Les Français ont construit des chemins de fer partout dans le monde, soit pour leurs colonies, soit pour des pays étrangers demandeurs du savoir-faire des entreprises françaises. Certains, parmi ces chemins de fer, ont engendré des souffrances humaines et des difficultés techniques insurmontables. Certes… la construction des grandes lignes dans les Alpes ou le Massif-central ne furent pas, non plus, faciles, mais ce furent des chantiers bien ordinaires à coté de certains enfers vécus sous les tropiques, dans une chaleur moite et accablante, à une époque où de mystérieuses maladies, mal identifiées, décimaient les hommes par milliers. Le Congo-Océan fut de ceux-là.

On a écrit, dans la presse d’époque, que la construction du Congo-Océan a coûté la vie d’un Noir par traverse et d’un Blanc par kilomètre ! L’image a été tellement célèbre qu’aujourd’hui, encore, on la cite…Sans aller jusqu’à accepter une telle formule qui aurait donné plus de 600 000 morts chez les Noirs, et au moins 500 morts chez les ingénieurs blancs, on sait que la ligne a certainement coûté très cher en vies humaines sans que les chiffres réels aient été connus.
Le célèbre écrivain André Gide fait un voyage au Congo en 1926, chargé d’un rapport officiel à faire sur la colonisation. Il visite le chantier, effaré. Partisan du Congo-Océan, certes, Gide est ému par le nombre de morts élevé : « Le chemin de fer Brazzaville-Océan est un effroyable consommateur de vies humaines » écrit-il, et il ajoute : « A combien de décès nouveaux la colonie devra-t-elle son bien-être futur ? ». Le non moins célèbre journaliste qu’est Albert Londres, qui fit fermer le bagne de Cayenne, dénonça la traite des Noirs, et celle des «Blanches », écrit en 1928 : « Un drame se joue ici. Il a pour titre Congo-Océan » et il estime le nombre de victimes à 17.000… Il était fort en dessous de la vérité.
Des « tâcherons » qui ont la mort pour seul salaire.
Les « tâcherons », comme on les appelle à l’époque, n’y sont pas allés de leur plein gré, connaissant bien la région et son climat, et il a fallu recruter de force 127 000 travailleurs africains, auxquels se sont ajoutés environ 28 000 volontaires sans doute pas très au courant de ce qui les attendait.
Le premier agrément est un voyage d’approche du chantier qui se fait à pied dans la jungle sur une distance de 1.500 à 2000 km. Il faut ensuite aller dans un des « camps d’entraînement » où les travailleurs séjournent jusqu’à trois ou quatre mois pour se préparer à des conditions très rudes et apprendre à survivre. Le seul chiffre connu est celui du nombre d’hommes qu’il a fallu remplacer, les morts ou les évadés, et qui ont été environ 20 000. Le nombre des morts a pu atteindre la moitié de ce chiffre, ce qui est déjà inacceptable et marque un triste record mondial dans l’histoire de la construction ferroviaire. L’hécatombe est oubliée aujourd’hui. Les trains passent toujours et roulent dans une jungle toujours aussi difficile et hostile, mais comme devenue indifférente. Qui se souvient ?



