La grande firme de jouets allemande fut fondée en 1857 ou 1859 à Göppingen où elle est toujours installée. Ce qui fait plus de 160 années de célébrité ininterrompue, la plaçant parmi les plus anciennes du monde, tous domaines industriels confondus, et les plus importantes pour le chemin de fer miniature. C’est Theodor Friedrich Märklin le fondateur, aidé par sa femme Caroline, et la production des débuts est essentiellement des jouets pour fillettes : fourneaux, casseroles, dînettes, accessoires de poupées. À la mort de son mari en 1866, Caroline continue seule le travail, mais elle meurt peu après, laissant à ses fils Karl Eugen et Wilhelm le soin diriger la Gebrüder Märklin dans de mauvaises conditions financières. Mais une gestion intelligente et une diversification de la production vers des jouets pour garçons, avec des automobiles notamment, puis des trains, confirment la renommée de la firme. Les jouets deviennent somptueux, et, fabriqués avec soin à la main ou en série, ils utilisent les meilleures techniques du moment.
La firme est même la première au monde pour les trains dès le début du siècle et impose les normes mondiales que seront les écartements « 3 », « 2 », « 1 » et « 0 ». Le marché mondial est conquis, y compris les USA. C’est l’âge d’or de Märklin, du moins pour les collectionneurs d’aujourd’hui qui recherchent ardemment les jouets d’avant 1914. Le jeu de construction anglais Meccano est fabriqué sous licence à partir de la guerre de 1914-18. L’entreprise compte 700 ouvriers quand Fritz Märklin en prend la direction en 1923.
Les années 20 et 30 représentent un deuxième âge d’or, celui de la maturité technique et esthétique avec des jouets très réalistes représentant la réalité avec exactitude, et très perfectionnée. C’est le triomphe des trains en « 0 », puis en « 00 ». Les années 50 voient un redémarrage difficile dans une Allemagne en ruines, mais Märklin reprend son rôle de leader mondial. Fritz Eugen Märklin meurt en 1961, laissant une firme prospère qui, aujourd’hui toujours avec ses trains en « HO », reste une des premières au monde.
Les jouets anciens Märklin, actuellement, atteignent des prix record dans les grandes ventes internationales. La firme reste la plus importante productrice de jouets de qualité au monde. Les modèles plus récents destinés aux modélistes en « HO » sont la 150 X de 1964, la BB 9200 de 1965, les BB 7200, 15000, 26000, la Micheline (Michelin), etc. des années 1980 et 1990. Les années 2000 sont toutefois moins favorables à la production de modèles réduits, et donc à la grande firme qui doit revoir sa politique de commercialisation et de production et sait conserver son premier rang mondial, alors que l’ensemble de ses concurrents a disparu par regroupements, fusions, et production en Chine. Märklin reste Märklin, et le fait est assez exceptionnel pour être mentionné.




Märklin normalisateur du train-jouet.
Quand Märklin s’intéresse définitivement aux trains vers 1880, la firme découvre qu’il n’y a pas de normes en matière d’écartements. Or l’écartement est une donnée fondamentale du chemin de fer (réel ou miniature) et permet de marier les locomotives, les voitures, les wagons, et la voie, et d’assurer le fonctionnement du tout avec cohérence. Étant le plus puissant, Märklin impose les normes mondiales que seront les écartements « 3 », « 2 », « 1 » et « 0 » (jadis écrits en chiffres romains). Le marché mondial est soumis à cette règle, y compris les États-Unis, même si, dans ce pays, perdurera un écartement dit « Standard » qui est hors norme Märklin. Lors de l’apparition du « 00 » en 1938 (futur « HO » de l’après-guerre) Märklin jouera à nouveau le même rôle, et le renouvellera encore pour le « Z » en 1972. En revanche, la firme ne normalisera pas l’écartement « N » paru en 1964 : ce sera son concurrent Arnold qui le fera.

Des débuts incernables.
Pratiquement, les collectionneurs les plus érudits ne savent rien sur la fabrication de trains Märklin d’avant 1890, quels qu’ils soient, à vapeur ou mécaniques. Il n’est pas possible de dater, avec certitude, un train-jouet Märklin antérieur à 1890 et quand on est certain que le train-jouet date d’avant 1890, rien ne vient prouver qu’il s’agit bien d’un Märklin… On a la preuve que les locomotives et les machines fixes de Bing sont fabriqués depuis 1882, mais, pour Märklin la certitude d’une telle production ne remonte que jusqu’à 1900, et en se fiant à la documentation administrative de l’usine même.
L’ensemble des collectionneurs et des experts dans le monde s’accordent pour convenir que l’année 1891 serait la date de fabrication du premier train roulant sur rails, ce qui n’exclurait pas la fabrication de locomotives de plancher très simples, ou même des « plats » de Nuremberg moulés et représentant des trains. On est à peu près certain que Märklin a, par contre, distribué des jouets de la firme Lütz, installée à Ellwangen, et avec laquelle Märklin est associée et lui sert de représentant sur le marché allemand.




À la fin de l’année 1890, Märklin rachète Lutz, comme les documents de l’entreprise le confirment, et l’usine de Ellwangen est fermée. Les machines, le stock des produits terminés ou en fabrication, et les stocks de matières premières sont transférés dans les ateliers Märklin à Göppingen où aujourd’hui toujours en 2021 la firme est installée. Les ouvriers de Lütz qui sont volontaires déménagent à Göppingen et ainsi continuent exercer leur métier. C’est alors qu’à la célèbre Foire de printemps de Leipzig, Märklin présente, en 1891, ses premiers trains sur rails (à mouvement d’horlogerie) et surtout sa nouvelle collection de trains-jouets dans l’écartement « 0 » qu’il ajoute aux écartements « I », « II » et « III » déjà pratiqués par Lutz.
Märklin, donc, ajoute ainsi le « 0 » aux trois autres écartements à qui il apporte une normalisation et une appellation, reprenant pratiquement sans modifications le catalogue Lutz, notamment dans les écartements “Il” et “III”. Si les wagons Lütz restent immuables jusqu’au début du siècle, les locomotives subissent, sous l’ère Märklin, de profondes transformations.
La période 1891-1908 : la mise en place d’une production importante.
De 1891 à 1895, le programme Märklin change relativement peu, mis à part quelques améliorations de détail sur les wagons, mais la firme se soucie de développer dans tous les écartements ce qui se trouve n’être que dans un seul ou dans deux, multipliant ainsi les gammes en les copiant en plus grand ou en plus petit. Toutefois, en 1900, les premières locomotives à moteur électrique apparaissent et en 1908, Märklin ose la locomotive à vapeur vive, malgré les risques présentés pour les enfants : mais, sans doute, les papas surveillent et même supplantent les enfants, notamment pour l’allumage et la surveillance du foyer fonctionnant à l’alcool à brûler.
Märklin s’inspire parfois des modèles de la concurrence de Nuremberg, notamment pour des détails comme la reproduction des boîtes d’essieu et des plaques de garde des wagons, mais suit aussi sa propre inspiration en prenant pour modèle le Chemin de fer de l’État du Wurtemberg.
En 1904, Märklin rachète une autre entreprise, Rock & Graner, installée dans la petite ville de Biberach, et c’est, pour les collectionneurs actuels, une découverte de grande importance que d’apprendre que certains trains qu’ils prennent pour du Märklin primitif sont du Rock & Graner !…



