La bataille du fret s’est jouée durant les décisives années 1930, et, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, elle était définitivement perdue pour le rail, non seulement en Europe et en Amérique du Nord, mais surtout en France où, pourtant, des solutions techniques et ingénieuses ont été essayées – mais en vain. Les wagons dits « Route et rail » et “Rail-Route” sont une tardive et éphémère mutation manquée, mais pas totalement inutile et sans lendemain. Les innombrables et très longs trains de wagons porte-conteneurs et porte-remorques routières en sont les lointains descendants actuels, mais utilisant d’autres techniques de chargement et déchargement. De voir comment cela a commencé ne manque pas de saveur historique et technique.

Encore une fois, ouvrons notre collection intégrale de la Revue Générale des Chemins de Fer, et précisément les numéros des années 1930. Par courtoisie, sans doute, pour messieurs les camionneurs que l’on invite à tirer les premiers, la RGCF appelle ce véhicule bizarre du nom de « Route et Rail » pour désigner, avec le vocabulaire du moment, ces premiers systèmes qui apparaissent alors. Ultérieurement, ce sera le “Rail-Route”…
À l’époque, la presse grand public a déblayé le chemin et a pris le soin de présenter ces systèmes “Route et Rail” ou “Rail-Route” comme une juste réaction de la part des constructeurs de camions, courageux, désintéressés et indépendants, dont parés de toutes les vertus, en réponse au « favoritisme éhonté » dont bénéficierait le chemin de fer à l’époque de la part de “politiques” sans discernement et entièrement à la solde des grandes compagnies de chemin de fer et incapables d’inventer quoi que ce soit.

On connaît le résultat de ce « favoritisme » aujourd’hui : la mort annoncée dès les années 1950 du transport par le rail des marchandises, le triomphe « éhonté » du “tout camion” en Europe, et la part minime, très minime, de l’ordre de 8 à 15 % selon les pays européens, laissée au rail par la route, au mépris de la sécurité, de l’efficacité et de l’environnement. Ne remuons pas les évidences qui fâchent et taisons nos larmes.
Les défenseurs du camion, certes nécessaire complément du chemin de fer, ont dit à peu près ceci : “Le camion va partout. Ne parlons pas de sa voracité énergétique, ne parlons pas de la destruction de la nature, ne parlons pas des dangers de la route. Ne disons qu’une chose : le camion va partout.” Et ce sera un “quoiqu’il en coûte” pour privilégier le camion. Et aujourd’hui, on a vu le montant désastreux du “quoiqu’il en coûte”. Mais c’est trop tard. La politique de la terre brûlée a payé : il n’y a plus de terre, ni à brûler, ni à cultiver.
Le chemin de fer décaisse, et le transport routier encaisse.
A partir de la veille de la Première Guerre mondiale et jusqu’à la fin des années 1920, la concurrence de la part du camion, et dans une moindre mesure de l’autocar, est restée dans des limites à peu près acceptables pour les réseaux de chemin de fer en France, mais l’inquiétude, avec les crises économiques de 1929 et des premières années 1930, ne manque pas de gagner les dirigeants des compagnies.
La Revue Générale des Chemins de Fer finit par sortir de son calme courtois et commence son numéro de septembre 1933 par un très important article de soixante pages qui fait, pour l’ensemble des réseaux européens, le tour de la question, et d’une manière très détaillée.
Il faut dire que le nombre de véhicules routiers a été multiplié par 18, puisqu’il est passé de 90 000, en 1913, à 1 700 000 en 1932, et pour cette dernière année, on peut dénombrer pas moins de 500 000 camions ou utilitaires en service. La RGCF rappelle quelques vérités bien senties et discrètement oubliées, notamment le fait que, pour 1932 par exemple, le monde automobile paie, d’une manière générale, 3 500 millions de francs d’impôts alors que le réseau routier a coûté plus de 4 500 millions ! Les 1000 millions de francs qui manquent sont fournis, avec plaisir, par le contribuable puisque conduire son auto, c’est contribuer.
