Les RGP ou “rames à grand parcours” ? Ces fameux autorails, oubliés aujourd’hui, ont marqué le chemin de fer français des années 1950, quand la SNCF voulait que ses autorails viennent renouer avec les longues distances et des vitesses commerciales attractives.
C’est exactement en 1954 que la SNCF reprend la tradition de l’autorail rapide et confortable, et surtout capable d’assurer des relations à longue distance, ceci dans la foulée des fameux TAR et des Bugatti doubles ou triples d’avant guerre. Ce seront les “Rames à Grand Parcours” ou RGP. L’aventure prend une dimension internationale avec l’engagement des RGP dans les services Trans-Europe-Express (TEE), mais les RGP, en créant avec succès une nouvelle fréquentation, creusent leur tombe, car l’afflux ces voyageurs est tel qu’il faut remplacer les RGP par des trains classiques !



Fondamentalement, l’autorail classique est destiné aux lignes secondaires et aux courtes distances, même si sa vitesse de pointe peut approcher, dans certaines conditions et sur certaines lignes, celle des trains rapides. Il est fait, initialement, pour circuler seul, ou à la rigueur avec une remorque pour les jours de pointe comme les départs en vacances ou les foires et marchés. C’est bien un véhicule léger, relativement lent, et surtout très économique, et sa création répond au problème de la désertification des campagnes entre les deux guerres et au maintien en activité des petites lignes rurales condamnés à plus ou moins court terme.
Mais, du fait de fortes demandes de transport occasionnelles, les réseaux de chemin de fer se sont mis à faire circuler deux autorails en jumelage (un conducteur par autorail attelé) ou en couplage (un seul conducteurs pour les deux autorails attelés), et avec une ou plusieurs remorques : de ce fait, ces autorails en viennent à former de véritables trains qui pouvaient même être mis en service pour des relations inter-villes sans arrêt. Cette circulation de trains rapides à plusieurs caisses a entraîné une dérive vers une toute autre conception du service ferroviaire que celle apportée par l’autorail originellement, en donnant des dessertes rapides et à longue distance.
Les réseaux en sont donc venus à construire, sur la base technique de l’autorail, des trains articulés à plusieurs caisses et le succès des rames allemandes automotrices “Fliegender-Hollander” reliant Hambourg à Berlin dès 1932 à une vitesse de 160 km/h vient confirmer, d’une manière éclatante, la validité de la formule. En France elle est lancée vers la fin des années 30 pour une clientèle d’hommes d’affaires et avec un excellent matériel à l’époque. Ce sont des rames Bugatti sur les réseaux de l’Etat ou du PLM, ou aussi des rames TAR (Trains Automoteurs Rapides) sur le réseau du Nord comportant trois caisses reliées par soufflets et roulant à 140 km/h grâce à une motorisation généreuse. Nous voilà très loin de la conception originelle de l’autorail conçu, par définition, pour un service économique sur des lignes secondaires…
L’autorail Renault ADX2 : un pionnier des RGP.
En 1936, Louis Renault propose aux réseaux des essais comparatifs entre deux prototypes de grande puissance : l’ADP1 à moteur unique type 504 de 500 ch., et l’ADX1 à deux moteurs type 513 de 265 ch. donnant 530 ch. en totalité. L’ADX2 l’emportera, surtout par la présence de deux moteurs permettant de surmonter une panne et de toujours rentrer au dépôt. Le moteur type 504 de 500 ch se montra, en outre, assez défaillant et sa mise au point s’annonçait longue et difficile (voir, sur ce site-web, l’article paru en avril 2019 : “Louis Renault, l’homme qui aimait aussi les trains”.)
Les compagnies de l’époque ayant de nombreuses lignes de montagne à profil difficile, comme le PO avec le Massif-Central, ou le PLM avec les Alpes et le Jura, ont un important et urgent besoin d’autorails de forte puissance et capables, les jours de pointe, de prendre plusieurs remorques.
