La voie de 760 mm : le “métrique” de l’Europe centrale.

Le surprenant réseau européen en voie de 760 mm ne manque pas de passionner les amateurs du monde entier, car son écartement est à la fois typique de ces vieux et magnifiques pays de l’ancienne Autriche-Hongrie et des Balkans, et il est techniquement issu d’un compromis intéressant, marquant une sorte d’équilibre et de juste milieu dans le monde des chemins de fer en écartements inférieurs à celui de la voie normale. On l’appelle souvent du nom d’ “écartement bosniaque”, ce qui ne l’a pas empêché de gagner le reste du monde, y compris le Pacifique.

Une locomotive type 031T en voie de 760 sur le réseau autrichien du Salzkammergut.
Locomotive-tender type 031T sur la voie de 760 du Salzkammergut, construite en 1901.

Notons que l’Allemagne n’est pas l’Autriche, et que ce pays a choisi l’écartement de 750 mm, soit 100 mm de moins, pour son réseau en voie étroite, et, d’autre part, les pays du Commonwealth britannique ayant un réseau en 762 mm, soit 2 mm de plus, ne sont pas concernés non plus. Nous reviendrons sur ces écartements 750 et 762 mm dans un autre article de “Trainconsultant”.

Locomotive-tender allemande articulée type 020+020.Série 99, N°1592-7. Voie de 750 mm et construite en 1913 par Hartmann.
Sur le réseau actuel de l’île de Rügen (Allemagne) en voie de 750. Doc. Taillardat.

Pour commencer, nous proposons un petit tableau des écartements en 762, 760 et 750 mm et des longueurs des réseaux dans ces écartements en 1925 d’après la RGCF et qui nous permettra de bien localiser le 760 par rapport à ses presque frères jumeaux que sont le 762 mm du Commonwealth britannique et le 750 allemand que des entreprises allemandes ont installé dans le monde entier :

762 mm :

Barbades 38 km
Brésil 726 km
Afrique orientale anglaise 173 km
Cap 172 km
Ceylan 187 km
Chili 1254 km
Chypre 122 km
Grande-Bretagne 29 km
Inde 5400 km
Japon 343 km
Mésopotamie (Irak) 93 km
Mexique 53 km
Nigeria 229 km
San Domingue 99
Sierra Leone 550 km
Union Sud africaine 896 km
Victoria 195 km

760 mm :

Autriche 635 km
Bulgarie 51 km
Pologne 70 km
Roumanie 744 km
Yougoslavie 46 km


750 mm :

Algérie 245 km
Allemagne 1371 km
Argentine 163 km
Congo belge 400 km
Indes orientales hollandaises 510 km
Estonie 338 km
Egypte 1464 km
Espagne 104 km
Finlande 115 km
Hongrie 14 km
Lettonie 280 km
Norvège 83 km
Pologne 925 km
Roumanie 301 km
Suisse 14 km
Tanganyika 14 km

La France ne veut que le métrique, tolère la voie de 60, et refuse le reste.

La loi Migneret votée le 12 juillet 1865 prévoit un système de transports publics locaux, établit la notion de chemin de fer d’intérêt général et d’intérêt local, le tout format le réseau de ce que l’on appellera « les chemins de fer secondaires » en France. La loi Migneret n’atteint pas son objectif et vers 1880, le total des lignes construites est seulement de l’ordre de 3.500 Km, comprenant aussi bien des lignes à voie normale qu’à voie métrique. Il faut donc aller plus loin.

La loi du 11 juin 1880, votée pour hâter la construction des lignes d’intérêt local. Elle ajoute une nouvelle catégorie aux deux précédentes : les tramways. Ceux-ci ont pour principale différence, par rapport aux lignes d’intérêt local, d’utiliser les bas-côtés des routes départementales qui, justement, appartiennent aux départements – ce qui résout très simplement le problème de l’acquisition des terrains ou de leur expropriation.

Cette loi autorise trois écartements pour ces petites lignes : 1.000 mm, 750 mm, ou 600 mm exceptionnellement, les deux derniers étant plus particulièrement recommandés pour ce que l’on appelle bien les « tramways » et qui sont construits sur les bas-côtés des routes. Mais si quelques rares lignes de tramway sont bien en voie dite “de 60” (plages du Nord, de la Normandie, de Royan, par exemple), il n’y aura pratiquement pas de lignes françaises en voie “de 75” : seul, à notre connaissance, le chemin de fer forestier d’Abreschviller s’en approchera avec un curieux écartement de 700 mm d’origine militaire allemande que l’on retrouve aussi au Luxembourg ou en Pologne. Il est possible que, dans des installations industrielles ou forestières, la voie de 700 ou 750 mm ait été utilisée. Mais pour les pouvoirs publics français et pour l’opinion publique, sans aucun doute, la voie de 750 mm est un compromis peu cohérent, entre le métrique qui permet d’offrir une capacité de transport proche de celle de la voie normale pour un prix de revient moins élevé lors de l’établissement, et la voie de 600 mm qui permet, si le problème financier passe avant tout, des coûts d’installation vraiment très bas et loin en dessous de ceux de la voie normale. Le 750 mm, tout compte fait, ce n’est ni l’un ni l’autre.

L’essor de la voie de 760 mm : le “Club 760” s’en souvient.

Ne choisissant que rarement le métrique et la voie de 600 mm, l’Autriche et surtout sous la forme de la double monarchie austro-hongroise, a bien été, à sa manière, le pays de la voie de 760 mm, utilisée avec une rare audace, allant à l’assaut des montagnes les plus escarpées. Beaucoup d’entre eux ont disparu, certes, mais un certain nombre reste toujours vaillant, souvent grâce à des associations de préservation pour qui le chemin de fer représente une réalité à la fois culturelle et technique du plus haut niveau.

L’Autriche actuelle, c’est surtout le pays du “Club 760”. L’histoire de la ligne est intimement liée à cette association créée par une poignée d’amateurs en 1969, à l’occasion des 75 ans de la Murtalbahn. Ses buts principaux sont la sauvegarde de la ligne dans son intégralité et la mise en marche de trains d’amateurs à traction vapeur avec du matériel en partie propriété de l’association. Les trains connaissent un tel succès auprès des nombreux touristes allemands qu’ils deviennent vite réguliers au cours des mois d’été. En 1978, l’association ouvre un musée à deux pas de la gare de Frojach-Katschtal, où sont présentées des locomotives en attente de restauration, mais aussi d’autres, importantes sur le plan historique. L’association gère aujourd’hui une vingtaine de locomotives et une cinquantaine de voitures et de wagons divers.

