Quand Paris avait, vraiment, beaucoup de tramways.

Tout le monde est content du grand retour du tramway en France. Les tramways de Paris ont été aimés, supprimés, puis aimés de nouveau. Toujours l’amour varie… mais l’aventure de la destruction du réseau de tramways parisien et régional aura, comme tous les drames sentimentaux, coûté très cher. En province, il en fut de même et nous reviendrons sur le tout aussi passionnant sujet qu’est l’histoire générale des tramways des villes de France. Dans ce triste bilan de la mort des tramways français entre les deux guerres et jusque durant les années 1950, Paris ne fait pas exception. La seule différence est l’ampleur du massacre, puisque, à Paris, plus de mille kilomètres de voies de tramway ont été arrachées de la chaussée des rues, l’agonie prenant fin en 1939. Le talentueux Louis Renault, qui a raison de vouloir faire tourner ses usines, peut désormais vendre pas moins de 3000 autobus pendant les années 1930, dont les fameux TN si populaires qui enterreront avec élégance les tramways parisiens.

Le tramway parisien est une vieille et respectable affaire. L’ampleur du réseau était telle que sa destruction demanda des efforts immenses. Disparu complètement avant la Seconde Guerre mondiale, le réseau parisien renaît d’abord timidement en banlieue pendant les années 1990, puis fait son grand retour à Paris en 2005, avec des tramways très modernes et performants. Mais le charme du matériel roulant et la densité de l’offre du XIXe siècle n’y sont plus.

La gare Montparnasse vue vers 1910: les tramways sont encore très nombreux devant les gares parisiennes.

En Amérique, c’est toujours mieux… déjà à l’époque.

D’une manière générale, aussi surprenant que cela puisse paraître, le tramway a même précédé le chemin de fer dans beaucoup de pays, de villes, et les premières lignes de tramways, à traction animale, sont installées aux États-Unis dans des villes importantes comme New York en 1832, ou La Nouvelle-Orléans en 1834. En Europe, les tramways font plutôt leurs débuts plutôt à la campagne sous la forme modeste et peu efficace de ces innombrables chemins de fer départementaux qui traversent à l’occasion les villes par les rues, ce qui leur donne le nom de tramways, mais ces trains ont pour but essentiel de desservir toute une région agricole au profit de la ville. Pour la France, une première ligne de 14 km implantée en accotement de route, toujours à traction chevaline, est ouverte en 1838 entre Montrond et Montbrison, alors préfecture de la Loire, et elle est considérée comme le premier tramway de France. Cette ligne ne fonctionne, tant bien que mal, que pendant une dizaine d’années.

La première ligne de tramways urbains à voie encastrée dans la chaussée, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est installée en 1855 entre Paris et Boulogne-Billancourt par un certain Loubat (voir notre article précédent consacré au Grand Paris), un ingénieur français qui revient de New York, où il a construit en 1853, pour la première fois semble-t-il, une ligne de tramways de ce type. On donnera, d’ailleurs, le nom de « chemin de fer américain » à ce tramway et aux réalisations ultérieures pendant plusieurs années, avant que le vocable anglophone de tramway ne l’emporte.

Les tramways à chevaux se développent dans les grandes villes européennes au cours de la période 1860-1880, mais la présence bruyante et malodorante de chevaux est peu appréciée. Les édiles municipaux se montrent très accueillants pour tous les inventeurs proposant diverses solutions concernant la traction mécanique, soit par câble avec les cable-cars dès 1873 à San Francisco, soit par des locomotives à vapeur en 1875 à Paris et dans d’autres grandes capitales.

Paris ne sera jamais la capitale du tramway et, si elle a souvent investi dans ce mode de transport dans l’urgence des veilles d’ouverture des Expositions universelles, elle n’a pas marqué une volonté de développement continuel aussi forte que beaucoup d’autres capitales étrangères, ce qui fera de la Ville-Lumière plutôt une ville qui veut rester à l’ombre des autres, tout au moins sur ce plan. 

Les premiers tramways de Paris.

Si la première compagnie de tramways purement parisienne est officiellement créée en 1874 à Paris, très vite, chaque année pratiquement et jusqu’en 1910, de nouvelles compagnies apparaissent et fusionnent pour donner un réseau dense. Vers 1880, les compagnies de tramways parisiens se rendent bien compte que la traction animale est insuffisante avec ses performances médiocres, la fatigue des chevaux, les charmes du crottin sur la chaussée (toujours apprécié des concierges comme engrais pour les fleurs de la loge), et surtout son coût élevé en frais d’achat des chevaux et en frais de nourriture. Car un cheval, contrairement à un moteur quel qu’il soit, consomme même quand il ne fonctionne pas ! C’est pourquoi les compagnies de tramways parisiennes essaient d’autres solutions. Les revues techniques de l’époque suivent de très près ces expériences et y consacrent de nombreux articles : le tramway est bien devenu un objet de curiosité scientifique et technique.

Le fameux omnibus “Madeleine-Bastille”, avec ses minuscules voitures sans plateforme et à marches d’accès très malcommodes, fait partie d’un parc d’environ 500 voitures vers 1870, mais sera supplanté par le tramway qui est plus spacieux et surtout plus confortable, roulant en douceur sur des rails.
Vers 1890, le tramway à chevaux de la CGO domine la situation, mais le cheval n’est pas apprécié du fait de ses odeurs et de ses caprices. Le nez délicat des Parisiens se fera-t-il à la vapeur, son odeur de charbon, et ses fumées ?

La traction vapeur est au point, ayant fait ses preuves depuis bientôt un siècle sur le réseau des chemins de fer. Les constructeurs fournissent des petites locomotives à deux essieux, entièrement carrossées sur leur pourtour et avec un poste de conduite à l’avant, et capable de remorquer facilement une ou deux voitures à impériale, même surchargées de voyageurs. On fait aussi circuler de petites locomotives à vapeur sans foyer, système Francq, essayées sur plusieurs autres réseaux urbains français quelques années plus tard, Mais la présence d’un mécanicien plus un chauffeur entraîne un surcoût en frais de conduite, et les fumées, la crasse, le bruit, plus quelques explosions de chaudière en plein Paris viennent vite à bout du peu de crédit dont bénéficiaient ces tramways à vapeur dans l’opinion publique. Ils disparaissent complètement vers 1910-1912.

Motrice à vapeur Harding remorquant une voiture de tramway : l’ensemble reste peu efficace, gourmand en combustible, prodigue en fumées et en bruit. La foule, attirée par la curiosité, ne constituera pas une clientèle durable.
La motrice à vapeur type Rowan, vue en 1889, devant le Louvre. Un peu plus efficace que les tramways Harding, avec son “tracteur” facilement interchangeable, le tramway Rowan aura un succès un peu plus durable.

L’ingénieur Mékarski se fait le champion de la traction par air comprimé en 1894 après une brillante inauguration à 1879 à Nantes : le tramway qu’il propose comporte un moteur proche, mécaniquement, du moteur à vapeur, mais il est alimenté par de l’air comprimé dans des réservoirs. Propreté, silence et absence de danger sont au rendez-vous. La Compagnie Générale des Omnibus se laisse convaincre pour sept de ses lignes, mais le système ne dure guère : il est trop cher avec ses stations de rechargement aux terminus et la fragilité des moteurs. Il est abandonné durant la Première Guerre mondiale.

Motrice Mékarski à air comprimé, vue en 1897, à l’Étoile. Demandant une installation de fourniture d’air comprimé à chaque extrémité d’une courte ligne (vu le peu d’autonomie), silencieux, propre, le système parvient à durer une bonne décennie avant que la traction électrique ne l’allume en beauté… Pourtant, c’était assez bien conçu et intéressant : gageons qu’aujourd’hui un tel système ne serait pas rejeté a priori pour des lignes courtes.
Motrice Heilmann en 1897 : la batterie existe déjà… La batterie commence sa longue, très longue, carrière à coups d’expériences déçues, de manque de puissance, de manque d’autonomie, et de poids prohibitif, toutes ces “qualités” auxquelles s’ajoutent, aujourd’hui et tout compte fait, le coût, la pollution à la fabrication et au recyclage. Mais il y a de nombreux édiles et journalistes “éclairés” (à la batterie ?) qui y croient encore.