Louis Renault se passionne pour son nouveau moteur type 504 d’une puissance jamais atteinte et qu’il compte bien vendre aux dirigeants des compagnies, mais ses adjoints, les très sages et fidèles ingénieurs Georges Baldenweck et Rolf Metzmaier, écoutent plutôt les avis des conducteurs et chefs de dépôt qui préfèrent l’autorail à deux moteurs classiques et bien éprouvés, ces autorails étant plus sûr en cas de panne. Les autorails à deux moteurs sont, à puissance totale égale à un monomoteur, plus chers au kilomètre certes, mais les déboires occasionnés par un moteur nouveau et long à mettre au point plaideront bien en faveur du bimoteur. Notons que la SNCF des années d’après-guerre changera de position à ce sujet et reviendra au moteur unique devant les progrès des constructeurs.
Pour en revenir aux années 1930, la compagnie du PO-Midi commande ainsi 10 ADP et 13 ADX pour poursuivre encore les comparaisons, l’Etat commande 5 ADP, mais le PLM, qui a une bonne expérience des autorails bimoteurs Decauville ou De Dietrich, passe directement une commande pour 8 autorails ADX. Louis Renault est bien obligé, pour continuer à fournir des autorails à la toute jeune SNCF, de rester fidèle à l’autorail bimoteur et d’abandonner son cher moteur 504.
Mais Louis Renault se lance dans la construction de nombreux prototypes de dimensions et de puissances imposantes. A partir de 1934, le Bureau d’études de Billancourt ne chôme pas avec la conception de cinq prototypes « géants » conçus pour les services rapides et à grande capacité. Toutefois ces gros autorails puissants ne seront pas suivis d’une descendance et resteront des exceptions sans avenir : la SNCF, créée en 1938, reprendra l’idée de Louis Renault vingt ans plus tard.

Un pas de géant pour commencer : l’autorail X-2400, puissant, sonore, rustique.
Après la guerre, la SNCF conserve l’exploitation de son parc d’autorails hérité des anciens réseaux, et dont certains exemplaires datent des années 30. L’utilisation intensive de l’autorail, caractéristique des réseaux français, conduit la SNCF à entreprendre un vaste programme de construction d’autorails neufs. Ce sont les autorails unifiés dont la Direction des Etudes d’Autorails, la DEA, se voit confier la charge. Le plus puissant de ces autorails est l’X-2400, plus connu sous le nom de « 600 ch. unifié » et avec une forte parenté avec les prototypes Renault des années 1930, notamment avec la même puissance. Avec ses deux moteurs, il se fera entendre, notamment dans les vallées profondes des grandes montagnes : Renault était la voix qui criait dans le désert, et celle des 600 ch. de la SNCF en sont l’écho lointain.
Le chef de la DEA, l’ingénieur Charles Tourneur, qui a déjà un long passé derrière lui au service du réseau PLM et des autorails, propose à la SNCF un programme cohérent d’autorails. Il tient compte du fait que les relations de prestige grandes lignes assurées par autorails seront peu nombreuses dans la mesure où la SNCF envisage un grand programme d’électrification, et que l’autorail sera surtout chargé des relations omnibus sur toutes les lignes, sauf la banlieue, et de quelques relations directes rapides à moyenne distance.
Le service des autorails sera désormais autonome et ne fera plus recours au remplacement par des trains classiques les jours de pointe: cela veut dire que les autorails devront pouvoir tirer des remorques ou circuler jumelés, ceci quelle que soit la série. La DEA propose trois types d’autorails (150, 300 et 600 ch.) et des Rames à Grand Parcours (RGP) pour les relations de prestige grandes lignes.
La constitution d’un « empire » central de l’autorail dans le réseau français, complètement autonome, ne manquera pas de poser des problèmes : démarrant immédiatement, facile à faire rouler, économique, l’autorail a donc toutes les qualités de l’autobus… mais aussi tous les défauts, notamment celui de ne pouvoir contenir plus de voyageurs qu’il n’y a de places. En effet un train classique peut toujours, les jours de pointe, recevoir quelques voitures de plus sans augmentation sensible des frais, mais aussi accepter des voyageurs debout dans les couloirs en attendant qu’une place se libère, bref, offrir de l’espace et des capacités de transport assez souples et extensibles. L’autorail refuse cette souplesse. Il faudra donc compléter le parc d’autorails par un très important parc de remorques qui, par leur spécificité technique, ne pourront circuler que derrière des autorails. On a bien, à un moment donné et durant les années 1950, deux chemins de fer côte à côte, celui des trains, celui des autorails. Le jeu en valait-il la chandelle ?


L’autorail de 600 ch. à deux moteurs.