« Sans le chemin de fer, le Congo ne vaut pas un penny ».
C’est ce que dit l’explorateur britannique Stanley, après avoir retrouvé Livingstone et après s’être mis au service du Roi des Belges pour lui conquérir une colonie, le Congo Belge. Stanley a dit aussi : « seul le chemin de fer est civilisateur ». La conquête coloniale de l’Afrique se fera donc avec des chemins de fer, mais chaque colonisateur construit son propre réseau ferré avec ses normes nationales et sans se soucier de la possibilité de raccorder les différents réseaux, les différents écartements, et sans penser, un seul instant, au futur développement du continent entier.
La France a pris une bonne place sur les rangs du départ de la course à la puissance coloniale nation par nation, et est arrivée à prendre possession de ce qu’elle appellera l’Afrique Occidentale Française et de l’Afrique Equatoriale Française, soit une grande partie du continent africain. Si l’AOF a des côtes et des ports, et se trouve accessible par la mer et les grands fleuves, ce tout aussi immense pays qu’est l’AEF est enclavé au cœur du continent, sans débouché autre sur la mer qu’une côte peu commode, longue de 800 km, entre Massabé et la frontière sud du Cameroun.
Le seul accès à la mer, pour l’Afrique Equatoriale Française, est offert par de grands fleuves comme le Congo ou l’Oubangui, mais peu navigables si ce n’est au prix du franchissement de nombreuses chutes, de seuils rocheux, de récifs qu’il faut prudemment contourner si le courant ne jette pas le batelier dessus. Pour le Congo, ces obstacles naturels forment une succession de barrages entre Brazzaville et la mer.
Stanley et les Belges, grands colonisateurs à l’époque, ont déjà construit, entre 1890 et 1898, leur chemin de fer le long du fleuve, sur la rive sud, et il réunit très judicieusement et efficacement l’océan Atlantique à ce que l’on appelle à l’époque le « Stanley Pool », c’est-à-dire le bassin très actif qui entoure Brazzaville et Léopoldville.
La France aurait pu proposer d’utiliser cette ligne, ce qui l’aurait encore plus rentabilisée. Mais, à l’époque, il est autant question d’honneur et de grandeur que de profit colonial, et jamais une puissance européenne comme la France n’accepterait de passer en terrain autre et concurrent, ici en l’occurrence le Congo Belge, pour accéder à sa propre colonie !. Il ne reste donc plus qu’à construire un chemin de fer français et direct entre Brazzaville et la mer, en suivant la rive nord du fleuve.
Un penny, disait Stanley ? La France engagera une somme dépassant le milliard de francs-or à l’époque de l’achèvement de la ligne, soit quatre fois les estimations de départ.
Savorgnan de Brazza pense la même chose.
Pour en revenir à l’Afrique Equatoriale Française, Pierre Savorgnan de Brazza pense à la ligne du Congo-Océan dès 1882 en explorant la vallée du Niari, et il confie à l’ingénieur Albert Dolisie le relevé d’un premier tracé. Une autre étude est faite à partir de 1886 sous la menée de l’ingénieur Jacob, du réseau de l’Etat, présent sur les lieux. De nombreuses autres missions se succèdent jusqu’en 1907, année décisive avec la mise en exploitation des gisements miniers de Mindouli : l’exploitation, déjà difficile, se complique d’un transport par bateau, solution aussi dangereuse que peu performante. L’idée du chemin de fer fait son chemin dans les esprits…
Un des ingénieurs de la Société Minière du Congo Français, Marc Bell, propose alors le tracé qui sera effectivement réalisé une quinzaine d’années plus tard. Pour le moment, un emprunt national est lancé en 1909 dans le but de construire en Afrique Equatoriale Française des routes, des hôpitaux, des télégraphes, mais pas encore de chemins de fer.
La fameuse Société des Batignolles, qui se spécialise dans les réalisations coloniales, dépose un avant-projet ferroviaire en 1912, suivi de relevés sur le terrain. Les travaux commencent en 1921 à partir de Pointe-Noire, mais sont presque arrêtés en 1924 au niveau du point kilométrique 40, par suite de la dévaluation du Franc. Les travaux reprennent, mais sans moyens, sans conviction, au ralenti, avec pour but, désormais, de construire une petite ligne en voie de 60 sur les 55 premiers kilomètres jusqu’à Boukou.

Un projet (déjà) maudit.
Avant d’être une ligne de chemin de fer, le Congo-Océan est déjà un projet maudit. On voit en lui une « lourde faute » dit un rapport officiel qui « achèvera de faire disparaître une main d’œuvre déjà trop rare dans un pays déjà misérable », et qui, tout compte fait, ne rapportera rien d’autre que des dettes pour le contribuable français. Les opposants nombreux au projet suggèrent que l’on s’entende avec les Belges pour partager avec eux leur chemin de fer au lieu d’en construire un autre parallèle.
La Première Guerre mondiale secoue l’apathie et l’indifférence, et donne envie aux Français de renouer avec la grandeur, avec l’idée d’un rayonnement de la France dans le monde, et permet la reprise sérieuse de la construction de la ligne. Le gouverneur général du Congo Victor Augagneur peut enfin donner le premier coup de pioche pendant la cérémonie officielle d’inauguration du 6 janvier 1921.
Mais la Société des Batignolles n’ouvre son chantier qu’en 1923, et encore n’est-ce que pour la section de Pointe-Noire au km 172, car la convention n’est passée que le 22 juillet 1922. La fin des travaux est prévue pour le 10 septembre 1933. Onze années d’enfer pur attendent les ouvriers.