Carte du réseau ferré autrichien dans les années 1950. En vert : la voie de 760.

Le Zillerthalbahn et son réveil emblématique.

Parmi ces innombrables réseaux en voie de 760 mm, le réveil actuel du Zillertalbahn autrichien est le plus connu actuellement, et représente bien un rappel historique avant tout. Inauguré en 1902, ce train est un pur produit de l’engouement touristique pour les chemins de fer à voie étroite en 760 mm. Cela ne l’empêche pas d’assurer, à longueur d’année, un trafic intense. Mais tous les jours, du début du mois de mai jusqu’à la fin octobre, les locomotives à vapeur font entendre leur voix dans les montagnes de cette région autrichienne.

Le cours supérieur de la rivière Ziller s’élargit, à partir de Mayrhofen, en une large et fertile vallée. Cette région avait sollicité, entre 1900 et 1902, la construction d’un petit train à crémaillère pour favoriser le développement local, et ne pas rester à l’écart du monde, perdue dans ses montagnes paisibles. La vallée de la Ziller était, de tout temps, une région d’élevage du bétail et de pâturages et elle devint ainsi, selon son vœu et grâce au chemin de fer, une région touristique très animée toute l’année. Bien que Menaça, située sur une rive de l’Inn, n’ait que 6 300 habitants, cette petite ville est très connue des amateurs de chemins de fer pour ses trois écartements : nous y revenons plus loin dans cet article.

Pour le trafic normal, la ligne dispose de cinq automotrices diesel modernes. Le trafic marchandises s’effectue avec des trucks porteurs, qui sont, en fait, de minuscules wagons à voie étroite sur lesquels on pose directement les roues des wagons de marchandises à voie normale. Grâce à cette technique, on évite un transbordement aussi coûteux en temps perdu qu’en dégâts pour les marchandises. Ce type de trafic est assuré par un parc de six locomotives diesel.

Les trains à vapeur ne circulent pas seulement pendant la saison d’été : il n’est pas rare d’en voir de spéciaux pour Noël. On a parfois la chance de voir monter un train en double traction vapeur avec deux des cinq locomotives du réseau. Et avec un peu de chance, on peut obtenir la permission de faire un accompagnement à bord de la locomotive et de ramener fièrement une attestation de « mécanicien de route amateur ».

Le Zillertalbahn aujourd’hui, dans un état et une situation que l’on souhaiterait trouver sur les autres réseaux en voie de 760.

L’Ybbstalbahn

La ligne à voie de 760 mm de le Ybbstalbahn en Basse-Autriche a fêté ses 100 ans en 1996, déjà. Tirant ses ressources en majeure partie du tourisme, le réseau a été modernisé en plusieurs étapes pour mieux répondre à une clientèle de plus en plus nombreuse. Revers de la médaille,
une partie du parcours a dû cependant être abandonnée au service régulier

Il s’en est fallu de peu que l’Ybbstalbahn ne soit à voie normale. Comme dans d’autres régions du pays, c’est finalement la voie de 760 mm qui est retenue, car elle présente bien des avantages sur le plan financier : acquisitions moindres de terrains, infrastructures plus légères au niveau des bâtiments et matériels roulants moins onéreux. Un réseau va se constituer en plusieurs étapes au départ de Waidhofen an der Ybbs, déjà desservie par la ligne à voie normale Amstetten-Selzthal. Le 19 octobre 1895, c’est la fondation de la Société anonyme de l’Ybbstalbahn, et le 15 juillet de l’année suivante, la première partie de la ligne est mise en service entre Waidhofen et Gross Hollenstein, sur près de 26 km. C’est sur cette portion que l’on trouve une grande part des ouvrages d’art importants. Le deuxième secteur, Gross Hollenstein-Lunz am See est ouvert en mai 1898 et finalement la ligne est complétée vers Kienberg-Saming en novembre de la même année, totalisant alors 71 km. La seconde ligne, en fait une antenne, entre Gstadt et Ybbsistz, longue de 5,7 km, n’a été mise en service qu’en mars 1899.

À l’ouverture, le réseau ne dispose que de trois locomotives à vapeur, de six voitures, de deux fourgons et de vingt-quatre wagons. La nationalisation de la compagnie, en 1928, lui permet d’étoffer son parc moteur et tracté et c’est en 1930 qu’apparaissent les premières locomotives diesel. La traction vapeur reste prédominante jusqu’en 1962, année où arrivent trois machines série 2095 qui vont redonner un second souffle au réseau. Renforcées par les locomotives série 2091, elles permettent l’élimination de la vapeur.

En mai 1988, la portion de ligne Lunz am See-Kienberg Gaming est fermée au trafic. Sa transformation en piste cyclable est envisagée, mais, grâce à la ténacité d’une association (ÖGLB), elle est sauvée du démontage et reprise comme chemin de fer touristique. L’été, elle est de nouveau parcourue par des trains vapeur ou diesel pour le plus grand plaisir des touristes. Le réseau connaît une nouvelle modernisation à l’automne 1994, quand arrivent les autorails série 5090, élaborés d’après un modèle qui a fait ses preuves sur la ligne de la Murtalbahn en Styrie. Le réseau se voit doté de six unités qui assurent depuis la quasi-totalité des marches voyageurs, épaulées par les diesels série 2095 en cas de très forte affluence. À l’intention des cyclotouristes, deux wagons ont été aménagés en fourgon porte-vélos et connaissent un grand succès. Aujourd’hui, l’Ybbstalbahn se présente comme un secondaire actif en plein essor.

L’Yppstalbahn dans les années 1980. Doc. Stummiforum.

Le Wachtl-Express : un KGB pas soviétique, celui-là.

La création du Kieferer-Grenz-Bahn se fait à partir de Kiefersfelden qui est une petite agglomération de la Bavière profonde et une cimenterie Portland y a été installée, utilisant des carrières situées dans le voisinage. Les pierres extraites sont transportées par camion sur le versant autrichien de la montagne et sont chargées par toboggan à Wachtl, toujours en Autriche, dans les wagons du Kieferer-Grenz-Bahn. Les trains quittent ensuite la gare de Wachtl, franchissent la frontière austro-allemande, et gagnent la cimenterie de Kiefersfelden.