Inutile de dire que, pendant ce temps, le chemin de fer, lui, construit et finance intégralement ses voies et ses installations fixes, soit 2 300 millions de francs. Les chemins de fer de l’époque paient une taxe de 32,5 % sur les billets et de 5 à 10 % pour les marchandises, alors que les transporteurs routiers paient une taxe de 2 % sur leur chiffre d’affaires, fixent librement le prix de leurs services, et remanient librement leurs tarifs, contrairement au cas du chemin de fer.
Dès 1928, la perte totale subie par les réseaux du fait de la concurrence routière est de 400 millions de francs, soit l’équivalent de 10 % de leurs recettes environ pour l’année en question, en attendant que, d’année en année, on arrive à des pertes insurmontables créant un déficit endémique entraînant la nationalisation du 31 août 1937 créant la SNCF.
Les réseaux ne restent pas les bras ballants, et prennent des mesures énergiques. La qualité du service, comme la vitesse, la ponctualité, est augmentée, avec la création de tarifs spéciaux, de trains à prix réduits, de l’accélération du service des marchandises avec, ici aussi, des tarifs spéciaux, des prix fermes, des délais garantis, des groupages, des tarifs au wagon-kilomètre, l’emploi de cadres, de conteneurs, et même l’essai de solutions nouvelles comme le « Route et rail » auquel nous nous intéressons ici.
L’inquiétante création du “Comité de Coordination du Rail et de la Route” : la corde ou le pistolet pour le rail.
La question est importante, à l’époque, car c’est bien en 1932 que se crée, en France, le “Comité de Coordination du Rail et de la Route”, sous la présidence d’André Lebon, président de la compagnie de chemin de fer du PLM. Il faut dire que, dès 1931, les réseaux ferrés français avaient suggéré la création d’un comité de coordination et Jules Moch avait déposé un projet de loi tendant à la coordination générale des transports.
De 1930 à 1934, les déficits accumulés de l’ensemble des réseaux français représentent une facture de 15 milliards de francs que personne ne veut ou ne peut payer. Voulant aider le chemin de fer et lui assurer une chance de survie, ces travaux aboutissent aux décrets-lois de 1934 qui freinent l’expansion de la navigation intérieure et du camionnage (limitations de tonnages, empêchement de création de nouveaux itinéraires, etc.) et qui accroissent l’autorité de l’État dans tout ce qui est transports, attribution de parts de marché, création de lignes ou d’itinéraires. Un même itinéraire ne peut plus être desservi par deux moyens de transport différents, et si le chemin de fer ne peut assurer une desserte d’une manière satisfaisante, l’entreprise routière peut le faire, mais à un tarif imposé, empêchant « toute concurrence déloyale ».
Mais défendre à tout prix le chemin de fer ou l’automobile, ou bien tuer l’un ou l’autre, n’est pas une solution, nous le disons et le répétons. C’est bien la coordination des transports qui est réclamée par les réseaux de chemin de fer, nous le soulignons. Dans le cadre de cette coordination, certains s’essayent à des solutions techniques comme le « Route et rail » qui permettrait de tirer le meilleur parti en prenant ce qu’il y a de meilleur de part et d’autre .
Un wagon qui a l’air d’un camion, ou un camion qui à l’air d’un wagon ?
Tout commence, d’après la RGCF d’août 1933, au mois de septembre 1932. Les Établissements Willème de Paris, constructeurs de très beaux camions lourds et de moteurs diesel très réputés par leur haute qualité, et les Établissements Coder de Marseille, constructeurs de wagons de chemins de fer et de remorques de camions, font la demande auprès de la Compagnie du Nord de leur apporter son concours en vue de l’étude et de la réalisation de camions capables de circuler sur route et sur rails, suivant des nouveaux principes qu’ils avaient imaginés.
Ces camions doivent permettre de rassembler des marchandises dans une région déterminée, et de les amener par le rail d’une gare de départ à une gare d’arrivée, et de les distribuer enfin par la route, autour de la gare d’arrivée, le tout sans transbordement des marchandises au passage de la route au rail et vice versa.
La Compagnie du Nord est favorable de longue date au groupement du trafic dans les « gares-centres », avec la collaboration des transporteurs sur route pour le service du porte-à-porte, n’a pas manqué de répondre à l’appel de ces deux constructeurs. Les bureaux d’études de la compagnie ont guidé ceux des constructeurs, ont pu aboutir heureusement à un type de wagon « Route et rail » qui a été depuis réalisé avec succès.