Une armée de travailleurs à l’œuvre.
En tête du chantier, dans la semi-obscurité de la forêt qualifiée de « putride », une brigade étudie le terrain, fait un relevé topographique, et ouvre une piste sommaire. La brigade est suivie par des équipes chargées de construire une plateforme provisoire sur laquelle on pose une voie de 60 Decauville, dite « sentier de fer ». En troisième lieu, des équipes plus importantes se servent du Decauville pour effectuer les travaux définitifs.
Le chantier est très difficile pour de nombreuses raisons : la misère, l’absence de qualification, vingt langues différentes parlées sur le chantier, aucune aide de la part d’une population rare et éparpillée, aucun moyen de trouver de la nourriture,. Pour épargner les Noirs, devant le scandale enfin crée dans l’opinion publique en métropole, les ingénieurs recrutent… 700 Chinois ! Mais ceux-ci ne se laissent pas faire, et engagent des grèves, ou accomplissent des sabotages par manque d’autre moyen de se faire entendre, et, tout compte fait, ne supportent pas le climat et tombent malades et certains, malheureusement, meurent. L’expérience de l’immigration choisie, mais en version asiatique, est terminée et pour longtemps.
Les caractéristiques de la ligne.
La Société de Construction des Batignolles fait preuve d’anticipation et de vues larges et choisit l’écartement de 1, 067 m, un écartement anglais de trois pieds et demie et qui n’a jamais été pratiqué par les compagnies françaises en Afrique. Ce choix se justifie dans la perspective et l’espoir, lointains pour ne pas dire surréaliste, de la constitution d’un grand réseau africain par raccordement entre eux des réseaux construits dans chaque pays, compte tenu du fait que les Britanniques semblent dominer la scène ferroviaire africaine et imposeront donc leur écartement s’il fait faire un grand réseau unique. Voilà, une fois encore, le vieux rêve de la ligne du Cap au Caire par les réseaux anglais et belges, mais c’est un rêve réaliste et utile.
Prévue pour une longueur totale de 512 kilomètres, la ligne aura à traverser deux régions de savane situées à ses extrémités, et une partie centrale redoutable, le massif montagneux du Mayombe, longue d’une centaine de kilomètres et atteignant une altitude de 630 mètres. Il faut, pour franchir ces montagnes, percer douze tunnels totalisant 3.000 mètres de travaux, dont le fameux tunnel de faîte du Bamba long de 1.690 mètres, le plus long d’Afrique à l’époque.
Le nombre d’ouvrages d’art atteint 92 ponts et viaducs de plus de 10 mètres de haut, totalisant une longueur de 2.400 mètres. La voie est formée de rails de 30 kg/m, ce qui est un armement remarquable pour une ligne coloniale à écartement de 1.067 mm. La ligne est en voie unique, mais des évitements sont aménagés a une distance moyenne de 16 km sur l’ensemble du parcours. Le rayon minimum des courbes descend jusqu’à 100 mètres. Le poids par essieu est prévu pour 20 tonnes



Des travaux pharaoniques, mais l’Afrique en a l’habitude.
Les travaux auront demandé le déplacement de 10 millions de m3, dont 1,5 millions que l’on a fait sauter à la mine, ce dernier chiffre étant considérable. Ce chantier atteint, sur le tronçon central de la ligne, la valeur record de 75.000 m3 au kilomètre. Le terrain, très dur, refuse l’emploi d’engins comme des pelles mécaniques, et, en outre, le temps passé pour amener ces engins sur le site aurait été plus considérable que celui qu’ils auraient fait gagner ensuite. Donc tout se fait, pratiquement, à la main. Cerise sur le gâteau, le tunnel du Bamba n’épargne aucun malheur avec des éboulements, des venues d’eaux boueuses tandis que le terrain gras et argileux, gorgé d’eau, exige des boisages qui demandent beaucoup de temps.
Deux grandes gares sont construites aux extrémités de la ligne pour lui donner son prestige et sa respectabilité, une à Pointe-Noire et une à Brazzaville, et sur la ligne on trouve quatre stations intermédiaires et vingt-trois haltes avec des voies d’évitement placées tous les vingtaines de kilomètres. Un point d’eau est situé tous les trente kilomètres environ. Une ligne téléphonique à douze fils est installée : six fils pour le téléphone du chemin de fer avec quatre pour les liaisons de gare à gare et deux pour les liaisons de bout en bout, plus deux pour le télégraphe avec retour par la terre, et quatre autres pour le téléphone public.


