Quand la Chine s’éveillera, et rêvera de chemins de fer.

La Chine est surtout connue aujourd’hui pour son réseau à grande vitesse, et des trains roulant à 200 ou 350 km/h. Ce nouveau réseau est immense, et il est rapidement devenu le premier réseau à grande vitesse au monde avec ses 38.000 km de lignes et ses 7 milliards de voyageurs annuels. Il est notamment connu parce qu’il a été construit avec une rapidité exemplaire. En effet, la première ligne à grande vitesse chinoise Pékin – Tianjin n’est ouverte qu’en 2008. Rappelons que le Japon a commencé le sien en 1964, et que la France a commencé le sien en 1981.

Mais, devant cette célébrité méritée et écrasante, on a presque oublié l’ancien réseau classique qui a été celui de la Chine de ses débuts modestes à la fin du XIXe siècle, un réseau dont la présence, d’abord refusée, fut suivie d’une évolution lente et à pas forcés.

La Chine n’a pas toujours été la grande « usine du monde ». Loin de là : à la fin du XIXe siècle, elle refusait toute intrusion industrielle et, pour tout dire, occidentale, et elle refusait même le chemin de fer. Ce fut alors une lente construction du réseau d’un pays qui ne songeait, pour commencer, au seul problème de se débarrasser d’amis qui lui voulaient du bien.

Les Chinois manifestent peu d’affection pour les chemins de fer lorsque, pour la première fois, cette nouveauté est installée dans leur vieux pays en 1876. Le gouvernement impérial fait même détruire la ligne en 1877 et porter les rails sur une plage pour que la mer les engloutisse…

Mais en 1898, le nouveau « vice-roi » Li Hang Chang est un peu plus ouvert – ou moins réticent – aux techniques, et on promet que, cette fois-ci, le chemin de fer, c’est pour de bon, cela ne finira pas sur une plage. Mais de nombreux « amis » de la Chine vont venir construire chacun leur chemin de fer, chacun pour soi, chacun selon ses normes, car, pour eux, la Chine, cela n’existe pas. C’est tout juste un territoire à exploiter.

Elégance britannique, mais avec chasse-buffle très colonial pour ne pas dire « Commonwealth »pour cette scène ferroviaire en 1925. Locomotive type 220, N°C-19 de la compagnie du Shanghai-Nankin. Voir le paragraphe consacré à la ligne dans cet article.

Même la RGCF parle d’un « grand pays aux limites assez mal définies »…

Les choses ne vont pas, pour autant, évoluer aussi vite que l’on pourrait l’espérer, et, au début du XXe siècle encore, la Chine est toujours un pays d’une autre époque. La Revue Générale des Chemins de Fer (RGCF) de décembre 1905, par exemple, publie un grand article sur la Chine, à titre de curiosité géographique lointaine, dont il est dit que ce pays possède « des limites assez mal définies au Nord et à l’Ouest ». Ce « grand carré de 2000 km de coté orienté selon les méridiens et les parallèles » est peu connu et l’on sait surtout qu’un immense Fleuve Jaune a récemment changé de lit (1851 à 1853) et se jette dans la mer par une nouvelle embouchure située à 800 km de l’ancienne…Un grand canal, creusé, pense-t-on, vers notre XIIIᵉ siècle, est le seul moyen de transport fait par l’homme en dehors d’un réseau de routes resté fermé et mystérieux.

Carte de la Chine de 1901, publiée dans la RGCF. Prière, pour les lecteurs et investisseurs, de rêver…. Le pays se couvrira de lignes de chemin de fer, mais lentement. Sans surprise, le réseau sera entièrement orienté vers les intérêts des pays étrangers constructeurs du réseau.