Les chevaux disparaissent.

C’est en 1887 que le règne du cheval commence à décliner au profit de la traction électrique et c’est en 1912 que le dernier tramway à chevaux circule. À l’époque, des centaines et des centaines de chevaux sont logés dans de vastes écuries en plein Paris, certaines écuries étant de véritables immeubles, pour ne pas dire des HLM, avec des étages ! On hisse les chevaux jusque dans les étages avec un système de levage par palans et poulies, l’animal étant placé dans une toile forte, percée de quatre trous pour les pattes, et qui le soutient par le ventre, les pattes pendant librement.

La Compagnie des Tramways de Paris et du Département de la Seine (TPDS) se lance d’abord dans la traction par accumulateurs, puis par alimentation aérienne ou en caniveau. D’autres essaient l’air comprimé ou la vapeur, mais sans grand succès. Toutes ces innovations, parfois hasardeuses, ont pour effet visible de diminuer le nombre de chevaux circulant à Paris. Les compagnies seront toutes converties à la traction électrique à la veille de la Première Guerre mondiale, que ce soit la Compagnie Générale Parisienne de Tramways (CGPT), la Compagnie Générale des Omnibus (CGO), la Compagnie de l’Est Parisien (EP), etc. C’est donc bien à cette époque qu’il n’y a plus aucun cheval remorquant des tramways dans Paris.

Un capitalisme dévoyé, comme il se doit…

Cette dite “Belle époque” est belle, surtout pour la privatisation et la concurrence, avec tous les coups bas permis. Un tramway doit rapporter, donc rafler le plus grand nombre de voyageurs possible avant l’arrivée d’un tramway d’une compagnie concurrente. Un cocher de tramway peut à tout moment doubler un concurrent plus lent et qui bouche la voie devant lui pour arriver le premier dans la station suivante. Comment faire ? Facile, si l’on a le goût du risque : ils roulent sur la chaussée en dehors des rails !

Le “dévoyage” (terme exact) des tramways est une chose techniquement possible, car chaque essieu des tramways de la CGO est équipé d’une seule roue à boudin de guidage, l’autre roue étant plate. Les voies sont donc un seul rail à gorge, l’autre rail étant une simple bande plate. L’essieu avant est pivotant, et est simplement immobilisé en position droite par une cheville que le cocher peut retirer – en se penchant assez acrobatiquement, il faut le dire.

Pour doubler un collègue plus lent, il suffit de retirer la cheville, et de faire aller les chevaux sur la gauche pour dégager le tramway de la voie. Le tramway roule sans doute avec forces secousses sur la chaussée pavée, mais peut doubler le rival et retourner sur la voie devant lui et, surtout, rafler la mise en prenant tous les voyageurs qui attendent à la station suivante ! 

Inutile de dire qu’il y avait souvent des explications musclées entre cochers lorsque le doublé rattrapait le doubleur dans la station. Bien entendu, la traction électrique met fin à cette pratique, interdisant, pour de simples raisons techniques du retour du courant par les rails, de rouler à côté des rails. Au moins, sur ce plan, la traction hippomobile avait du bon…

Tramway à cheval en train de “virer” sur une plaque tournante en “bout de ligne”, vu vers 1890.

Trois écoles de pensée dans la science du tramway.

À la fin des années 1870, le tramway est installé et reconnu à Paris. Trois conceptions différentes sont en compétition.

La conception de la Compagnie Générale des Omnibus (CGO) est celle d’une voiture lourde dérivée de l’omnibus à chevaux dont la plateforme arrière dotée d’un escalier permettant l’accès à l’impériale. Le cocher est assis à l’avant, en position surélevée pour dominer la situation et voir par-dessus les chevaux. Cette formule se répand à Paris, ou à Londres (l’escalier est inversé pour cause de circulation à gauche). Mais la voiture est unidirectionnelle et doit donc être tournée en fin de ligne, sur une boucle, un triangle ou une plaque.

La conception des tramways du Nord, compagnie montée par le Belge Simon Philippart, est un tramway à l’américaine, bidirectionnel, avec deux plateformes alternativement réservées au conducteur ou à l’accès du public. Deux escaliers desservent l’impériale.

La conception des tramways du Sud, compagnie créée par l’anglais Harding, reprend la caisse type omnibus avec plate-forme arrière unique, mais la caisse peut, au terminus de la ligne, pivoter sur le châssis pour être orientée en sens inverse. À noter aussi que Harding lance la traction vapeur avec de petites locomotives Merryweather à deux essieux et entièrement carrossées. Elles sont mises en service sur la ligne Montparnasse – Place Valhubert en 1876, mais seront assez rapidement évacuées à Rouen, les Parisiens ne goûtant guère les fumées qui obscurcissent les belles façades haussmanniennes.

La mode du tramway électrique est lancée à Paris, mais profite à d’autres pays.

Bien avant le « grand » chemin de fer, le tramway est électrique. Il faut dire que les ingénieurs des grands réseaux de chemin de fer de la Belle époque se méfient de cette technique qu’ils considèrent comme un jouet de laboratoire, juste bon à faire tinter des sonnettes, et qui peut, tout au plus, être utilisée comme moyen de traction dans des « domaines spéciaux » comme les courtes lignes de montagne ou de prolongement de parcours de grandes en tunnel au cœur des grandes villes, ou comme les lignes urbaines comme celles des métros et des tramways.

Les Allemands sont les pionniers du genre. Après un prototype d’essai datant de 1879, le premier tramway électrique exploité commercialement est mis en service à Lichterfelde, près de Berlin, le 16 mai 1881 par l’entreprise Siemens et Halske. Il comporte de petites voitures, à moteur unique et transmission par courroies, avec alimentation à basse tension par les deux rails isolés.

Au cours de l’été 1881, à l’occasion d’une Exposition de l’Électricité de Paris, la firme Siemens présente, place de la Concorde, un tramway à prise de courant par « navettes » coulissant dans deux tubes fendus tirées par un filin accroché au toit du véhicule. Ce début parisien fait sensation en Europe et Siemens a choisi, avec discernement et astuce, Paris comme lieu de présentation. Dans les années qui suivent, différentes lignes ayant encore un caractère expérimental sont ouvertes au service commercial en Europe et en Amérique du Nord. Le 2 février 1888, Frank J. Sprague met en service à Richmond (Virginie), sur une ligne au profil très dur, un tramway électrique qui comporte divers perfectionnements d’avenir comme une prise de courant par perche à roulette sur fil aérien, des moteurs suspendus par le nez et le freinage rhéostatique. Son succès est à l’origine du rapide essor du tramway électrique aux États-Unis d’abord qui compte plus de 800 réseaux, dont de nombreux « Interurbains », à la fin du XIXe s. Plus que de l’Allemagne, c’est bien des États-Unis que nous vient le tramway électrique par un effet de retour.

Les essais du tramway électrique Siemens sur la place de la Concorde, en 1872. La date est très précoce, et ne sera pas suivie d’un effet immédiat. Il faudra attendre la fin du siècle pour voir l’installation des premiers réseaux électriques à Paris et en France.

Paris enfin se décide pour le tramway électrique.

Le premier tramway électrique français circule à Clermont-Ferrand le 7 janvier 1890. Après divers essais de tramways à accumulateurs, le tramway électrique à alimentation mixte par perche sur un fil aérien (en banlieue) et par accumulateurs (intra-muros) apparaît à Paris en 1898, exemple suivi par une quarantaine de villes françaises qui ont, à la veille de la Première Guerre mondiale, un réseau de tramways électriques.

Le système d’alimentation par fil aérien et perche est d’abord refusé à Paris pour des questions esthétiques. Mais comme Versailles a électrifié son réseau ainsi en 1896, Paris suit le mouvement à partir de 1897, abandonnant le système à caniveau dans la chaussée.

