De l’Ouest à l’Etat : la banlieue modèle.

La desserte de la banlieue parisienne a été confiée, dès l’origine et sous la forme de simples trains omnibus, aux grandes compagnies dont les lignes principales rayonnent à partir de Paris, selon le projet d’Alexis Legrand, ministre sous Louis-Philippe et créateur de l’ « étoile de Legrand » qui crée, nous le savons déjà avec de nombreux articles déjà écrits pour ce site-web, le réseau français centralisé que nous connaissons aujourd’hui. Chaque grand réseau, l’Ouest, le Nord, l’Est, le PLM et le PO, utilise pour son propre compte sa ligne maîtresse au départ de Paris et construit des gares dans toutes les villes traversées, y compris les plus proches de Paris.

Le service de banlieue n’existe pas sous une forme spécifique, le terme de « banlieue » n’apparaissant pas sur les premiers horaires des premières décennies, et il n’y a pas de matériel roulant spécial autre que celui des trains omnibus.

Une gare typique de la banlieue ouest, celle de Meudon, vue dans les années 1930, et dont le style s’intègre parfaitement dans une belle « campagne » très urbanisée. Les habitants ont la chance d’être déposés par le train à quelques pas de leur joli et paisible pavillon. Toutefois les voitures sont déjà là et vont tenter les habitués du train à une époque où les embouteillages n’existent pas encore.

Toutefois la compagnie de l’Ouest marque sa différence sur deux points.

Cette compagnie marque sa différence en entreprenant d’abord la création de véritables lignes de chemin de fer dans Paris comme Courcelles-Ceinture-Champ de Mars, ou Pont-Cardinet-Porte d’Auteuil, alors que les autres compagnies n’ont d’autre projet que celui de la longue distance et n’ajoutent pas de lignes locales parisiennes à leur réseau.

Mais, d’autre part, elle conçoit, dès 1855, un matériel spécifique pour la banlieue avec des voitures à impériale qui rouleront jusqu’à la fin du siècle et même au-delà. L’Ouest est bien la seule compagnie ayant massivement investi dans un service de banlieue.

Près de la station Pereire, sur la ligne Pont-Cardinet-Auteuil au début du XXe siècle: le réseau de l’Ouest construit une véritable ligne de chemin de fer type banlieue dans Paris.
Toujours sur la même ligne d’Auteuil, et à la même époque, en traction vapeur. On notera que les beaux quartiers ont conservé leur verdure et leur qualité de vie.
Les voitures de banlieue ouest conçues dès 1855, et que les peintres impressionnistes apprécieront, comme Monet. A deux niveau et portières multiples, elles ont déjà les caractéristiques du matériel roulant de la banlieue.
Une des photographies ferroviaires les plus anciennes de la collection « trainconsultant » et datant des années 1870: un train de la banlieue Ouest, mené par une locomotive-tender type 030, et composé partiellement de voitures à impériale, dans une campagne encore vraie telle que les impressionnistes l’aimaient.
Voiture de banlieue Ouest de 1891, exposée en 2004 sur les Champs-Elysées. Cette Exposition SNCF « Train Capitale » a attiré plus de 6 millions de visiteurs.

Ajoutons pour être complets que la ligne dite « Ligne de Sceaux », qui n’est pas une ligne du réseau Ouest, sera, elle aussi, et d’une manière très originale techniquement, une véritable ligne de banlieue qui sera reprise par la compagnie du PO. De même, le réseau de l’Est eut sa ligne de banlieue, au départ de la gare de la Bastille et déjà décrite sur ce site-web: elle exista jusqu’au début des années 1970 avant d’être intégrée au RER-A, ce qui entraîna la disparition de cette gare.

La compagnie de l’Ouest : le réseau mal loti.

Revenons à la naissance du réseau de la banlieue ouest. Formée en 1851 la Compagnie de l’Ouest comprend initialement les lignes de Viroflay à Chartres, Paris à Laval, les deux lignes de Versailles. Elle entreprendra la construction des grandes lignes desservant la Normandie et la Bretagne, notamment Paris-Le Havre, Paris-Rennes-Brest, ou Paris-Caen-Cherbourg. Seules ces grandes lignes seront rapidement rentables et sauront le rester. Quant aux autres, les innombrables autres…

Formant, au début du XXe siècle, un grand réseau de 6 078 km, la Compagnie de l’Ouest souffre de la présence d’une infinité de petites lignes formant un maillage entre les bourgades d’une France rurale que l’on n’appelle pas encore « profonde » : citons les lignes d’Alençon à Pré-en-Pail et Domfront, ou encore de Sillé-le-Guillaume à Sablé, ou de Segré à Saint-Mars-la-Jaille, de Mortagne-au-Perche à Ste-Gauburge…etc. Parcourues par de modestes trains dits « marchandises-voyageurs », ces lignes seront rapidement mises à mal par le transport routier et resteront une charge pour le réseau. Déficitaire d’une manière permanente et endémique, malgré la présence de magnifiques lignes rentables et performantes comme celle de Paris-Rouen-Le Havre, le réseau de l’Ouest doit jeter le gant en 1909 : il est racheté par l’Etat (voir ci-dessous).