Les Anglais, qui, intrépides, s’intéressent à tout, ont été les premiers à installer en Chine une ligne de chemin de fer en juin 1876 : une modeste petite ligne de 15 km reliant Shanghai à son avant port. En octobre 1877, le gouvernement, devant l’hostilité générale de la population, fait détruire la voie et emporter les rails loin de Chine, sur l’île de Formose, encore partie intégrante de la Chine, où ils sont abandonnés sur une plage, offerts à la mer en sacrifice pour calmer les dragons souterrains dérangés, semble-t-il, par les vibrations des trains.

Mais en 1898, le roi Li Hang Chang fait ouvrir une ligne de 150 km reliant les mines de Kaïping à Tongkou et Tientsin, d’où le charbon peut être transporté par voie fluviale jusqu’à Pékin, ville où Sa Majesté apprécie d’être chauffée en hiver. La cause du chemin de fer semble enfin gagnée, et, désormais, la Chine va s’équiper un peu plus rapidement. S’équiper ? Non, être équipée par d’autres pays qui interviennent au nom d’intérêts nullement chinois.

Les premières locomotives mises en circulation en Chine en 1879. Pas de quoi, certes, susciter l’enthousiasme des foules…
Modeste locomotive-tender à voie métrique de la Cie de l’Est-Chinois de 1899. Noter le double tamponnement. Doc. « The Locomotive Magazine ».
Locomotive type Mallet, nettement plus musclée, du Pékin-Kalgan de 1908.
Locomotive type 130, très européenne d’aspect, de la Cie de l’Empire Chinois. Nous sommes en 1910.

La ligne de Shanghaï à Nankin : la Chine commence à s’éveiller.

En 1898, à la suite de la signature des contrats concernant la ligne de Pékin à Hankeou concédés par les Chinois à une société belge, les Anglais protestent ouvertement et reprochent à la Chine d’avoir manqué à ses engagements antérieurs qui comportaient, entre autres, une clause de préférence britannique pour les investissements. Les Anglais exigent une compensation et la société « British & Chinese Corporation » obtient la concession de la ligne Shanghai – Nankin. Cette société, toutefois, semble faire traîner les choses en longueur et elle se met au travail en 1904, juste à temps pour éviter la date de péremption du contrat. Elle fait émettre un emprunt de 5% gagé sur la ligne et garanti par le gouvernement chinois.

L’emprunt ayant rapporté suffisamment, la construction est entreprise simultanément depuis les deux extrémités de la ligne. Les travaux sur une partie de la ligne sont rapidement menés pour le moins, puisque le tracé suit exactement celui de l’ancienne ligne de Shanghai à son port, ouverte en 1876 et démolie peu après…Longue d’environ 300 km, la ligne est en terrain absolument plat, mais exige cependant de nombreux ouvrages d’art pour la traversée de canaux et de cours d’eau qui abondent dans cette plaine bordant la mer. Mais la ligne longe le Fleuve Bleu, ce qui l’expose à une concurrence active de la part de la navigation fluviale assez développée en Chine.

Locomotive de la Cie du Shanghai-Nankin, en 1925. Une « Altantic » très britannique, copie de celles du « North-British » – au chasse-buffle près.
Une autre élégante « anglaise » du Taokow-Chinghua en 1912
Tout aussi « so british » et tout aussi britannique jusqu’au bout des ongles (et du système de freinage) et sorti tout droit, le croirait-on, du « Midland Railway » ou du « Caledonian Railway », ce wagon « immigre » en Chine et débarque sur le Shanghai-Nankin. Il n’a pas oublié son archaïque frein à levier et crémaillère, ni ses mesures en pouces.
Un train en gare de Shanghai en 1917, d’après The Locomotive Magazine. Les voitures à toit à lanterneau et portières d’extrémité « à redans » sont dans le style colonial britannique ou aussi dans le style américain de l’époque.
Voiture-lits chinoise à plates-formes, très américaine de style, et datant de 1908.
Aperçu du matériel roulant chinois en 1905. Le pays importe la production américaine.

Le premier réseau chinois : au service des intérêts étrangers.

