Les trains des rois et de ceux qui pensaient l’être.

La voiture présidentielle PR1 de 1923. Aujourd’hui, bien sûr, le luxe des voyages présidentiels est beaucoup plus modéré.

Qu’ils soient Roi, Président de la République, chef d’état, dictateur, guide, « Führer », « Duce » et « conducator » et autres galonnés fort démocrates de tous genres, y compris ceux qui portent les titres les plus désopilants en Corée du Nord, tous aiment les trains et ont voyagé en train spécial. Ils aiment vraiment les trains ? Pas si sûr, mais ils apprécient, en tous cas, le sentiment de sécurité qui règne à bord d’un train même si, en amont, des comploteurs sont en train de déboulonner les rails… Cela se comprend: la mobilité, la rapidité, le confort, un espace fonctionnel permettant de travailler ou de recevoir, représentaient autant d’arguments en faveur de ces trains exceptionnels, qui pouvaient se muer en véritables lieux d’exercice du pouvoir en cas de nécessité.

Ceux qui les aiment pourront prendre le train.

Disons, quand même, que plusieurs rois ont passionnément aimé les trains et auraient aimé lire ce site-web (mais le paradis est en “zone blanche”, question internet), comme le roi Boris III de Bulgarie (1918-1943) qui fait tout pour développer les chemins de fer du royaume et, joignant le geste à l’exemple, il est le premier, dès que l’occasion s’en présente, pour monter à bord d’une locomotive et pour conduire le train en “bleu de chauffe”, y compris pour l’”Orient-Express” – en dépit des craintes respectueusement non formulées, mais profondément éprouvées par les dirigeants de la compagnie.

Le roi de Bulgarie néglige pour un temps les affaires du royaume pour jouer au train, grandeur nature.

Le duc de Saragosse, lui-même, n’hésite pas à s’habiller tout autant d’un “bleu de chauffe” (il oublie le béret) pour conduire les locomotives du réseau MZA (Madrid-Zaragoza-Alicante) qu’il doit considérer comme sa propriété personnelle, au moins par la présence du “Z” dans le logo.

Le duc de Saragosse, en “bleu”, pose, vers 1930, pour la postérité, ici sur la gauche, devant une imposante 241 de son réseau préféré. Il conduit certes, mais a-t-il fait grève pour protester devant les conditions de travail inadmissibles ?
Même le prince de Galles “craque”, en 1931, pendant son voyage officiel au Canada, et conduit la locomotive, une belle “Royal Hudson”, mais ici, pont de bleu de chauffe, mais un manteau clair et un chapeau mou. Son Altesse Royale ne craint ni la suie ni la crasse, ni les scènes de ménage à l’arrivée.

Le roi Christian X du Danemark, grand passionné de chemins de fer, eut pour dernière volonté que son train funéraire soit remorqué par deux locomotives Pacific série E, ce qui fut fait en 1947. Ce même pays compta un autre un fervent partisan du chemin de fer : son roi Frédéric IX fut un amateur passionné et exigea même, comme dernière volonté, que son train funéraire soit remorqué en traction vapeur, ce qui fut fait en 1972.

Au Royaume-Uni, le roi Georges V et la reine Mary visitent les ateliers du Great Western, à Swindon, en 1925, et la « Windsor Castle » vient d’être terminée: le hasard (ou la planification) fait bien les choses et le roi monte à bord de la locomotive portant le nom du château royal, et la conduit des ateliers jusqu’à la gare, soit sur quelques centaines de mètres seulement (la compagnie ne prend pas plus de risques !). Une plaque commémorative, apposée sur la locomotive, rappelle ce haut fait royal. Quand le roi meurt en 1952, « sa » locomotive est en réparation, et, pour tirer le train funéraire, les administratifs des British Railways transfèrent plaques et numéros sur une autre locomotive disponible: mais les amateurs pointus voient sans peine la supercherie, car, dans une série, toutes les locomotives diffèrent par de menus détails, et ils dénoncent le fait à la presse anglaise qui, au nom d’une grande tradition journalistique bien britannique, étale cet acte parfaitement « shocking »….

Le train royal ? Plutôt une corvée pour les réseaux.