Ce chemin de fer à caractère confidentiel qui appartient à une société privée entre en service en 1926. La ligne, longue de 5 km, est construite dans un écartement très inhabituel de 820 mm. Des locotracteurs diesel de type militaire sont utilisés.

Un vrai chemin de fer industriel en activité , mais faisant aussi musée le dimanche, voilà qui n’est pas courant, surtout s’il est international ! Un tel réseau ne pouvait être qu’unique. C’est ainsi que les locomotives de la petite ligne allemande du Kieferer-Grenz-Bahn voisine poussent jusqu’à la gare située en Autriche pour le chargement des trains de pierres extraites dans les carrières autrichiennes des environs.

Pour faciliter la modernisation du matériel roulant, l’écartement de la ligne est porté de 820 à 900 mm en 1970. La traction est désormais électrique, la caténaire étant alimentée en 1200 V continu. Deux locomotives dites « crocodiles » datant de 1927-1928 sont rachetées auprès du réseau des Rheinische-Braunkohle-Werke spécialisé dans le lignite. Ces locomotives donnent environ 440 kW.

Quand la cimenterie achète, en 1990, des locomotives électriques très modernes construites chez Voest-Alpine, la voie est toute tracée pour une réutilisation en exploitation touristique des deux anciennes locomotives électriques dorénavant libres. Grâce à l’appui de la direction de l’entreprise il est possible de fonder, en décembre 1990, une association ayant pour objet la création du train touristique, et en juin 1991, le premier «Wachtl-Express» roule.

En guise de voitures à voyageurs, on dispose de deux véhicules anciens datant de 1912 provenant de la ligne voisine du Wendelsteinbahn, elles-mêmes rendues disponibles par l’arrivée de deux automotrices de construction suisse sur cette ligne. Mais il fallut modifier les voitures pour les faire passer de l’écartement métrique à celui de 762 mm, et les peindre dans les couleurs des trains bavarois, c’est-à-dire bleu et blanc. En 1993 arrive une troisième voiture de la même origine, et mise en service en 1994 sous la forme d’une voiture-bar.

La ligne du Kieferer-Grenz-Bahn reste très active, mais elle accepte le trafic touristique durant les fins de semaine. Avec plusieurs haltes intermédiaires, concernant principalement les petites auberges des environs, le «Wachtl-Express » effectue le trajet complet de Kiefersfelden à Wachtl et retour en une vingtaine de minutes. Comme la présence du toboggan de chargement interdit toute caténaire au-dessus des voies à Wachtl, la locomotive électrique doit être manœuvrée avec l’aide d’un cabestan. Parfois, on se sert d’un locotracteur de type militaire HE 130 C construit chez Gmeinder en Autriche.

Le chemin de fer industriel du Kieferer-Grenz-Bahn. Doc. KGB.
Le train touristique du Wachtlexpress à partir des années 1990..

La ligne du Taurach

Autrefois partie intégrante de la ligne Unzmarkt-Mauterndor, connue sous le nom de Murtalbahn, le chemin de fer touristique du Taurachbahn a réussi à s’imposer comme l’un des plus importants du genre. Grâce à une collection de matériels historiques de premier plan, rassemblés par le Club 760, l’une des plus grandes associations d’amateurs en Europe, la ligne évolue également dans un environnement attrayant.

Dans son intégralité, le chemin de fer de la Murtalbahn (inauguré en 1894) conduisait de la gare de Unzmarkt, en correspondance avec le réseau national autrichien ou ÖBB, à Mauterndorf via Murau et Tamsweg. Située dans sa très grande majorité dans le territoire du Land de Styrie, cette ligne à voie de 760 mm assurait, bon an mal an, son labeur au service des populations locales, mais aussi de l’économie rurale. Intégrée dans une région en plein développement touristique, le chemin de fer de la Murtalbahn réutilise très tôt la traction vapeur, mais comme une attraction. Celle-ci se maintiendra même lorsque la compagnie exploitante se décidera enfin à moderniser la ligne, au début des années 1980, en achetant des autorails neufs et en réaménageant les horaires.

Pour le tronçon reliant Tamsweg à Mauterndort, situé dans le Land de Salzbourg, il n’en va pas de même. Un accident mineur. Un camion, heurtant le tablier d’un petit pont, offre le prétexte pour fermer la portion à tout trafic en juin 1980, non sans protestations. Un temps, il est question de démonter la ligne pour en faire une piste cyclable. Mais dans l’ombre, des amateurs s’activent pour que ce projet n’aboutisse pas et que la ligne soit sauvegardée.

Il faut attendre huit longues années pour surmonter les tracasseries administratives, pour trouver les fonds nécessaires à la reconstruction de la partie abîmée et permettre une exploitation en toute sécurité. Le Club 760, une association qui s’est fixée comme but principal le maintien de la ligne dans son intégralité, met tout en œuvre pour redonner vie à cette douzaine de kilomètres. Comme le parcours suit la rivière Taurach, le chemin de fer prend le nom de Taurachbahn afin de se différencier de la partie inférieure de la ligne. Seuls le tronçon des 10 km de ligne entre Mauterndort et St. André est repris. Les deux kilomètres restants ne sont pas exploités régulièrement, et ne sont parcourus que par des trains spéciaux. Le succès aidant, les matériels vont vite faire défaut et la quête reprend.


Grâce à un engagement important des adhérents bénévoles de l’association, le chemin de fer de le Taurachbahn rachète et remet en état une superbe collection d’engins typiques de l’histoire ferroviaire du pays, dénichés çà et là en Autriche, mais aussi en Yougoslavie. Sa position géographique et l’indéniable qualité de ses services valent à la ligne de la Taurachbahn un succès grandissant.

La gare de Mariapfarr sur le chemin de fer du Taurach. Doc.Taurachbahn.