La dernière décennie du XIXe siècle et la première du XXe voient, dans le plus grand désordre et dans le « chacun pour soi », les Français établir leur voie métrique depuis l’Indochine jusqu’à Lungchow puis à Kunming, capitale du sud-ouest chinois, tandis que les Belges obtiennent en 1891 la concession de la ligne nord-sud de Pékin à Hankow, et les Russes veulent construire, en Mandchourie et en voie large, un raccourcissement du Transsibérien qui est obligé de faire un long détour en suivant le fleuve Amour. Mais les Japonais arrivent avec leur voie de 1067 mm et s’installent à partir de la péninsule coréenne et du sud-mandchourien. Tous s’accordent au moins sur un point : celui de considérer leurs lignes comme indépendantes les unes des autres et à but strictement lucratif, puisque, à leurs yeux, la Chine ne constitue pas une nation ou un pays, et peut donc être divisée.

D’autres, cependant, jouent un jeu plus subtil comme les Britanniques ou les Américains, puis, ensuite le Japon, en considérant que la Chine doit rester unie géographiquement et politiquement, d’où l’idée de lignes reliées en réseau. Cette conception n’exclut évidemment pas la liaison par voies ferrées au même écartement, ni la création de substantielles zones d’influence commerciales et économiques, ainsi que la construction de lignes de pénétration à partir de ports « francs » ou « loués »… D’où une extraordinaire floraison de lignes de chemins de fer servant des intérêts très divers et même opposés, mais finalement presque toutes à voie normale, et réalisées entre le milieu des années 1890 et la Première Guerre mondiale.

Embarquement de locomotives britanniques à Glasgow pour la Chine en 1890. Document « The Locomotive Magazine »
Pénétration russe en Mandchourie, en 1905, en voie de 1524 mm. Il s’agit d’un itinéraire direct pour Vladivostok et non seulement d’un acte de colonisation, mais la Russie devra renoncer à cette ligne et contourner la Mandchourie en restant en territoire russe.
En 1919, les USA vendent beaucoup de locomotives grâce au dynamisme commercial de firmes comme ALCO. Ici une Pacific pour le Pékin-Kalgan.
Totalement américaine jusqu’à la forme typique des fenêtres : ces voitures-lits du Tientsin-Pukow datent de 1922 et ne renient pas leur origine.
En parlant de wagons-lits, même la CIWL fait rouler les siens jusqu’en Chine, comme ici le très élégant train de voitures-lits à plateformes, sans doute une tranche du « Transsibérien Express » de la CIWL détachée à Irkoutsk pour Pékin. Nous sommes dans les années 1890. Doc. Roger Commault-CIWL.
Une mystérieuse société française est présente pour fournir les locomotives des lignes du Chan-Si, au centre de la Chine, en 1910.
Et la France essaie aussi de pénétrer en 1905 sur l’intéressant marché chinois, avec ces locomotives articulées type Du Bousquet Nord et Ceintures. Cet essai reste sans suite, mais Alstom reviendra sur le marché chinois des années 1970 avec la traction électrique.
Même la firme tchèque Skoda tente sa chance avec le marché chinois en 1931 : ces locomotives Skoda partent pour la Chine depuis le port de Hambourg où elles sont arrivées depuis la Tchécoslovaquie en « marchandise roulante » remorquée.

Le rêve de Sun Yat Sen.

Le résultat est une variété sans précédent de matériel roulant très divers sur ces lignes relativement courtes, si l’on excepte le réseau de 700 km au nord-est qui est japonais, et le réseau de 600 km russe, celui de 325 km du Nankin-Shanghai britannique. N’oublions pas aussi la fameuse ligne Pékin-Hankou et ses prolongements vers Nankin et Canton, où les Belges, les Allemands et les Américains rivalisent avec les précédents. Au total, après la révolution de 1911, au début de la république créée par Sun Vat Sen, les chemins de fer chinois, sous la tutelle de leur nouveau ministère des communications, héritent d’environ 15 000 km de lignes disparates où chaque investisseur avait amené les techniques, la conception et les normes de son pays d’origine.