Voici le wagon « Route et Rail ».
Le wagon « Route et Rail » est conçu pour pouvoir à volonté être attelé à un tracteur automobile ou incorporé dans un train. Il est équipé avec des bandages pneumatiques lorsqu’il circule sur route. Le frein est du type Westinghouse double, permettant l’incorporation dans les trains, toutefois, ce frein n’agit pas sur des sabots, mais sur des tambours, comme dans les véhicules automobiles ordinaires.
Concevoir un nouveau camion pouvant aller sur des rails, voilà ce qui a été tout d’abord écarté, pour faire place à celle d’un simple wagon, dépourvu de moteur et de transmission de mouvement, et qui est d’abord un véhicule ferroviaire. Ce wagon devient, sur la route, la remorque d’un tracteur spécialement aménagé. On estime, avec justesse, qu’il est en effet inutile de transporter sur rail le moteur et toute la commande du mouvement, qui sont des organes encombrants, lourds et relativement délicats, et qui représenteraient une immobilisation de capitaux supplémentaire. Il suffit de prévoir dans les « gares-centres » un petit nombre de tracteurs, de conception routière, pour assurer les mouvements à petite distance par la route.






Quelques détails techniques.
Le wagon « Route et rail » conçu par Willème et Coder peut donc être attelé à un tracteur automobile, ou être directement incorporé dans un train sur une voie ferrée. Il se présente sous la forme d’un wagon couvert ordinaire de 10 tonnes de chargement, et de 36 m³ de capacité. La caisse est portée par un châssis en tôle emboutie dont les brancards sont intérieurs aux roues.
À chaque extrémité, le châssis est équipé d’un attelage automatique Willison, et qui permet d’alléger considérablement le véhicule en supprimant les tampons latéraux et leur contreventement. Sur rails, le véhicule repose sur deux essieux écartés de 3,900 m, équipés de roues folles tournant sur des roulements S.K.F., et munies de bandages de 1,050 m de diamètre au roulement, tournés au profil normal des wagons. Celles-ci apparaissent donc entièrement à l’extérieur du châssis, sans boîtes d’essieu ni plaques de garde, d’une manière qui a été très surprenante pour les ingénieurs du Nord à l’époque, et qui ne manque pas de donner un aspect vraiment jouet à ce véhicule, pour ne pas dire aussi un aspect peu convaincant… Mais, passons.
Sur route, une des extrémités du wagon repose par des galets sur l’arrière-train du tracteur automobile, tandis que l’essieu opposé roule sur des bandages pneumatiques adaptés à des couronnes en acier qui viennent se centrer et prendre appui sur le moyeu des roues, spécialement aménagé à cet effet. La fixation est terminée à l’aide d’écrous.
Les pneumatiques ainsi disposés à l’extérieur des roues « chemin de fer » sont des pneus Dunlop de 1,300 m de diamètre et 401 mm de largeur, qui peuvent porter chacun une charge de 5 tonnes. La tare du wagon est de 8,300 tonnes, non compris les deux pneumatiques nécessaires à la circulation sur route, et qui sont normalement laissés dans les gares centres.
Des manipulations toujours complexes, cependant.
Pour intercaler dans un train le wagon « Route et Rail », préalablement mis sur rails, on démonte le tendeur d’attelage du wagon classique voisin (pas moins !!!!) et l’on adapte à son crochet de traction une tête de transition Willison permettant l’accouplement avec l’attelage automatique du wagon Willème-Coder.
Bien entendu, lorsque plusieurs véhicules doivent être insérés dans un mémo train, ils sont placés à la suite les uns des autres, et attelés automatiquement entre eux par leur auto-coupleur : il suffit d’une seule tête de transition à l’avant et d’une autre à l’arrière de chaque groupe de wagons « Route et rail » pour assurer la continuité des attelages du train.
Le wagon est muni d’un double frein Westinghouse permettant à volonté le freinage direct sur route, et le freinage automatique sur rails aux deux régimes « voyageurs » ou « marchandises », suivant la nature des trains où le véhicule est incorporé. Il n’y a pas de timonerie à sabots et, comme dans un camion automobile, le freinage s’exerce dans tous les cas sur des tambours.