Mais les rois ne font pas que faire leur dernier voyage en train funéraire, et ils s’en servent avant. La présence de trains royaux, surtout au Royaume-Uni qui a inventé le chemin de fer et qui, pendant le XIXe siècle, est le premier dans ce domaine, a toujours été un défi pour les réseaux de chemin de fer: le train royal, en effet, peut être une image de marque – souvent encombrante – du réseau, une bonne publicité, la démonstration de son savoir-faire technique et esthétique. Depuis que les rois, souverains et autres personnalités de toutes sortes ne voyagent plus par le rail, ces somptueux trains ne sont plus que des témoignages émouvants et nostalgiques d’un passé dans lequel le faste avait encore un sens. Aujourd’hui, l’avion, dont l’efficacité n’a d’égale que la banalité, ressemble extérieurement à n’importe quel autre avion, même « Air Force One »….

Le train royal de Bavière en 1908. La double traction est souvent pratiquée pour les trains royaux: deux précautions valent mieux qu’une…
L’intérieur du train royal de Bavière, mais en 1855. Promis, juré, on fera moins luxueux par la suite.
Le train impérial du réseau PO destiné à Napoléon III dans les années 1860.
La voiture des aides de camp du train impérial de Napoléon III, un des joyaux de la Cité du Train-Patrimoine SNCF que l’on peut admirer aujourd’hui.
Train royal en Afrique du Sud pour les visites des souverains britanniques, et sur voie étroite de 1067 mm seulement, ce qui ne se voit pas.
En Inde, la généreuse voie large de 1676 mm permet de construire des palais roulants pour les maharadjahs ou les souverains britanniques de passage.
Voiture-lits royale en Inde.
En Italie, leurs majestés ne se refusaient rien, non plus, du moins jusque durant les années 1930. Après vinrent des temps plus rudes…
Mais c’est au Royaume-Uni, quand même, que l’on ne se laisse pas distancer par quelques insolents du Commonwealth.
Le salon du roi d’Angleterre, en 1920. Ce n’est pas Windsor ni Buckingham, mais c’est supportable.

Mais à quoi servait un train royal ?

Le train royal a pour mission d’héberger le roi, avec lui, sa cour, ses aides de camp, son entourage immédiat. Le train royal ne peu donc pas se limiter à une simple voiture de luxe que l’on accroche à un autre train. En France, avant la Seconde Guerre mondiale, le président de la République voyage lui aussi avec une suite importante: le secrétaire de l’Élysée, des officiers de la maison militaire, le chef du service télégraphique présidentiel et son adjoint, le chef de la sûreté spéciale et sa brigade de 6 à 10 agents, le valet de chambre personnel du Président, des huissiers, des valets de pied, un maître d’hôtel. Il faut donc plusieurs voitures pour transporter cette suite.

Aujourd’hui, l’avion et surtout les télécommunications ont rendu les déplacements officiels plus courts ou plus rares. Quant à la sécurité, impérative dans les temps agités et face aux menaces que nous connaissons, elle est sans doute plus facile à assurer autour des avions et des aéroports que des trains et des gares.

En France, les présidents de la République n’ont plus de train officiel. Voici une des dernières locomotives mises à contribution. Mais, pour ce qui est du TGV, on a quand même vu François Mitterrand et Emmanuel Macron faire, en 1981 entre Paris et Lyon, et en 2017 entre Paris et Rennes, respectivement, des parcours inauguraux en cabine et témoigner un grand intérêt pour le chemin de fer. Le premier a plutôt annoncé de nouvelles lignes à l’avenir et le deuxième plutôt l’inverse.
Le train du prince de Galles attend sur le quai de Portsmouth en 1919. Il y a du monde pour l’aider à prendre son train et pour porter les valises.
George V et le train royal en 1913. Chapeau melon, mais pas bottes de cuir.

Les fleurs poussent parfois sur les locomotives à vapeur.

Il arrive parfois, semble-t-il, qu’il pousse des fleurs sur les locomotives à vapeur – du moins, on le croirait en voyant certaines d’entre elles préparées pour des cérémonies officielles. D’autres arborent des ornementations d’un goût qui reste à prouver : drapeaux, portraits de dignitaires du régime, peintures voyantes, emblèmes politiques. Enfin d’autres, encore, sont des reines d’un jour, soigneusement repeintes pour une occasion exceptionnelle comme la visite d’un souverain, et, les jours suivants, elles rentrent anonymement dans le rang, oubliées.

