes ouvertes, des conteneurs renfermant les bagages, et qui sont déchargés par grue dans les ports de Calais et de Douvres et posés sur le navire pour gagner du temps et pour éviter aux bagages les aléas d’une manipulation.
Le train roulera jusqu’en 1972, finissant sa vie en traction électrique entre Paris et Amiens et composé aussi des voitures SNCF classiques du type DEV. Mais en dépit des performances, tant du coté français qu’anglais, le temps de trajet ne variera jamais et restera toujours d’environ 7 heures, et ne se réduira sensiblement qu’à partir de 1994 avec Eurostar et le tunnel sous la Manche, passant alors de 7 à 3 heures et à 2h15 mn actuellement.



Qui n’a pas sa Flèche d’or ?
Quand JEP lance son magnifique train, la firme, malheureusement pour elle, n’est pas la seule à le proposer. Tout commence en 1927, juste après le lancement du train réel, avec Hornby qui inscrit le premier à son catalogue un train portant ce nom. Mais ce train Hornby, bien que luxueux, n’est, en rien, ressemblant au vrai train. La marque anglaise se contente d’un coffret garni avec la une type vapeur 221 qui n’est donc pas une vraie Pacific à 12 roues mais qui est très bien dessinée et inspirée du type Pacific Nord réel, et son tender à bogies, et avec deux voitures Pullman de type purement britannique existant déjà outre Manche. Il n’y a pas de fourgon à conteneurs, or le fourgon est bien la caractéristique essentielle d’un train -rôle rarement tenu par un fourgon, notons-le !.

En 1928 les choses sérieuses commencent avec un duel fratricide entre les marques françaises LR et JEP. La marque LR frappe très fort en produisant une Pacific extrêmement proche de la vraie Pacific Nord, et avec 12 roues, et un embiellage complet avec distribution. Deux belles voitures Pullman marron et crème accompagnent la locomotive, plus un fourgon qui, lui, est complètement raté et fantaisiste car il n’est pas du tout inspiré du fourgon très spécial du train réel. En outre le train LR est sous-dimensionné, selon la pratique LR qui traite ses modèles au 1/60ème, tout en conservant une voie en « O ».


JEP, de son coté, sort son propre train, et frappe, lui aussi, très fort. La locomotive initiale est du type 230 et représente, sans doute, la 230 Nord réelle N°3999, un prototype de 1913 obtenu par transformation d’une 221, et qui roula assez longtemps sur le réseau, placée en tête, au hasard des roulements, de trains rapides et se faisant remarquer. Mais la compagnie du Nord a étudié aussi, dès 1912, un type 231 et JEP ignore ce fait et, utilisant une documentation inappropriée et dépassée depuis plus d’une décennie, sort en 1928 une reproduction tout aussi dépassée d’une locomotive oubliée. Le modèle JEP est sérieusement handicapé par son absence de bissel arrière, chose finalement corrigée sans se presser quatre ans après, en 1933, par ajout du bissel manquant. Mais reconnaissons que, dès 1928, les voitures Pullman et le fourgon spécial Flèche d’or à conteneurs sont splendides, attirent les regards, et mettent JEP à la première place.


Train-jouet ou modèle réduit ?
Circulant sur des rails en fer-blanc à l’écartement «0» (32,5 mm) et produit entre 1928 et 1951, ce train comporte une locomotive, son tender sur bogies, une voiture-salon Pullman et un fourgon à conteneurs mobiles du train Paris-Calais, le tout assez bien reproduit, quoique raccourci sur le plan de la longueur par rapport à l’échelle «O» dont le respect n’est pas encore entré dans les mœurs.
Aux yeux des enfants de 1928, peu habitués à la précision, le train JEP la Flèche d’or est considéré comme étant une maquette, car il rompt définitivement avec les trains-jouets naïfs et hauts sur pattes que l’on trouvait jusque là et qui ne ressemblaient à rien. Mais, aujourd’hui, ce train semble bien naïf, à son tour, car, pour le modéliste ferroviaire du XXIème siècle, il comporte de nombreuses inexactitudes, comme un raccourcissement très exagéré de la voiture et du fourgon, des détails simplement dessinés sur la lithographie au lieu d’être de vraies pièces rapportées, des omissions comme des soufflets absents ou un embiellage sans aucune bielle de commande de distribution, etc. Mais par rapport aux trains de l’époque, il offre des détails non négligeables comme des vitrages et un éclairage intérieur, des portes ouvrantes pour les conteneurs du fourgon, ou les tuyauteries et des surchauffeurs rapportés pour la locomotive à partir de 1934. Les dernières locomotives auront même des tampons à ressorts.
L’évolution du train JEP .
La première version du train comporte une locomotive à disposition d’essieux type 230, nous l’avons vu, ce qui est gênant pour représenter une Pacific Nord. Toutefois JEP n’a pas envie de passer son temps à justifier et expliquer cela aux parents et aux enfants. Ce premier train se présente avec sa magnifique voiture Pullman type Flèche d’or lithographiée, la plus belle jamais faite en France dans le domaine du train-jouet, mais raccourcie et avec cinq baies au lieu de huit. Elle est sommairement aménagée intérieurement avec évocation des tables, et elle peut être éclairée par un système vendu à part comportant un frotteur en laiton à monter sous un des bogies de la voiture. Le fourgon-truck à conteneurs reproduit assez fidèlement celui du train réel. Le fourgon-truck JEP est, comme la voiture, très raccourci, mais offre le charme de ses conteneurs à portes ouvrantes et verrouillage par barres. Les attelages de ce premier train sont du type dit « effiloché » chez les collectionneurs, et ces attelages durent jusqu’en 1933, année qui voit le passage à l’attelage automatique dit « à croc ».