Il est destiné aux lignes à profil difficile sur lesquelles la SNCF désire disposer d’un engin à capacité importante. Mais, à l’époque, au lendemain de la guerre, les progrès faits en matière de moteurs Diesel ne permettent cependant pas de disposer, pour le chemin de fer, de moteurs d’autorail d’une puissance supérieure à 300 ch.
La SNCF est obligée, pour disposer de la puissance nécessaire pour services sur lignes à profil difficile, de songer à un autorail à deux moteurs de 300 ch. certes complexe, et donnant un engin lourd. Mais le recours à deux moteurs issus de séries connues et éprouvées reste un avantage certain.
L’autorail pèse 42,5 tonnes, poids déjà respectable. Sa grande longueur de caisse est amputée d’une bonne partie de sa surface utile par les deux moteurs, l’un à chaque extrémité. Toutefois il reste, dans cette longue caisse de 27,73 m, de quoi loger 80 voyageurs assis, dont douze dans un compartiment de première classe, et de prévoir un compartiment à bagages, faisant de cet autorail un véritable train complet autonome. L’insonorisation et la suspension sont très bonnes pour l’époque et marquent un progrès par rapport aux autorails contemporains, mais ils vont assez rapidement être l’objet de critiques de la part d’une clientèle qui s’habitue, désormais, au moelleux et au silence de leur automobile…

La carrière des X-2400.
Ce type d’autorail est engagé sur la plupart des lignes de montagne françaises de l’époque, roulant à une vitesse maximale en service de 120 km/h. Il peut tracter trois remorques sur les rampes inférieures à 10%o, deux remorques sur les rampes inférieures à 20pour mille, et une remorque sur les rampes inférieures à 30 pour mille. Dotés de deux moteurs Renault type 517 de 300 ch. (220 kW) pour les X-2401 à 2469, ou de deux moteurs Saurer de 320 ch. (236 kW) pour les X-2470 à 2479, ces autorails sont jumelables, mais non “couplables” : cela veut dire que deux autorails circulant ensemble et attelés doivent être conduits par deux conducteurs, chacun dans son autorail, une solution dite du “jumelage” qui est peu souple et qui demande de l’entente et du doigté…
Avec deux autorails et quatre remorques, on obtient à nouveau de véritables trains, et cette pratique, dans l’exploitation quotidienne, avec de nombreuses remorques d’autorail, revient, finalement, à soulever de nouveau les problèmes de composition de rames que connaît le train classique.
Les X-2400 sont répartis sur la région Nord avec 21 exemplaires, la région Est avec 10 exemplaires, la région Ouest avec 24 exemplaires, la région Sud-ouest avec 16 exemplaires notamment pour les lignes de montagne du Massif-Central, et la région Méditerranée avec 7 exemplaires. La série, forte de 79 engins, a, aujourd’hui, entièrement disparu des inventaires de la SNCF, mais quelques exemplaires sont préservés par des associations exploitant les lignes des réseaux touristiques.






Caractéristiques techniques du X-2400 :
Type : autorail à caisse unique et bogies
Date de construction : 1951
Puissance: 600 ou 640 ch.
Moteurs de traction : 2.
Vitesse maximale : 120 km/h.
Longueur: 27,73 m.
Masse: 42,5 t.
Toutefois il reste un moteur à trouver.
Nous avons vu que, lorsque la SNCF conçoit, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, son programme d’autorails dit « unifiés » elle a besoin de moteurs de puissances diverses: 50 ch., 150 ch., 300 ch., et 600 ch. Or le moteur de 600 ch. n’existe pas sur le marché sous une forme éprouvée et au point. La Direction des Etudes d’Autorails se tourne alors vers la solution consistant à utiliser deux moteurs. Les engins à deux moteurs ne sont pas très appréciés des réseaux de chemins de fer, car ils sont complexes, coûteux en entretien et en carburant, mais les autorails X-2400 à 2 moteurs seront construits.
Toutefois les constructeurs de moteurs diesel font des progrès considérables à l’époque. La SNCF accorde sa confiance au gros moteur MGO que la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (future Alstom) propose en remplacement des deux moteurs de 300 ch. d’origine. Ce moteur à 12 cylindres en V est associé à une transmission comportant une boîte de vitesses mécanique classique à commande hydraulique – une technique toujours de conception très autorail. C’est autour de ce moteur très remarquable que l’autorail X-2800 peut être conçu.