La mise en place de l’avant du wagon sur l’arrière du tracteur s’obtient sans aucun intermédiaire, par simple poussée du tracteur contre le wagon, ce qui provoque l’ascension des galets du wagon sur les plans inclinés du tracteur.
Un verrouillage automatique assure la liaison des deux véhicules, sitôt l’ascension terminée, tout en ménageant la plus large aisance de braquage en courbe, y compris le braquage à 90 degrés.
Pour permettre le montage et le démontage des pneumatiques, lors du passage des rails à la route et inversement, il faut aménager, dans les gares terminus, un tronçon de voie dont les rails ont leur champignon au niveau du sol, et terminé par des plans inclinés disposés le long et en dehors des rails. Pour provoquer la descente des bandages métalliques jusqu’au contact des rails ou inversement, il suffit de faire rouler le véhicule sur pneus le long des plans inclinés, manœuvre qui s’effectue d’ailleurs avec une grande facilité.
Le tracteur qui va avec, car il en faut un.
Les constructeurs ont réalisé, en même temps que le wagon, un tracteur routier Willème type F8R produit à partir de 1935, muni d’un moteur diesel à 3 cylindres de 85 ch, pesant 5,5 tonnes à vide et pouvant sur route et sur rails, comme le wagon, à une vitesse de 27 km/h. Ce tracteur est utilisable par le chemin de fer dans les « gares-centres », pour assurer des manœuvres de wagons et même pour remplacer des locotracteurs de manœuvres puisque le constructeur Willème le présente comme capable de déplacer des rames 100 à 150 tonnes. La RGCF d’août 1933 fait état d’essais qui se sont déroulés sur le réseau du Nord, et qui ont permis de totaliser 1300 km, et à une vitesse atteignant jusqu’à 105 km/h, ceci « sans donner lieu à aucun incident ». Soit…
Un immense silence qui a suivi, résonnant dans le vide.
L’avantage de la position de l’historien, lecteur actuel de la RGCF, et de pouvoir mesurer le grand silence qui a suivi ces essais du système « Route et rail ».
Le silence prolongé est, en général, la manière la plus éloquente pour la RGCF de signifier que le succès est loin d’avoir été au rendez-vous… Déjà, dans les années 1930, quand le « Route et Rail » est conçu, se présente le problème très concret, et non apparent dans les bureaux d’études, de la perte de temps en manipulations, de l’installation d’équipements spécialisés dans les gares et qui ne serviront que pour ce genre de système, de la gestion de pièces spéciales (ici, les pneumatiques ou les têtes d’attelage) dont certaines voyagent et sont abandonnées en divers points du réseau national ou non.
En 1938 : la remorque Serem Coder relance le débat.
La Coder ne s’avoue pas battue et repart au combat en se disant que le wagon qui roule sur une route est un mauvais pari, et que l’avenir est plutôt à la remorque routière que l’on place sur un wagon. Ce « virage idéologique à 180° se traduit par cet autre procédé qui est imaginé en 1938, dans le but d’éviter la spécialisation des wagons de chemin de fer : c’est la remorque Serem Coder.
Le système consiste à escamoter les roues de la remorque routière et à la faire reposer directement sur le plancher du wagon. Le problème du calage se trouve ainsi résolu et, d’autre part, la hauteur de caisse du véhicule peut être augmentée.
La remorque Serem Coder est, en quelque sorte, un grand conteneur métallique muni de roues escamotables, les roues sont, en effet, montées sur des vérins permettant de lever ou de baisser la caisse de la remorque très rapidement. Les roues étant repliées, la remorque se trouve en contact avec le plancher du wagon, et le calage est renforcé par des pointes fixées sous le châssis et s’enfonçant dans le plancher du wagon. Des chaines d’arrimage viennent compléter la solidarisation de la remorque et de son wagon.
Mais, à l’expérience, ce calage s’est avéré insuffisant, n’empêchant pas quelques remorques Serem-Coder de choisir la liberté et de vouloir quitter le monde ferroviaire pour essayer à nouveau leurs roues sur la route voisine… et on est rapidement amené à fixer sur le wagon un berceau dans lequel vient se loger la remorque. Cela revient à spécialiser le wagon et fait disparaître un des avantages du système.