Si en apparence la voie normale semble donner une apparente unité au réseau, il n’en est rien et les normes et mesures utilisées sont établies, les uns selon le système métrique, les autres en pouces britanniques, d’autres selon les « standards » américains qui, en outre, sont introduits en Mandchourie par les Japonais, sans compter les normes allemandes, belges, françaises et russes.

Rien ne permet une exploitation commune, ni les types d’attelages différents, ni les hauteurs d’attelage et de tamponnement, ni les profils des rails et des roues… La première tentative d’unification s’effectue toutefois avec l’aide des Britanniques qui sont chargés du problème et le réseau national commence à devenir unifié et cohérent vers 1920. C’est l’œuvre à laquelle s’attache Sun Yat-sen, l’un des fondateurs du Kuomintang, qui a été le premier président de la république de Chine en 1912 et qui, entre 1917 et 1925, prévoit la création d’un réseau ferré unique de 150 000 km qui ne sera jamais réalisé aussi rapidement qu’il l’espérait.

Le réseau chinois en 1930. Sun Yat Sen, le « père de la Chine moderne », décédé en 1925, laisse un réseau déjà très cohérent, mais peu dense et ne desservant pas le centre et l’ouest du pays.

Celui de Mao Zedong (Mao Tsé-toung).

Ce manque complet d’unité apporte avec elle son lot d’inefficacité, sa multiplication de caractéristiques techniques et de types de matériels roulants hétérogènes et incompatibles, tandis qu’une très forte concurrence de la part de la navigation sur les grands fleuves entrave le développement du chemin de fer en Chine.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1949, la République Populaire de Chine est créée par ce grand homme qui est le principal dirigeant de la Chine. Avec lui, une des priorités clairement affichées est une unification, sous l’égide de l’État non seulement, de l’industrie, mais aussi et surtout des transports, avec un rôle pratiquement exclusif donné aux chemins de fer. À l’époque, ses dix millions de kilomètres carrés abritent 650 millions d’habitants, soit un quart de la population mondiale, le double des États-Unis, le triple de l’Europe (URSS exclue).

Dans cet ensemble colossal, les dirigeants de l’économie chinoise veulent mener à bien une œuvre dont la difficulté est à l’échelle du pays. La transmutation d’une Chine agraire en une Chine à la fois industrielle et agraire. Mais aussi, il faut, en même temps, relever les ruines provoquées par la guerre. Enfin, il faut redresser et réorienter une économie qui a été longtemps livrée à une exploitation étrangère.

La lente transformation du réseau ferré chinois : même Mao y perd son latin !

Un examen attentif des cartes du réseau ferré chinois jusqu’à 1940 montre nettement le caractère anarchique du tracé des lignes. Principalement conçu pour permettre l’exploitation de certaines provinces et uniquement pour favoriser des exportations, il n’assure que de très médiocres communications d’ensemble sur le territoire chinois et il faut reconnaître que la politique du gouvernement maoïste redresse les erreurs commises par les divers groupes qui avaient construit les premiers Chemins de fer chinois, sous la seule pression de la satisfaction donnée à des besoins commerciaux immédiats.

Mais la Seconde Guerre mondiale et ses séquelles entraînent des destructions profondes qui permettent ensuite d’ailleurs d’apporter, lors de la reconstruction, une unité jusqu’alors inespérée tout en améliorant les relations avec les pays voisins.

L’indépendance des multiples réseaux a rendu la maintenance quasi impossible. C’est ainsi qu’en 1949, il existe une centaine de séries différentes de locomotives, environ cent trente profils et types de rails, environ trois cents types de wagons et une centaine de types de voitures, ce qui condamnait  tout échange de réseau à réseau. Les grands fleuves sont franchis par des ferry-boats, avec toutes les difficultés d’exploitation que cela entraîne pour le chemin de fer dont les lignes sont morcelées. En 1911, on compte 9 565 km de lignes ; en 1931, lors de l’invasion japonaise, 14,802 km, et, en 1945, on en compte 25 946 km, dont les trois quarts sont détruits. La répartition du réseau est d’ailleurs très inégale : la Chine du Nord-Est représente seulement 15 % de la superficie du pays, mais compte 70 % des voies ferrées. Par contre, 60 % du territoire national, notamment vers l’est, n’est desservi que par 6 % du réseau.