Dans les années 1950, le souvenir de l’ancien réseau de l’Ouest a disparu depuis sa suppression en 1909, mais, il est vrai, que l’ancienne inscription « Chemin de fer de l’Ouest » que l’on peut encore voir sur les façades des gares est remise en honneur, inopinément, par la SNCF qui, en 1938, crée son réseau de l’ouest à la place de ce qui fut celui de l’Etat. Ce n’est pas pour autant qu’un vent de nouveau souffle à l’ouest…

Et pourtant, le parc de voitures à voyageurs de la région ouest de la SNCF n’a rien à envier, sur le plan de l’archaïsme et de la variété, à celui des autres régions, mais dès que l’on entre dans l’univers des trains de banlieue ou des trains omnibus, un déluge de voitures datant des anciennes compagnies regroupées sous le nom de réseau de l’Etat en 1878 submerge l’entomologiste ferroviaire avec des espèces très rares, n’existant souvent qu’à un seul exemplaire, ou qui se comptent sur les doigts d’une seule main !

Une biodiversité extraordinaire et inédite.

L’ancien réseau de l’Etat, à ne pas confondre avec celui de l’Ouest, est créé plus tard en 1878 par le rachat de nombreuses lignes ou compagnies situées, elles aussi, dans l’ouest de la France : ce sont des compagnies en déficit permanent du fait de la faible industrialisation de cette partie de la France à la fin du XIXe siècle et de l’absence de grandes villes pouvant créer un important trafic. Les compagnies de la Vendée, des Charentes, du Maine-et-Loire à Nantes (sic), des Chemins de fer Nantais, des Chemins de fer de la Seudre, des Chemins de fer de Bressuire à Poitiers, ou de Poitiers à Saumur, d’Orléans à Rouen et autant d’autres créations éphémères d’hommes politiques ou de banquiers locaux, inspirés par des visions de prospérité et de progrès très Second Empire, sont en proie à la faillite, mais « les populations concernées », comme on dit, ne l’entendent pas de la même oreille et tirent les sonnettes des ministères, du Sénat et de l’Assemblée Nationale pour que l’Etat intervienne.

A la veille de la Première Guerre mondiale, en 1909, le réseau de l’Etat a donc constitué, en le rassemblant  sous ses quatre lettres qui rassurent, un matériel aussi hétéroclite qu’ancien, et totalement inadapté. Mais, entre les deux guerres, le réseau de l’Etat aura à cœur de procéder à une rénovation en profondeur de son parc de matériel roulant tout en laissant survivre un « héritage » dont il se passerait volontiers mais dont il a grand besoin pour assurer son service.

Construit bien avant 1878, ce matériel roule encore au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et constitue, selon les termes mêmes de Jean-Marc Dupuy et Alain Rambaud (auteurs de l’Encyclopédie des voitures SNCF « un incroyable bric-à-brac dans lequel il est difficile de se reconnaître, avec un nombre de séries absolument effrayant (plus de 130 séries différentes à deux ou trois essieux), sans commune mesure avec ce que l’on trouvait sur d’autres réseaux, même le Midi… » Si cela dépasse le réseau du Midi sur ce point de la diversité, c’est tout dire…

Les voitures de banlieue à deux essieux d’origine Etat. 

Le réseau de l’Etat a récupéré de tout, y compris du matériel d’origine Paris-Orléans lors du transfert des lignes du sud de la Bretagne au réseau de l’Etat en 1934, ou du matériel allemand dit « Armistice » cédé à partir de 1919 et apportant un parc considérable de voitures à deux ou trois essieux fournies par l’Allemagne. Le réseau de l’Etat, en outre, est servi en dernier et a les miettes du festin, car les autres réseau privés doivent acheter leur matériel allemand, alors que celui de l’Etat échappe à cette règle, mais se doit, pour un minimum de cohérence politique et d’apparence morale, ne prendre à son compte que ce qui n’a pas intéressé les autres réseaux.

D’où l’arrivée, sur le réseau de l’Etat, d’une foule d’éclopés et de paralytiques dont l’Allemagne s’est débarrassée avec d’autant plus d’empressement qu’ils étaient en fin de carrière…  Dans toutes ces caisses très courtes et anciennes, le réseau de l’Etat essaie, à bon compte, d’aménager des compartiments qui ne peuvent guère dépasser le nombre de trois, et comme le réseau de l’Etat tient à conserver ses trois classes bien distinctes et à les offrir sur l’ensemble de ses trains, l’on trouvera donc des voitures comportant toutes les combinaisons possibles et imaginables entre les A1B1C1, ou A1B2, A2B1, B1C2, A1C2, etc….

Les voitures à portières latérales sans couloir ni toilettes sont environ au nombre de 700 exemplaires, et ont une longueur de 11,7 mètres dans les cas les plus courants, et un poids de 14 à 15 tonnes. Il est à noter que le réseau de l’Etat en construit encore entre 1923 et 1926 pour la banlieue parisienne, donc des « antiquités neuves » si l’on peut dire, et qui témoignent de la considération que ce réseau avait, à l’époque, pour ce genre de matériel et de service.