La remorque est munie d’un timon amovible permettant d’utiliser n’importe quel type de tracteur et d’attelage. Le chargement de la remorque nécessite un quai, en bout un pont mobile est placé sur les tampons du wagon. La manœuvre de chargement se fait en marche arrière, ce qui la rend assez délicate, comme les hommes d’équipe des gares s’en apercevront. D’après le constructeur Coder, la manœuvre grandement facilitée par le fait que les roues de la remorque sont orientables à l’aide d’une manivelle située à l’arrière… Le chargement peut s’effectuer d’un quai latéral, mais la manœuvre est encore plus difficile.
On peut charger une remorque Serem Coder sur un wagon plat ordinaire. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les essais reprennent et on envisage de modifier les dimensions de cette remorque pour permettre le chargement de deux remorques sur un wagon plat. La charge utile de la remorque se trouverait réduite à 6 tonnes au lieu de 8 tonnes, mais l’utilisation du matériel ferroviaire se trouverait améliorée de 50 %.
Inutile de dire que les difficultés et les lenteurs des manœuvres viennent handicaper ce système qui, comme l’ensemble de ces systèmes analogues reposant sur des véhicules mixtes rail-route ou route-rail, ne dépasseront guère les années 1950 : les progrès des camions sont tels en matière de performances et de vitesse, aidés par la construction du réseau d’autoroutes, qu’ils parviennent à prendre le dessus et à conquérir le marché du fret dans les conditions que l’on sait. Qui, aujourd’hui, se souvient de cette remorque “Route et Rail” ?

L’intermède Culemeyer, ou l’art de faire du “porte à porte”.
Notons qu’à l’époque, la Deutsche Reichsbahn allemande utilise avec succès le système Culemeyer conçu en 1933-1934. C’est un système de remorque porte-wagon qui est produit en grande série, donnant un parc de 500 000 véhicules en service en 1937. Avec ce système, un wagon classique entier est transporté tel quel sur une remorque routière. Ce système, sous le nom de “Porte à Porte” n’aura qu’un succès très moyen en France après la guerre, ceci devant la lenteur de chargement et déchargement du wagon, et la lenteur de l’acheminement d’un lourd et gros wagon dans les rues d’une ville, souvent étroites et encombrées.





L’ “UFR”: chef d’œuvre de René Porte.
Mais l’ingénieur français René Porte permettant l’embarquement immédiat, sans moyens de levage aucun, d’une remorque routière spéciale sur un wagon approprié. C’est le système inverse de celui de la Deutsche Reichsbahn. Il est connu sous le nom de système UFR, car c’est bien la Société pour l’Union des transports Ferroviaires et Routiers (UFR) qui exploite le brevet déposé par l’ingénieur René Porte et il comprend trois éléments.
Le premier élément est un wagon chargeur qui reste en permanence en gare. Il comporte des volets latéraux mobiles permettant l’accès depuis le quai et des rampes de guidage pour le centrage automatique de la remorque lors de l’opération de chargement. Ce wagon chargeur peut être remplacé, dans les gares importantes, par un quai spécialisé construit à demeure et muni des mêmes équipements.
Le deuxième élément est le wagon porteur qui, lui, circule et transporte la remorque. Il est muni de rails de guidage pour la remorque. Pendant l’opération de chargement, il est accolé au wagon chargeur.
Le troisième élément est la remorque proprement dite. Elle comprend deux essieux à petites roues de type ferroviaire et roulant sur les rails de guidage des wagons chargeur et porteur. L’essieu arrière est aussi muni de roues routières classiques, intérieures aux roues métalliques, mais de plus fort diamètre, et permettant la circulation directe sur route derrière un camion tracteur. L’avant de la remorque est doté d’une flèche d’attelage permettant sa traction par le camion tracteur.




Le chargement et le déchargement.
Les manœuvres de chargement se font en marche arrière, le tracteur reculant et poussant la remorque sur le wagon chargeur. La remorque s’engage entre les rails de guidage et ses petites roues métalliques roulent alors sur ce rail, soulevant la remorque qui ne repose plus sur ses pneus.