Le chemin de fer du Bregenzerwald

Fermé à tout trafic en 1983, le chemin de fer du Bregenzerwald a pu renaître en 1987
grâce à la volonté d’un groupe d’amateurs. Ce n’est qu’une portion de ligne qui a pu être
sauvée de l’oubli pour témoigner du passé ferroviaire de cette région. L’association, qui en
assure la destinée, souhaite prolonger la reconstruction de la ligne dès que ses moyens financiers et humains le lui permettront.

C’est en 1902 qu’une ligne à voie de 760 mm reliant la capitale du Vorarlberg, Bregenz, à Bezau est mise en service. Longue de 35 km, elle a pour particularité de longer la rivière Bregenzerach sur une vingtaine de kilomètres entre Kennelbach et Egg. Tracée dans des paysages grandioses, la ligne souffre de l’éloignement des villages qu’elle dessert. Les gares se trouvent le plus souvent loin de la localité, ce qui constitue un frein à son expansion. La traction vapeur règne sans partage jusqu’en 1937, année qui voit l’arrivée des premiers engins diesel. C’est une nouvelle acquisition d’engins diesel modernes en 1963 qui entraîne la disparition de la dernière locomotive à vapeur en service régulier.

Donc ce parcours romantique et pittoresque n’est pas un atout, loin de là. L’historique de la ligne fait état de plusieurs interruptions dues à des éboulements qui font peser une lourde menace sur le chemin de fer En 1980, une nouvelle suspension du trafic en raison de l’effondrement d’une partie du tracé amène les chemins de fer de l’État autrichien à fermer définitivement le chemin de fer du Bregenzerwald, après 78 années au service du tourisme et de l’économie locale. Une fermeture hâtive, qui sera amèrement regrettée quelques années plus tard, quand le tourisme local ira grandissant…

L’engagement d’amateurs et de responsables économiques locaux va permettre, non sans difficultés de tous ordres, la création en 1985 d’une association. Elle se fixe pour but de sauvegarder la ligne, ou du moins une portion de celle-ci, et de l’exploiter ultérieurement à des fins purement touristiques. C’est chose faite en décembre 1987, date à laquelle une section de 5 km, entre Bezau et Schwarzenberg, voit de nouveau passer des trains. Deux ans plus tard, la ligne est prolongée jusqu’à Bersbuch, portant à 6,1 km la totalité rouverte. Un prolongement est toujours à l’étude et devrait intervenir dans les prochaines années.

Ce chemin de fer touristique, comme beaucoup d’autres, a été confronté au manque de matériel. L’association conduit ses recherches dans divers pays, Pologne, Allemagne et Autriche pour dénicher la locomotive à vapeur disponible ou encore quelques voitures en bon état de marche. Les premières circulations se font en traction diesel et la traction vapeur ne fait son retour qu’en 1990, faute d’engin disponible. Plusieurs années durant, elle assure le trafic grâce au renfort temporaire de locomotives louées ou prêtées, avant de disposer de son propre parc. Les efforts méritoires dans tous les domaines des membres de l’association ont permis de faire de ce chemin de fer touristique l’une des attractions les plus prisées d’Autriche, démontrant de manière éclatante que des investissements auraient permis de maintenir une activité régulière. Mais à cette époque, le rail n’avait pas encore entamé sa reconquête. De retour depuis 1990, la traction vapeur a permis d’augmenter sensiblement la fréquentation des trains du chemin de fer du Bregenzerwald. Des locomotives autrichiennes, polonaises ou allemandes y circulent à tour de rôle dans une région où le tourisme est en plein essor.

Locomotive-tender type 031, utilisée sur de nombreux réseaux autrichiens en voie de 760. Vue d’époque des années 1930.
Locomotive type 040 MH6 utilisée sur les réseaux en voie de 760 d’Europe centrale. Doc.RGCF.

Mariazell : la foi dans le 760 déplace les montagnes.

Le bourg de Mariazell est à l’Autriche-Hongrie ce qu’est Lourdes à la France, écrit-on dans la presse spécialisée à l’époque, ceci pour justifier une électrification qui pourrait passer pour dispendieuse quand il s’agit dune modeste ligne en voie de 760 mm. Considérée à juste titre comme l’une des plus belles lignes d’Autriche, celle de Mariazell, presque centenaire, est une ligne électrique de montagne longue de 85 km. Elle connaît un intense trafic voyageurs, dont une grande part provient des nombreux pèlerins se rendant vers ce lieu de prière et de méditation.

En 1898, déjà, la liaison ferroviaire vers Mariazell est envisagée dès la construction de la ligne de Vienne à Salzbourg. La voie normale est abandonnée au profit de la voie de 760 mm, mieux adaptée à une topographie difficile.  Sa situation au milieu de hautes montagnes l’avait jusqu’ici empêché d’être reliée au réseau ferré de la monarchie. C’est le gouvernement de la Basse-Autriche qui a fait construire successivement les lignes à voie de 760 mm suivantes, pour donner la possibilité d’atteindre Mariazell :  d’abord la ligne de St-Pölten à Kirchberg, d’une longueur de 31 km, avec une rampe maximum de 15 pour mille et un rayon minimum de 80 mètres. Cette ligne a été ouverte à l’exploitation en 1898. On construit ensuite la ligne de Kirchberg à Laubenbachmühle, d’une longueur de 17 km, avec une rampe maximum de 15 pour mille et des rayons minima de 90 mètres.

Ce tronçon a été ouvert le 5 août 1905. Puis, on construit la ligne de Laubenbachmühle à Mariazell et Gufswerk, d’une longueur de 43 km, avec une rampe maximum de 25 pour mille, et à rayon minimum de 90 mètres. La station culminante est celle de Gösing à l’altitude de 839 m. Le plus haut point atteint est à l’altitude de  891 m. dans le grand tunnel de Gösing, d’une longueur de 2368 mètres. Le tronçon de Laubenbachmühle à Mariazell a été ouvert le 1 mai 1907, celui de Mariazell à Gufswerk le 1er juillet 1907.

La ligne de Mariazell est ainsi d’une longueur totale de 91,3 km. Elle a son origine à St-Pölten, une gare importante du chemin de fer dit des États, reliant Vienne à Salzbourg et à Munich. Une ligne latérale s’en détache à la station de Grafendorf, pour aboutir à Ruprechtshofen : elle a, à la veille de la Première Guerre mondiale, une longueur de 26 km. et atteindra, une fois achevée, la longueur de 65 km.