Le train présidentiel ou royal est alors remorqué par une locomotive à la propreté et à l’état général impeccable. Les jantes de ses roues sont peintes en blanc, et son avant est garni des drapeaux du pays concerné et du pays d’accueil. Des tissus drapés sont déployés le long de la locomotive et les couleurs de ces tissus sont ceux des drapeaux des deux pays qui sont « solidement unis par une indéfectible amitié » … au moins ce jour-là.

Pour parler d’ « indéfectible amitié », certains pays communistes de la grande époque, mais aussi de pays d’autres régimes dits « forts », n’ont pas manqué d’utiliser leurs chemins de fer comme moyen de propagande. L’URSS, par exemple, a imposé le port de l’étoile soviétique à ses locomotives, et a donné des noms très significatifs à des séries de locomotives entières, si l’on songe à la fameuse série des « Joseph Staline » circulant durant les années 1930. Mais la Chine maoïste, de son côté, a baptisé des séries de locomotives avec des slogans politiques comme les « En avant », ou autres « Haute visée », ou encore « Peuple ».

Mais les pays communistes n’ont fait que reprendre, sous une manière très voyante certes, une pratique ancienne déjà très connue des grands empires. Des emblèmes à tout aussi forte connotation politique viennent orner les locomotives de l’empire austro-hongrois ou d’autres grands pays comme les Indes: des aigles, des couronnes, des animaux sacrés rappellent, en effet, la volonté de puissance du régime. Enfin, le national-socialisme allemand des années 1930 impose aux locomotives de vitesse et de prestige d’arborer la croix gammée accompagnée de l’aigle des chemins de fer allemands.

Locomotive fleurie pour le train royal britannique de 1863. Le blanc n’était pas spécialement indiqué, normalement, pour les locomotives à vapeur…
Train royal du Great Northern Rly en 1884: chaque compagnie a son train royal à la disposition des souverains. La locomotive est fleurie comme les pelouses de Buckingham Palace !
En France, ce sont plutôt les drapeaux et non des fleurs, qui poussent sur les locomotives des trains présidentiels, comme ici, dans les années 1930, au départ de la gare Saint-Lazare.

Victoria inaugure la tradition du train royal britannique (et invente les WC).

L’Angleterre étant une monarchie et, par ailleurs, le pays inventeur du chemin de fer, il était normal qu’elle eût une pratique du train royal élevée au rang de tradition. C’est la reine Victoria qui l’inaugure avec deux voitures à six roues construites en 1869 par le London & North Western Railway, voitures qui sont réunies ensuite en une seule sur deux bogies et douze roues. Pour prévenir toute catastrophe, elle fait limiter la vitesse du train à 65 km/h.

Autre intervention – sans aucun rapport avec la précédente -, elle demande que soient installées des toilettes à bord du train ; sans doute est-elle lasse d’attendre la prochaine station ou de demander des arrêts spéciaux en face du buisson adéquat ! Pour l’anecdote, on sait, pour ces arrêts impromptus en pleine nature, qu’elle était aidée alors dans sa descente du train par les épaules de son chevalier servant, John Brown, qui était réputé pour savoir manipuler, avec dextérité et élégance, mais aussi efficacité et douceur, Sa Majesté dont le poids, sauf votre respect, était imposant et demandait un réel savoir-faire gestuel pour éviter une chute grotesque, dont la presse n’eût pas manqué de régaler ses lecteurs.

La reine Victoria avait aussi un mystérieux train royal garé à Calais pour ses voyages sur le continent, un fait très peu connu des amateurs de chemin de fer et dont, malheureusement, aucune description ou illustration précise ne nous est parvenue.

Les WC du train de la Reine Victoria en 1906. La cuve est garnie de tissu rembourré pour éviter aux genoux royaux de s’y cogner lors des secousses, bien connues, sur les aiguillages anglais.
Le train de la reine Victoria, en 1890.
La locomotive du train du dernier voyage de la reine Victoria en 1901.