Les voitures à portières latérales avec couloir et toilettes sont au nombre de 1415 à la création de la SNCF, ce qui montre un fait assez intéressant : sur le réseau de l’Etat, les toilettes dominent la situation avec deux fois plus de voitures équipées par rapport aux voitures non équipées, contrairement au cas des autres réseaux qui, privés, comptent le moindre sou engrangé et refusent toute commodité, tout confort et tout agrément à leurs voyageurs qui n’ont pour seul plaisir que celui de vider leur porte-monnaie. Il faut dire que le réseau de l’Etat a beaucoup reconstruit ou, du moins, transformé les voitures dont il a hérité, sans grand espoir de les standardiser, mais au moins avec celui de les rendre moins rudes et moins décourageantes. N’hésitant pas à scier des châssis pour les reconstruire avec un plus grand empattement, et en les dotant de tirants comme pour les voitures à bogies, l’Etat parvient à se faire un parc de voitures dont les longueurs se situent entre 12,93  et 15,40 mètres, et qui pèsent de 15 à 17 tonnes environ et selon les aménagements qui vont de cinq compartiments de première classe (A5) à six de seconde (B6) jusqu’à huit de troisième (C8) en passant par toute une déclinaison en voitures mixtes A3B3, A3C3, A3C4, ou autres B4C4.

Le réseau de l’Ouest construit de 1902 à 1909, ainsi que celui de l’Etat construit ensuite, à partir de 1911 et jusqu’en 1927, d’importantes séries de voitures dites « unifiées » qui forment un très important parc d’un millier de véhicules à châssis acier et caisses de longueurs très variables (de 13,3 à 14,7 mètres) et pesant entre 16 et 20 tonnes, et que l’on retrouve sur la totalité des trains omnibus, ou aussi de banlieue du réseau de l’Etat.

Les voitures de banlieue Ouest sous la forme de rames Sprague.

Une centaine de ces authentiques voitures de banlieue, conçues uniquement pour ce service, circulent sur le réseau de l’Etat sur la ligne des Invalides. Cinq de ces voitures sont transformées en automotrices électriques avec un équipement Sprague et forment ainsi le matériel moteur de deux rames Sprague électriques engagées sur la ligne des Invalides dès le début du XXe siècle. Les voitures non transformées, restées donc en état d’origine, entrent dans la composition des rames Sprague à titre de remorques encadrées par les automotrices, ou forment un parc de voitures classiques qui sont remorquées par une série de dix locomotives électriques dites « fourgons automoteurs ».

La ligne des Invalides à Versailles RG est électrifiée en 1901-1902 et offre un service de banlieue à deux classes. Ces voitures à deux essieux et à la belle caisse en bois de teck verni, vont durer jusqu’à la création de la SNCF. Longues de 12,30 mètres, elles pèsent 10, 5 tonnes.

Le matériel de banlieue Ouest de 1901.
Train de banlieue Ouest en gare de d’Issy, au début du siècle. L’architecture du BV est très soignée, digne de l’image de la « belle banlieue » ouest.
Matériel de banlieue ouest de 1901, préservé à la Cité du Train de Mulhouse.
Intérieur très confortable d’une voiture de banlieue ouest de 1901v vu à la Cité du Train de Mulhouse.

Les belles et grandes automotrices Etat.

En 1912, le réseau de l’Etat crée l’événement ferroviaire avec ses 18 automotrices mises en service pour assurer, avec les locomoteurs de la deuxième série, le trafic de la ligne Invalides-Versailles Rive gauche, et l’exploitation du raccordement électrifié reliant la gare du Champ-de-Mars – à la station de l’avenue Henri-Martin, dans le XVIe arrondissement de Paris (ce raccordement est aujourd’hui une partie du RER C).

Ces voitures comportent, à chaque extrémité, une cabine de commande avec fourgon, et trois compartiments: un de première classe et deux de seconde, réservés aux voyageurs. La caisse, fixée au châssis, est montée sur deux bogies à deux essieux sur des roues de 925 mm. L’un des bogies est moteur, chacun de ses deux essieux étant actionné par un moteur qui lui est propre, tandis que l’autre bogie, identique au premier, est simplement porteur.

Le freinage est assuré au moyen du frein à air Westinghouse. Un frein à main de secours peut être actionné de chaque cabine au moyen d’un volant spécial. Les deux types de moteurs (Jeumont et Westinghouse) employés pour ces voitures ont une puissance de 235 chevaux sous 600 volts. Ces moteurs reposent d’un côté sur l’essieu et de l’autre sur la traverse du bogie par l’intermédiaire de ressorts destinés à absorber les chocs dus à la mise en marche et au roulement.

L’entrainement se fait au moyen d’un train d’engrenages. Le pignon est claveté sur l’arbre du moteur et la roue dentée est clavetée et boulonnée sur l’essieu. Chacun des types de moteurs employés a un rapport d’engrenage qui lui est spécial. C’est ainsi que les moteurs Jeumont entrainent une roue dentée de 67 dents par un pignon de 32 dents créant un rapport de 2,1, tandis que les moteurs Westinghouse entrainent une roue dentée de 53 dents par un pignon de 23 dents donnant un rapport de 2,3.


La prise du courant se fait au moyen de quatre frotteurs placés deux par deux de chaque côté de la voiture et prenant le courant depuis le troisième rail conducteur « par-dessous ». Les équipements électriques, montés sous le châssis, fonctionnent sous 600 volts; Ils sont du système Sprague-Thomson « à unités multiples » permettant le couplage de deux ou plusieurs motrices et la commande, par un seul poste (type à contacteurs)  de l’ensemble de la rame ainsi formée. Toutes les voitures sont automotrices et reliées électriquement par une ligne de train constitué par les fils des circuits de commande.