Mais – car il y a un « mais » – le tramway, c’est malheureusement le fil aérien au niveau du premier étage des façades. Ce fil rend furieux l’électeur municipal pour deux raisons : la laideur de la toile d’araignée tendue d’une façade à une autre, d’une part, et, d’autre part, les perches qui se décrochent et vont fracasser les vitres des salons bourgeois quand elles quittent inopinément le fil aérien d’alimentation et bondissent librement où bon leur semble. Les maires de Paris ont vite compris que leur carrière ne tient qu’à un fil… Alors les bulletins municipaux vont, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, se remplir de communiqués de guerre annonçant la victoire définitive sur le fil aérien, l’ennemi naturel et endémique du tramway.

La guerre du fil aura bien lieu.

Il semble bien que ce soit à Clermont-Ferrand que toute cette longue guerre anti-fil commence avec l’installation d’une ligne de tramways à traction électrique, mise en service le 27 janvier 1890. Le tramway marche très bien et ne posera jamais de problème technique, mais, en contrepartie, il en posera sur le plan esthétique, et les Parisiens, avec un sens du chic et de la distinction que les Auvergnats auront sans doute à apprendre, et faisant pour leur compte le « retour d’expérience » de Clermont-Ferrand, refusent désormais et a priori tout projet de ligne de tramway doté d’une installation aérienne de quelque nature que ce soit. Les vulgaires de la banlieue auront donc certes des tramways à fil aérien, mais dès le franchissement des portes de Paris, le mot d’ordre est « bas les perches » ! Et, venant de la banlieue, les tramways sont condamnés à circuler à Paris la perche basse et le profil bas aussi.

Motrices électriques parisiennes du début du XXe siècle : la perche, donc le fil aérien, a conquis les toits des tramways, mais non le cœur des Parisiens qui détestent que leurs belles façades haussmanniennes soient défigurées.
Motrice type Pantin, 1901. Noter les bogies asymétriques dits “à traction maximale” permettant de placer le poids adhérent sur l’essieu moteur, l’autre ne servant qu’à l’orientation en courbe.
Un modeste exemple de la complexité induite par la guerre du fil à Paris : la ligne ET (Enghien-Trinité) compte pas moins de quatre systèmes d’alimentation selon les humeurs des municipalités. À Paris, c’est le système Diatto à plots, donc sans fil.

C’est le cas pour les lignes St-Denis–Opéra et S-Denis–Madeleine électrifiées en 1892. Mais, comme le Bordeaux d’aujourd’hui, le Paris d’il y a un siècle n’en veut pas, de ce fil aérien. La batterie, donc, sera le premier grand vainqueur du fil aérien, mais ce système fait payer chèrement sa victoire.

La batterie, mais pas seulement pour faire de la musique.

Essayé sur de nombreuses lignes parisiennes comme les lignes TF, TC, ou encore Saint-Denis–Opéra, Saint-Denis–Saint-Ouen, le système demande à une extrémité de la ligne l’installation d’une usine de charge lente des batteries. Celles-ci, lentes certes à la charge, sont très rapides… à la décharge, et le malheureux « wattman » qui conduit le tramway pouvait être surpris en pleine ligne, notamment sur les rampes du boulevard Voltaire (ligne TF) ou de l’avenue de St-Mandé (TC), ce qui entraîne une demande orale de secours adressée au conducteur du tramway suivant sous la forme d’une pousse à vitesse très modérée, faute de quoi on avait rapidement deux tramways en « rade » au lieu d’un… D’autres conducteurs, plus décidés à en finir, gagnaient directement le dépôt avec ce qui restait de la batterie après un temps d’attente et de récupération, emportant les voyageurs, brûlant tous les arrêts, et finissant la course au dépôt même, occasionnant une course plus longue que voulue pour les voyageurs qui s’en tiraient quand même à bon compte dans la mesure où la compagnie ne leur comptait pas le supplément de parcours !

Motrice à batteries, type Heilmann, 1900. Le rapprochement des essieux créant un empattement réduit et une instabilité permanente en cours de route s’explique par le faible diamètre des plaques tournantes des extrémités des lignes.
Batterie ou fil aérien, le tramway électrique reste d’une conception très simple et robuste, fiable et endurant : le moteur est “suspendu par le nez” (terme technique exact) et n’a donc aucune transmission avec joints de cardan ou articulation flexible : un simple engrenage direct suffit et le débattement du moteur, limité, est restreint, mais garantit une solidité à toute épreuve.
Motrice type C à grand empattement et essieux radiants grâce à un petit essieu d’appoint directeur, système dit “à traction maximale”. Les grandes roues portent 70 % du poids de la motrice. La grande plateforme centrale est une commodité de plus offerte par ce modèle des Tramways TPDS.

L’autre problème posé par les batteries est leur poids considérable et leur encombrement. Pesant en totalité jusqu’à 4 ou même 5 tonnes, pour une motrice qui en pesait entre 10 et 15 environ selon les séries, occupant tout l’espace disponible sous les banquettes latérales, entre les longerons du châssis ou sous le plancher, ces encombrantes batteries ajoutaient au charme de leur poids et de leur volume des vapeurs acides et très incommodantes, notamment en été.

Les batteries de la motrice N°586 de la CGO sont un exemple éloquent, avec leurs… cinq tonnes !. Cette belle motrice à deux niveaux est présente à l’annexe de Vincennes de l’Exposition universelle de 1900. Reposant sur deux essieux radiants éloignés au maximum, le châssis offre une place maximale pour loger les batteries actionnant les deux moteurs de 40 ch sous 500 volts. Les batteries ont 200 éléments d’une capacité de 75 ampères/heure pour une décharge de 90 minutes. La largeur de l’ensemble est de 1,80 m, la longueur est de 2,50 m, et la hauteur est de 0,50 m. Le poids des batteries est de 5 tonnes, soit le tiers du poids à vide de la voiture qui pèse 15 tonnes, et qui peut transporter 52 voyageurs dont 28 sur l’impériale.

Les plots achèvent bien les chevaux.

La guerre du fil se poursuit et amène une aventure, celle des plots : le système Diatto. Tous les cinq mètres on insère entre les pavés de la chaussée une boite de contact, dit  « pavé Diatto ». Un câble électrique souterrain relie entre eux tous les pavés Diatto de la ligne à une centrale électrique située à une extrémité de la ligne. Les motrices sont munies de barres en forme de skis frottant sur têtes apparentes des pavés Diatto les unes après les autres au fur et à mesure de l’avancement sur la ligne. Ces barres de prise de courant sont équipées d’électroaimants.

En état normal, le courant électrique est coupé dans les « pavés Diatto ». Quand une motrice passe sur un pavé, les électroaimants de la barre de prise de courant attirent alors vers le haut un clou (sic) coulissant, en fer, logé à l’intérieur du pavé et dont la partie inférieure trempe dans un godet rempli de mercure. Le godet rempli de mercure, lui, est sous tension grâce au câble électrique souterrain. Venant coller sous la partie supérieure du pavé, le clou le met alors sous tension. Une fois la motrice passée, le clou retombe et la partie supérieure du pavé Diatto n’est plus sous tension. Chaque barre d’alimentation des motrices est assez longue pour reposer simultanément sur deux pavés Diatto.

Le système a plus ou moins bien fonctionné, et la nuit, on voyait de belles gerbes d’étincelles jaillir du dessous des motrices, sans doute créant l’ancêtre du spectacle pyrotechnique :  il y avait des ratés de mise sous tension, ou, pis encore, de mise hors tension (voir l’encadré ci-contre), ce dernier cas créant de graves dangers pour les piétons et les animaux alors nombreux dans les rues. Ces ratés provenaient du collage des clous mobiles par le fait de l’humidité ou de l’accumulation des eaux de pluie et des boues : les pavés Diatto restaient ainsi sous tension, et malheur au piéton ou au cheval qui s’aventurait sur la chaussée ! À Paris, les cochers des fiacres prennent l’habitude de mener les chevaux en fin de carrière sur les pavés Diatto pour les achever par électrocution, afin de faire ensuite un procès à la compagnie des tramways, et ainsi gagner sur deux tableaux : se débarrasser d’un cheval à bout de souffle et avoir de quoi en acheter un tout neuf sans bourse délier.

La carte des lignes équipées en plots Diatto, en 1900.
Les plots Diatto.

Parfait, donc, le caniveau ?