Il est à noter que l’on voit, en consultant la presse et les revues spécialisées d’époque, une très grande quantité de trains royaux sur le sol britannique, chaque réseau tant soit peu important ayant à cœur d’une avoir un, pourrait-on croire. En fait, il n’en est rien : un train royal peut se composer à la demande. Lorsque les services du protocole royal annoncent une visite du souverain, les réseaux concernés doivent assurer le transport du souverain en respectant un certain nombre d’exigences, notamment de sécurité, d’espace à bord du train, de capacité de transport d’un grand nombre de personnes accompagnant le souverain. La locomotive sera, à coup sûr, une locomotive de vitesse de la compagnie prestataire pour sa partie du trajet, et qui tient, à travers une locomotive portant ses couleurs et sa raison sociale en lettres dorées sur le tender, à affirmer son image de marque. La locomotive est amplement décorée : armoiries royales sur la porte de boîte à fumée, fleurs, guirlandes à profusion. Les voitures sur train, si la compagnie n’a pas construit un train royal permanent, sont des voitures-salon et de première classe, parfois réaménagées pour la circonstance. Si le voyage du souverain est important et emprunte plusieurs réseaux successifs, le train royal sera le même pour tout le trajet et seules les locomotives changeront en fonction de chaque réseau traversé.

Le “Royal Train” britannique : institution exemplaire.

Edouard VII, fils et successeur de Victoria en 1910, se fait construire un train royal encore plus beau que celui de sa mère, aménagé comme un yacht de luxe, avec, cette fois, la lumière électrique en plus. Les lambris, tapisseries et meubles sont d’une qualité rare et valent ceux des trains royaux allemands de l’époque, comme celui de Guillaume II, un des plus luxueux au monde. Mais si Edouard VII essuie un coup de feu dans son train lors d’un voyage à Bruxelles, Guillaume II y passera sa dernière nuit impériale en 1918, avant de se réfugier en Hollande: les trains royaux ne portaient pas toujours chance à leurs éminents occupants.

Roi de 1910 à 1936, George V circule à bord d’un très beau train réalisé par le London Midland & Scotland Railway, qui sera aussi et surtout utilisé par George VI entre 1936 et 1952. Il est le plus connu des trains royaux britanniques, comme en témoignent les documents reproduits dans ces pages, des photographies d’époque datant du voyage officiel du roi et de la reine le 2 juillet 1937.

Train funéraire du roi George VI en 1936, en gare de Paddington, à Londres.

Le  train des souverains britanniques en France

Les Français, grands républicains épris de liberté, adorent les rois – mais ceux des autres pays et surtout britanniques, bien entendu. En 1938, un train spécial est affrété à l’intention des souverains britanniques, événement rapporté et commenté par la Revue générale des Chemins de Fer dans son édition de septembre 1938. Les voitures sont celles de la Compagnie des Wagons-Lits de la région du Sud-Est, et de la région du Nord. Pour donner au train royal un aspect homogène, la peinture extérieure des véhicules ainsi que leur décoration font l’objet des dispositions suivantes: la locomotive et le tender sont entièrement repeints en bleu cellulosique type « Wagons-Lits brillant ». La même couleur est appliquée aux voitures et fourgons, qui se voient en outre ornés d’une bande d’or à hauteur de la toiture gris clair, de bogies traités au vernis noir et de faces apparentes des bandages peintes en blanc mat.

Sur les deux faces de chacun des véhicules ont été appliqués deux panneaux peints stylisant les armoiries britanniques et françaises. Les pavillons des deux pays ont également été peints sur les faces et à l’avant des deux locomotives: l’une est la Pacific 3.1280 Nord et l’autre  la 231 Huet État n° 761 qui remorque le train royal sur les lignes du réseau de l’État, à l’ouest de Paris.

Le train royal des souverains britanniques, lors de leur voyage en France en 1938.

En France: tout va mieux quand le Président reste à bord, même en pyjamas.

Le Président de la République actuel, d’une jeunesse et d’un dynamisme qui font référence, utilise plutôt l’avion pour ses déplacements officiels, bien qu’un voyage rapide en TGV soit tout à fait possible aussi et semble plus en accord avec la politique d’économies affichée. Mais, jadis, quand l’avion n’existait pas, il fallait bien prendre le train, ce qui était fait avec tout le faste nécessaire, dans les voitures spéciales réservées à cette fonction.

Une aventure célèbre, liée au train présidentiel, a fait le bonheur de la presse à l’époque et a sans nul doute jeté un discrédit définitif sur les voyages présidentiels en train : le 29 mai 1920, le Président Deschanel voyage de nuit à bord du train présidentiel, et se rend à une inauguration à Montbrison. Sans doute pris par un malaise, il respire un grand coup par la fenêtre de son compartiment qu’il a ouverte. Le train a ralenti à 30 km/h et roule sur une portion de voie en travaux, donc assez inégale. Une forte secousse précipite le Président hors du train et le Président tombe et roule sur le talus, et le train, délesté d’un voyageur, continue sa route.