Le conducteur électricien, placé dans la voiture de tète, agit sur un petit contrôleur ou manipulateur relié aux fils des circuits de commande qui assurent l’enclenchement simultané des appareils constituant l’équipement de chacune des unités formant le train. Suivant l’importance du trafic, les voitures circulent seules ou sont accouplées, au moyen d’un attelage automatique central, pour former des rames de deux, trois ou quatre voitures.

La longueur totale de ces grandes automotrices est de 22,84 m hors tampons, et leur châssis est une belle pièce de 22,20 m. La caisse permet d’offrir pas moins de 94 places, réparties en 16 de première classe et 24 en deuxième classe pour ce qui est des places assises, tandis que 54 voyageurs peuvent de tenir debout sur les vastes plateformes intérieures. En palier et alignement droit, la vitesse maximum est de 70 km à l’heure.

Les automotrices à six essieux : de véritables palaces roulants, mais peu fiables.

Pour faire face à l’augmentation du trafic sur la ligne de Paris Invalides à Versailles-RG, le Réseau de l’Etat étudie, peu avant la Première Guerre mondiale,  une deuxième série d’automotrices. Ce programme, commencé en 1912, est suspendu pendant la guerre et repris en 1919, et se concrétise par la mise en service de 26 voitures en 1924.

Ces automotrices ont une caisse et un châssis identiques aux types dits de première série. Elles sont munies de l’attelage central automatique, du frein, à air.et à main et ne diffèrent des voitures de la première série que par les bogies, les moteurs et l’équipement électrique.

Les deux bogies sont à trois essieux avec des roues de 925 mm. Les deux essieux extrêmes sont moteurs et l’essieu médian est porteur, donnant donc une disposition d’essieux AIA-AIA dirait-on actuellement. Cinq types différents de moteurs à excitation « série » sont présents sur cette série d’automotrice, en provenance de Jeumont, ou de Westinghouse, de la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques, de Thomson, ou de la Compagnie Electro-Mécanique. Ils sont montés par deux sur chacun des bogies. Les quatre moteurs d’une automotrice, chacun d’une puissance unihoraire de 165 chevaux (soit environ 120 kW) sous 600 volts, permettent d’atteindre, en palier et alignement droit, une vitesse maximum de 70 km à l’heure.

Tous les types de moteurs possèdent le même rapport d’engrenages qui est de 2,4 (avec une roue dentée 65 dents et un pignon de 27 dents). Les équipements électriques de ces voitures fonctionnent clans des conditions analogues à celles des équipements dès automotrices de la première série et présentent les mêmes avantages pour la constitution des rames et la commande simultanée de toutes les voitures depuis un poste unique. L’emploi de quatre moteurs permet d’adopter un nouvel équipement qui donne toutes les facilités de pouvoir isoler, par suite d’avarie, un des groupes de moteurs couplés deux par deux.

Ces automotrices de première et seconde série, à bogies de deux ou trois essieux, sont à l’usage, peu fiables et laissent un mauvais souvenir pour les ingénieurs et le personnel de l’exploitation. En 1921, par exemple, le nombre de véhicules en panne dépasse 60% du parc ! Il faut, d’urgence, songer à un autre type de matériel et remettre à plat toute la conception, et, de nouveau, déployer les planches à dessin. Toutefois elles préfigurent l’automotrice de banlieue moderne dont les descendantes sont, d’une part, les fameuses automotrices Standard Etat et d’autre part les automotrices du Paris-Orléans et de la ligne de Sceaux.

Ce sont donc surtout les « Standard » qui, à partir de 1924, occupent le devant de la scène et apporteront l’évolution, pour ne pas dire la révolution, que les deux premières séries n’avaient fait qu’amorcer.

Les enseignements apportés par ces automotrices.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le réseau de l’Etat conserve, paradoxalement, l’ancienne électrification en 650 volts du réseau de l’Ouest dont il a hérité en 1909 au lieu d’appliquer, à partir de 1920, les directives nationales d’unification de la tension à 1500 volts, fort justement choisie pour ne pas exclure la possibilité du troisième rail que le réseau du PO, par exemple, utilise pour sa banlieue. Mais le réseau de l’Etat poursuit, à l’inverse du PO, le développement du 600 V au point de disposer en 1940 d’un véritable réseau maillé de plus de 120 km de lignes en banlieue ouest.

Il faut, évidemment, ne pas oublier le poids de la décision prise en 1910 par l’Ouest, dans la perspective d’une extension prévue du troisième rail vers Saint-Germain et Argenteuil. Le réseau de l’Ouest, à l’époque, choisit un remarquable projet de matériel moteur d’automotrices tout en acier, tournant le dos au bois des caisses type Sprague ou Thomson. Ces automotrices d’aspect massif  et très bien dessinées esthétiquement, doivent, sans doute, beaucoup aux automotrices allemandes Siemens et AEG qui ont roulé à plus de 210 km/h entre Marienfelde et Zossen, près de Berlin, en 1903, créant un fascinant record mondial de vitesse qui n’est pas prêt d’être battu avant de longues décennies. Les bogies à trois essieux de la deuxième série de l’Etat rappellent beaucoup les bogies à trois essieux de ces automotrices allemandes.  