Bien sûr que non. Sans doute le meilleur système sans fil aérien, il comportait un inconvénient, celui de loger avec générosité les eaux de pluie, les boues, les rats, les détritus, les pièces de monnaie, les mégots, les vieux papiers, et tout ce qui peut encombrer une chaussée urbaine… Il fallait se livrer à de fréquentes séances de curetage de la fosse, et quand cela se compliquait, il fallait faire des travaux d’ouverture par le haut de celle-ci, ce qui interrompait durablement le service.  Mais, surtout, le système à caniveau coûtait entre 4 et 5 fois plus cher que le fil aérien à l’installation.

Coupe didactique du système à caniveau, ici à caniveau central. En rouge, le rail conducteur sous tension, enterré dans le sol, sous la fente du caniveau. Musée des Transports Urbains de Chelles.

Le réseau parisien à la fin du XIXe siècle : âge d’or, mais biodiversité. 


La ville de Paris et sa banlieue sont desservies par neuf compagnies indépendantes les unes des autres, agissant sans plan d’ensemble ni la moindre perception d’un intérêt collectif. Est-il utile de préciser que personne n’avait songé à un système de type « Carte orange » permettant de voyager indifféremment d’une ligne à une autre. Chaque exploitant a ses tarifs, sa billetterie, ses pratiques ?

L’interpénétration des modes de traction est inextricable entre les chevaux, la vapeur et l’électricité sous ses différentes formes. Les quatre grandes compagnies que sont la CGO (Compagnie Générale des Omnibus), les TPDS (Tramways de Paris et du Département de la Seine), la CGPT (Compagnie Générale Parisienne de tramways) et l’EP (Compagnie des tramways de l’Est parisien, fraîchement créée en 1900) n’ont toujours pas la permission de tendre des fils aériens dans les rues et combinent tous les modes possibles y compris sur une même ligne.

C’est ainsi que la CGO exploite 40 lignes d’omnibus et 38 lignes de tramway, tous modes confondus, aussi bien par chevaux que de façon mécanique, La longue ligne partant du cours de Vincennes et aboutissant à la place Saint-Augustin utilise des voitures à air comprimé Mékarski avec impériale, tandis que la traction à vapeur règne sur l’importante ligne reliant la Porte d’Ivry aux Halles, et que la ligne de Vincennes au Louvre est parcourue par des motrices à accumulateurs. Les TPDS ont pu réaliser une électrification totale de leur réseau en recourant aux accumulateurs dont on a pu évoquer les performances peu satisfaisantes. La CGPT, fidèle à la traction animale, électrifie cependant sa ligne Bastille-Charenton.

Un exemple de la densité du réseau de tramways parisien : vers 1900, la place de la République est transformée en gare nœud ferroviaire ! Des voies en tous sens dignes de la gare du Laroche-Migennes ou de Longueau…

En banlieue, l’air comprimé régnait encore sur les lignes des Chemins de fer Nogentais et des Tramways de Saint-Maur. À l’ouest de Paris, le fameux PSG confie son destin à la vapeur, tandis qu’à l’est, le tramway de Romainville fait toujours des étincelles sur ses plots.

Les cartes du transport parisien, bien distribuées entre ces compagnies, comportent en fait peu d’atouts. Une fois les lumières de l’Exposition universelle de 1900 éteintes, le principe de réalité triomphe du principe de plaisir. Beaucoup de lignes sont construites dans la seule visée d’un profit rapide lié au grand nombre de visiteurs attendus, ce qui est un objectif parfois déçu pendant l’exposition même. En tout cas, la plupart se retrouvent rapidement en faillite une fois la manifestation terminée. La compagnie du Vanves – Champ-de-Mars, par exemple, dépose son bilan un an et demi plus tard.

Vers 1910, la quinzaine de compagnies parisiennes n’a d’autre choix que de tenir des comptes très serrés, et à de songer à fusionner ou de pratiquer la fuite en avant par augmentation des tarifs. Les TPDS reprennent les réseaux du Nord parisien (Trinité – Enghien), des Tramways mécaniques des environs de Paris (Neuilly, Maisons-Laffitte, etc.) et du Paris – Saint-Germain. Mais la modernisation des lignes des TPDS de la CGO n’est pas entreprise avant l’expiration, en 1910, des concessions. Celles-ci reconduites, de grands chantiers s’ouvrent entre 1911 et 1914. Le trafic l’exigeait, qui était passé de 250 millions d’usagers par an en 1890, à près de 550 millions en 1910. Mais l’état du réseau est déjà très médiocre et usé : n’est-ce pas trop tard ?

Le réseau en 1884. La banlieue est déjà amplement desservie, à une époque où le métro et l’autobus n’existent pas encore: tout repose sur le tramway et l’omnibus à chevaux.
L’âge d’or du tramway parisien, en 1901 : ici, il s’agit du réseau de la banlieue qui est bien desservie. Le métro commence la construction de son réseau avec la ligne N°1.
Le réseau, bien dense, des tramways parisiens en 1923 : le métro est venu apporter son aide, mais, malheureusement, l’autobus commence son travail de remplacement.
En 1925, un très intéressant projet de tramways express, en site propre, desservant rapidement la proche banlieue à partir des portes de Paris préfigure le RER et le Grand Paris Express, mais malheureusement, cela ne restera qu’un projet. Le temps des tramways est passé de mode, et les tramways ne méritent plus du tout de faire l’objet d’un projet autre que la démolition la plus immédiate possible.

L’époque des grands dépôts dans Paris.

D’importantes infrastructures liées aux tramways sont construites à Paris et dans sa banlieue : le tramway fait naître, autour de son remisage et de son entretien, une véritable industrie qui occupe des centaines de personnes et occupe aussi… de grands terrains qui seront convoités par les promoteurs immobiliers de l’entre deux guerres, ce qui contribuera aussi à hâter la fin du réseau des tramways, dépecé dépôt par dépôt.

Aux Lilas, par exemple, le dépôt de la Compagnie des tramways de l’Est parisien occupe 34 655 m² dans de vastes bâtiments de 220 m de long. Les remises et les ateliers sont perpendiculaires aux voies de la rue et desservis par 50 voies comprenant de nombreux appareils de voie. Développées sur 3 000 m, elles sont toutes munies de fosses de visite profondes de 1,45 m. Le nombre de voitures garées est de 260, dont plus de la moitié peut sortir tous les matins.

Chaque voie est équipée d’un fil aérien, ce qui n’allait pas sans poser de problème : la faible hauteur disponible sous la charpente couchant les perches des motrices jusqu’à les décrocher du fil pour les laisser aller se prendre dans la charpente. Des grues sur des supports en treillis, fixées en hauteur, permettent les levages des induits, des moteurs ou des petites pièces. Des fours assèchent le sable chargé dans les sablières des motrices.

Des bureaux, réfectoires et autres locaux complètent l’ensemble. Entre autres tâches administratives, on y “fait la recette”, c’est-à-dire que les receveurs y vident leur sacoche pour établir les comptes du jour.

Les grands ateliers de la CGO, situés dans la rue Championnet.
Le dépôt de la porte des Lilas, un des plus grands de Paris.

Le début de la fin : dès 1906.

Mais à partir de 1906, un redoutable concurrent pointe son nez et signe l’arrêt de mort du tramway : l’omnibus automobile, plus tard connu sous le nom d’autobus, et dont la grande rapidité séduit le public. La Première Guerre mondiale met à mal le réseau parisien qui ne sera pas reconstruit, ni modernisé : le réseau atteint, en 1914, plus de 920 km de lignes, mais son extension est arrêtée. Pis encore : on le laisse s’user de plus en plus, sans l’entretenir, sans l’équiper en matériel neuf après la mise en service des motrices « G » et « L » des premières années 1920, et le 15 mars 1937, au grand soulagement de tous, municipalité et citoyens, le dernier tramway parisien circule sur les lignes 123/124 Porte-de-St-Cloud – Porte de Vincennes. Place à l’automobile, au progrès, à la liberté… en attendant le retour du tramway à Paris au siècle et dans le millénaire suivant, le progrès et la liberté automobiles en question étant bien illusoires.