Le Président se relève sans aucun mal et marche, pieds nus, le long de la voie. Il rencontre un poseur de rails, dénommé Radeau, qui le conduit chez un garde-barrière. « Je suis le Président de la République! » déclare, éperdu, le voyageur. Le garde-barrière n’ose le contredire, mais alerte les gendarmes, pensant, c’est plus qu’évident, avoir affaire à un fou échappé d’un asile. Le lendemain, c’est la panique en gare de Montbrison devant la découverte du compartiment vide, mais, grâce à un échange de télégrammes, la situation est éclaircie, et le Président est récupéré et remis dans le circuit officiel. Le garde-barrière déclare à la presse qu’il pensait bien avoir eu affaire à « un monsieur très bien », car celui-ci avait les pieds propres ! Le Président fut ramené à Paris en automobile: pour une fois la route était plus sûre que le rail, question fermeture des fenêtres et des portes, et surveillance permanente du Président qui ne fait pas le voyage en pyjamas.

Les caricaturistes et les chansonniers, comme d’habitude en France où la liberté d’opinion est un rare trésor national qui persiste à exister, ne manquent pas de “mettre en boîte” l’aventure du président et de son pyjama en 1920. Promis, juré, l’incident ne se reproduira plus et les présidents Mitterrand et Macron auront terminé leur voyage inaugural à bord du train et en costume trois pièces.
Le compartiment présidentiel de la voiture-lits type R de la CIWL de 1907 vu à son arrivée à Montbrison, pays beaucoup plus réputé aujourd’hui pour sa fourme que pour le souvenir de cet incident.

Aujourd’hui : pas de train présidentiel, mais une voiture spéciale.

La catégorie des “voitures spéciales”, pour la SNCF, comprend les voitures ambulances, les voitures cinéma ou les voitures d’audiovisuel, les voitures séminaire – conférence, et les voitures réservées au Président de la République. Elles se distinguent des voitures de service, comme les voitures – dynamomètre, les voitures d’inspection des caténaires, dans la mesure où les voitures spéciales transportent bien des voyageurs et non des cheminots en activité. Elles sont environ une quarantaine, et, en ce qui concerne les voyages officiels, il n’y a plus qu’une voiture dite « voiture-salon pour visiteurs de marque », les anciennes voitures présidentielles PR1 (datant de 1913) et PR2 (datant de 1955) étant réformées et la PR2 étant conservée par le musée de Mulhouse, aujourd’hui devenu la « Cité du train-Patrimoine SNCF ».

Les deux voitures PR1 et PR2 ont servi surtout sous la présidence du général De Gaulle qui affectionnait les déplacements en train, sans nul doute pour des raisons de sécurité. Il utilisait soit ces voitures, soit une rame automotrice RGP spéciale, et il a effectué par le rail une vingtaine de déplacements officiels entre le 6 septembre 1960 et le 2 février 1969. Alain Poher, président par intérim s’en servira une fois, et puis Georges Pompidou une seule fois le 23 septembre 1969.

La voiture PR2 est sans nul doute la plus connue des amateurs de chemins de fer. Ce sont les ateliers de voitures de Villeneuve-Saint-Georges qui ont été chargés de la réaliser en faisant du neuf avec du vieux, et en utilisant la voiture type C11 N°14940 de la région Est, construite par Carel et Fouché en 1924.

C’est au début de juin 1954 que l’on commence à démonter cette voiture par découpage des extrémités, démontage du pavillon et de la charpente de la caisse, puis des tôles des faces. Ensuite, il fallut renforcer le châssis en son milieu, car on devait prévoir une surcharge de cinq tonnes imputables au poids de divers appareils fixés dans cette partie de la voiture. De même, un renforcement des extrémités fut rendu nécessaire par la présence des nouveaux organes de choc et de traction.

Les Ateliers de Villeneuve – Wagons et d’Arles ont réalisé les courbes et les formes des extrémités tout en montant les dossiers d’extrémité de la caisse, sa charpente et son pavillon. Il fallut souder sur la charpente les nouvelles faces, constituées à l’aide des faces embouties de la voiture Est d’origine et réutilisées après mise aux nouvelles dimensions. La partie chaudronnerie se termina par le montage d’une jupe de bas de caisse et des montants intérieurs.