Mais, aussi, les modèles restent des années et des années durant sur les catalogues, car les ventes restent, malgré tout, assez réduites et les investissements dans la fabrication sont lourds. C’est ainsi que des modèles fabriqués de 1891 à 1895 se trouvent toujours au catalogue au début du siècle suivant. Aussi, il est très difficile de dater les anciens modèles parce qu’ils restent longtemps dans les stocks de l’usine ou dans les arrière-boutiques. C’est pourquoi il est souvent hasardeux de prendre l’attelage de 1909, qui marque une date importante dans l’évolution des techniques Märklin, comme un critère absolu : il n’est pas exclu de retrouver d’anciens modèles déjà équipés de l’attelage de 1909, et il est naturellement possible qu’il y ait eu des échanges d’attelages faits par l’acheteur, ou le détaillant, ou même à l’usine.
La période 1909-1914 :de l’arrivée de l’attelage “Fix” à celle de la Première Guerre mondiale.
Les différents attelages à crochet et à boucle étudiés et produits par Märklin de 1891 à 1909 ne sont pas satisfaisants, notamment parce qu’ils « se marient » au refoulement, créant des situations embrouillées…
En 1891, les trains Märklin et Lutz possèdent tous un attelage à crochet en tôle recourbé vers le bas et confirmé par un ressort. A l’autre extrémité du véhicule se trouvait une languette de tôle avec un orifice venu d’estampage : on attelle donc en orientant tous les wagons dans le même sens. Cet attelage dure jusqu’en 1898. Mais en 1895 et jusqu’en 1900, Märklin fait évoluer le crochet, et y fixe une grande ou une petite boucle, ce qui permet d’atteler les wagons dans les deux sens.
Vers 1898, un nouveau progrès est accompli sous la forme d’un beau et solide crochet soudé au plancher du wagon. Une boucle amovible le relie le crochet voisin. Ce crochet dure jusque vers 1904. Puis, de 1904 à 1909, le crochet est rendu plus pointu, ce qui le rend plus facilement utilisable avec les modèles d’autres firmes.
Mais Märklin recherche donc un attelage idéal qui, une fois attelé, forme une barre rigide avec comme seuls points d’articulation les pivots sur chaque wagon. C’est enfin le cas, en 1909, avec l’introduction de l’attelage dit Fix. Dès 1909 et jusqu’en 1960, cet attelage est utilisé à la satisfaction générale, à tel point qu’il devient, par excellence, le détail qui fait d’un train un Märklin ! Il est certain qu’il n’est pas automatique, et des essais en ce sens en 1912 et en 1935 sont un échec : rien ne vient détrôner le Fix.

Les premiers trains : des jouets naïfs.
Ces premiers trains Märklin des années 1880-1890 sont très simples, très dépouillés. Les locomotives mécaniques n’ont qu’un essieu moteur et un essieu porteur. Les roues de la locomotive sont en plomb moulé et il n’y a pas de bielles avant 1903. Le train lui-même est en fer-blanc découpé, plié, cambré à la presse à main, soudé et peint à la main. Les roues du train sont en tôle emboutie, et laissent un jeu latéral très important, ce qui donne une marche assez heurtée et désordonnée quand le train est lancé sur les rails.
La présence de quatre roues motrices de diamètre égal, munies de rayons, parfois accouplées par deux bielles, donne, pendant les années 1900, un aspect beaucoup plus sérieux à la locomotive, et, les années suivantes, la présence d’un bogie à l’avant de la machine donne plus de présence et de réalisme. La locomotive type 220, surtout de type anglais, est le grand chic pour ces trains, mais le type français « Coupe vent » du PLM reste au sommet de la production, et, aujourd’hui, n’a pas quitté cette position sur le marché actuel de la collection. Le marché américain, à l’époque, se contente de locomotives européennes américanisées par l’ajout d’un chasse-buffles à l’avant.

La conquête du marché britannique.
Pour les Britanniques du début du XXe siècle, et contrairement aux continentaux qui ne voient dans les jouets que des objets de fantaisie destinés à amuser des enfants que l’on suppose naïfs et contents de peu, les trains-jouets entrent dans un processus éducatif qui doit apporter à l’enfant un souci d’observation de la réalité, d’initiation au monde des techniques. Le « hobby » naît dans le jeu, et le modélisme est la conséquence naturelle du développement intelligent et guidé du jeu.
Vers 1900, le marché britannique est ouvert à l’importation, car il n’y a pas de grande firme nationale fabriquant des trains-jouets. Märklin, Bing, ou encore Carette songent tous à ce fascinant marché britannique complètement libre, mais ils savent qu’il ne faut pas essayer de placer sur ce marché des trains-jouets naïfs et inexacts qui seraient, en quelque sorte, des versions allemandes simplement redécorées avec des marquages anglais. Il faut faire mieux.
L’esprit modéliste est déjà là, et Märklin produit pour ce marché des modèles beaucoup plus réalistes et précis que ceux destinés au marché continental européen ou au marché américain. Les modèles Märklin de cette période d’avant 1914 sont très réussis. Les locomotives s’inspirent de trois compagnies, principalement : le Midland Railway, mais surtout le Great Northern Railway et le London & North Western Railway qui semblent avoir plus de modèles que la première qui, à l’époque, n’a pas encore revêtu l’importance qu’elle aura, après 1923, quand elle devient le très remarqué London, Midland & Scotland Railway. Les deux autres compagnies choisies par Märklin sont connues, mais elles disparaîtront dans le « grouping » de 1923 qui créera, par fusion, les quatre grands : London, Midland & Scotland Railway, London & North Eastern Railway, Southern Railway, et Great Western Railway.
Pour les voitures à voyageurs, Märklin fait le même effort que pour ses locomotives, un effort remarquable, avec un magnifique rouge sang pour le Midland Railway, une imitation du bois de teck pour le Great Northern Railway et un très élégant violet plus crème pour le London & North Western Railway, conformément à la pratique réelle. Les voitures du Midland Railway ont leur fameux lanterneau. Comme les trains sont produits en « O » et en « I », d’une part, et, d’autre part, plusieurs longueurs existent selon la gamme de prix, on obtient une grande combinaison de possibilités. Par exemple, les voitures à bogies, déclinées dans les trois compagnies, existent dans les longueurs de 42 et 32 cm en « I », et à nouveau de 34 et 19 cm en « O ».
Une gamme de wagons à marchandises, peu connue des collectionneurs français, est au catalogue : couverts, bestiaux, wagon à chevaux très typique, plats, tombereaux, le tout à deux essieux et dûment orné des grandes lettres des compagnies, incarnant bien la tradition ferroviaire britannique du train de marchandises à matériel roulant court. Des signaux britanniques, des gares (dont certaines ne sont que des adaptations de gares allemandes), des personnages et des accessoires complètent l’ensemble.