Les automotrices Etat sont confortables et remarquables pour l’époque de leur conception, malgré leurs masses importantes (60 et 74 t). Ces deux catégories d’engins doivent cependant subir de nombreuses améliorations dès 1921, ce qui finit par déboucher sur l’élaboration de séries nouvelles. En particulier le réseau de l’Etat tient à abandonner les rames à véhicules tous moteurs, et respectivement indépendants, et passe aux nouvelles rames dites « Standard » de 1924 qui sont des éléments automoteurs indéformables à deux caisses, dont une seule est motrice.

Par ailleurs, alors que chaque automotrice de première ou seconde série a une masse de 60 ou 74 t, soit 120 à 148 t pour deux caisses, l’unité de base type « Standard » automotrice plus remorque, à capacité égale, ne pèse que 96 t, donc sur le plan performances, une moyenne théorique de 48 t par caisse, qui permet une évidente économie d’achat puis d’énergie, et de meilleures accélérations dans la seconde formule. Côté bogies, on revient avec les « Standard » à la formule à deux essieux, mais avec quatre moteurs par automotrice, les remorques n’ayant bien entendu que des bogies porteurs. Enfin, si toutes les séries sont dotées de l’attelage central automatique conçu par l’ingénieur Boirault, les rames «Standard» disposent en plus de tampons stabilisateurs.

Sur le plan électrique, il y a aussi une évolution avec la commande des contacteurs qui, d’électromagnétique sur les premières et deuxièmes séries, devient électropneumatique avec arbre à cames et servomoteur sur les « Standard » en attendant, d’ailleurs, de repasser sur les dernières séries aux contacteurs individuels.

Il est vrai que les voyageurs de banlieue ne seront pas réellement gagnants dans l’affaire, car l’aménagement intérieur des « Standard » est sobre, raide, pour ne pas dire sommaire, et les voitures sont bien moins stables et douces que celles des deux premières séries. Il est vrai que le confort des premières et deuxièmes séries se payait par un poids très élevé, donc une grande consommation de courant, et un plus grand entretien des voies. En 1920, on a compris que les voyageurs de la banlieue ne peuvent plus être transportés dans le confort et le luxe…

Une automotrice Etat 1re série, un des joyaux de la Cité du Train Patrimoine SNCF de Mulhouse.
Rame Etat avec automotrice 2e série à bogies à trois essieux, Z23011 à 28 vue en 1914.

Les automotrices dites « Standard » : la réussite absolue sur la banlieue Etat.

Le réseau de l’Etat est certes celui qui a inventé le train de banlieue moderne et le service à horaires serrés et cadencés que nous connaissons aujourd’hui : au lendemain de la Première Guerre mondiale, ce réseau se lance dans une grande opération de modernisation de son réseau qui dessert la banlieue ouest de Paris en électrifiant l’ensemble des lignes par le fameux système à troisième rail latéral, et en faisant circuler les non moins fameuses automotrices Standard, et aussi des trains classiques à locomotive à vapeur et composés de voitures Talbot qui forment des rames homogènes.

Les rames Standard, engagées à partir de 1924, vont marquer d’une empreinte durable la banlieue ouest de Paris. Leur caisse, très robuste et faite dans un acier épais et lourd, est une « caisse-poutre » indéformable et, donc, sans châssis. Chaque rame est formée d’une motrice et d’une remorque indissociables en service. Les remorques, dont la caisse est identique à celle des motrices, possèdent une cabine de conduite d’extrémité, et le réseau de l’Etat combine à volonté autant d’ « éléments doubles » (motrice et remorque) que nécessaire pour former des trains modulables selon les heures de pointe ou les heures creuses. Chaque caisse est divisée en compartiments : la cabine de conduite avec ses appareils, le compartiment fourgon, trois compartiments de deuxième classe (à partir de la quatrième série, il y a un compartiment de première classe et deux de deuxième). Coté cabine de conduite, donc en extrémité de rame, l’attelage est du système automatique Boirault, tandis que, du coté opposé, l’attelage réunissant la motrice et sa remorque est classique.  L’équipement électrique est du système Sprague – Thomson et les quatre moteurs de traction de 165 ch chacun fonctionnent sous 750 volts, mais peuvent accepter 1500 volts selon le couplage. La vitesse est de 70 km/h pour la deuxième série, portée à 80 km/h pour les suivantes.

Construites jusqu’en 1930 pour former un parc homogène de 205 rames, les rames automotrices Standard durent jusque durant les années 1980, leur va et vient incessant formant l’essentiel du trafic de la gare St-Lazare.

Motrice Etat 3e série de 1924. Doc.LR-Presse.
A partir de 1924 la belle banlieue ouest, et sa riche végétation, devient le jardin des fameuses rames dites « Standard » que le peintre Geo Ham lui-même tient à immortaliser dans une de ses célèbres gouaches.
Une rame « Standard » sur la ligne, très parisienne dite des beaux quartiers, reliant le Pont Cardinet à la Porte d’Auteuil. Comme partout où il y a du « Standard », la nature est présente, même dans Paris.
Rame Etat « Standard » vue coté remorque dans les années 1950, sur l’actuel « groupe 2 » de la banlieue St-Lazare. Attelage automatique Boirault.
Rame « Standard » vue coté remorque dite « tôlée », c’est-dire sans vitre pour le coté voyageurs assis et tournant le dos à la voie. Mais la porte centrale, vitrée, jouxtant la loge de conduite, est un observatoire très recherché par les voyageurs, notamment les enfants, ce qui fut le cas de l’auteur de ce site-web à qui on offrait un billet AR St-Lazare-Asnières quand il le méritait. Ici nous sommes dans la gare de Chaville RD construite sur un pont enjambant la voie : la place est mesurée et chère dance ces belles banlieues.