La voiture présidentielle PR1 à la Cité du Train de Mulhouse. Du (très beau) neuf fait en 1954 avec de l’ancien datant de 1924.
La voiture PR2 de la Cité du train de Mulhouse. Un aspect très voiture DEV de l’époque.
Un des salons de la voiture PR3. Le style est celui des années 1950.

Quelque chose comme un petit palais de l’Elysée.

Le décapage des faces extérieures et leur métallisation à l’étain ont été nécessaires pour les rendre parfaites d’aspect. Le confort intérieur a été créé par l’isolation complète en laine de verre. La peinture a été réalisée au prix de 28 opérations différentes, et la réalisation des bandeaux en or à la feuille, tandis que les vernis et les laques du salon et de la plate-forme d’honneur ont fait l’objet d’un travail artisanal de grande qualité. La porte à quatre vantaux séparant le salon et la plateforme d’honneur a été traitée en laque ciselée et dorée, et elle représente une vue panoramique du cœur de Paris.

L’air conditionné analogue à celui des voitures-bars du Mistral, l’éclairage incandescent et fluorescent, un chauffage autonome par eau chaude, un équipement téléphonique intérieur avec raccordement au réseau PTT, un équipement radiophonique (récepteurs dans chaque pièce principale), une installation de douche dans le cabinet de toilette, etc. viennent compléter et moderniser le tout.

La disposition intérieure comprend une plateforme d’honneur accessible par doubles portes extérieures coulissantes et marchepied extérieure repliable, puis on passe dans un salon d’honneur sur lequel s’ouvrent d’une part le couloir latéral, d’autre part le bureau du Président. Si l’on continue la visite, on trouve ensuite la chambre du Président, et son cabinet de toilette et enfin les chambres de membres de sa suite immédiate.

Extérieurement la jupe, qui prolonge la caisse vers le bas, dissimule les différents coffres et appareillages fixés sur le châssis. Le bas des faces latérales (depuis la ceinture de caisse) et le pavillon sont traités en peinture laquée bleu marine, tandis que le haut est peint en gris bleuté, Les deux teintes sont séparées par des bandes dorées par applications d’or fin «à la feuille » chaque face est ornée d’un motif central en bronze doré, conçu et dessiné par Révol, graveur de la Monnaie, et coulé par les ateliers d’Oullins Machines. La voiture PR2 a été inaugurée lors du voyage présidentiel du 2 mai 1955 sur le parcours Paris-Le Havre.

Une PR3 peu connue et très peu utilisée.

Désignée parfois PR3, il a aussi existé une voiture qui fut une très courante voiture de 1re classe, type A8 “Grand Confort” transformée par les ateliers du Landy au début des années 1970. Elle comprenait une salle à manger, un salon, et un autre petit salon, le tout effectué dans un style très « design » avec une moquette jaune posée sur les cloisons. Cette voiture a peu servi : utilisée pour la première fois le 19 mai 1972 lors du voyage de la Reine Elizabeth II d’Angleterre, elle a effectué le 5 janvier 1978 le voyage de Valéry Giscard d’Estaing et de Jimmy Carter de Bayeux à Paris, puis le 12 octobre 1978 celui de la reine Margarethe II du Danemark.

Le train du Général.

Il ne s’agit pas de celui du film “Le mécano de la General” dont, d’ailleurs, on notera que les journalistes écrivent souvent : « Le Mécano de la Générale », alors qu’il ne s’agit nullement de l’épouse du général (car la locomotive s’appelle « General » en anglais dans le texte) tandis que d’autres osent un « Le Meccano de la Générale » comme si l’épouse du général avait joué avec ce célèbre jeu de construction à trous…

Il ne s’agit pas de cela, mais bien de celui d’un tout autre général très respecté en France : le général De Gaulle qui fut, sans doute, entre mille qualités morales, le dernier Président de la République à user fréquemment du chemin de fer lors de ses déplacements officiels, totalisant plus d’une trentaine de déplacements entre 1960 et 1969. Utilisant parfois les voitures présidentielles décrites ci-dessus, le Général De Gaulle a surtout utilisé une rame de la série des RGP (« Rame à Grand Parcours ») de la SNCF, composée de deux motrices (les X-2723 aménagée spécialement avec un salon, et la X-2734) encadrant une remorque XR-7716 avec salon et cuisine.