La conquête du marché français.
Pour la France, et sans nuire aux fabricants français comme JEP qui aura une croissance remarquable et continue, Märklin fera un effort tout aussi important que pour le marché britannique, avec, cependant, une moindre profusion de modèles. Ne positionnant dans une “niche” commerciale autre que celles de JEP, Hornby-France ou LR, Märklin vendra des trains-jouets beaucoup plus chers, s’adressant à une clientèle restreinte et spéciale, cherchant la qualité, la beauté, et les dimensions généreuses présentes au point de faire de ces modèles français, aujourd’hui toujours, des pièces de très haut niveau que les collectionneurs du monde entier se disputent, que ce soit la Coupe-vent ou la PLM, réseau de prédilection pour Märklin en France, ou le très rare Métro de Paris dont les voitures atteignent aujourd’hui plus de 10000 Euros pièce. Notons aussi que Märklin pratique l’écartement du “0” alors totalement ignoré dans la France d’avant 1914 qui ne pratique que des écartements comme le 28 mm ou le 33 mm qui disparaîtront après-guerre.

La locomotive réelle la plus célèbre de son temps est la Coupe-Vent, celle des trains de luxe de la Côte d’Azur de la Belle époque, du réseau français du PLM, série C 61 à 180, dites «Grosse C», de 1898. Elle est reproduite par Märklin dès 1907 en écartement « 1 » et « 0 » et reste au catalogue jusqu’en 1914. Elle est longueur de 51,5 cm, tender compris, en « 1 » et une longueur totale de 35,5 cm en « 0 ». Très réalistement peinte en vert sombre, avec des filets rouges et dorés, elle a des marquages dorés, des rambardes nickelées, un tender à trois essieux en « 1 » et deux ou trois essieux en « 0 ».






La Pacific PLM française, jouet mythique chez Märklin.
Cette locomotive représente un des chefs-d’œuvre du savoir-faire allemand en matière de jouets. Aujourd’hui encore, elle remporte un réel succès dans les grandes ventes internationales, bien qu’elle ne soit pas extrêmement rare sur le marché de la collection. Comptez plusieurs milliers d’euros pour acquérir un modèle en parfait état…
Au catalogue Märklin de 1913, les deux modèles sont présentés, l’un pour l’écartement « 1 » (45 mm) et l’autre pour l’écartement « 0 » (32 mm). Ils ont pour originalité un châssis à trois essieux moteurs, chose inédite dans le domaine du train-jouet où la tendance est de simplifier à l’extrême et de réduire à deux essieux.
Le modèle en « 1 » est impressionnant avec sa longueur totale de 75 cm. Il est peint en noir avec des filets dorés, la cabine est décorée intérieurement. La locomotive se présente en trois versions : mécanique (H/1021), électrique (H/64/3021) et vapeur vive (H/4021). Le modèle électrique se reconnait à ses grandes ampoules avant, tandis que le modèle à vapeur vive se reconnaît à ses tuyauteries abondantes et à sa robinetterie de commande et le manomètre envahissant la cabine de conduite. Les prix sur le marché se situent entre 2000 et 4000 euros. Il est produit jusqu’en 1929.
Le modèle en « 0 » est peut-être plus recherché des collectionneurs parce que plus rare. Il se présente en trois versions lui aussi : mécanique(H/1020), électrique (H/64/13020) et vapeur vive (H/4020). La longueur totale est de 54 cm, et la décoration est en noir avec des filets dorés. Les prix sont plus élevés que ceux du modèle en « I » et peuvent atteindre, pour un modèle à vapeur vive complet avec son outillage, environ 5000 euros. Il est produit de 1913 à 1930.
La Pacific PLM Märklin est présente au catalogue de 1913 à 1929 et reproduit d’une manière satisfaisante la locomotive PLM réelle. Le châssis de la locomotive est à trois essieux moteurs, ce qui marque un important pas en avant dans le domaine technique et que, par exemple, les producteurs français ne franchiront pas avant 1926. Proposé dans les écartements « I » et « 0 », la locomotive est, au choix, mécanique, électrique ou à vapeur vive. En « I », le modèle atteint la très respectable longueur de 75 cm, tender compris, et en « 0 » les 54 cm ont, aussi, de la présence sur un réseau.
Les voitures à bogies PLM accompagnant la locomotive, longues de pas moins de 53 cm en « 1 » et de 34,5 cm en « 0 », sont tout aussi somptueuses avec leurs couleurs rouge et noir en première classe, havane et noir en seconde classe, vert et noir en troisième classe, sans compter les versions teck pour les lits et restaurant, les aménagements intérieurs, les portes ouvrantes, les lanterneaux, les très fines inscriptions de châssis. Le wagon-poste et le fourgon sont traités avec le même souci de luxe dans les détails et de beauté dans les couleurs.





La “Boîte à sel” française n’est pas oubliée par Märklin, mais avec du retard sur la réalité.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale qui se solde par une situation économique désastreuse pour l’Europe et particulièrement dure en Allemagne, Märklin n’oublie pas le marché français et prépare de nouveaux modèles malgré le protectionnisme régnant sur les marchés européens vis-à-vis des produits allemands. En particulier, pour la France, Märklin se lance dans la reproduction d’une obscure petite locomotive de type électrique, datant de 1900, ayant remorqué les trains grandes lignes entre les gares d’Orsay et d’Austerlitz du réseau du Paris-Orléans à Paris : la Boîte à Sel.
Les modèles Märklin à quatre roues ou à bogies apparaissent au catalogue de 1919 pour les écartements « 0 », et « I », en version mécanique ou en version électrique. Les modèles sont vert sombre et noir, et la version électrique comporte des ampoules avant et arrière. Conformément à la réalité, le toit de la cabine est surmonté d’un minuscule « frotteur de toiture » servant à capter le courant traction dans le tunnel. Atteignant 37,5 cm pour le modèle à bogies en « I », a Boîte à Sel Märklin est une réussite technique et esthétique et incite les fabricants français à reproduire, à leur tour, cette locomotive, ce qui est le cas de JEP.

D’autres modèles prestigieux pour le marché français.
N’oublions pas, avant de clore le chapitre sur la production Märklin pour le marché français, la Mountain Etat.