La deuxième version est donc le train à locomotive type 231 lithographiée, sans écrans pare-fumée, la version la plus recherchée par les collectionneurs, car elle n’a duré qu’une année, faisant sa courte carrière à l’intérieur de l’année 1933.
Fin 1933 sort la troisième version avec locomotive peinte et tender lithographié. La locomotive peinte a des écrans pare-fumée, des tubulures rapportées, des surchauffeurs sur le corps cylindrique. Elle est plus lourde, faite dans une belle tôle d’acier épaisse et peinte au four. Depuis 1933, le train a deux motorisations au choix : moteur 52 à rhéostat, ou moteur 57 à transformateur. En 1935 le tender peint apparaît, avec des rivets venus par emboutissage, sa caisse ayant demandé un nouvel outillage. Le tender est mieux assorti à la locomotive, mais le reste du train est toujours lithographié, ce qui crée une petite rupture esthétique. Un nouveau système d’inversion à distance est monté sur la locomotive.
Après la Seconde Guerre mondiale, le train est présent de nouveau sur le catalogue, dans la série 59 avec inversion par coupure. Les voitures et le fourgon ont des bogies en zamac et des attelages automatiques symétriques pour les tout derniers modèles. Le train disparaît en 1951, pour laisser la place à des modèles plus « modernes » comme la CC 7001, la BB 8100, et les voitures type DEV SNCF. Un tout autre monde naît, laissant la voiture Flèche d’or en vente seule jusqu’en 1952, et son fourgon jusqu’en 1960.
Sans être rare, ce très beau train a toujours bénéficié d’une cote assez forte, car les amateurs décidés à l’acheter ne manquent pas. Un coffret complet en bon état dépasse couramment 1.500 Euros et une voiture Pullman en bon état dépasse le seul des 300 Euros depuis quelques années déjà. Le fourgon est plus accessible puisque dépassant le seuil de 100 Euros pour un exemplaire en bon état et complet, avec ses portes ouvrantes. IL est à noter que, chez JEP, il y a eu une surproduction de fourgons et qu’un stock considérable explique son maintien au catalogue pendant de longues années après la disparition du train, vendu seul jusqu’en 1960.

Les différents Flèche d’or successifs chez JEP.
Description sommaire : | Référence : | Dates : | Observations : |
Loco 230, voiture et fourgon lithographiés | 5475.2 | 1928-1932 | Première version, attelages dits « effilochés », rhéostat |
Loco 231, voiture et fourgon lithographiés | 5775.2.BV | 1933-1933 | Deuxième version, mêmes attelages, moteur 57, transformateur |
Loco 231 peinte + tender, voiture et fourgon lithographiés | 5276.2.BV | 1933-1934 | Troisième version, attelages à croc, moteur 52, rhéostat |
Loco 231 peinte + tender, voiture et fourgon lithographiés | 5776.2.BV | 1933-1934 | Troisième version, attelages à croc, moteur 57, transformateur |
Loco 231 et tender peints, voiture et fourgon lithographiés. | 5777.2.BV | 1935-1940 | Idem, mais nouveau système d’inversion, et transformateur |
Loco 231 et tender peints, voiture et fourgon lithographiés. | 5877.2.BV | 1935-1940 | Comme 5276, mais nouveau système d’inversion. |
Loco 231 et tender peints, voiture et fourgon lithographiés. | 5975.2 | 1948-1951 | Comme 5777, mais nouveau système d’inversion série 59 par coupure. |
Voiture vendue seule | 5475.V, 5275, 4675.V, etc. | 1929-1952 | Bogies zamac sur les derniers modèles |
Fourgon vendu seul | 5475.B, 5275.B, 4675.B, etc. | 1929-1960 | Bogies zamac sur les derniers modèles |


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