Les chevaux circulent pour la dernière fois le 20 avril 1912 sur la ligne Pantin-Opéra. Les tramways à vapeur circulent pour la dernière fois le 13 juin 1914 sur la ligne Trocadéro-La Villette. Les tramways à air comprimé circulent pour la dernière fois le 2 août 1914 sur la ligne Boulogne-Madeleine. Les tramways à batteries circulent pour la dernière fois pendant le mois de juillet 1914 sur la ligne de Gennevilliers-Saint-Denis-La Madeleine. Et, enfin, les derniers tramways électriques à plots circulent en août 1914 entre la Place de Clichy et la Trinité. Il est curieux de constater que beaucoup de choses se terminent durant l’été 1914, comme si on avait pressenti la Première Guerre mondiale et le besoin de faire le ménage avant la grande tourmente ?

Un autobus Schneider de 1916 : l’autobus parisien, héritier de l’omnibus à chevaux dont le reprend les formes et la disposition, se prépare pour la conquête de paris, même sur des rudes roues à bandages pleins.

L’agonie des années 1930.

L’action entreprise durant les années 1920 peut passer pour des remaniements sans importance d’un grand réseau encore dense et actif. Mais les années 1930 sont là et, face à l’automobile, le tramway apparaît comme le grand obstacle à éliminer pour instaurer une ère de liberté individuelle et de libéralisme bien compris. Paré de toutes les vertus, y compris pneumatiques, l’autobus aussi conquiert Paris – désormais « ville ouverte ». .

En huit ans, de 1930 à 1938, ce sera fait : des centaines de kilomètres de lignes de tramway, à Paris et sa banlieue, sont gommées et disparaissent définitivement de la carte. C’est un désastre technique avec la destruction d’un grand système, et c’est aussi un désastre économique puisque l’on met à la ferraille un réseau qui représente un investissement très long et cher, et une catastrophe écologique, parce que l’on ouvre Paris au « tout pétrole », un Paris qui sera la ville sinistre aux rues saturées par des automobiles et des autobus, et qui deviendra une ville aux façades noires, aux rues invivables, aux trottoirs étroits laissant la chaussée la plus large possible.

La stratégie adoptée.

La Société des Transports en Commun de la Région Parisienne est très preneuse des autobus que vont lui livrer surtout Renault et un peu Panhard, et elle s’organise avec enthousiasme pour tout réceptionner avec efficacité et dans un « timing » impeccable, pour mettre point les autobus commandés, pour transformer les dépôts de tramways en dépôts d’autobus et pour former le personnel à la cadence voulue.

La libération des tramways récents crée un véritable ballet avec le matériel ancien qui, en principe, est prioritaire pour le chalumeau du ferrailleur. Il y a donc un très important mouvement de ligne à ligne, puisque les suppressions de lignes ne commencent pas forcément par celles qui sont parcourues par le matériel le plus ancien. Bien au contraire, même : un effort avait été fait pour affecter du matériel récent, toujours plus efficace et moins coûteux à exploiter, à des lignes moins rentables pour diverses raisons, comme leur profil difficile ou leur trafic en régression.

Les premières suppressions touchent les beaux quartiers de l’ouest de Paris, et de Neuilly, dont, certes, les habitants fuient la promiscuité publique des tramways pour s’engouffrer dans leur Rolls ou leur Hispano-Suiza. Certaine que les suppressions dans ces beaux endroits ne feront pas de vagues, la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne frappe à bout portant, dès 1930, ligne 15 qui relie la Muette à la rue Taitbout, puis la ligne 16, Auteuil – Madeleine, puis la ligne 37, Neuilly – Madeleine et quand le 41, qui va de Courbevoie à la Madeleine, est supprimé, le boulevard Haussmann, grande avenue des banques et des hommes d’affaires, n’est plus enlaidi par aucun tramway. À la fin de l’année, le 12, qui va d’Auteuil à l’hôtel de Ville, achève de « dégager » l’avenue Mozart : on peut enfin respirer dans le XVIe arrondissement.

Un moment de doute, quand même.

Au début des années 1930, le remplacement des rames réversibles, formées d’une motrice G ou L et d’un « attelage », offrant en tout 110 places par des petits autobus Renault PN de 39 places, rend dubitatifs les têtes pensantes de la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne et de la municipalité de Paris sur la capacité de l’autobus à prendre, avec efficacité, la place du tramway. Mais la sortie des autobus TN4A (1931) à TN4H (1936) offrant 50 places, et même 57 places avec des strapontins, calme quelque peu les appréhensions, mais pas totalement, car il restait à l’autobus de prouver sa robustesse, sa fiabilité, quitte à faire fermer les yeux sur son inconfort.

Autobus PN (à gauche) et TN4A (à droite) : enfin les pneumatiques apportent un peu de confort.

Les premières nouvelles du front, de 1931 à 1932.

L’année 1931 voit un grand nettoyage des tramways autour des Halles : c’était, pour la municipalité, la première urgence. Des rails en tous sens avaient fini par donner un aspect de gare de triage aux rues et aux carrefours du quartier, et c’est avec la disparition des lignes 84, 22, 87 et enfin 6A, que tout prend déjà un aspect plus net et engageant. Par ailleurs, la transformation des lignes 24 et 35 dégage respectivement le boulevard Beaumarchais et l’avenue de Villiers. Le dépôt du Hainaut devient dépôt d’autobus.

Le coeur de Paris, magnifiquement et densément desservi par de très nombreuses lignes de tramways, est “nettoyé” en premier.

En 1932, la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne ne démord pas et supprime les lignes situées dans Paris, et sans oublier les lignes de pénétration dans Paris depuis la banlieue. Ces lignes sont traitées en deux mouvements : la partie de ligne située en banlieue reste, pour un temps, exploitée par des tramways, tandis que l’autre qui est dans Paris devient le domaine exclusif de l’autobus.

Dès le mois de janvier de cette année, les lignes de tramway venant de Vitry et de Choisy, portant les numéros 82 et 83, sont amputées au niveau de à la place d’Italie, abandonnant tout espoir en ce qui concerne la partie supprimée qui leur permettait de desservir le cœur de Paris, c’est-à-dire la place du Châtelet. Cette partie de la ligne Place d’Italie – Châtelet est désormais exploitée sous par des autobus qui portent un curieux numéro 82/83 prouvant qu’un bus vaut deux tramways… Les riverains de la rue Monge approuvent la disparition du tramway en appréciant une chaussée enfin dégagée !…

En février 1932, c’est la fin de la ligne 92, encore exploitée par des motrices série 300 de la défunte Compagnie Générale Parisienne de Tramways. Cette ligne est restée pour les Parisiens le « p’tit jaune », bien que verte et crème depuis 1921 avec l’avènement de la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne. C’est la dernière ligne de Paris à caniveau latéral. Toute une époque est révolue.

En mai 1932, l’amputation différenciée en deux temps, faite en janvier sur les lignes de Vitry et de Choisy, frappe maintenant les lignes de Gennevilliers et Argenteuil, c’est-à-dire les lignes 39 et 40, qui renonceront à jamais à aller faire le tour de l’église de la Madeleine. Elles sont coupées à la porte de Clichy même, n’ayant plus l’autorisation de profaner le sol parisien et la partie parisienne de la ligne, jusqu’à la Madeleine, est désormais le domaine réservé d’un autobus au numéro 39/40 qui, lui aussi, prouve qu’un autobus vaut deux tramways.

En octobre et décembre 1932, les lignes de tramway 26 et 28 deviennent des lignes d’autobus. Le tramway « dégage » (à tous les sens du terme, y compris l’actuel…) la rue Saint-Lazare et la rue La Boétie, étroites et encombrées, il faut le reconnaître, mais ces rues le resteront toujours, aujourd’hui encore, d’ailleurs. Pour briller sur les rampes de l’avenue Simon Bolivar et de la Rue des Pyrénées parcourues par le 26, tout comme celles de l’avenue Marceau parcourues par le 28, l’autobus travaille ses biceps et se métamorphose en TN6 à moteur six cylindres, tout en gardant la même carrosserie que le TN4 de l’année précédente.