La conquête du marché américain
Märklin, mondialiste avant l’heure, sait que le marché des États-Unis est prometteur et l’investit rapidement, dès le début du XXe siècle, avec des trains de type allemand américanisés et produits dans les écartements « I » et « 0 ». Les locomotives américaines ont, bien sûr, le mécanisme et les roues standard utilisés par les locomotives européennes. Pour les locomotives à vapeur, le chasse-vaches est incontournable, et si la chaudière est souvent du type européen, y compris la cheminée, la cabine de conduite est totalement américaine, c’est-à-dire vaste, confortable, avec un grand toit bien arrondi et des fenêtres latérales dont le dessin évoque bien celle des locomotives réelles de l’époque. Le tender est souvent un modèle allemand, mais avec des marquages de compagnies américaines, principalement « NYC & HR » (New York Central & Hudson River) ou « PENNSYLVANIA LINES ».
Les locomotives de type électrique reprennent uniformément le type 1D1 du New York Central Lines de 1904 avec ses capots d’extrémité dotées d’une porte d’intercirculation, mais réduit la locomotive réelle à une simple machine à quatre roues.
Les voitures sont très réussies, et reproduisent, en les raccourcissant, les lourdes voitures à rivets des grands réseaux du début du siècle, avec leurs fenêtres au haut arrondi, et leur toit massif avec un lanterneau. Suivant la pratique américaine, ces voitures ont un nom comme « Jefferson » ou « Louisiana », et le nom « Pullman » est omniprésent. Les wagons de marchandises, tous à bogies comme aux États-Unis, suivent d’assez près la réalité américaine, avec les noms des réseaux ou, pour les couverts, des noms de marques comme la bière « Budweiser » ou les sauces « Heinz » aux 57 variétés. Le « caboose », fourgon américain très typique et traditionnel de l’époque, n’est pas oublié avec sa guérite et ses plateformes.




Les grands classiques Märklin d’avant 1920
Dates | Série | Type | Marquages | Ecart. |
1891-1910 | 1020 ou 1021 ou 1022 | Locos 020/021 | O+I+II | |
1891-1915 | 6020/R/2 | Train blindé | I+II | |
1902-1915 | Locos 220 | VHR | I+II | |
1903-1915 | Locos 220 | G.N.R. (anglais) | I+II | |
1904-1915 | Loco 222 – S2/6 | 17 | I | |
1905-1915 | Locos 220 | E1 (Etats-Unis) | I | |
1908-1915 | 1121/2 (Métro New-York) | Motrice+remorque | District Railway | I |
1908-1910 | 1096/1 ou 3540/3 (Métro Paris) | Motrice+remorque | (sans marquage) | O+I |
1909-1914 | E/1020 ou 1021 | Loco 220 P.L.M. | CV-1020 ou 1021 | O+I |
1909-1914 | H-4201 | Loco 231C Wurt | H-1021 | I |
1913-1929 | H/4021 ou H/64/3021 | Loco 231 P.L.M. | P.L.M. 4021 | O+I |
1913-1927 | CE/1021 | Loco 221 L.N.E.R. | L.N.E.R. | I |
1913-1919 | E/1020 ou 1021 | Loco 220 | George the Fifth | O+I |
1919-1928 | CL/64/3020 ou 3021 | BB Boîte à sel | E1-P.O. | O+I |
Le Märklin type allemand des années 1930 : images d’un apogée.




Les beaux modèles type électrique des années 1930.
Seuls quelques collectionneurs, bénis des dieux sur le plan financier, peuvent se l’offrir… et quand les très rares occasions se présentent dans les grandes ventes internationales. Avec au moins 10.000 Euros pour le modèle en écartement « O » et au moins 20.000 Euros pour le modèle en écartement « I », on comprend que le Hornby « M » ou le petit Bing en « O » est plus à la portée des travailleurs et des travailleuses. Mais pourquoi Märklin se passionne-t-il pour la reproduction en jouet de cette locomotive suisse des années 1920 ?
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la traction électrique triomphe en Europe sur les lignes de chemin de fer réelles, et elle fait figure d’emblème de la modernité. Märklin se doit de suivre la mode et de mettre un peu moins l’accent sur les locomotives type vapeur pour produire des locomotives de type électrique qui auront, en prime, le charme d’être, pour une fois, en accord technique et esthétique complet puisqu’elles sont donc intégralement électriques contrairement aux locomotives type vapeur qui peuvent être électriques ou mécaniques, mais plus guère à la vapeur vive. La firme allemande réussira surtout ses modèles de type suisse.
Märklin, épris de perfection, va chercher son inspiration en Suisse parce que l’électrification y a été menée de main de maître. Dans les années 1930, l’ensemble des grandes lignes du réseau suisse est électrifié, tout comme l’ensemble des lignes de montagne et des lignes des réseaux privés. La traction à vapeur ne survit plus que sur quelques lignes secondaires et de faible importance. Les locomotives électriques suisses, de construction nationale, sont absolument remarquables sur le plan technique et, ce qui ne gâte rien, sont d’une grande beauté. Remarquées dans le monde entier, il était normal qu’elles inspirent les grands fabricants de trains-jouets, dont, en tout premier lieu, Märklin qui espérait bien vendre ses modèles sur le marché suisse prioritairement.