Toujours dans les beaux quartiers, une rame « standard » quitte Passy-La Muette : quelques paisibles ministres ou généraux en retraite et bonnes promenant les enfants font, en milieu de journée, la raison d’être d’une ligne calme et heureuse. Un Paris d’autrefois…
Toujours à la station Passy-La Muette, une des dernières circulations des « Standard », années 1980. Attelage automatique Boirault.
Mais dans les années 196, « elle court, elle court, la banlieue »… et le phénomène envahit aussi la banlieue ouest. Les « Standard » peinent à suivre l’évolution et la surcharge. Une page se tourne.

Les rames dites « Talbot » : un succès même sur les autres réseaux.

Les voitures Talbot sont commandées par le réseau de l’Etat à l’Office Central d’Etudes du Matériel (OCEM), un organisme commun crée par la plupart des réseaux français de l’époque. A titre de réparation de guerre, la firme allemande Talbot est chargée de la construction d’une partie des 300 premières voitures livrées en 1930 et 1931: le surnom Talbot restera acquis à l’ensemble de ces voitures, construites en Allemagne ou en France.

En 1929, le réseau de l’Etat commande une deuxième tranche de 80 voitures à divers constructeurs français. Livrées en 1933 et 1934, ces nouvelles voitures se signalent par un dessin très simple et très fonctionnel, à angles vifs et sans pans coupés ou arrondis. Les fenêtres offrent, pour la première fois sur les trains de banlieue, un système de baie fixe pour la moitié inférieure et de baie à châssis coulissant verticalement pour la moitié supérieure. Ultérieurement, lors de l’électrification de la banlieue Montparnasse, un chauffage électrique et des toilettes sont installées, leur permettant de circuler en grande banlieue, sans réversibilité, allant à Rambouillet ou à Chartres, et s’intégrant dans un service omnibus pour grandes lignes.

Quand la banlieue St-Lazare est électrifiée, les voitures Talbot sont équipées de la réversibilité électrique en recevant des appareils déjà présents sur des rames inox banlieue, ce qui permettra à des BB 17000 et 25500 de les remorquer et de les pousser. La puissance de ces locomotives électriques permet d’allonger les rames et de les porter à huit caisses.

La traction sur les lignes d’Argenteuil à Ermont ou d’Ermont à Gennevilliers, non électrifiées à l’époque, impose la traction diesel et la présence de fourgons chaudières pour les voitures ayant gardé leur chauffage à la vapeur des origines. Les dernières de cette grande série de 380 véhicules que sont les voitures Talbot circulent encore au milieu des années 1980 sur la partie nord de la transversale de la Rive Gauche avant qu’elle ne soit intégrée au RER ligne C.

Le réseau du Paris-Orléans se fait livrer, entre 1935 et 1937, une série de 38 voitures Talbot de troisième classe, mais mieux aménagées avec un emmarchement moins vertical, un meilleur éclairage et chauffage, et des bogies différents.

Le réseau du Nord, lui aussi, est preneur, bien que très bien doté avec un magnifique matériel de banlieue de construction très évoluée. Le réseau de l’Etat lui prête une rame à titre d’essai. Après la Seconde Guerre mondiale, ces voitures circulent sur la banlieue Nord, celle de Mitry et aussi, pendant un temps moindre, sur la banlieue entourant l’agglomération lilloise derrière des locomotives de type 242T d’origine PLM. Mais la plus grande utilisation des Talbot sur le Nord se fait sur la ligne de Paris à Creil, de Paris à Beauvais, de Creil à Beauvais, puis, enfin, sur la ligne de Paris à Pontoise. En 1948 environ 72 voitures Talbot circulent ainsi pour le compte de la banlieue nord. Elles iront encore plus loin ! En effet, dans les années 1960, toujours sur le réseau Nord, elles roulent jusqu’au Tréport ou Compiègne. Certaines voitures circuleront sur le réseau de l’Est entre Paris et Troyes. Donc ces voitures sont très omniprésentes dans les trains de banlieue des années 1950 et 1960. Merci, le réseau de l’Etat.

Rame « Talbot » sur la banlieue Etat dans les années 1930. La cabine sur la passerelle et les signaux mécaniques sont caractéristiques de l’époque. Le troisième rail montre que la page de la vapeur est tournée.
Intérieur, très confortable, d’une voiture « Talbot » Etat de 1932.

L’Etat et ses « deux étages ».

Se voulant le réseau pionnier des trains de banlieue, l’Etat crée son chef d’œuvre qu’est la voiture à deux niveaux, dite couramment à l’époque « voiture à deux étages ». Un plancher inférieur surbaissé, est logé en profondeur dans le châssis entre les deux bogies, ce qui permet de placer un deuxième plancher à mi hauteur de la caisse. On obtient ainsi, dans la partie centrale de la voiture, les deux niveaux nécessaires pour en accroître la capacité d’environ 40 à 50%.