Les devis, établis d’après un avant-projet, se montaient au total à 9.4 millions de couronnes autrichiennes. Les travaux sont exécutés sous le régime d’une loi pour des chemins de fer vicinaux de la Basse-Autriche du 28 mai 1855 : aux termes de cette loi, le pays participe à l’établissement des nouvelles lignes de chemin de fer sous forme de garantie du produit net pour une valeur de 70 % des devis. Cette subvention n’est accordée que si les communes intéressées et les particuliers justifient d’une prise d’action représentant le complément, soit 30%.

Le premier tronçon est mis en service en 1898, après 20 mois de travaux. Il relie Sankt Pölten à Kirchberg-an-der-Pielach, la partie plane de la ligne. De tergiversations en hésitations, le prolongement vers Laubenbachmühle n’atteint cette ville qu’en 1905, MariazelI en 1906 et Gusswerk, l’ancien terminus, un an plus tard. Il aura fallu déployer une grande ingéniosité pour venir à bout des 624 m de dénivellation entre Sankt Pölten et Gösing, matérialisée par de nombreux ponts et des tunnels.

Locomotive électrique type CC à bielles de la ligne de Mariazell.
Locomotive type CC à bielles de 1912.

Parcourons la ligne de Mariazell.

Sortant de la gare de Kirchberg, à l’altitude de 372 m, le tracé s’élève en rampe moyenne de 15 pour mille, et s’engage ensuite dans les gorges étroites de la rivière de Pielach, aux parois abruptes, coupées de ravins et de couloirs, en suivant la rive droite de la vallée, passant dans deux courts tunnels d’une longueur de 180 m et, sur un viaduc, il gagne alors la rive gauche de la rivière Natters. Le tracé franchit le vallon au kilomètre 46, longe les torrents, ce qui a exigé de nombreux murs aux fondations difficiles et atteint la station de Laubenbachmühle à l’altitude de  533 m. Cette partie de ligne comporte d’importants terrassements, elle n’a cependant pas présenté de difficultés sérieuses.

De Laubenbachmiihle, à l’altitude de  533 m, jusqu’à la tète Nord du tunnel de située à Gösing, à l’altitude de  871 m, la distance n’étant que de 5 km, il a fallu un développement artificiel sous forme d’un double lacet en rampe de 23 pour mille et de 17 km de longueur pour franchir la différence de niveau de 337 m.

A la sortie du tunnel de Gösing, à l’altitude de  890 m, on atteint la station de Gösing. Elle est située en face de la montagne d’Otscher, d’une altitude de 1892 m, et à 360 m au-dessus du fond de la gorge du torrent d’Erlauf.

La ligne descend ensuite avec une pente de 25 pour mille jusqu’à la station de Wiener-Bruck, à l’altitude de 795 m. Le tracé est des plus accidentés : les tunnels succèdent aux viaducs, et la voie semble parfois comme accrochée aux flancs de la montagne. À partir de Wiener-Bruck, le tracé s’élève de nouveau avec des rampes allant jusqu’au 20 pour mille en franchissant six tunnels et cinq ponts métalliques à une hauteur moyenne de 37 m, il descend ensuite le vallon d’Erlauf pour s’élever encore une fois, jusqu’à la station de Mariazell, à l’altitude de 849 m.

De Mitterbach à Mariazell la ligne ne présente pas de difficultés particulières, ayant même les caractères, sur le plan du tracé et du profil, d’une ligne de plaine. Sortant de la station de Mariazell, la voie descend avec une pente de 25 pour mille, traverse en un lacet deux éboulements de terre du vallon de Grünbach et pénètre dans une grande paroi, dont le pied est baigné par le torrent sauvage de Salza puis elle atteint Gufswerk, la dernière station de la ligne, à la cote de 739 m. L’usine de Gufswerk, fermée à la veille de la Première Guerre mondiale, était au XIXe siècle l’usine métallurgique la plus célèbre en Autriche.

La section de Gösing à Erlaufklause, d’une longueur de 10.2 km, est celle où se sont trouvées accumulées le plus de difficultés pour l’exécution des travaux. En effet, outre de nombreux murs de soutènement et de revêtement, on n’y compte pas moins de 14 ponts et viaducs, 13 tunnels dont celui de Josefsberg, a une longueur de 380 m. Ces tunnels représentent une longueur totale de 1080 m, soit 10 % de ce tronçon. 


Vu le caractère exceptionnellement accidenté de la région traversée, le nombre d’ouvrages d’art de la ligne est considérable. Outre les petits ouvrages courants, on y compte 19 ponts et viaducs, d’une longueur totale de 1025 m. Les plus grands viaducs franchissent le Saugraben, avec un viaduc d’une longueur de 131 m et d’une hauteur de 37 m, et le Kuhgraben, par un ouvrage d’une longueur de 105 m et d’une hauteur de 30 m.

Il a fallu aussi percer un grand nombre de tunnels. Outre celui de Gösing qui mesure 2368 m, on en compte 16 avec une longueur totale de 1319 m, dont la plupart sont revêtus en béton ou eu maçonnerie. Leur longueur totale, y compris celui de Gösing, est donc de 3.687 m.

Pour éviter le déchargement des wagons à écartement normal et le chargement de ceux à écartement étroit, l’administration s’est décidée à mettre en service des trucks-transbordeurs. Sur ces trucks, le wagon du chemin de fer principal est transporté jusqu’à sa station de destination.


Connue localement sous le nom de Pielachtalbahn, la ligne connaît un immense succès, qui nécessite sa modernisation et le remplacement des locomotives à vapeur par des locomotives électriques. C’est chose faite en 1911. Celle électrification en 650 volts constitue une première dans le pays. Modernisé à diverses reprises, le chemin de ter de Mariazell, exploité par les ÔBB, est en plein développement. Revers de la médaille, la portion de ligne reliant Mariazell à Gusswerk a été fermée à tout trafic en 1988. Un projet de reprise en ligne touristique en est resté au stade initial.

De temps à autre, des trains spéciaux en traction vapeur sont mis en marche sur le chemin de fer de Mariazell ou sur la branche non électrifiée entre Ober-Grafendorf et Gresten. C’est l’une des six machines type Mb, construites à l’origine pour la ligne, qui officie dans ce cas, ce qui est une raison supplémentaire pour découvrir ce pittoresque chemin de fer en voie de 760 mm, dans l’une des plus belles régions d’Autriche.