La Crocodile : une légende roulante.
Cette locomotive suisse, officiellement la Ce 6/8, doit son surnom à sa forme basse et allongée, la faisant ressembler, de loin, et vue quand elle passe en contrebas dans une vallée, à un crocodile rampant sur la voie. Mise en service en 1920 sur la dure rampe du Saint-Gothard, elle a pour tâche de remorquer les lourds trains de marchandises de cette grande ligne internationale reliant le nord au sud de l’Europe par la Suisse. La Ce 6/8 développe 1.650 kW à l’origine, et, pour les versions dotées de nouveaux moteurs à partir de 1943, la puissance passe à 2.670 kW. Longue de 19, 46 m, elle pèse 126 t et peut atteindre une vitesse de 65 Km/h. A l’époque, la Crocodile devient la locomotive électrique la plus célèbre de son temps.
Les premières locomotives de type suisse sortent sur le catalogue Märklin pendant les années 1920. Elles se caractérisent par une couleur marron, inspirée de celle du réseau Berne – Lötschberg – Simplon, avec des filets et des entourages de fenêtres en beige clair. Les toits, les châssis et les accessoires sont en noir. En écartement « O », dès 1920, la 1BB1 N° 11302 est produite, réduite au type BB, et sous la référence S/64/3020. Elle est aussi riche en accessoires que le modèle en « I », avec des radiateurs extérieurs, des échelles, des rambardes. Le modèle en « I », sorti de 1921 à 1928, est une belle pièce à la référence S/64/3021 et comporte de nombreux perfectionnements comme des portes de cabine ouvrantes. Une autre locomotive en « I » est produite, sous la forme d’un modèle de base à 4 roues seulement. Enfin, une 2C1 est produite dans les deux écartements, réf. HS/65/13021 ou 13020. Le modèle type 2B1 en « I » et en « O », produit à partir de 1927, est remarquable aussi, avec ses capots typiques des locomotives suisses, ses portes ouvrantes, ses bielles. Notons, comme en « I », l’existence d’un modèle de base à quatre roues produit entre 1925 et 1932.
La période verte est celle des années 1930, avec la production d’un modèle de base à quatre roues (en diverses variantes, avec ou sans capots), et de modèles type 2B1 et 2C1, et, bien sûr, de la fameuse Crocodile qui couronne le tout. C’est en 1932 que la série verte démarre avec le modèle de base en « O » à quatre roues, référence RS/66/12920, longue de 22 cm. En 1932, la 2B1 sort en « I » et en « O », suivie en 1933 de la Crocodile dans les deux écartements, et en 1935 d’une sorte de « Crocodile » du pauvre à quatre roues en « O ». La 2C1, enfin, marque l’aboutissement de la série en 1935, représentant assez correctement la Ae 3/6 réelle. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, seuls les modèles de base ou la 2B1 continuent leur carrière jusqu’en 1954.
Märklin frappe très fort pour Noël 1933 avec ce superbe jouet long de 45 cm, pour l’écartement « O », et long de 63 cm, pour l’écartement « I ». Les deux modèles sont en acier, et la locomotive, comme dans la réalité, est articulée en trois parties – chose, en l’occurrence, très appréciable pour un jouet qui doit s’inscrire dans des courbes à rayon très serré.
Dans les deux écartements, ce jouet est doté de phares électriques à l’avant et à l’arrière sous la forme de trois feux blancs et d’un rouge. Mais il y a mieux encore : un éclairage électrique dans la cabine de conduite, une prise pour l’éclairage du train, de la marche avant et arrière commandée à distance, des pantographes articulés et relevables, des tampons à ressort, des fenêtres vitrées. La locomotive peut, sur demande, recevoir deux moteurs électriques au lieu d’un seul.
Le catalogue français du magasin Märklin de Paris propose la « Crocodile » en « O » à 1150 francs, tandis que le modèle en écartement « I » est proposé à 2.250 francs. Pour situer ce prix, donnons quelques éléments de comparaison.
Aux Galeries Lafayette, on trouvera le train Hornby « M », version électrique, en mallette complète avec décor, accessoires, pour 195 frs. Le plus luxueux train-jouet français, la « Flèche d’or » de JEP, en coffret complet vaut 425 frs. Un poste de radio coûte 595 frs. , modèle courant miniature à 5 lampes, ou 1.900 frs. , pour le modèle grand luxe avec « pick-up ». Les montres vont de 50 frs. (modèle chromé) à 365 frs. (modèle en or, 15 rubis). On aura compris : la « Crocodile » Märklin vaut cher, très cher : plusieurs mois de salaire d’un ouvrier qui, à l’époque, pouvait débuter à 400 ou 500 frs.

Parfaite, la « Crocodile » ? Eh bien…
Certainement comme jouet. La qualité est, dirait-on aujourd’hui, totale. Mais comme modèle réduit reproduisant la Ce 6/8 suisse, il y a un gros handicap. La locomotive réelle est une 1CC1, c’est-à-dire qu’elle comporte un essieu porteur avant, trois essieux moteurs, puis trois autres essieux moteurs, et, enfin, un essieu porteur arrière. Le modèle Märklin est, en fait, une 1BB1, autrement dit, il manque un essieu moteur dans chaque train articulé de la locomotive, ou, si l’on veut, il manque deux essieux moteurs en tout.
On comprend le choix de Märklin : la locomotive doit pouvoir s’inscrire dans les courbes à rayon très réduit des voies des trains-jouets de l’époque. Märklin propose des voies en écartement « O » formant un cercle de 122 cm de diamètre seulement. En « O » pour une nouvelle voie à traverses rapprochées, comme en « I » pour la voie traditionnelle en fer-blanc ou pour la nouvelle voie à traverses rapprochées, ce diamètre est porté à 180 cm. C’est, malgré tout, relativement serré. L’amputation d’un essieu moteur sur chaque train articulé de la locomotive permet non seulement de raccourcir la locomotive, mais aussi de réduire l’empattement rigide de chaque train : les deux effets se conjuguent pour permettre une meilleure inscription en courbe.
Il est évident que, pour les Crocodiles Märklin à venir, notamment en modélisme à l’échelle « HO » mais aussi en « I », cette erreur ne sera pas faite, et que les modèles seront bien d’authentiques 1CC1 fidèles jusqu’au moindre rivet près.
Cette locomotive plaît énormément aux enfants de l’époque comme aux collectionneurs d’aujourd’hui qui leur succèdent et les rejoignent dans le même rêve, celui de posséder une « Croco » Märklin. Le modèle est produit de 1933 à 1941 en écartement « O », tandis que le modèle en « I » disparaît en 1937 avec l’abandon de toute la gamme de trains en « I » chez Märklin pour cause de mévente. En effet, les grandes dimensions de ces magnifiques trains en « I » ne sont plus compatibles avec l’exiguïté (déjà ?) des logements modernes. Donc à la rareté du modèle répond nécessairement, si la demande est forte, la course des prix vers le haut et aujourd’hui, il est de tradition de renoncer à acheter une Crocodile Märklin et de quitter dignement la grande salle de ventes parisienne, londonienne ou new-yorkaise d’un air dégoûté…
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Märklin reprend le flambeau pacifique du jouet. Les trains en écartement « 0 » poursuivent leur carrière, mais commencent à vivre à l’ombre des trains miniatures en « 00 » apparus en 1936 et dont le succès est croissant. Une Crocodile encore de facture jouet verra le jour en 1947 en « 00 », mais bien de type 1CC1 cette fois, et Märklin évoluera vers des modèles précis en « HO » dans les décennies suivantes.

La tradition Märklin des gares somptueuses et monumentales.
Laissons parler les photographies et les gravures des catalogues pour ces immenses gares Märklin qui sont la fierté de la firme allemande. Baroques au possible, romantiques comme des châteaux wagnériens bavarois, elles ne sont pas loin, pour ce qui est des modèles Märklin, d’atteindre, sur le marché de la collection, le prix des vraies gares réelles….