Les locomotives et le matériel roulant remorqué : la qualité.
La ligne est, bien entendu, à traction vapeur. Les locomotives les plus puissantes sont du type 141 de construction Borsig, et montées sur des petites roues motrices de 900 mm seulement, du fait des fortes rampes. Pesant chacune 85 tonnes, ces machines sont au nombre de 26 quand elles sont engagées en 1934 pour remorquer tous les types de trains. Elles ne sont pas les seules locomotives à vapeur, car elles sont entourées de locomotives-tender des types 030 ou 040 Batignolles pour les manœuvres, ou à tender séparé du type 130 pour la traction de trains courts omnibus à parcours partiel sur la ligne. Toutefois d’intéressantes locomotives type Garratt 141+141 ou Golwé 130+132 sont engagées pour la traction des trains de marchandises très lourds à 30 ou 40 km/h. En 1948, trois locomotives du type diesel-électrique apparaissent sur la ligne, mais sont rapidement mises hors service devant les dures conditions d’utilisation.


Le matériel voyageurs est très confortable pour l’époque, entièrement sur bogies. Le confort offert n’est pas de trop car, avec les trains de voyageurs ordinaires, le trajet total dure de quinze à dix-huit heures, ce qui, malgré la présence de ventilateurs, est très long pour 500 km ! C’est pourquoi, pour réduire ce temps de trajet assez décourageant, on engage sur la ligne deux Michelines coloniales à moteur Panhard. Montées sur deux bogies à trois essieux, ces Michelines parviennent à atteindre 80 km/h en vitesse de pointe et à réduire le trajet à une douzaine d’heures quand tout se passe bien. Mais il faut endurer le confort champêtre d’un fauteuil en rotin dont la flexibilité naturelle peut aider pour le confort, tandis que l’air circule entre les brins d’osier… L’absence de toute restauration oblige, toutefois, à attendre le seul arrêt-buffet prévu, avec un véritable repas, dans un hôtel de Dolisie.



En 1934 il existe même un projet de création d’un train paquebot de luxe, effectuant le trajet total en douze heures, remorqué par des locomotives diesel-électriques, et comportant une voiture-restaurant, des voitures lits-salon, et toutes avec intercommunication. La Seconde Guerre mondiale aura, sans doute, empêché la réalisation de ce projet.
Les wagons à marchandises sont, eux aussi, sur bogies. Tout est métallique, et de qualité. L’attelage automatique Willison et le frein à vide règnent sur l’ensemble du matériel de la ligne, ce type de frein étant choisi avec l’espoir de se raccorder avec le réseau d’Afrique centrale et du sud, en voie de 1.067 mm, et aux normes britanniques.
En 1958, peu avant l’indépendance du Congo en 1960, une série de 26 locomotives diesel-électriques du type BB, pesant 60 tonnes et très puissantes avec leurs 1400 ch, est commandée chez Alstom, et ces machines marquent le renouveau de la ligne, capables de remorquer des trains de 500 tonnes en rampe de 18 pour mille et courbe de 150 mètres de rayon. Elles peuvent assurer des trains de voyageurs en gagnant une demie heure sur les autorails pourtant assurant le service le plus rapide.



En 1962, la ligne de Mont-Belo à Mbinda, longue de 285 km se raccorde au PK 200 du Congo-Océan pour le transport du maganèse de Moanda apporté par un téléphérique de 70 km de long. Entre 1976 et 1985, le Congo-Océan a bénéficié de travaux de réalignement à travers les montagnes du Mayombe grâce au percement d’un tunnel de 4.633 mètres, constituant le dernier grand chantier ferroviaire français en Afrique. La ligne est toujours en activité avec un train « L’Océan » circulant au départ de Brazzaville le mercredi et le dimanche et au départ de Pointe-Noire le lundi et le jeudi. Des trains omnibus circulent sur la ligne, mais ne la parcourent pas en totalité, se bornant à quitter les grandes agglomérations de la ligne et faire des allers et retours très localisés.