Commandée en 1932, la première série est livrée dès 1933 et se fait remarquer entre Paris et Sartrouville. Une deuxième série de 40 voitures est livrée en 1934, portant la totalité du parc à 50 exemplaires. Chaque rame comporte huit voitures : deux voitures mixtes de première et deuxième classes, quatre voilures de troisième classe, le tout encadré par deux voitures de troisième classe avec compartiments fourgons, toilettes et WC, et cabine de commande pour la marche en réversibilité. Chaque voiture pèse à vide 47 tonnes. La rame permet de transporter 2040 voyageurs tant assis que debout, alors que les rames de voitures métalliques de banlieue déjà en service, de longueur sensiblement égaie, comportent neuf véhicules et ne transportent au maximum que 1524 voyageurs.

La salle supérieure comprend des sièges à cinq places de front (trois + deux) tandis que la salle inférieure, plus étroite du fait de la présence des longerons de châssis l’encadrant, ne comporte que quatre places de front (deux + deux). Il est à noter que les rares places de première classe sont situées à hauteur traditionnelle au dessus des bogies, sur les plateformes d’extrémité d’une voiture, donc complètement en dehors des niveaux supérieurs ou inférieurs.

Tous les sièges sont rembourrés, même en troisième classe, et le roulement des bogies type X2 Etat à silentblocs en caoutchouc est très doux. Ces voitures roulent jusqu’en 1984, remplacées progressivement pas les voitures à deux niveaux nouvelles que la SNCF engage à partir de 1974 sur la banlieue parisienne.

Voiture Etat à deux niveau de 1933: le principe est toujours celui des rames de banlieue les plus récentes actuelles.

La gare Saint-Lazare créatrice d’une vie nouvelle en banlieue.

Chronologiquement, elle est la plus ancienne, donc la première née, des grandes gares parisiennes, mais c’est une gare de banlieue sans en être une puisque ce terme n’existe pas encore à l’époque. On ne peut même pas dire qu’elle préfigure ce que seront les gares parisiennes desservant la banlieue : elle est certes la tête de la ligne de Paris à Saint Germain, la première ligne ouverte au service public des voyageurs en France dès 1837, et qui sert beaucoup plus de « vitrine technologique » et de champ d’essais, mis en place par les fondateurs très avisés des premiers grands réseaux français. Beaucoup plus que la ligne de St-Germain, la réalité la plus profitable et la plus active est bien, comme toutes les gares parisiennes, un ensemble de grandes lignes partant en direction des grandes villes de la province, ici c’est le cas avec Rouen et Le Havre.

La notion même de banlieue n’existe pas encore et il n’y a pas de migration quotidienne entre Paris, lieu de travail, et les villes de la périphérie. Mieux encore : il semble impensable, même au cœur de Paris, de ne pas habiter à quelques pas de son travail, non seulement pour les employés, mais aussi pour les ouvriers des usines que la révolution industrielle du XIXe siècle place dans les quartiers du nord ou de l’est de Paris. On va à pied à son travail, ou en omnibus à chevaux, ou en tramway ultérieurement, mais les trajets quotidiens se font en restant dans le quartier, et très rarement en passant d’un quartier de Paris à un autre.

Toutefois, à partir des années 1880-1890, la hausse des loyers créée par la spéculation et les grands travaux de Haussmann se chargeront de chasser au-delà des fortifications l’ensemble de la population des ouvriers et des petits employés, et de les faire habiter dans des petits villages comme Argenteuil ou Nanterre, Gennevilliers ou Ermont, ou encore Maisons-Laffitte. C’est ainsi que, à partir des années 1910 et 1920, le réseau de l’Ouest et celui de l’Etat qui lui succède sont les champions de la banlieue parisienne et du transport de masse des travailleurs à visière et manches de lustrine qui, chaque jour, vont et viennent entre leur petit pavillon loi Loucheur et leur bureau où une carrière bien ordonnée se construit jour après jour.

La banlieue Ouest en 1866.
La banlieue Ouest en 1908. Le réseau est dense et couvre très bien l’ensemble de la banlieue ouest.
La banlieue Ouest en 1924: l’électrification se limite encore à la ligne des Invalides à Versailles (en rouge). Les lignes à électrifier sont en noir (trait épais).
Le dédale de la bifurcation de Porchefontaine, entre Paris et Versailles : un exemple, parmi d’autres, de la densité et de la complexité du réseau de la banlieue ouest. La grande ligne de Paris à Brest doit ainsi s’en échapper !
En 1939, l’électrification, par rail conducteur latéral, couvre l’ensemble de la banlieue ouest.
La banlieue ouest en 1955; la vapeur est encore présente dans la partie nord du réseau, tandis que le 3e rail occupe toute la partie centrale.

St-Lazare: la banlieue par excellence, donc.

La banlieue dite « rive droite » est l’objet d’une expansion sans précédent à partir des années 1920 et le réseau de l’Etat électrifie les lignes de banlieue en 1924 et met en service, en 1925, ses fameuses rames dites Standard, formées d’une automotrice et d’une remorque. Les remorques, dont la caisse est identique à celle des automotrices, possèdent une cabine de conduite d’extrémité, et le réseau de l’Etat combine à volonté autant d’ensembles automotrice + remorque pour former des trains modulables selon les variations quotidiennes du trafic. Construites de 1925 à 1930 pour former un parc homogène de 205 rames, les Standard durent jusque à l’apparition des Z-6400, soit un demi-siècle, presque,  de service sans faille.