Le « 00 » de Märklin : l’aube du « HO ».
C’est bien avec cette nouvelle production de la grande firme allemande, apparue peu avant la Seconde Guerre mondiale, que le modélisme ferroviaire d’intérieur, en petite échelle, démarre d’une manière organisée et étendue, recrutant subitement des milliers d’adeptes qui se disent que, puisque c’est du Märklin, ça marche impeccablement… Et c’est avec ces réseaux installés à demeure sur des petites tables que démarre une pratique très ludique du train miniature qui, en une ou deux décennies, donnera naissance au modélisme ferroviaire populaire.
À la foire de Leipzig, en 1935, deux événements majeurs se déroulent successivement : à la session de printemps, la firme Trix présente son nouveau train en voie de 16,5 mm d’écartement, et à celle d’automne, c’est Märklin qui présente le sien. Chacun se présente comme l’inventeur et voit dans l’autre un concurrent. Mais ni l’un ni l’autre ne pouvaient prétendre, dans les faits, avoir inventé quoi que ce soit puisque, à la seule dimension près, ces deux trains sont identiques à ceux qui les ont précédés dans les écartements « 0 » ou « I », ou plus grands encore, mais Märklin se positionne comme l’inventeur du « plus petit train électrique du monde ». Les deux marques ont simplement inventé la petitesse, et, accessoirement, l’écartement de 16,5 mm, mais ni l’une ni l’autre de ces deux notions ne peut prétendre à une protection juridique, ni à un brevet. Les dirigeants de Märklin sont, disons, simplement vexés de ne pas être arrivés les premiers avec leur nouveau train sous le bras, mais qu’importe : en face de Trix, ils ont une puissance de production et de vente telle que, de toutes manières, le nouvel écartement « 00 » fera leur fortune en tout premier lieu, même s’il restera quelques miettes pour les concurrents, et, comme dans toute guerre des normes techniques, la victoire sera pour celui qui triomphera par la quantité produite. Märklin se prépare donc à étouffer rapidement et efficacement son concurrent, tout en sachant que, de toutes manières, d’autres concurrents vont forcément apparaître, puisque, dans le train miniature, tous les fabricants ont toujours intérêt à adopter les mêmes normes de celles des autres fabricants déjà en place.
Les deux premières locomotives sont sur quatre roues, donnant donc des dispositions d’essieux du type 020, pour la référence R 700 type vapeur à deux essieux ou B, pour la référence RS 700 type électrique. Ces deux locomotives des débuts existent avec inversion manuelle ou par télécommande. Deux types de voitures allemandes existent : à deux essieux et plateformes extrêmes, type « boîte à tonnerre » bien allemande, longue de 11,5 cm, ou à bogies, longue de 17,5 cm. Les coffrets de bas de gamme comportent trois voitures « boîte à tonnerre », tandis que les coffrets haut de gamme ont trois voitures à bogies. Une petite gamme de quatre wagons à marchandises à deux essieux existe, ainsi qu’une gamme de rails courbes, droits, et d’appareils de voie (simple déviation et traversée oblique). Une importante gamme d’accessoires est présente : grande et petite gare, tunnel, pont métallique, sémaphore, passage à niveau, lampes de quai, heurtoir, etc.
L’évolution, en 1936, se faut avec une autre superstructure pour la locomotive type vapeur, inspirée d’une Commmodore Vanderbilt carénée du New York Central Lines, référence SLR 700. Cette locomotive est vendue dans un coffret comprenant les trois voitures à bogies allemandes. Par contre, une nouveauté très intéressante apparaît avec un autorail à bogies décliné en deux décorations, références TWE 700 rouge et crème, ou TWE 700 B bleue, ou aussi décliné en automotrice électrique par la présence d’un pantographe, référence TWE 700 R rouge. Les voitures s’enrichissent de fourgons utilisant, pour chaque série, le châssis commun, donnant un fourgon à deux essieux, ou à bogies. Les wagons à marchandises ont une gamme élargie à douze modèles. Les accessoires gagnent une cabine d’aiguillage, une gare à marchandises, des signaux lumineux automatiques.
En 1937, Märklin passe à la vitesse supérieure en mettant au catalogue une magnifique et vraie Pacific à 12 roues de type allemand, représentant très correctement une 01, sous la référence HR 700, et aussi une belle locomotive du type électrique, à disposition d’essieux 1C1 inspirée des fameuses E-17 de la Deutsche Reichsbahn contemporaine, référence HS 700. La petite locomotive 020 de type allemand, présente dès 1935, est, pour sa part, présentée en décoration anglaise avec les marquages LMS. ou LNER de rigueur. Les voitures à bogues entament la nécessaire valse des décorations et des couleurs, en bleu, en vert, en rouge Mitropa, et même en version Pullman, bleue et crème ou verte et crème. Des wagons à bogies de 17,5 cm apparaissent désormais au sein des marchandises.
En 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, apparait une locomotive tender du type 020, référence T 800, et une très réussie 232 carénée à tender à bogies, référence SK 800, inspirée de la 05001 réelle qui a roulé à 200 km/h, une belle machine longue de 28,5 cm. Une nouvelle série de voitures, longue de 22,5 cm, est lancée et comprend des caisses à découpe différente donnant des voitures-restaurant ou lits. Des attelages automatiques à boucle, qui feront la célébrité de Märklin apparaissent sur l’ensemble du matériel roulant. La grande gare de Stuttgart est reproduite. La dernière nouveauté, avant le grand silence, est la présence d’une caténaire fonctionnelle donnant aux deux locomotives de type électrique tout leur sens et leur présence. Il est désormais possible de commander deux trains indépendamment sur la même voie, si l’un des deux a une locomotive de type électrique et l’autre de type vapeur.



Le redémarrage au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Le premier catalogue, au lendemain de la tourmente, parait en 1947, imprimé en noir et blanc au format A4 à l’italienne : c’est le « D-47 », D pour Allemagne, et sa couverture représente la locomotive type 242 carénée série 07. Il sera réédité en 1948 et 1949, avec quelques modifications. La production d’avant-guerre est reprise, dominée notamment par la Pacific 01 référence HR 800, et la 232 carénée référence SK 800, tandis que les autres petites locomotives à deux essieux des débuts sont toujours présentes, tout comme la 1C1, et les anciennes voitures de 17,5 cm. Une locomotive-tender de type 131T, référence TP 800, est ajoutée à cette gamme allemande.
Mais Märklin va ajouter à sa production une dimension nouvelle et qui restera toujours très forte : l’international. La première démarche en ce sens, spectaculaire, est la grande et belle nouveauté de cette fin des années 1940 est bien la Crocodile suisse référence CCS 800, longue de 25,6 cm, et pesant son bon 1,2 kg de zamac bien moulé, assurant, par ses douze roues motrices, une puissance de traction exceptionnelle.
En outre apparaît un train diesel rapide américain (sans doute avec un espoir de fortes ventes aux nombreux soldats américains présents à l’époque sur le sol allemand), un modèle très réussi avec ses trois éléments articulés sur quatre bogies, devenu, aujourd’hui, une rareté hors de prix : la référence est ST 800, et la longueur est de 57 cm. Une locomotive électrique de dessin libre, curieuse, et articulée à ceux caisses sur trois bogies, référence DL 800, apparaît au catalogue, et ressemble à deux F7 diesel dotées de pantographes et raccourcies… Bizarre… espérons que les soldats américains « GI » apprécieront ? Puisque Märklin se met à l’heure américaine, la firme inscrit aussi à son catalogue trois wagons à marchandises du type américain, à bogies, connus en France sous le nom de TP : ces modèles longs de 14,5 cm représentent un couvert, un tombereau et un citerne, très caractéristiques du matériel débarqué par les Américains en 1918 et qui circule encore beaucoup pendant la Seconde Guerre mondiale.
La voie « 00 » évolue, et, en particulier, se dote d’une traversée de jonction double, type Baeseler bien allemande, qui est la première du genre à cette échelle et aussi la première du genre dans le domaine du train miniature, car le « O » et le « I » ont particulièrement ignoré cet important appareil de voie qui économise une place considérable : il aura fallu que la miniaturisation du « 00 », axé justement sur le problème de la moindre place possible, fasse cette découverte… Les accessoires se modernisent avec des passages à niveau automatiques au dessin moderne, de grands ponts métalliques, des nouveaux bâtiments de gares. La fameuse grue Märklin à électro-aimant fait son apparition et prépare une belle et très longue carrière, devenant un « must » de tous les réseaux de l’après-guerre.