L’entourage du Président comporte plus d’une vingtaine de personnes : officiers de police, agents de la CIWL pour le service à table, agents de la SNCF (inspecteur traction, conducteurs, réparateurs, etc). Le Général et son épouse occupent en principe le salon de la voiture centrale, les membres du gouvernement occupent les compartiments voisins, ainsi que les aides de camp, le chef du protocole, les gardes du corps, le valet de chambre et un cheminot détaché par la SNCF. Les sièges d’une des motrices sont occupés par les journalistes. Il est à noter que quelques hôtes de marque ont voyagé avec le Général, comme Konrad Adenauer en 1962 pour aller à Rouen ou Antonio Segni (Président de la République italienne) pour aller à Reims en 1964.

Une rame dite “RGP” (rame à grand parcours) analogue à celle utilisée par le président De Gaulle.

Le train “Amerika” : le Führer n’est pas à l’abri de tout risque.

Il est très peu connu, ce train que le Führer a utilisé lors de ses déplacements. Il est connu, en tout cas, pour avoir transporté le Chancelier du Reich et une grande partie des dignitaires du régime jusqu’à Montoire-sur-le-Loir, une paisible bourgade en France, pour s’arrêter dans une modeste gare qui n’a plus vu de trains de voyageurs depuis 1937 et qui, pour la circonstance, a été entièrement fouillée, nettoyée, tandis que les cheminots sont enfermés chez eux et qu’une abondante troupe allemande a bouclé le village et les environs, interdisant aux habitants de sortir de chez eux et de garder leurs volets fermés. Que vient faire Hitler à Montoire ? Rencontrer le Maréchal Pétain et lui dicter au Maréchal les conditions de la collaboration.

Dans la gare de Montoire, deux trains arriveront et stationneront dès le 22 octobre : le « Heinrich » qui a transporté, depuis Berlin, Von Ribbentrop et l’interprète de Hitler, et qui arrive à 18 h 34 exactement, puis le « Amerika » (plus tard devenu “Erika” : on comprend que le Führer n’aime plus l’Amérique !) qui a transporté Hitler et sa suite, et qui arrive à 18 h 54. Hitler reste dans son train et sa voiture personnelle servira pour une première entrevue entre son ministre des Affaires étrangères, Otto Abetz et le Français Pierre Laval, vice-président du Conseil d’État. Une fois l’entrevue terminée, Pierre Laval transmet au Maréchal Pétain l’invitation qui lui est faite de rencontrer Hitler. Les deux trains quittent la gare le 23 octobre. L’ « Amerika » transporte Hitler jusqu’à Hendaye pour une rencontre avec Franco, mais, arrivé en retard, le dictateur espagnol ne concèdera à son « collègue » allemand que des signes apparents d’amitié, mais n’ira pas plus loin et, en tout cas, jamais n’entrera en guerre à ses côtés malgré une adhésion au « Pacte Tripartite ». Hitler a compris et n’insiste pas et dès le 24, c’est le retour de l’ « Amerika » en gare de Montoire.

Hitler est toujours à bord et attend. Le Maréchal Pétain arrive, par la route, de Vichy, sa voiture étant précédée de motards. Il franchit la ligne de démarcation à Moulins, où les soldats allemands lui rendent les honneurs, et, pour la première fois depuis l’armistice de 1940, le Maréchal visite la zone occupée. Il monte à bord du train « Amerika », poliment aidé par le Führer, et écoute, distant, fatigué et muet, ce que Hitler a à lui dire. À la nuit tombante, la séance est levée et le lendemain l’ « Amerika » repart pour l’Allemagne avec le Führer à bord. Le train et son précieux contenu ont passé la nuit dans le tunnel de Saint-Rémy, près de Montoire, pour échapper à un bombardement toujours possible: ce qui, d’ailleurs, prouve que le train n’offrait aucune protection spéciale et n’était pas blindé. Les deux entrées du tunnel ont été gardées par des troupes d’élite armées jusqu’aux dents.

Le train servira de nouveau quand Hitler, alors en Belgique, apprend que Mussolini va attaquer la Grèce. Une rencontre se fera à Florence, mais au Palazzo Vecchio et non dans le train. L’  « Amerika », ensuite, n’aura plus l’occasion de servir, la guerre rendant de moins en moins sûrs les déplacements du Führer.