Locomotive de fabrication chinoise, type 242 très américain (donc tout aussi bien russe par copie des modèles américains), pour les Chemins de fer de l’État Chinois en 1934.

Le réseau chinois des années Mao : enfin de l’ordre.

Dès le premier plan quinquennal, on construit 6 179 km de lignes sur les 5.572 prévus, ce qui est déjà remarquable en soi, notamment avec des moyens techniques très réduits. Mao-Tsé-Toung fait de la reconstruction et de l’agrandissement du réseau une priorité nationale et y parvient et le réseau dépasse 35 000 km à la fin de l’ère maoïste. En 1951, par exemple, on réalise la liaison directe Chine-URSS., en  1954, la liaison Chine-Corée, en août 1955 la relation Chine-Vietnam est achevée.

Dans les années 1960, on compte 31 000 km de lignes et 1 300 000 cheminots. La Chine du nord-est est desservie désormais par 40 % de l’ensemble du réseau. Les dirigeants chinois prévoient d’industrialiser la Chine centrale pour mettre en valeur ses richesses naturelles, minières ou énergétiques. Ceci implique la circulation de convois très lourds. Comme ces régions comportent des zones à tracés et profils très durs, la traction à vapeur, et même diesel, ne peuvent l’assumer. De ce fait, on envisage une électrification immédiate des grandes lignes à fortes rampes. C’est bien sur ce point particulier que la vapeur chinoise est perdante.

La Chine adopte, sous Mao, le 25 kV 50 Hz français qui a fait ses preuves en Inde. Les CC de construction chinoise font la fierté du pays.
Alstom construit aussi, durant les années 1970, des CC pour la Chine, déviées des CC-7100 que les Russes apprécient eux aussi.
Traction diesel et voitures voyageurs de style (et de construction ?) russe dans la Chine des années 1960-1980.
La France fournit même des traverses en béton Stedef à la Chine en 1984. Doc. Stedef.
Le réseau de la Chine en 1967. La partie ouest du pays n’est que peu desservie. Document Chaix.


En 1959, les usines chinoises produisent des prototypes de locomotives électriques à 50 Hz et diesel ; assorties, il est vrai, d’un cyclotron et d’un « réacteur atomique » pour les faire fonctionner. En 1956, la Chine produisait 110 millions de tonnes de charbon, elle en produit 270 en 1958 et 335 en 1959 : le charbon, et donc, la traction à vapeur, conservent un rôle fondamental, mais la construction d’immenses barrages sur les grands fleuves ne manquera pas de modifier la répartition des modes de traction en faveur de l’électricité.

Toutefois, pour l’ensemble du reste du réseau, le problème de la traction demeure en suspens. D’innombrables locomotives à vapeur forment un parc hétérogène, y compris des machines achetées en Russie et réadaptées à l’écartement normal. Le réseau chinois adopte la traction diesel à la fin des années 1950 et malgré le problème de l’absence de pétrole, et met en place une production nationale de locomotives qui s’avère être un échec devant l’absence d’expérience professionnelle des ouvriers et devant le manque de qualification des ingénieurs, et surtout, sans nul doute, devant l’absence de moyens de production adaptés. Si l’importation de locomotives diesel et électriques occidentales vient pallier l’impossibilité technique d’une fabrication sur place, il reste à la Chine la possibilité de produire un type de locomotive qui exige peu sur le plan technologique : la locomotive à vapeur.

La vapeur a ses raisons que la raison maoïste n’ignore pas.