Les premières années du « HO » : 1950 et 1960.
Dans une Allemagne divisée et occupée, une certaine prospérité se prépare à l’ouest et la paix, à l’ombre de la guerre froide, semble fragile, mais le modélisme ferroviaire apparaît, lui aussi, comme un refuge et bien des caves ou des greniers de ces innombrables maisons neuves construites en Allemagne recèlent un réseau Märklin en « HO ». Car, maintenant, les catalogues ont pris le virage et abandonné le « 00 » des débuts. Le catalogue 1950 est le premier à porter la mention « HO ».
La locomotive à tender séparé du type 150 de la série 44 réelle, référence G 800, est le modèle fort de cette année 1950, et cette BR-44 commence une carrière interminable, faisant d’elle, sous de nombreuses formes successives et toujours perfectionnées, la locomotive obligatoire et incontournable pour la traction des trains de marchandises sur les réseaux allemands, et européens, puisque cette locomotive, dans la réalité, a circulé sur de nombreux réseaux autres qu’allemands.
Continuant sa politique commerciale en direction de l’exportation et de l’international, Märklin propose une ravissante BB des Chemins de Fer Fédéraux suisses sous la référence RE 800, ainsi qu’une non moins charmante petite locomotive électrique suisse à bielles à trois essieux et deux faux essieux, référence RSM 800, craquante à souhait. D’autres modèles, moins spectaculaires, mais très bien accueillis sur les marchés de leurs pays respectifs, viennent étoffer la gamme internationale comme la BB Hollandaise référence SEW 800 qui est, en réalité, une BB française adaptée pour ce pays et que les amateurs français aimeraient bien avoir en « HO » eux aussi. Toujours dans le domaine international, Märklin renforce sa gamme américaine avec un train articulé à quatre caisses sur cinq bogies, référence ST 800.
Les modèles de type allemand ne sont pas oubliés, et, au milieu des années 1950, on trouve une 030T de la série 80 en version bas de gamme à embiellage simplifié, une 141T de la série réelle 85 très bien traitée, ainsi qu’une 030 à tender séparé de dessin libre, d’inspiration allemande. La Pacific 01 référence HR 800 est rénovée en 1952. En 1954, apparaît la locomotive type 131 à tender séparé, série BR 23, référence DA 800 pour Märklin, un modèle très à la mode en Allemagne puisque venant d’apparaître sur les rails de la Deutsche Bundesbahn. À la fin des années 1950, des locomotives comme la 1C1 suédoise, la 1D1 E-18 d’avant-guerre, ou la diesel allemande V200, ou encore le petit autorail allemand « Schienenbus » marquent leur époque tant sur le catalogue Märklin que dans la réalité.
À l’époque, la gamme des voitures est augmentée, avec des modèles de type suisse, une refonte des modèles allemands, de nouvelles couleurs et décorations. Ces voitures, entièrement en métal, longues de 20,5 cm, représentent à leur époque un sommet en matière de savoir faire, mais emprisonneront Märklin dans une politique de raccourcissement des voitures qui mécontentera les modélistes au fur et à mesure que les années passent, quand la concurrence se met à produire des voitures en « HO » à la longueur exacte, avec 27 à 29 cm environ selon les séries. Les voitures Märklin apparaissent alors comme de plus en plus trapues et de type jouet.
Les références mythiques et historiques, par combinaison de lettres et de chiffres, ont cédé la place, depuis 1957, aux références à chiffres seuls : les locomotives sont dans la série 3000. La firme commémore son centenaire en 1959, et les catalogues des années 1960 vont se suivre, avec des locomotives diesel américaines traitées avec précision, une BB italienne très réussie, une internationalisation de la production toujours aussi active, jusque dans les wagons à marchandises qui comprennent désormais des séries américaines permettant à Märklin de se faire aussi une place importante sur le marché des États-Unis. La France est au programme avec une BB 9200 très réussie qui va rappeler aux modélistes français les qualités du système trois rails et courant alternatif que Märklin persiste à maintenir en face de la montée du système deux rails et courant continu chez les concurrents. Normalement produite en vert clair, cette locomotive existera aussi dans une rare version rouge pour le train « Capitole » que la SNCF utilise pendant quelques années seulement : la version rouge Märklin atteint, aujourd’hui, des cotes estimables dans les salles de ventes.
Dans un monde qui bouge.
Des modèles à la forte personnalité comme la Ae 6/6 électrique des Chemins de Fer Fédéraux suisses ou la CC E-94 électrique allemande, la CC diesel belge ou danoise, marquent, avec la rame TEE hollando-suisse, les années 1960 chez Märklin. Les modélistes français, qui voient passer cette rame sur le réseau Est de la SNCF, regrettent de ne pas la trouver en système deux rails, et reculent devant son prix, mais elle est splendide et désirable, avec ses couleurs rouge et crème. Dans une Allemagne qui renoue avec le 200 km/h, l’emblématique CC électrique E-103 symbolise le retour allemand dans la grande vitesse ferroviaire, et Märklin se doit de l’offrir à sa clientèle nationale, assortie de sa rame rouge et crème aux voitures… un peu raccourcies avec leurs 24 cm seulement, alors qu’en réalité ces très longues voitures de 26,40 m devraient mesurer plus de 30 cm en « HO »…
À la fin des années 1960, et pour 1968 exactement, alors que d’autres refont le monde, Märklin fait dans la nostalgie en sortant un modèle très réussi de la locomotive P8, type 230, de l’Allemagne d’avant la Première Guerre mondiale. Mais la firme allemande n’est pas, pour autant, enfermée dans le passé et, sous la marque Hamo qu’elle a rachetée, propose un certain nombre de ses locomotives en système deux rails et courant continu, références 8300 et la suite, comprenant à quel point les autres pays européens s’y sont convertis parce que dépendant de la puissance de vente d’autres marques comme Fleischmann, Roco, Rivarossi, Lima ou Jouef. Märklin ne veut pas laisser s’échapper cette clientèle qui se veut modéliste et qui refuse, à ce titre, la voie à rail conducteur central qui n’existe pas dans la réalité.
Utilisatrice inconditionnelle de son excellent système à trois rails, qu’aujourd’hui toujours Märklin n’a pas abandonné, la firme retient une clientèle que l’on appelle, à l’époque, les « joueurs adultes » et qui ne sont pas vraiment des modélistes : le troisième rail central ne les gêne pas et ils préfèrent, avant tout, les qualités de fonctionnement que, justement, le système deux rails et courant continu est fort loin d’offrir avec ses encrassements de rails, ses arrêts inopinés sur les appareils de voie, son captage du courant médiocre. Mais aussi, à une époque où le modélisme ferroviaire se démocratise et atteint de nouvelles couches sociales, le système trois rails se paie cher, et ne manque pas de poser, à ce titre, des cas de conscience aux équipes marketing de la grande maison.