L’arrivée des rames « bleues Z-6400 », à partir de 1976, est précédée d’un très important travail de «réelectrification » de cette banlieue avec remplacement de l’ancien système à troisième rail latéral 600 v continu, peu performant et ne donnant que peu de puissance, par une caténaire 25 000 v monophasé de fréquence industrielle permettant une circulation rapide et des accélérations remarquables qui augmentent le débit des lignes.

On imagine la difficulté des travaux, car il ne peut être question d’interrompre un seul instant un trafic de banlieue aussi intense: il faut donc faire coexister les deux systèmes pendant un temps transitoire. Mais aussi, pour l’électrification par caténaire, il faut dégager ce que l’on appelle le « gabarit électrification », c’est-à-dire surélever l’ensemble des ponts et passages supérieurs, mais aussi abaisser la plate-forme de la voie dans les tunnels.

Saint-Lazare connaît, dès la fin du XIXe siècle, des voitures à impériale dont les voyageurs, quand ils ne tombent pas sur les voies, font un voyage pour le moins très aéré pendant la course et  très acrobatique en gare quand il faut monter ou descendre avec agilité. Jusqu’à la Première Guerre mondiale de petites locomotives-tender à trois essieux remorquent avec bonhomie ces trains pittoresques à travers une campagne qui commence dès les portes de Paris.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la banlieue ouest s’étend encore plus et la gare St-Lazare est débordée de voyageurs chaque jour. Le site de la gare empêche tout élargissement et tout allongement des quais. Directeur du réseau de l’Etat à partir de 1931, Raoul Dautry, un innovateur de talent, commande un matériel de banlieue étonnant et qui préfigure le matériel le plus récent de la SNCF à deux niveaux. Bien sûr l’idée n’est pas nouvelle, et les voitures à impériale des débuts des chemins de fer en sont déjà l’application, mais, ici, il s’agit d’augmenter de 50% le nombre de places offertes sans sacrifier le confort et sans allonger le train: une gageure.

La première série de voitures est livrée dès 1933 et fait sensation. Depuis les deux plates-formes d’entrée on accède aux étages par des escaliers très larges et traités en style « Arts déco » (acier inoxydable et aluminium poli). Très confortables, douces au roulement, ces voitures restent en service jusqu’en 1984.

Ces voitures sont remplacées par une toute nouvelle génération, les VB-2N qui, après des essais sur l’Est en 1974, entrent en service sur la banlieue St-Lazare en mars 1975, puis sur la banlieue Nord en juin 1975, et sur l’Est en mars 1976. La banlieue Paris-Montparnasse attendra jusqu’en 1978. La banlieue Sud-Est, enfin, verra quelques rames en 1981. Avec des caisses de 24, 28 m, il a été possible de loger jusqu’à 171 voyageurs assis: une voiture Corail, longue de 26,40 m en loge 88 au maximum, c’est-à-dire deux fois moins. La hauteur de plafond du compartiment inférieur est de 1,91 m et du compartiment supérieur de 1, 93 m au centre de la courbure du toit au-dessus de l’allée centrale, mais bien des plaisanciers se contentent d’une « hauteur sous barrots » moindre….Le confort est au rendez-vous grâce à un chauffage à air pulsé et une ventilation électrique en été commandés par des sondes extérieures et intérieures, et surtout un silence et une douceur de roulement dignes des voitures grandes lignes. Dès leur mise en service, leur couleur orange et blanche tranche agréablement sur le triste vert sombre des anciennes voitures Etat.

St-Lazare : la gare des Mille à la minute.

Elle a toujours été la gare la plus active de Paris, et elle l’est encore au début des années 2000 avec environ 1400 trains par jour (contre 1100 pour la gare du Nord et environ 700 pour celle de l’Est, par exemple), et avec environ 460 000 voyageurs par jour (contre respectivement 380 000 et 213 000 pour les deux précédentes), et, aux heures de pointe, pas moins de 1 000 voyageurs traversent la gare chaque minute.

Et pourtant cette gare qui semble tout avoir pour elle a un manque: c’est une gare sans TGV. Elle ne peut en espérer pour bientôt: c’est la gare des lignes courtes et denses, même pour les grandes lignes de Normandie dont elle est la tête. Pourtant elle a vu naître un train fabuleux qui préfigurait le TGV dès 1968-69: le très médiatique Turbotrain avec sa grande vitesse d’alors et ses horaires serrés réveillant la ligne de Caen et de Cherbourg et créant le chemin de fer rapide et efficace d’aujourd’hui.


Années 1980: la fin des « Standard » et des « Talbot » en gare St-Lazare, toujours aussi active.
Le trafic de la gare St-Lazare est déjà très important en 1910. Noter l’importance du trafic sur la ligne d’Auteuil. Doc.RGCF.
Le trafic de la gare St-Lazare (en vert) est, toujours dans les années 1950, le plus important de la banlieue parisienne. Doc.RGCF.

2 réflexions sur « De l’Ouest à l’Etat : la banlieue modèle. »

  1. Jean-Pierre Arduin 3 mai 2021 — 16 h 13 min

    Magnifique document, de nombreuses illustrations, dessins, photos, cartes postales et une ligne d’écriture simple à lire et rendant le texte facile à comprendre. Pour tous les âges, les petits et les grands…voire les petites et les grandes..

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    1. Merci, Jean-Pierre, pour ce que vous dites de mes articles. J’y suis très sensible. Bien à vous, Clive

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