D’amples réserves de charbon national, et une tout aussi ample main d’œuvre disponible à bas prix, voilà déjà deux grandes raisons justifiant le choix de la traction vapeur à une époque où elle est oubliée ailleurs. Mais aussi, une locomotive à vapeur coûte, en Europe, 2 à 3 fois moins qu’une locomotive diesel ou électrique, et, en Chine, où il faut importer ces locomotives diesel ou électriques, le prix d’une locomotive à vapeur construite sur place est 8 à 10 fois moins élevé. Avec l’aide d’ingénieurs russes, le réseau chinois décide d’adapter une locomotive type 151 à tender séparé, et de la construire à Datong. Ce sera la série QJ nommée « En avant ».

La dynamique du système maoïste est telle que, toute ironie ou critique mise à part, cette série de locomotives est purement et simplement une des plus importantes au monde avec plus de 4 000 exemplaires ! Notons, à titre de comparaison, que les plus importantes séries européennes se comptent par quelques centaines d’exemplaires au plus, et que seules les séries allemandes du type 150 produit pendant la guerre ont dépassé en nombre cette série chinoise.

La « QJ » fait un bon « En avant ».

Une locomotive à vapeur qui s’appelle « En avant » mérite amplement son nom quand on sait qu’elle est construite en 1956, à une époque où la vapeur n’est plus considérée qu’en arrière-plan, à titre de souvenir, sur l’ensemble des réseaux mondiaux. La vapeur a donc un avenir dans la Chine maoïste des années 1950 et personne, surtout les amateurs de locomotives, ne s’en plaindra.

Il s’agit d’une 151 assez moderne, très américaine d’aspect et de conception diront les spécialistes sceptiques… Elles sont équipées de la chauffe mécanique par stoker amenant le charbon directement au foyer, du préchauffage de l’eau, d’injecteurs à vapeur, de l’éclairage électrique, et même, chose très rare dans l’histoire de la locomotive à vapeur, d’une cuisine et d’une toilette à bord ! Elles sont affectées à la remorque de trains de marchandises lourds ou de trains de voyageurs, ceci principalement sur des lignes de montagnes à profil difficile. Leur puissance de traction est remarquable et l’effet de 5 essieux moteurs comme celui d’un foyer à surface de grille importante de 7 m² est pour beaucoup dans ces performances. Il y a quelques années encore, ces locomotives étaient couramment en service, et il n’était pas impossible d’en voir encore avec un peu de chance. Aujourd’hui, la page de la vapeur chinoise est bien définitivement tournée.

La type 151 « En Avant » de 1956 sur le réseau chinois de l’époque maoïste.

Caractéristiques techniques de la « En avant »

Type : 151

Date de construction : 1956

Moteur : 2 cylindres simple expansion

Cylindres : 650 x 800 mm

Diamètre des roues motrices : 1600 mm

Surface de la grille du foyer : 6,9 m2

Pression de la chaudière : 15 kg/cm2

Contenance du tender en charbon : 15 t

Contenance du tender en eau : 35 t

Masse totale tender compris : 220 t

Longueur totale tender compris : 26, 25 m

Vitesse : 80 km/h

Petit album du réseau traditionnel chinois des années 1990.

Carte du réseau ferré chinois en 1990. Document RGCF.
Locomotive électrique type CC série S-56 vue en 2008. Matériel voyageurs classique et dument riveté type russe et voie à traverses béton. Cliché Marie-José Mignot.
Voiture grandes lignes sur le réseau classique actuel, vue en 2005. Cliché Dominique Cochet.
Cheminots chinois, années 2000. Cliché Dominique Cochet.
Dans une voiture à deux niveaux sur le réseau classique actuel. Noter l’existence du pot de fleurs « officiel » : qu’attend la SNCF pour en installer dans nos TGV et Intercités actuels ? Nous en faisons la demande sur « SNCF-Connect ”, promis. Cliché Dominique Cochet.
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