Pour en terminer avec cette funeste année 1932, le Conseil Général décide de poursuivre systématiquement et ouvertement (le temps des nuances et des égards est fini) le remplacement des tramways par des autobus, et d’étendre cette mesure à la totalité du réseau de banlieue. Le premier gros itinéraire supprimé en banlieue est l’ensemble des lignes reliant Saint-Denis à la porte de la Chapelle, soit les lignes 9, 48, et 53, abandonnées par le tramway en décembre 1932. Jean Robert note que « sur les trottoirs démesurément larges de cette grande artère, les rames L se souciaient fort peu des embarras de circulation alors bien anodins dans cette zone. Ils n’encombraient pas, et, ce qui à notre sens est beaucoup plus important, ils circulaient librement : on ne pourra pas en dire autant des autobus qui, plus tard, devront s’intégrer patiemment dans le flot de voitures quittant ou regagnant la Capitale ».

Très belle motrice de la CGPT de 1907.
Motrice type C de 1900. La banlieur sera impitoyablement “nettoyée” de ses tramways.
L’exemple d’un très beau réseau qui disparaît: celui de Paris à Nogent et environs

La presse refuse, avec raison, les transbordements en cours de route, mais…

La Société des Transports en Commun de la Région Parisienne, durant les premières années 1930, limite la pénétration des tramways dans Paris, amputant les lignes de tramway de leur tronçon central au-delà des places d’Italie ou de Clichy. Les voyageurs continueront désormais leur trajet en quittant le tramway pour monter dans un autobus. Ces transbordements forcés du tramway à l’autobus sont violemment critiqués par la presse ! Ah bon… il y a donc des esprits éclairés qui… ?  Lisons de plus près la presse de l’époque : elle critique le nécessaire transbordement infligé en cours de route, ce qui peut se comprendre, mais ces journalistes éclairés réclament à cor et à cri que la desserte de ces lignes se fasse de bout en bout… par autobus.

En 1933 : le tramway « dégage » encore plus vite que son ombre.

Les suppressions de lignes de tramway s’accélèrent en 1933, car le programme dit de « modernisation » du réseau de transports urbains frappe aussi bien Paris et sa banlieue. Mais le Conseil Municipal de Paris, lui, veut en priorité « dégager » Paris et c’est l’extermination systématique des lignes purement parisiennes qui sont supprimées les unes après les autres, tandis que les lignes de pénétration à partir de la banlieue continuent à être soumises au régime de l’amputation à la limite de Paris ou le plus près possible du point de franchissement.

En janvier 1933, c’est la suppression de la ligne 45 venant d’Asnières, et de la partie parisienne de la ligne 42, ce qui « dégage » le boulevard Malesherbes et l’avenue de Saint-Ouen. En février, c’est au tour de la ligne 47 et de la section parisienne de la ligne 85, le tramway ayant « dégagé » la rue Gay-Lussac.

C’est ensuite le tour de la ligne 43, Courbevoie – Gare Montparnasse : elle est supprimée, ce qui résoudra, en apparence, le problème de la circulation de la place de l’Étoile, le tramway ne venant plus faire le tour de la place à contre-sens, ni même dans le bon sens : la circulation automobile maintiendra la tradition particulière qui règne sur cette place aussi périlleuse pour les carrosseries tant à l’accès qu’à la sortie…

Les lignes 50 et  52 quittent la rue de Flandre les mois suivants. Par ailleurs, l’autobus reprend à son compte la partie banlieue de la ligne 85 reliant Paris à Villejuif, ou de la ligne 42 jusqu’à Saint-Ouen, et de la ligne 82 jusqu’à Vitry. Au mois de septembre, c’est la fermeture des lignes de tramway numéros 10, 30, et 31 assurant les grands trajets au nord de Paris nord et sur le boulevard Richard-Lenoir. À l’automne, plus aucun tramway ne roule dans le quartier de l’Opéra avec la fermeture de la ligne 21, ou sur la longue et large avenue Jean-Jaurès avec celle de la ligne 29. Les lignes 5 et 34 disparaissent, ainsi que la ligne 83 de Choisy-le-Roi, la ligne 101 des rues de Charonne et de Bagnolet, et la ligne 11 des boulevards Magenta, Barbés et Ornano.

La fin des anciennes séries de matériel roulant et de leurs dépôts.

En 1933, plusieurs séries de voitures anciennes se trouvent réformées, comme les motrices A4, T200, ou celles de l’Ouest Parisien, et tout ce qui roulait sur le Chemin de fer du Bois de Boulogne. Cette hécatombe réduit d’autant les activités d’entretien et de révision des ateliers. En mars 1933, l’A.G.L. (Atelier des Grands Levages) des Lilas ferme ses portes. Pas moins de cinq dépôts de tramways cessent toute activité de type tramway : ce sont ceux dénommés Didot, Michelet, Saint-Ouen-Diderot, Ivry et Pantin-Courtois. Toutefois, les dépôts Michelet et Ivry sont convertis en dépôts d’autobus, tandis que les trois autres deviennent des mouroirs pour le matériel inutilisé.

En 1934 : la casse continue.

L’année 1934 continue sur le même rythme, mené comme une campagne napoléonienne : la suppression des lignes 66, 90, 94, et 73 fait une entrée en matière, quelques lignes importantes en banlieue complètent le tableau de chasse, celles de Châtillon avec la ligne 127, et d’Aubervilliers avec les lignes 70 et 71. En mai, le Bois de Vincennes perd ses lignes 109, 110, 113, 114, et 120 alors qu’elles sont établies en dehors de la chaussée sur une belle plateforme indépendante qui servira de témoignage pendant cinquante ans malgré leur remarquable tracé en double voie après la disparition des tramways… L’épuration continue sur les quais Rive Droite, parfaitement comptée dans l’ordre avec les lignes 1, 2, 3, et 4. Pour fêter Noël, c’est la mort de la ligne 122 de Fontenay-sous-Bois, des lignes 62 bis et  76 de Courbevoie et de la ligne 95 de Pavillons-sous-Bois.

Dans le courant de cette année 1934, les dépôts de Sèvres et de Charlebourg renoncent aux tramways, et celui de Saint-Maur se convertit en faveur de l’autobus, tandis que celui de Sèvres sert de dernière demeure pour les tramways réformés. Les Ateliers de Grand Levage (A.G.L.) de Bezons et de la rue Championnet ont fermé, et il ne reste plus que celui d’Ivry.

À la fin de 1934, il reste seulement 50 lignes de tramways. Le parc roulant comprend encore 1129 motrices et 475 attelages. Mais leurs jours sont comptés. Plusieurs séries de motrices disparaissent en 1935, comme les séries C (ex-Est-Parisien) et les séries 300 des années 1900, ou aussi les autres C (ex-Tramways de Paris et du Département de la Seine) de 1912.

On trouve encore en circulation les motrices type L, et Gs1 (ex-Société des Transports en Commun de la Région Parisienne) les motrices des séries B et G (ex-Compagnie Générale des Omnibus) et aussi les T0 (ex-Tramways de Paris et du Département de la Seine) ou les séries 500 (ex-Compagnie Générale Parisienne de Tramways) et les série E’ (les fameuses « E prime », ex Est Parisien.).
Les derniers « attelages » (remorques) sont les fameux type A de la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne dont certains remontent jusqu’à la Compagnie Générale des Omnibus.

L’année 1935 : le coup de grâce.