La ligne de Mariazell en 1911. Document RGCF.

Loin d’être un sympathique tortillard pour touristes en mal d’évasion, le chemin de fer de Mariazell a plusieurs fonctions économiques. Il achemine en effet des marchandises sur la partie plane de la ligne, sous la forme d’un important trafic de bois principalement, et il sert aussi le tourisme local ainsi que les populations locales se rendant dans la capitale du Land de Basse-Autriche, Sankt Pôlten, pour y effectuer des achats ou des formalités administratives. Les seize locomotives électriques et une bonne partie des voitures à bogies ont bénéficié d’une rénovation et même d’une reconstruction, et quinze machines sont encore en service après 86 années d’existence, dotées, il est vrai, d’une caisse neuve entre 1959 et 1962, et des améliorations techniques leur permettant de circuler à 50 km/h.

Le parc roulant remorqué, autrefois uniformément de couleur marron, a revêtu une livrée beaucoup plus seyante à base de rouge vif et de couleur crème, une livrée assez proche de celle qui est employée sur le matériel à voie normale et appelée par les cheminots autrichiens « livrée Jaffa », par analogie avec la couleur des oranges sanguines en provenance de Jaffa. Le parc des wagons a été fortement réduit, car les voitures à voie normale sont transportées sur des trucks-porteurs évitant les fastidieux transbordements de denrées ou de marchandises. Afin de rationaliser les services voyageurs et de soulager les locomotives électriques, deux automotrices neuves, l’une à quatre et l’autre à trois caisses, ont été engagées sur la ligne.

En gare de St-Pölten, avant l’électrification. La voie de 760 est en bas à droite, sur le cliché, avec des locomotives type 040 MH6.
La ligne de Mariazell en 1911. Document RGCF.

Jenbach : trois écartements pour le prix d’un…

Avec la gare de Montreux en Suisse, elle aussi avec trois écartements de voie, cette petite gare autrichienne est très connue des amateurs pour la même raison, car ils y côtoient pas moins de trois écartements différents : d’abord la voie de 760 mm, bien sûr, mais aussi de la voie métrique -chose rare en Autriche-, et de la voie normale du réseau national des Österreichische Bundesbahnen. En effet, les trains à voie normale des OBB donnent correspondance aux autorails du Zillertalbahn et aux trains à vapeur de l’Achenseebahn.

Située à 35 km de la capitale tyrolienne, Innsbruck, la gare de Jenbach du Nordtirolerbahn, sur la ligne de Kufstein à lnnsbruck, a été inaugurée en même temps que la ligne en 1858. II faut attendre 31 ans avant que les trains de la société privée de l’Achenseebahn, à voie métrique et crémaillère, s’élancent vers le lac de montagne et ce n’est qu’en 1901 que la partie à voie de 760 mm vers Mayrhofen est ouverte au trafic. Voilà donc 96 ans que, chaque jour, les trains des trois compagnies se retrouvent en gare dans leurs emprises respectives, l’instant d’une correspondance. Haut lieu du monde des amateurs de trains tant nationaux qu’internationaux, la gare de Jenbach offre une variété peu commune sur le plan des matériels. Il est vrai que la Nordtirolerbahn est l’un des maillons majeurs de l’artère reliant Milan à Munich, mais aussi de l’important flux de trafic entre la Suisse et l’Autriche, et au-delà. C’est dire la densité des trains internationaux diurnes et nocturnes, des trains nationaux et régionaux auxquels s’ajoutent un nombre impressionnant de trains de marchandises, dont une grande part est composée de rames « d’autoroute roulante », c’est-à-dire des wagons surbaissés acheminant des camions entre l’Italie et l’Allemagne. À cela s’ajoutent les nombreux trains spéciaux de vacanciers tant l’hiver que l’été. Bref, un vrai régal pour qui s’intéresse aux trains…
 
Si Jenbach est une importante gare de correspondance, elle est peu éloignée d’une fabrique d’engins ferroviaires produisant des autorails et des wagons notamment pour les besoins intérieurs, mais aussi pour l’exportation. Les trains du Zillertalbahn, des autorails ou des rames tractées en diesel sont en correspondance chaque heure avec un lntercity des OBB ou un train Eurocity international. À certaines heures aussi, les trains régionaux d’lnnsbruck à Wörgl donnent aussi une correspondance pour les trains du Zillertalbahn. À la belle saison, il est aussi possible de monter à bord d’un train régulier assuré en traction vapeur. C’est aussi en traction vapeur que les trains de l’Achenseebahn conduisent les nombreux touristes vers l’un des plus beaux lacs du Tyrol. Le parcours, rude sur sa partie médiane, dure 45 minutes ponctuées de coups de sifflets stridents nécessaires à la sécurité en raison de nombreux passages à niveau non gardés.

Les trains à voie normale des Österreichische Bundesbahnen font appel à des locomotives électriques: BB 1044, 1042, 1063, CC 1110 des Österreichische Bundesbahnen, mais aussi des BB 111, 110,139,140 de la Deutsche Bundesbahn. Les services régionaux sont assurés par des automotrices ET 4020 ou 4030. Les trains du Zillertalbahn sont assurés par des autorails en formation à trois éléments: automoteur, remorque intermédiaire et remorque pilote. Il est fréquent de voir aussi des trains tractés par des locomotives diesel d’origine yougoslave. Des trains à vapeur complètent l’offre en compositions de 10 à 15 voitures selon l’affluence. Quant aux trains de l’Achenseebahn ils sont tous assurés par de vénérables locomotives à vapeur datant de l’origine de la ligne, soit de 1889. Parfaitement entretenues, elles ont encore fière allure.

Une nécessité pour les gares à plusieurs écartements : le truck porteur pour wagons en voie normale circulant sur la voie de 760.
Glissière de mise en place du matériel en voie normale sur les trucks-porteurs en voie de 760.

Le fantastique réseau de la Bosnie-Herzégovine.

