Il y a peu de temps, et avant l’invasion russe du funeste 24 février 2022, Frédéric de Kemmeter (l’analyste ferroviaire mondialement connu et écrivant dans “Médiarail”) écrivait, d’une manière prémonitoire, ces pages : ” La compagnie de chemins de fer ukrainienne (UZ) a l’intention de construire une voie ferrée à écartement 1.435mm jusqu’à la frontière polonaise. Elle devrait permettre aux entreprises ferroviaires nationales et étrangères de voyager directement en train de et vers la Pologne et l’Union européenne sans devoir remplacer les bogies.”
Et après avoir décrit les différences entre les écartements russe et standard, Frederic de Kemmeter conclut : “L’Ukraine, qui veut s’émanciper du grande frère russe, voudrait s’arrimer à l’Europe sans devoir changer les bogies ou essieux aux frontières avec ses voisins comme c’est encore le cas à Brest, en Biélorussie.”
(https://mediarail.wordpress.com/)

Le chemin de fer ukrainien, pris dans le 1520 mm russe.
Pays qui a été un des berceaux de la Russie, et qui a trouvé son nom d’Ukraine” lors de la révolution bolchévique, l’Ukraine est aujourd’hui entrée dans une nouvelle phase cruelle de la tourmente qui dure pratiquement depuis la fin de l’URSS en 1989.
Devenue “sœur d’écartement” des pays qui ont été des parties de la Russie à partir du XIXe siècle comme la Finlande et des trois pays baltes que sont la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie, l’Ukraine veut, comme disent les spécialistes de la géopolitique, s’arrimer à l’Europe. Mais l’écartement plus grand (1524 mm, ramené à 1520 mm actuellement), d’une part, et le gabarit du matériel roulant lui aussi plus grand, d’autre part, sont aujourd’hui un obstacle insurmontable pour des échanges ferroviaires directs avec l’Europe depuis toute la Russie, mais aussi les pays baltes, l’Ukraine, la Biélorussie et l’Europe. Cette difficulté se perçoit particulièrement aux points d’échange que sont les gares de transbordement ou de changement de bogies aux frontières polonaises et slovaques.
Notons que d’autres pays voisins de la Russie sont dans le même cas et pour les mêmes raisons, comme le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kazakhstan, la Mongolie. Plus près de nous, géographiquement, on pourrait ajouter la Moldavie qui est restée en écartement russe après avoir connu, partiellement, un réseau en écartement standard dans les années 1920, mais fermement remis à l’écartement russe en 1945 avec le travail forcé de prisonniers politiques…
Rappelons que l’ensemble du réseau de l’Europe actuelle est en voie standard de 1435 mm, sauf pour la péninsule ibérique (Espagne et Portugal : 1668 mm) et l’Irlande (1600 mm), et sauf pour quelques lignes régionales en voie métrique ou voie étroite.



Brève histoire du chemin de fer ukrainien.
Le 24 septembre 1991 est, pour l’Ukraine alors indépendante, une date importante qui scelle son destin : c’est celle de la résolution du Conseil suprême d’Ukraine sur la séparation de l’Union soviétique. Cette résolution prévoit que tous les actifs situés dans les frontières de l’ex-République socialiste soviétique d’Ukraine sont devenus la propriété de l’Ukraine. Peu de temps après, le 14 décembre 1991, le Conseil des ministres de l’Ukraine crée l’ « Administration d’État de chemin de fer du Transport en Ukraine », qui, à la manière de la SNCF en 1938, crée un organisme gouvernemental unissant alors les six compagnies de chemin de fer de l’État présentes sur le sol national sous le nom de “Ukrzaliznytsia”.
Le réseau “Ukrzaliznytsia” ne changera guère jusqu’à aujourd’hui, utilisant son matériel roulant russe sur ses 23.000 km de lignes, dont environ 10.000 km sont électrifiés. Employant approximativement 400.000 cheminots, le réseau de l’Ukraine, d’après les statistiques de l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC) est le 14e plus grand réseau du monde, le 6e au niveau des voyageurs et le 7e au niveau des marchandises avec un trafic annuel respectif d’approximativement 37 milliards de voyageurs/kilomètres et 195 milliards de tonnes/kilomètres. Le parc comprendrait environ 4000 locomotives, 1800 automotrices, 6000 voitures et 180.000 wagons. Le réseau ukrainien est surtout un réseau de trains de marchandises et compte, pour le renouvellement de son matériel moteur russe, sur l’industrie américaine ou française, cette dernière, qui n’est autre qu’Alstom, devrait fournir un nombre important de locomotives électriques. Nous disons bien “devrait”….
Pour un pays de dimensions légèrement supérieures à celles de la France avec 784.000 km² et moins d’habitants avec 45 millions environ, ces chiffres restent moindres si on les compare à ceux de la SNCF actuelle, mais sont très loin d’être négligeables. Toutefois, on peut lire dans la presse internationale que le chemin de fer ukrainien, depuis plusieurs décennies, connaît de graves difficultés, avec des pertes financières croissantes, des manques de moyens d’investissement, et même des suppressions nombreuses de trains de voyageurs, y compris sur de grandes lignes. Souhaitons que ce cauchemar prenne fin et que ce pays, avec son chemin de fer, renaisse.


En souvenir : petit album du passé des gares ukrainiennes.







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