Ce train était composé d’une dizaine de voitures et de fourgons tout à fait courants, et Hitler occupait une voiture-salon en position centrale. Le train était à la fois tiré et poussé par deux locomotives, une en tête et l’autre en queue, ce qui permettait, en cas déraillement de la locomotive de tête sur une voie sabotée ou par explosion d’une mine, de repartir immédiatement en sens inverse en emmenant la partie non déraillée du train, c’est-à-dire la partie arrière du train, la voiture salon centrale, et, éventuellement, ce qui pouvait rouler de la partie avant.

Des plans ont été publiés par des revues spécialisées dans les trains blindés, et, tout spécialement nous recommandons le site: https://www.passionmilitaria.com/t39323-amerika-le-train-de-hitler pour ses très nombreuses photographies tant de l’extérieur que de l’intérieur du train. Le thème a aussi, souvent, fait l’objet de documentaires pour les chaînes de télévision, et l’auteur de ce site-web a participé à l’une d’elles.

D’après d’autres sources, il aurait existé une voiture blindée spécialement conçue pour Hitler, sur bogies, longue de 26 mètres comportant à chaque extrémité un poste de tir avec des canons DCA, un grand compartiment central pour le Führer, et, de part et d’autre, deux compartiments classiques à banquettes en vis-à-vis, et deux compartiments de service dont on pouvait supposer que l’un était des toilettes et peut-être l’autre une cuisine.

Il n’est pas certain que cette voiture blindée ait été construite, et le train “Erika” avait, à chaque extrémité, un wagon court de type ouvert et à postes de tir partiellement blindés, équipés d’artillerie DCA et offrant des compartiments centraux pour les soldats. De toutes manières il est certain que, à part ces deux wagons d’extrémité, le train spécial de Hitler n’était pas blindé pour la bonne raison qu’il avait des bogies et un nombre de roues tout à fait normal sous chaque voiture, soit deux bogies à deux essieux par voiture. Un char d’assaut blindé, comme le Patton M47 par exemple, pèse 46 tonnes et mesure 8,51 m en longueur, son blindage étant de 101 mm. Une voiture voyageurs allemande type grandes lignes d’époque a une longueur de 22 m environ, elle est donc environ trois fois plus longue que le char et pèserait donc, si elle était soigneusement blindée, presque 140 tonnes approximativement au lieu d’une quarantaine de tonnes normalement. La norme du poids par essieu étant de l’ordre d’une vingtaine de tonnes maximum en Europe et pour les lignes les mieux armées, cette voiture blindée aurait dû rouler sur approximativement huit essieux, soit deux bogies à quatre essieux, ce qui est le cas des très lourds canons type ALVF (Artillerie Lourde sur Voie Ferrée) de l’époque, mais nullement le cas du train de Hitler qui est composé de voitures classiques, sur deux bogies à deux essieux. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ces voitures du train de Hitler perdront leur aménagement intérieur spécial, et, désormais courantes et anonymes, elles entreront dans la composition des trains de voyageurs du réseau allemand. Notons enfin que l’ouvrage très complet de Paul Malmassari “Les trains blindés -1826-1989” (paru en 1989 aux éditions Heimdal) ne mentionne nullement l’ “Amerika/Erika” parmi la centaine de trains blindés allemands ayant existé.

Il est à noter, puisque nous sommes dans l’ « environnement » hitlérien, que Goering était un grand amateur de chemins de fer et avait très grand un réseau de trains miniatures en « HO » de la marque allemande Trix (et non  Märklin comme souvent dit).

La liste de quelques personnalités de marque ayant marqué leur époque avec un voyage en train spécial:

Léopold II roi des Belges (1835)

Marie-Amélie, femme de Louis-Philippe et reine de France (1837)

La reine Victoria (1855)

Napoléon III (1855)

Alexandre II de Russie (1857)

Le pape Pie IX (1862)

Louis II de Bavière (1865)

Abraham Lincoln (1865)

L’impératrice Sissi (1873),

Félix Faure (1896)

Jules Grévy (1879)

Le roi Edouard VII (1903)

Albert Ier roi des Belges (1910)

Lénine (1917)

Le maréchal Foch (1918)

Paul Deschanel (1920)

Hiro-Hito, empereur du Japon (1921)

Franklin D. Roosevelt (1933)

Le roi Victor-Emmanuel d’Italie (1936)

Adolf Hitler (1940), Benito Mussolini (1940)

e maréchal Pétain (1940)

e général de Gaulle (1960)

Nikita Khrouchtchev (1960)

Jimmy Carter (1978)

Valéry Giscard d’Estaing (1978)

François Mitterrand (1981).


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