Au temps de la Monarchie austro-hongroise, la Bosnie dispose d’un vaste réseau de 400 km lignes à voie de 760 mm, établi à faible coût dans un pays pauvre et montagneux. Les lignes sont caractérisées par un équipement minimaliste, avec des ponts sans garde-corps, des talus et des tranchées sans murs de soutènement, des voies faiblement armées, et des vitesses très modestes. Pour l’exploitation de ce réseau, plusieurs types de locomotives à vapeur ont été construits, parmi lesquels la série IVa 5 (plus tard série 83 des JZ) est la plus réussie. Longues de 13,537 m, et pesant 36 tonnes, ces locomotives à quatre essieux moteurs, type 040, roulent à une vitesse maximale de 35 km/h.

Cette belle série de machines à tender séparé va être construite à 182 exemplaires entre 1909 et 1949. Initialement livrées par l’industrie autrichienne, les IV a V les plus récentes sortent des usines nationales yougoslaves. La série, devenue entre-temps 83 des JZ, circule sur la quasi-totalité des lignes exploitées en voie de 760 mm par l’administration d’État. Elle est constituée de deux sous-séries : les 83-001 à 123 et 83-153 à 182, d’une part, et les 83-124 à 152 d’autre part. Ces dernières étaient plus particulièrement affectées à la remorque de trains de marchandises. Dans les années 1960 et 1970, le réseau bosniaque à voie de 760 mm va connaître un démantèlement progressif, avec remplacement partiel des voies étroites par des lignes à voie normale. Plusieurs lignes disparaîtront totalement et un grand nombre de locomotives et de wagons finissent à la ferraille. C’est en 1978 que le dernier groupe de lignes bosniaques est fermé : il concerne les lignes au départ de Priboj et en direction de Visegrad et de Umu.

Sur le réseau de Bosnie-Herzégovine dans les années 1950 : locomotives type 120+020 au premier plan, et 041 au fond.
Sur le réseau de Bosnie-Herzégovine, une belle 141 en voie de 760 en service à l’époque de la Yougoslavie.

Fort heureusement sauvées du désastre, quelques locomotives encore en bon état seront préservées, soit en monument fixe sur place, soit emportées par des amateurs ou des associations d’autres pays européens pour de diverses utilisations : c’est ainsi que des locomotives à vapeur trouveront une nouvelle patrie en Allemagne et en Autriche. Ce mouvement intéresse non seulement des locomotives à vapeur, mais aussi des autorails qui émigreront au Portugal, En raison du long conflit qui a frappé la Bosnie-Herzégovine, il est difficile de recenser les matériels qui étaient disponibles avant le début des hostilités. On peut penser qu’un grand nombre d’engins ont souffert de la guerre. Dans ces circonstances, on ne peut que féliciter toutes les bonnes volontés qui ont pu ou su en préserver certains. La 83-076 en fait partie : elle circule à nouveau après de nombreuses années d’immobilisation.

C’est à l’initiative de l’association autrichienne, le Club 760, que nous retrouvons ici et à qui l’on doit le sauvetage et le rapatriement de la 83-076, authentique témoin de l’histoire du rail bosniaque. Avant de gagner la Styrie, cette machine avait été érigée en monument dans la capitale, Sarajevo. Rachetée par le club, elle trouve refuge au Musée de Frojach-Katschtal sur la ligne à voie de 760 mm de la Murtalbahn. Rénovée extérieurement, la 83-076 est une machine « froide », c’est-à-dire qu’elle ne fonctionne pas, ce que regrettent beaucoup d’amateurs. Il faudra attendre de longues années pour que le chemin de fer du Zillertal au Tyrol se décide à s’y intéresser. Le succès de ses trains vapeur est tel qu’il lui faut trouver une machine puissante capable de tracter des convois de 14 ou de 15 voitures. Un accord pour le prêt de celle machine, pour une durée de 10 ans, lui permet de gagner les ateliers de Meiningen en Allemagne, où bénéficie d’une cure de jouvence, aux frais du chemin de fer du Zillertal. Depuis 1995, la belle 83 fonctionne de nouveau en tête de trains vapeur dans la vallée tyrolienne. C’est un bel exemple de renaissance pour un type de machine peu courant de nos jours.

Locomotive bosniaque type 040 à tender séparé.

Le réseau de Viseu de Sus en Roumanie.

Situé au nord de la Roumanie, le réseau de Viseu de Sus se développe sur une soixantaine de kilomètres. C’est pour des raisons pratiques et financières que le choix des exploitants s’orienta vers la voie étroite. Puis, au début du siècle, la plupart des réseaux se trouvaient sur la partie de la Roumanie devenue austro-hongroise, et se standardisèrent en optant pour l’écartement de 760 mm dit « écartement bosniaque ». Les exploitations forestières équipées de voies ferrées étaient alors très nombreuses. En 1945, l’administration roumaine des forêts est créée et reprend toutes les lignes forestières ou “Mocăniță” qui sont nationalisées. En 1950, ils gèrent 100 réseaux totalisant plus de 6000 km de lignes, et il en reste 3000 en 1967. En 1970, plusieurs lignes sont détruites par d’énormes inondations et ne sont pas reconstruites. En 1989, lors de la chute du régime communiste, il reste encore 21 réseaux en activité, totalisant un millier de kilomètres. Depuis, les fermetures se sont succédées et en 1995 on ne comptait plus qu’une douzaine de réseaux et environ 700 km de ligne en activité. Mais le passage à l’économie de marché va entraîner la fermeture des exploitations peu rentables et la modernisation d’autres sites, qui se traduira par l’abandon du chemin de fer.

Aucune route, aucune piste ne remonte la vallée dans laquelle se trouve la ligne qui est le seul lien avec la civilisation. Après avoir quitté la gare de Viseu où se trouvent le dépôt, l’atelier et la scierie (reliée à la gare des Chemins de fer Roumains par une section à trois files de rails), elle se fraie un passage dans l’étroite vallée, franchissant plusieurs ponts et des tunnels taillés dans le roc. Après avoir desservi plusieurs camps de bûcherons, le train arrive au terminus de Coman, à la frontière ukrainienne.

Il faut 4 h. pour parcourir les 42 km à bord du « train des bûcherons ». Contrairement aux autres réseaux forestiers où ne circulent que des trains de bois, celui-ci est le seul à voir rouler quotidiennement un train de voyageurs.

Sur la ligne forestière de Viseau de Sus dans les années 1950. Locomotive-tender type 040T.