Le succès du moteur MGO de 825 ch. de la SACM, tournant à 1500 tr/mn et se montrant très endurant en service, conduit la SNCF a le placer sur les autorails X-2800 qui prennent naturellement la succession des 600 ch. à deux moteurs. L’autorail de 825 ch. apparaît peut-être non moins coûteux à l’achat, mais au moins plus économique en entretien, de capacité un peu plus importante et surtout plus souple d’exploitation. Ce dernier avantage provient de sa puissance supérieure et d’autre part de sa possibilité de couplage (conduite de deux unités par un seul conducteur) et de télécommande depuis une remorque-pilote.
On voit à quel point, en matière d’autorails, la prise en compte des besoins des services de l’Exploitation par ceux du Matériel est très effective. Plus encore que les locomotives classiques, l’autorail est vraiment taillé sur mesure pour les besoins quotidiens de l’Exploitation, et celui de 825 ch. permet d’accomplir des prodiges en matière de compositions de rames. Les autorails 825 ch sont livrés à partir de 1957 et forment un parc de 118 exemplaires. Si la caisse est très proche de celle des 600 ch bimoteurs, elle est plus soignée intérieurement. Elle offre deux solutions: soit 48 places uniquement en première classe pour les services en correspondance avec les trains rapides, soit 62 places en deuxième et 12 places en première classe pour la version standard tous services.
L’autorail réinvente le train…
C’est sous cette dernière version que l’on trouve le 825 ch. sur les lignes à profil difficile tractant jusqu’à 4 remorques à bogies, formant ainsi de véritables « trains » de 380 places ! Ces remorques unifiées que la firme Decauville fabrique à 722 exemplaires pour la SNCF entre 1948 et 1962, sont incluses dans un gigantesque parc de plus de 900 exemplaires si 1’on compte les autres types légers sur deux essieux ou les types datant d’avant-guerre qui ne brillent guère, il faut le dire, par leur confort.
Déjà l’objet d’une fierté très mitigée de la part de la Direction du Matériel qui les ont conçues, ces remorques n’enthousiasment guère les gens attachés à une image valorisante du chemin de fer, cheminots ou clients ! Mais la loi de la capacité variable, sans laquelle les services de l’Exploitation de tout réseau ferré déclare forfait, dicte ici ses impératifs à une époque où, plus que jamais, il faut coûter le moins cher possible.
La Société Alsacienne de Constructions Mécaniques propose à la SNCF d’abandonner la formule des deux moteurs pour un seul, ce qui donne un meilleur rapport poids/puissance, et elle offre son tout nouveau moteur MGO à 12 cylindres en “V”, tournant à 1 500 tr/mn, accouplé à une transmission Maybach entièrement automatique. Les nouvelles rames sont mises en service en 1955-57 et assurent d’excellentes performances, et la rassurante présence de deux moteurs que l’on juge utile en cas de panne de l’un d’eux, n’est plus de mise.



Les caractéristiques techniques de l’autorail X-2800 dit “825 ch”.
Type : Autorail à bogies
Date de construction : 1957
Moteur : 825 ch. Renault
Transmission : mécanique
Masse : 49,5 à 50 t selon les séries
Longueur : 27,73 m
Vitesse : 140 km/h
Pourquoi des Rames à Grand Parcours ?
Les autorails unifiés que la SNCF construit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale constituent le parc « tous services » de la SNCF et s’inscrivent dans la vocation naturelle des autorails construits dès les années 30 par les anciennes compagnies, à savoir la desserte des lignes secondaires ou de moyenne importance, et aussi le service omnibus sur les lignes principales. Mais la SNCF ajoute à ce parc des autorails de 600 ch., dérivés du type X 2400, qu’elle appelle “rames à grands parcours” ou RGP.
Il est vrai que, techniquement, la conception de type autorail de ces rames rapides est évidente, et les RGP, à ce titre, en sont la descendance. Mais les RGP que la SNCF met en service après la guerre dans le cadre du programme unifié souffrent d’être toujours à la limite inférieure des performances, du confort et de la capacité que leur service devrait être en droit d’attendre. Les premières rames RGP ne roulent, tout compte fait, qu’à 120 km/h, c’est à dire moins rapidement que les trains classiques les plus rapides de l’époque, et guère plus que la vitesse de pointe atteinte par les autorails quand les lignes le permettent.