En France, l’existence de Märklin est particulièrement brillante durant ces années 1980-1990 : la filiale Märklin-France est dirigée par Pierre Villemagne et, notamment, le stand Märklin, tenu par Pierre et son épouse Martine, est le plus grand et le plus beau de tous, point de mire des amateurs et du grand public, doté de nombreux réseaux en écartement “1”, “HO” et “Z” qui attirent les 200.000 visiteurs du salon.
Märklin veut avoir le dernier mot, et l’a avec le “Z”.
En 1972, la très ancienne et respectable firme de Göppingen veut avoir le dernier mot dans la course à la miniaturisation, et elle l’aura, non seulement parce que c’est symboliquement la dernière lettre de l’alphabet avec ce choix de l’appellation « Z » pour cette échelle du 1/220, mais parce qu’il est techniquement difficile de faire plus petit si l’on veut rester dans la qualité mécanique et donner aux amateurs des garanties de fonctionnement sérieuses. Le train “Miniclub” est sur une voie de 6,5 mm. Le moins que l’on puisse dire est que c’est quand même très petit, tout comme ces locomotives qui tiennent dans le creux de la main, quand ce n’est pas dans une coquille de noix pour une 030T.
C’est la nouveauté du catalogue de 1972, et, d’emblée, les publicités, le style général du marketing, les illustrations, tout est dans un ton qui ne sera jamais abandonné : un ton ludique, décontracté, souriant. Le train miniature est abordé sous l’angle de l’amusement, mais avec un gadget élégant, cher, qui ne crée pas de soucis d’installation et de fonctionnement, qui ne demande pas que l’on soit « bricoleur » (sic) ni, d’ailleurs, que l’on soit engagé en quoi que ce soit dans la démarche du modélisme ferroviaire et de la connaissance des trains. Point de science encombrante et traumatisante, point de talents de soudeur ou de menuisier, d’électricien ou de décorateur : on branche, et on joue, tout en occupant le moins de place possible, de préférence sur une élégante table basse de salon sur laquelle, on le sent bien, le whisky et le cigare ne sont jamais bien loin.
On en fait cadeau, on se le fait offrir, on épate ses amis ou ils épatent l’attardé qui n’a pas encore adhéré au mode de vie “Miniclub”. Ce n’est d’ailleurs pas du modélisme ferroviaire, c’est du « loisir », de l’amusement, et le comble est le réseau confectionné dans un attaché-case ou sur un plateau de 30 x 52 cm, pas plus. Le “Miniclub” « réduit au strict minimum tous les préparatifs ennuyeux » et permet d’ « oublier béatement les soucis quotidiens », dit le catalogue Märklin de 1972, édition française. Que le modélisme fasse oublier les soucis quotidiens, c’est sa raison d’être, et on ne peut être d’accord, mais que les « préparatifs soient ennuyeux », là, on demande une explication : mettre un réseau en marche, vérifier les tensions dans les voies, dégarer le matériel et l’essayer, remédier à quelques faux contacts quitte à aller à quatre pattes sous le réseau, ennuyeux cela ? L’auteur de ce livre, modéliste lui-même, a éprouvé les plus grandes joies dans ces instants…
Mais l’échelle « Z » restera-t-elle une échelle pour joueurs adultes d’un instant, et non impliqués ? Un certain nombre de modélistes s’y mettront d’une manière durable et sérieuse, et certains, même, font du « Nm », c’est-à-dire du « N » en voir métrique, utilisant, comme pour le « HOm » et le « HO », les éléments du « Z », comme les voies et les châssis-moteurs, pour en faire des trains en voie métrique sur leur réseau en « N ». La petitesse générale permet, avec du « Z », de représenter des sites réels d’une manière plus exacte.
Le “Miniclub” Märklin est du deux rails, courant continu : Märklin abandonne donc le système trois rails du « HO » qui serait difficile à transposer dans un univers aussi miniaturisé, et vient apporter, tout compte fait, sa caution immense au deux rails, admettant qu’il peut même faire fonctionner correctement ces trains de l’extrême que sont les trains en « Z », par leur petitesse, leur légèreté – autant de handicaps, pourtant, pour les trains en « HO » que Märklin ne voulait pas assumer jusque-là. Mais la qualité des voies aux rails en profilés de maillechort, les appareils de voie très soignés mécaniquement, le captage assuré par le plus grand nombre de roues possible sur les locomotives, un poids élevé pour ces dernières (compte tenu de leurs dimensions), une grande qualité au niveau des moteurs, voilà ce qui devra assurer l’avenir du “Miniclub”, et ce pari sera gagné.
Longue de 45 mm, la locomotive-tender type vapeur 030T est l’objet phare de la gamme de départ, et c’est normal : quitte à faire très petit, il faut faire le plus petit dans le petit, pour bien « typer » l’image de marque du « Miniclub » et permettre aux acheteurs de démarrer avec un investissement financier minimal et sur une place minimale. Une locomotive diesel à trois essieux accompagne la locomotive-tender et en reprend le châssis-moteur. Une petite gamme de voitures et de wagons à deux essieux permet de constituer des coffrets de départ.
Mais Märklin fait implicitement comprendre que le “Miniclub” a un avenir et qu’il prend cette nouvelle gamme très au sérieux. Donc, dès le départ, la firme propose non seulement du matériel roulant de base, mais aussi une “Pacific”, une BB diesel, des voitures à voyageurs à la bonne longueur et à l’échelle – que les “Märklinistes” en « HO » ont tellement attendu et ont enfin trouvé dans les séries spéciales dites « éxécution grande longueur 27 cm ». Les couleurs des voitures sont belles, les marquages fins. Tout cela fait de beaux trains contemporains. Mais…. Allemands. Märklin a parfaitement raison de satisfaire son marché national en priorité, et les trains allemands ont toujours été très beaux et attrayants. Les modélistes des autres pays, intéressés par le « Z », sont toutefois en attente de modèles de leur réseau national. Seront-ils écoutés ?



Le programme Märklin du 21e siècle.
En 2000, par exemple, le catalogue Märklin comprend 536 pages généreusement remplies, et le « Z » occupe 87 pages dont la quasi-totalité est allemande avec, par exemple, une vingtaine de magnifiques locomotives type vapeur, une quinzaine de locomotives de type électrique, du matériel remorqué voyageurs et marchandises en très grand nombre. On trouve une locomotive de type suisse comme la Crocodile, et une petite gamme de type américain avec une locomotive diesel, une 141 et une 230 vapeur, et des wagons à marchandises : la Suisse et les États-Unis ont toujours représenté des marchés actifs pour la firme allemande qui, aujourd’hui, pour les années 2020, reste la plus importante firme de trains miniatures du monde.

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