Au cours de l’année 1935, le « massacre du réseau, ou ce qu’il en reste » (selon les termes mêmes de Jean Robert), se poursuit, avec un palmarès de deux ou trois lignes par mois. La ligne 58 de Saint-Germain disparaît, emportant avec elle le souvenir qu’elle a fait partie du « Chemin de fer américain » de 1855 qui a marqué de son empreinte les débuts du tramway à Paris. En banlieue, les lignes de 118, 121, 107, et 115 de Rosny et Villemomble, la ligne 69 d’Enghien à Montmorency, les lignes 103 de Créteil, 105 de Vitry, 24 et  81 de Maisons-Alfort, et 62 de Maisons-Laffitte disparaissent. La fameuse ligne 54, Enghien – Trinité, marque la fin de la présence du tramway dans le quartier de la gare Saint-Lazare pourtant si présent jusque-là. La fin du  89, reliant Clamart à l’hôtel de ville de Paris, marque la fin du tramway autour de ce grand bâtiment parisien, dont les édiles municipaux doivent être soulagés de ne plus voir de tramways depuis leurs fenêtres. Enfin, à Paris même, les suppressions touchent les lignes 14, 19, et 20 qui empruntent le boulevard Saint-Germain, ou la bien connue 91 Montparnasse – Bastille (sur laquelle les autobus, même les articulés actuels, ne pourront remplacer le tramway). Les lignes 18 et  25 entre Auteuil ou Saint-Cloud et Saint-Sulpice disparaissent aussi. Les dernières motrices des séries B et G de la Compagnie Générale des Omnibus, et les dernières E’ de l’Est-Parisien, tout comme les 150 Nogentaises, toutes ont définitivement tiré leur révérence : les « stars » sont parties comme autant de vieilles gloires que l’on ne salue plus…

Motrice type Gsl et sa remorque (dite “attelage” en termes tramway) de 1922 : elles sont emblématiques des dernières motrices parisiennes avec le type L.
Motrices type L et type 300 vues en 1928 sur la place de l’Etoile.
Il faut reconnaître que la situation, place de l’Etoile, est aberrante avec une station à laquelle les tramways accèdent à contre-sens. Ne nombreux exemples de ce type sont, aussi, à l’origine de la détestation des tramways.
Motrice type L de 1923 : le dernier modèle, aux lignes nettes et fonctionnelles, le plus accompli, de la STCRP (Société des Transports en Commun de la Région Parisienne).

De 1936 à 1938 : Paris devient (enfin ?) une ville moderne et avenante.

L’année 1936 voit la fin des lignes de Boulogne, de Gennevilliers, d’Argenteuil, de Pierrefitte, de Drancy, du Bourget, des lignes de Courbevoie et de Colombes, dont la longue liste de numéros serait fastidieuse.

Mais, pourtant, il faut citer une suppression perpétrée pendant les vacances de l’été, savourées grâce au « Front Popu » : celle de la grande emblématique numéro 8, la très connue Montrouge – Gare de l’Est que l’on voit aujourd’hui sur tant de cartes postales nostalgiques… À la fin de 1936, comme cadeau de Noël, c’est la mise à mort du tout aussi célèbre « Arpajonnais » (Paris – Arpajon) assortie de celle des lignes du Chemin de fer du Bois de Boulogne, numérotées 38 et 44, malgré leur remarquable tracé en plateforme totalement indépendante et hors chaussée routière le long du Bois. Le petit train du Jardin d’Acclimatation, sans doute trop petit et destiné aux enfants, aura su passer entre les gouttes et inspirer un peu de pitié.

À la fin de 1936, il ne reste plus que huit lignes dépendant des quatre dépôts que sont ceux de Bagneux, de La Maltournée, de Malakoff et du Raincy. L’année 1937 est celle de la fin des tramways à Paris, la ligne 123/124, reliant la porte de Saint-Cloud à celle de Vincennes, par les rues de la Convention, d’Alésia, de Vouillé et de Tolbiac, et qui (mais qui s’en souvient encore) est le seul reste du réseau de l’ancienne compagnie de la Rive Gauche, ce réseau qui avait eu tant de difficultés à survivre : c’est lui qui, donc, laisse ses derniers rails à Paris. Le dernier tramway de Paris roule le soir du 15 mars 1937. Dans la nuit, l’ultime rame L regagne le dépôt de Malakoff.

Le Conseil Municipal le souhaitait ardemment et avait fixé l’ultime heure : Paris est débarrassé de ses tramways pour l’Exposition universelle de 1937, et pourra faire bonne figure de « ville moderne et avenante ».

La ligne 123/124 n’est pas tout à fait la dernière : il reste encore, dans une banlieue éloignée et comme oubliée par la hache du bourreau, une ligne 112, Le Raincy – Montfermeil, que la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne n’a pas pu passer à la tronçonneuse, car la municipalité veut la privatiser. Ceci lui vaut un sursis d’un an et demi, avec un parc de 5 motrices type L présentes dans le dépôt du Raincy. Mais le 14 août 1938, cette ligne est définitivement détruite, mettant la dernière fin aux tramways de Paris et de sa banlieue.

Au fur et à mesure que disparaissent les tramways, les autobus les remplacent, mais avec une véritable valse des indices des lignes qui perdent leurs chiffres et prennent des lettres, ceci pour réussir, comme diraient les immigrés actuels, leur « intégration », perdant leur identité tramway pour une identité autobus. Donnés en suivant l’ordre alphabétique, au fur et à mesure des suppressions à Paris, ces indices en lettres sèment la confusion et les Parisiens ont du mal à s’y retrouver.

Motrice type L de 1923 près du bois de Boulogne en 1936: les jours sont comptés…
Evolution des modes de transport parisiens jusqu’en 1940.

Le tramway des Maréchaux: le grand « come back » parisien ?

Le tramway a fait son « comeback » à Paris en 2006. Il semble que ce soit plutôt “autour” de Paris que le renouveau s’annonce… C’est en novembre 2001, à l’occasion de la réunion d’une commission extra-municipale consacrée au futur réseau régional d’autobus dit “Mobilien”, que l’on rend publics les résultats d’une consultation, menée en juillet, sur l’aménagement d’un tramway sur le boulevard des Maréchaux. Approuvé par 90 % des Parisiens consultés, ce tramway n’investira pas l’emprise de l’ancienne ligne de la Petite Ceinture, mais occupera tout simplement le centre des boulevards, laissant, de part et d’autre des chaussées séparées, la circulation aux automobiles,

La première tranche de travaux sera une ligne reliant le pont du Garigliano (15e arrondissement) à la Porte d’Ivry (13e arrondissement), formant un arc de cercle bordant le sud de Paris sur 7,9 km et desservant dix-sept stations. Figurant très technocratiquement dans le “Plan de déplacements urbains” (ou PDU, encore un sigle qui fera le bonheur des esprits facétieux), visant à favoriser les déplacements en rocade autour de Paris après un siècle de construction de lignes plutôt radiales, ce premier tronçon est inscrit au contrat de plan État/Région pour la période 2000-2006.


Cette ligne purement parisienne, si l’on s’en tient aux cartes, est néanmoins ouverte sur la très proche banlieue dont les communes s’apparentent par le nombre d’habitants aux grandes villes de province : Issy-les-Moulineaux, Vanves, Malakoff, Montrouge, Gentilly, Arcueil, le Kremlin-Bicêtre et Ivry-sur-Seine. Ainsi, 260 000 personnes sont ainsi concernées si l’on considère les 170 000 habitants proches et les 90 000 personnes venant travailler à moins de 600 m de la ligne, soit un nombre d’usagers potentiel supérieur à celui de la ligne de tramway T1 Saint-Denis – Bobigny.

Ouverte à partir de 2006, la ligne offrira des correspondances avec les RER B (Cité universitaire) et C (Bd Victor), et avec les lignes de métro 4 (Porte d’Orléans), 7 (Portes d’Italie, de Choisy et de Vitry), 8 (Balard), 12 (Porte de Versailles) et la très importante et très longue 13 (Porte de Vanves), qui est presque déjà un RER nord-sud. De nombreuses lignes de bus, en outre, sont en correspondance avec cette ligne de tramway — qui sera d’autant plus appréciée qu’elle est prévue sans escaliers.


La fréquence des dessertes est d’une raine toutes les 4 minutes aux heures de pointes, et toutes les 10 minutes en trafic normal. Chaque jour, 21 rames emmènent chacune jusqu’à 250 voyageurs à la vitesse de 20 km/h, soit beaucoup plus que celle des autobus.