Le bilan du plus grand chantier ferroviaire colonial français.
En Juillet 1934 la ligne est ouverte et elle passe pour avoir été le plus grand chantier colonial français en ce qui concerne les chemins de fer. Le devis initial était de l’ordre de 250 millions de francs, et la note finale dépasse le milliard… couvert par trois emprunts successifs en 1923, 1931 et 1933 qu’il a fallu lever. Que la France ait été financièrement gagnante dans cette aventure, cela reste à prouver…
La Société des Batignolles a accompli un exploit technique sans précédent, et qui représente pour elle une publicité extraordinaire, car cette ligne est décrite dans toute la presse de l’époque, et elle est saluée comme une des plus grandes réalisations de génie civil.
La population africaine a-t-elle, pour sa part, retiré des bienfaits de cette ligne ? Aujourd’hui les économistes et les historiens de l’économie ont fait le bilan de la colonisation et, pour sa part, le Congo-Océan n’a pas échappé à la règle : n’avoir rien apporté aux populations africaines.
C’est une « ligne drain » comme il y en a beaucoup en Afrique, faite pour exporter rapidement les richesses vers le port le plus proche, où elles iront en métropole – et nullement une ligne participant, par le biais d’un réseau continental, aux échanges internes, réseau que l’Afrique n’a jamais eu sauf dans le Sud et au Maghreb.
Fallait-il faire le Congo-Océan ? La réponse est certainement que oui. Mais s’il fallait le faire, cela ne devait pas de cette manière, c’est-à-dire en vue d’intérêts étrangers à l’Afrique. Cette ligne aurait du être une partie intégrante d’un grand réseau continental africain, chose sans doute voulue par la Société des Batignolles en choisissant ce qu’elle pensait être le futur écartement standard de l’Afrique, et en y ajoutant le frein à vide. Raccordée à un réseau international africain, cette ligne et les autres auraient fait pour ce continent ce que le chemin de fer avait fait pour l’Amérique du Nord ou la Russie, car les possibilités économiques africaines le méritaient, elles aussi.
Le Congo-Océan aujourd’hui.
En 1960 quatre États indépendants, Centrafrique, République du Congo, Gabon, Tchad viennent prendre la place d’une Afrique Equatoriale Française qui n’a plus lieu d’exister. Une nouvelle ligne de 285 km, destinée au transport du manganèse, est mise en service au Gabon sous le nom technocratique de COMILOG qui est celui de l’entreprise exploitant les mines du Gabon. Cette ligne se raccorde au Chemin de fer du Congo-Océan à Mont-Bello. Le réseau gabonais connaît alors une belle expansion avec le transport de manganèse qui passe de 19 000 tonnes en 1962, à 2 200 000 tonnes en 1970, sans compter le transport du bois. Mais, comme partout en Afrique, c’est le transport des voyageurs qui fait l’objet d’une forte demande : sur le Congo-Océan, il est multiplié par sept entre 1962 et 1970.
Mais, et c’est un autre problème général en Afrique, la maintenance des lignes est très peu suivie, ce qui occasionne des déraillements sont de plus en plus nombreux tout comme une inévitable chute de la vitesse moyenne des trains. En 1973, on pense à rectifier le tracé de la ligne, et un projet d’un nouveau tracé dit « variante sud » entre les gares de Billinga et Dolisie est finalement retenu, demandant la construction de 91 kilomètres de voie nouvelle unique avec douze ponts et six tunnels. De très nombreuses péripéties comme des attaques répétées demandant la protection du chantier retardent les travaux. De même le percement du tunnel sous le massif du Bamba d’une longueur de 4 600 mètres demande cinq années d’un travail dangereux et insensé du fait d’inondations, d’éboulements, de soulèvements de terrain, de fissuration du béton à peine posé. Le nouveau tracé est inauguré le 15 août 1985.
Le cauchemar n’est pas fini pour autant : les conditions d’exploitation du Congo-Océan se détériorent encore plus à partir des années 1990 avec une quasi cessation de paiement pour la ligne, une pénurie de matériel d’entretien de la voie et de pièces de rechange pour la maintenance du matériel roulant, des déraillements comme celui de 1991 tuant cent personnes, le tout menant à une nationalisation de la ligne. Entre 1998 et 2000 la guerre civile entraine près de deux ans d’interruption de trafic et de lourdes pertes de matériel roulant et de destruction d’installations fixes comme six ponts ou le système de télécommunication. Ce n’est seulement qu’en 2004 que le trafic passagers reprend progressivement, et sous escorte militaire. Entre 2005 et 2006, toutes les lignes sont rouvertes, aussi bien sur l’ancien tracé du Mayombe que sur la ligne ex-Comilog. La réouverture et la rénovation d’une douzaine de gares et la remise en état de huit locomotives ont permis de remonter le trafic moyen. Mais, faute d’investissements lourds, le parc des locomotives passe de seize à dix et le trafic chute de 60 %. Les déraillements continuent. Le matériel roulant est à bout de souffle, et la Banque Mondiale finit par mettre en place un financement pour le renouvellement du matériel : ainsi, le 11 août 2012, un nouveau train « Gazelle » est mis en service. Le 18 avril 2014, à Brazzaville, le ministre de l’Aménagement du territoire annonce un investissement de 200 milliards de Francs CFA pour la ligne de Mbinda. C’est la renaissance du Congo-Océan, avec de nouvelles locomotives diesel américaines arrivant en 2015 en attendant de futures locomotives chinoises. Depuis, la ligne tourne, malgré de fréquents interruptions du service provoquées par une situation politique instable et des troubles.
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