La SNCF commande 20 rames RGP en 1950, rames formées d’une motrice 600 ch. à deux moteurs de 300 ch du type autorail, et d’une remorque accolée en permanence et comportant un poste de conduite supplémentaire. Formant un ensemble long de 52,16 m pesant 81,5 t en charge, la rame offre 104 places en 2ème classe et 12 en 1ère, et accepte 2 tonnes de bagages. Il est possible de jumeler deux rames pour former un ensemble de 4 caisses. Livrées en mai 1954 seulement, elles circulent sur Paris – Clermont-Ferrand, ou bien Strasbourg – Lyon, ou Lyon-Bordeaux, assurant des relations rapides de jour. La remorque comportant une cuisine, il est possible d’assurer un service de repas avec l’apport du savoir faire de la CIWL.



Le succès est réel, et les services de l’Exploitation apprécient énormément la réversibilité de ces rames, du fait du poste de conduite dans la remorque, tout comme la capacité que l’on peut augmenter par simple jumelage. Toutefois dans ce denier cas, il s’agit bien de jumelage et non de couplage, c’est-à-dire qu’il faut deux conducteurs dans le cas de deux rames circulant attelées, car la conduite de quatre moteurs par un seul conducteur est techniquement trop complexe. Le conducteur situé en queue conduit alors ses moteurs en tenant compte d’indications visuelles données par le conducteur de tête au moyen d’un système de lampes. C’est sans doute ce qui contribue à la commande d’une nouvelle série de RGP à un seul moteur de 825 ch. mis en service en 1955-56.



L’aventure européenne : un échec.
Mais si la conception est de type autorail, la RGP sort nettement, sur le plan exploitation, de ce type de service avec le lancement des rames TEE qui en sont une version au confort encore accru. En effet la SNCF adhère au Groupement TEE constitué par un certain nombre de réseaux européens désirant développer des relations internationales rapides entre eux: les réseaux ouest-allemand, belge, néerlandais, luxembourgeois, suisse et italien.
La SNCF aménage commande 11 motrices et 9 remorques, cette différence de nombre s’expliquant par la possibilité de composition M+R+M, et leur aménagement intérieur est assez différent de celui des RGP à vocation purement nationale. On trouve trois fauteuils individuels par travée au lieu de deux banquettes à deux places, des soutes pour bagages volumineux, des vestiaires, un compartiment douane. Les autres éléments du confort sont, bien sûr, conservés: cuisine, air conditionné, insonorisation poussée, etc.
Les RGP du type TEE sont engagées à partir de l956-1957 sur les relations Paris – Bruxelles – Amsterdam (“Etoile du Nord”) ou Paris – Liège – Cologne -Dortmund (“Parsifal”), Paris – Bâle – Zurich (“Arbalète”), ou encore Lyon – Turin – Milan (“Mont-Cenis”). Elles assurent, avec leur vitesse maximale de 140 km/h, de bonnes performances. Mais, sur le plan du confort, elles sont dépassées par les autres rames TEE des autres réseaux du groupe, notamment les rames allemandes ou helvético – néerlandaises qui sont d’une conception beaucoup plus lourde, comprenant une véritable locomotive intégrée à une rame formée de caisses proches de celles d’une voiture classique. L’absence de véritable voiture-restaurant ou d’une salle spéciale pour le service des repas, l’absence d’une véritable climatisation (chose très représentative d’un « plus » commercial à l’époque) l’inconfort des places situées sur les bogies qui rappellent leur origine autorail à 140 km/h, voilà qui contribue, avec les progrès de l’électrification en Europe permettant des performances supérieures en train classique de luxe, à mettre progressivement fin à la carrière de ces RGP spécialement aménagées.

Les RGP au cœur d’un débat déjà ancien.
A l’époque des RGP, la SNCF a construit en très grande quantité un parc d’autorails qui sont ceux de la deuxième génération, et qui illustrent la doctrine SNCF en matière d’autorails. Apparue déjà avant la Seconde Guerre mondiale dans la réalité quotidienne avec des autorails qui se montrent de capacité insuffisante lors des pointes de trafic, la capacité variable devient l’exigence prioritaire.