Le voyage dans un des wagons est une expérience extraordinaire ! Les hommes montent le ravitaillement nécessaire à la vie dans les campements : nourriture, tronçonneuses, pièces de rechange, essence, etc. Sans oublier les animaux qui voyagent à bord de wagons-plats. Derrière le train des bûcherons qui quitte Viseu tôt le matin, un train de bois monte à vide vers les lieux d’abattage et de chargement. Il redescend en fin de journée vers la scierie. Quelques autorails fabriqués à partir de vieux 4×4 montent parfois une brigade de la voie sur un site précis. Car, vu les conditions climatiques souvent rudes, les interventions ne manquent pas : arbres abattus, coulées de boue, voie emportée. Mais les hommes, cheminots et forestiers, sont taillés sur mesure.

Le réseau roumain en 1929. En vert : la voie de 760, publique et privée. La ligne de Viseu de Sus est à gauche du centre de la carte.
Locomotive-tender lourde type 050T en voie de 760, réseaux de Bosnie et de Roumanie.

Pour conclure : une proposition de liste des chemins de fer en voie de 760 mm.

Cette liste de noms peut servir de repères pour des recherches recouvre des réalités très diverses : portions de quelques kilomètres de lignes conservées par des associations, réseaux urbains ou locaux, réseaux miniers, réseaux régionaux ayant pu atteindre la centaine de kilomètres, et se situant dans le monde entier, de l’Europe centrale jusqu’en Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Brésil. La plupart ont disparu, mais il reste, notamment en Europe centrale, des lignes préservées et certains réseaux de tramways urbains sont toujours actifs et dotés de matériel récent.

Banovići (Bosnie Herzégovine)

Berehowe (Ukraine)

Bieszczady (Pologne)

Bosna (Bosnie Herzégovine)

Berzasca (Roumanie)

Bregenzerwald (Autriche)

Burgas–Pomorié (Bulgarie)

Câmpu Cetății (Roumanie)

Čiernohronská železnica (Slovaquie)

Covasna (Roumanie)

Czudin–Koszczuja (Moldavie, Bucovine)

Dubrovnik (tramways, Croatie)

Deutschlandsberg (Allemagne)

Erdinger Moos (Allemagne)

Feistritz (Vallée de Feistritz, Autriche)

Felsőtárkány (Hongrie)

Fieni–Pietroșița–Moroeni (Roumanie)

Hortobágy (Hongrie)

Fiemme (Val de Fiemme, Italie)

Gardena (Vallée de Gardena, Dolomites, Italie)

Gurk (vallée de Gurk, Autriche)

Gyermekvasút Hongrie Budapest (réseau pour enfants)

Harbach (Allemagne)

Hatzfeld (Allemagne

Hegyközer Kisvazut (Hongrie)

Höllentalbahn (Autriche)

Hunedoara–Ghelari (Hongrie)

Jindřichův Hradec–Nová Bystřice (République Tchèque)

Jindřichův Hradec–Obrataň (Répoublique Tchèque)

Kecskemét (Hongrie)

Klammbachwaldbahn (Autriche)

Königshof–Beraun–Koněprus (République Tchèque)

Kysucko-oravská lesná železnica (Slovaquie)

Lajkovac–Gornji Milanovac–Čačak (Serbie)

Lašva–Donji Vakuf–Jajce/Bugojno (Bosnie)

Lillafüredi Állami Erdei Vasút (Hongrie)

RMV Linha Tronco (Brésil)

Mariazell (Autriche)

Maros-Tordaer (Roumanie)

Mixnitz–Sankt Erhard (Styrie, Autriche)

Mladenovac–Lajkovac–Valjevo (Serbie)

Moldovița (Bucovine, Moldavie)

Mori–Arco–Riva (Italie, Trente)

Mur (Vallée de Mur, Autriche)

Nakalé-Thio (Nouvelle-Calédonie)

Narenta (Croatie)

Neretva (Croatie)

Nikšić–Podgorica (Monténégro)

Nyíregyháza–Dombrád/Balsa (Hongrie)

Ober-Grafendorf–Gresten (Autriche)

Orăștie (Roumanie)

Pazardzhik-Varvara (Bulgarie)

Pinzgauer Lokalbahn (Autriche)

Pirano–Portorose (tramway, Slovénie)

Poljčane–Zreče (Slovénie)

Považská lesná železnica (Slovaquie)

Przeworsk–Dynów (Pologne)

Rečkovská lesní dráha (République Tchèque)

Reichraming (Autriche)

Rhodopes (Réseau des Rhodopes, Bulgarie)

Ružomberok–Korytnica (Slovaquie)

Šabac–Banja Koviljača (Serbie)

Salzkammergut (Autriche)

Sarajevo (tramways de Sarajevo, Bosnie-Herzégovine)

Sarajevo–Međeđa–Uvac–Priboj (Bosnie-Herzégovine)

Sarajevo–Međeđa–Vardište (Bosnie-Herzégovine)

Šarganska osmica (Serbie)

Split–Sinj (Croatie)

Stainzerbahn (Autriche)

St. Andrä–Mauterndorf (Autriche)

Steinbeisbahn (Bosnie Herzégovine)

Steyr (Vallée de Steyr, Autriche)

Satu Mare (Tramways, Roumanie)

Szalajka (Hongrie)

Széchenyi (Hongrie)

Takaka (tramway, Nouvelle-Zélande)

Tereswatal (Ukraine)

Tismana (Roumanie)

Thörlerbahn (Autriche)

Třemešná ve Slezsku–Osoblaha (République Tchèque)

Trenčianska Teplá–Trenčianske Teplice (Slovaquie)

Trieste-Parenzo (Italie et Croatie)

Tschagguns–Partenen (Autriche)

Trominier–Vermunt (Autriche)

Uskoplje–Gruž (réseau de Dalmatie, en Bosnie et Croatie)

Usora (Vallée d’Usora, Bosnie-Herzégovine)

Ustiprača–Foča–Miljevina (Bosnie-Herzégovine)

Vellach (Autriche)

Viseu de Sus (Roumanie)

Waldviertler Schmalspurbahnen (Autriche)

Wassertalbahn (Roumanie)

Ybbstalbahn (Autriche)

Zabrežje–Obrenovac–Lajkovac (Serbie)

Žďárské vrchy (République Tchèque)

Zillertal (Autriche)

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