Le déchargement se fait en marche avant, le tracteur venant chercher les remorques les unes après les autres et les remorquant ensuite sur route. Les wagons porteurs peuvent accepter jusqu’à trois remorques.
Un système lui aussi peu utilisé en fin de compte.
Développé en 1935 sur Paris-Lille, Paris-Lyon, Paris-Bordeaux et Paris-Strasbourg, le système UFR est freiné par la nécessité de disposer, en gare, de wagons porteurs en nombre suffisant pour les remorques, quelles que soient les destinations. La charge utile de 3 t est aussi très limitée, et c’est bien ce qui donnera à ce système un essor très restreint.
N’ayant pas eu le temps de se développer avant la Seconde Guerre mondiale, ce système est mieux utilisé au lendemain de la guerre, mais ne connaît qu’un développement limité, car il demande en fait deux véhicules spécialisés : le wagon porte remorque et la semi-remorque. En outre, il faut un tracteur routier spécial pour la mise en place ou le retrait des semi-remorques.
En 1952, la SNCF possède un parc de 500 wagons « bi-porteurs » de 12 m et de 50 wagons « mono-porteurs » de 4,50 m. Il ne faut qu’une minute pour qu’un tracteur spécialisé puisse faire rouler une semi-remorque sur un wagon ou le retirer. La semi-remorque peut circuler dans un rayon de quelques kilomètres, à vitesse réduite, mais sur une route ordinaire, comme un véhicule routier. On comprend que le développement des transports routiers par camions rapides et puissants parvient à faire oublier ce système ingénieux, mais complexe, et très dépendant du chemin de fer – une « qualité » qui est un défaut aux yeux des transporteurs routiers des décennies suivantes.
La route était conçue, jusque vers 1950, comme un prolongement du chemin de fer : et il est vrai que le chemin de fer, au XIXe siècle, crée un système de transports routiers qu’il fait vivre, tant avec le roulage du temps des chevaux qu’avec les camions. Mais, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la situation s’inverse presque, et l’UFR a été conçu dans l’ancienne optique.
Aujourd’hui, ce sera bien au chemin de fer de répondre, désormais, à la demande routière pour qu’un système bimodal se mette en place, ceci sous la pression, certes, de données nouvelles comme le souci de l’environnement ou le prix croissant de l’énergie : mais ces pressions sont bien extérieures au chemin de fer comme elles le sont au transport routier. La pièce de la complémentarité rail-route se joue maintenant avec des acteurs supplémentaires et non prévus dans le scénario initial : l’environnement, l’énergie chère et la prise de conscience des coûts sociaux des dangers de la route.

Bonsoir Clive
Il est vrai qu’à ,l’heure actuelle, tout est fait pour concurrencer la route avec le rail. Et tout porte à croire qu’en ce moment, c’est la route qui l’emporte.
Pour ma part, je ne comprends pas que la France ne procède pas comme la Suisse, à savoir développer le ferroutage.
En effet, aujourd’hui, alors qu’on ne cesse de nous parler de préservation de l’environnement, ne serait-il pas temps de permettre une complémentarité entre rail et route ?
Bien à vous
Yohann
Bonsoir, Oui belle conclusion. En fait le problème est toujours le même : le manque d’intégration de ce qui nous entoure ou le véritable soucis de la vie des autres. On continu de voir “avec ambition”, égoïstement certains aspects et toujours au détriment d’autres. Ne dit-on pas on va droit au mur ? Non, non, pas le train ni les camions mais bien l’organisation chois autour de ces moyens qui conduit les entreprises à aller droit au mur. Cet article pourrait bien rejoindre un autre sujet, celui où les chemins de fer NORD ont incité et investie dans des transporteurs routiers pour rompre avec les trains vapeurs et de déferrer nombre de petits réseaux qui permettaient de faire livrer une denrée au quotidien : le poisson fruit d’un pêche nocturne. Et bien entendu, les habitués ont du changer de travail ! Je suis toujours surpris de la manière de présenter vos articles de façon habile pour dire les choses sans soulever les non dit. Félicitations, perso je suis plutôt plus direct. Cordialement, andré
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