Les estimations sont de l’ordre de 95 000 voyageurs par jour, largement dépassées depuis, et donnant un taux de rentabilité interne de plus de 20 %, et de bénéfice de 8 %, pour un coût total de 185 millions d’euros — un investissement prometteur… Le matériel roulant est constitué de belles raines, lourdes, longues de 45 mètres, confortables, endurantes. Notons qu’il s’agit d’un vrai tramway sur deux rails, fiable, bien ferroviaire, comme ceux qui roulent déjà depuis longtemps en Ile-de-France ou à Grenoble, Nantes, Strasbourg, et non d’un de ces “systèmes” expérimentés en province, comme celui dont bénéficient par exemple les habitants de Nancy ou de Caen. Ce tramway fonctionne bien et remplit bien son rôle de transporteur de masse. Bertrand Delanoë, maire de Paris, vient d’annoncer la construction d’un prolongement de la ligne actuelle autour de Paris par l’est et le nord, jusqu’à la porte d’Asnières. La boucle complète sera, si tout se passe bien, terminée vers 2015, promis, juré – du moins à l’époque. En 2021, on espère toujours que cette boucle sera bouclée, mais les Parisiens ont une pratique historique et endurcie de l’espérance.

Mariage en tramway, vers 1890 : en souvenir d’une époque où le tramway était au centre de la vie quotidienne et d’une certaine joie de vivre. Gravure de “l’Illustration”.

Le tableau des anciennes lignes de tramway parisiennes

Indice Itinéraire Longueur (km)
1  Versailles – Sèvres – Louvre  18,7 
1  Sèvres (Dépôt) – Louvre  12 
2  Saint-Cloud – Louvre  10,1 
3A  Fort de Vincennes – Louvre  8,2 
3B  Saint-Mandé – Louvre  6,6 
4  Montreuil – Bastille – Louvre  8,7 
5  Trocadéro – Étoile – Villette  7,3 
6  Porte de Vincennes – Louvre  6,7 
7  Place Blanche – Villette – Nation  7,7 
8  Montrouge – Gare de l’Est  6 
9  La Chapelle – Jardin des Plantes  7,2 
10  Mairie de Saint-Ouen – Bastille  7,8 
11  Cimetière de Saint-Ouen – Nation  8,5
12  Auteuil – Passy – Hôtel de Ville  8,4 
13  Créteil – Charenton – Louvre  13,5 
14  Bastille – Champ de mars  6 
15  La Muette – Rue Taitbout  5,9 
16  Boulogne – Auteuil – Madeleine  9,7 
19  Avenue Henri-Martin – Gare de Lyon  8,9 
20  Porte Vincennes – Champ de mars  9,4 
21A  Raincy – Opéra  14,9 
21B  Pavillons-sous-Bois – Opéra  14,6 
21C  Noisy-le-Sec – Opéra  10,1 
21D  Pantin – Opéra  6,7 
22  Montreuil – République – Louvre  9,6 
23  Auteuil – Les Moulineaux  4,8 
24  Charenton (Écoles) – République  6,6
25  Saint-Cloud – Auteuil – Saint-Sulpice  9,2 
26  Cours Vincennes – Saint-Augustin  9,0 
28  Montrouge – Saint-Augustin  7,4 
29  Villette – Saint-Sulpice  6,9 
30  Étoile – Place Clichy – Bastille  8,2 
31  Étoile – Mairie XV11P – Bastille  10 
33  Mairie XVe – Gare du Nord  7,8 
35  Courbevoie (Jatte) – Madeleine  5,8 
36  Levallois (Quai Michelet) – Madeleine  4,9 
37  Neuilly (Avenue Madrid) — Madeleine  5,7
38  Puteaux – Porte Champerret  5,6 
39  Gennevilliers – Madeleine  8,4 
40  Argenteuil – Porte de Clichy  7,8 
41  Courbevoie – Étoile – Madeleine  6,2 
42  Saint-Denis (Barrage) – Madeleine  9,2 
43  Courbevoie – Gare Montparnasse  7,8 
45  Asnières (Bourguignons) – Madeleine..  6,6 
48  Saint-Denis (Barrage) – Opéra  9,3 
49  Aubervilliers (Mairie) – Opéra  6,8 
50  Aubervilliers (Mairie) – République  6,3 
51  Pantin (Cimetière) – République  6,2 
52  Le Bourget – Opéra  10
52  Aubervilliers (Cimetière) – Opéra  6,7 
53  Saint-Denis (Mairie) – République  7,8 
54  Enghien – Trinité  14,9 
55  Saint-Ouen (Mairie) – Opéra  5,4 
57  Pré-Saint-Gervais – Porte Pantin  1,3 
58  Saint-Germain – Porte de Neuilly  17,5 
59  Port-Marly – Marly-le-Roi 1,9
60  Saint-Germain – Rueil (Ville)  8,t 
62  Maisons-Laffitte – Porte de Neuilly  15,1 
63  Bezons (Grand-Cerf) – Pte Champerret  8,3 
64  Bezons (Quai) – Porte Champerret  10,4 
65  Pierrefitte-Porte Clignancourt  8,6 
66  Colombes – Porte Clignancourt  8.6 
69  Montmorency – Enghien  3,1 
70  Saint-Denis – Porte de la Villette  5,2 
71  La Courneuve – Porte de la Villette  4 
72  Le Bourget – Porte de la Villette  5,4 
73  Saint-Ouen – Porte de Neuilly  5,4 
74  Pantin (Église) – Pantin (Quatre-Chemins)  2,0 
75  Saint-Cloud – Asnières  10,4 
76  La Garenne – Porte de Neuilly  5,0 
77  Asnières – Saint-Denis (Hôpital)  7,9 
78  Saint-Denis — Villeneuve-la-Garenne  3,4 
79  Stains – Saint-Denis (Barrage)  2,8 
81  Maisons-Alfort — Bastille  9,2 
82  Vitry (Gare) – Châtelet  8,8 
83  Thiais – Châtelet  12,9 
84  Petit-Ivry – Les Halles  7,4 
85  Villejuif – Châtelet  8,8 
86  Fontenay-aux-Roses – Châtelet  9,4 
87  Malakof! – Les Halles  7,2 
89  Clamart – Hôtel de Ville  11,0 
90  Clamart (Mairie) — Clamart (Gare)  1,8 
91  Montparnasse – Bastille  5,1 
92  Montparnasse – Place Péreire  5,6 
93  Arcueil – Cachan – Châtelet  8 
94  Malakoif (Clos Montholin) – Malakoif (Clozeaux)  1,9 
95  Pavillons-sous-Bois – Opéra  16,4 
96  Montreuil – Opéra  9,3 
97  Bagnolet – Opéra  7,1 
99  Bobigny – Les Halles  12,1 
100  Bagnolet – Les Halles  7,9 
101  Romainville – Bastille  6,8 
103  Bonneuil – Concorde  17 
104  Alfortville – Concorde  11,1 
105  Vitry (Église) – Concorde  11,1 
107  Pantin – Porte de Vincennes  9,9 
108  Champigny (Ville) – Porte de Vincennes  9, 6 
109  Champigny (Gare) – Porte de Vincennes  9,9 
110A  La Varenne – Porte de Vincennes  11,6 
110B  Bonneuil – Porte de Vincennes  12,4 
111  Créteil – Charenton  6,4 
112  Montfermeil – Raincy  5,6 
113  Goumay – Porte de Vincennes  13,8 
114  Maltournée – Porte de Vincennes  9,0 
116  Maltournée – Rosny-sous-Bois  3,3 
117  Vincennes (Château) – Porte de Vincennes  3,0 
118  Villemomble (Raincy) – République  i15,1 
119  Champigny – Porte de Vincennes  ‘0,7 
120  Noisy-le-Grand – Porte de Vincennes  12,1 
121  Villemomble (Gagny) – Porte de Vincennes  10,7 
122  Fontenay-sous-Bois – Porte de Vincennes  5,5 
123+124  Porte de Vincennes – Porte de Saint-Cloud  14,0 
123  Porte de Vincennes – Porte d’Orléans  13,5 
126  Porte d’Orléans – Porte de Saint-Cloud  6,6 
127  Fontenay-aux-Roses – St-Germain-des-Prés  9,0 

Les dernières circulations:

Chevaux; 20 avril 1912

Vapeur: 13 juin 1914

Air comprimé : 2 août 1914

Batteries : juillet 1914

Plots : août 1914

La place de Rennes, à Paris, vers 1910.

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