Dès 1936 De Dietrich ou Renault ont proposé des modèles couplables au prix d’équipements coûteux et délicats à régler. La compagnie du PLM étudie et met au point un système de jumelage applicable seulement à deux autorails de type identique, le premier conducteur restant toutefois maître du freinage des deux engins. Le système est plus simple et la SNCF, en fin de compte, l’utilisera après-guerre. Mais la doctrine de la capacité variable ne peut, comme toute doctrine issue de l’Exploitation, s’embarrasser de systèmes complexes et, surtout générateurs de surcoûts en main d’œuvre de conduite. Le système le plus simple est donc d’utiliser un seul engin moteur et un seul conducteur, et de laisser la capacité variable se réaliser avec des remorques.
Cette manière de faire est déjà celle de certaines compagnies, avec l’autorail comme unique é1ément moteur d’un train composé de remorques attelées à la demande. C’est bien la doctrine « mono-caisse » + remorques que le Nord applique avec son matériel Standard à partir de 1937, ou le PLM avec ses remorques Decauville qui préfigurent les remorques SNCF d’après-guerre. En 1938 la SNCF n’a d’autre choix que de reconduire cette pratique et d’en faire sa doctrine.
Au lendemain de la guerre, cette doctrine est toujours celle de la SNCF, plus que jamais même, puisqu’elle entreprend une campagne systématique d’équipements de ses autorails avec des attelages standard permettant la remorque de tout ce qui peut s’y prêter: les 41 vraies remorques d’autorail datant d’avant-guerre, des Michelines démotorisées et transformées en remorques, des vieilles voitures ex – PLM ou prussiennes, ou d’autres voitures anciennes à essieux indépendants d’origine PO, etc. etc.
Le changement des années 1960.
Au début des années 1960 le parc autorails de la SNCF connaît donc une sorte d’apogée, et la présence des autorails de 825 ch est très marquante avec 35% du parc, assurant des relations rapides de jour, des correspondances rapides pour des prolongements de parcours des grands trains rapides, des dessertes de lignes de montagne, et ceci souvent sur des parcours totalisant plusieurs centaines de kilomètres comme des traversées intégrales du Massif-central avec des relations comme Lyon-Bordeaux ou Lyon-Toulouse, ou celles des Alpes avec des Grenoble – Digne, etc. Les quelques voyageurs effectuant le trajet complet passent une dizaine d’heures dans un confort très relatif, la majorité des occupants faisant, bien sûr, des trajets partiels.
Mais à partir du milieu des années 1960 la situation évolue. Les électrifications progressent et la traction diesel de ligne est définitivement au point et active. Le train classique, maintenant à traction électrique ou diesel, est moins cher et plus performant que le train à vapeur. L’autorail voit le fossé qui le séparait de la locomotive a vapeur se combler quelque peu. Il est plus facile, un jour de pointe, d’engager une BB 67000 et quelques voitures récentes et légères qu’une Pacific en tête d’une lourde rame OCEM des années 20.
Mais, d’autre part, en dépit de toute l’affection que lui portent les services de l’Exploitation, l’autorail est peu aimé par le grand public, et il est considéré comme un « sous chemin de fer ». Lorsque la SNCF annonce le remplacement définitif d’un train classique par un autorail, c’est aussitôt la fureur et la déception des élus locaux et la désaffection de la gare par une grande partie de la clientèle encore fidèle au train.
Alors qu’aux premiers temps de leur activité les autorails avaient une forte image de modernité et constituaient un facteur attractif du chemin de fer, ils sont, pendant les années 1960, trop souvent considérés par la clientèle la plus fidèle comme des repoussoirs, et le remplacement d’un train par un autorail est souvent ressenti comme une brimade par de nombreux abonnés. Il est temps, pour la SNCF, de songer à une nouvelle génération d’autorails et à une nouvelle doctrine de leur conception et de leur utilisation. Les RGP n’ont plus la faveur du public et terminent leur carrière en assurant des services nationaux de type autorail, c’est-à-dire de moindre qualité.
La dernière évolution des RGP.
La dernière évolution technique et esthétique des RGP est une modernisation faite en 1993, époque où elle approchent de parcours totaux dépassant 5 000 000 km. Solides, bien conçues sur le plan mécanique, endurantes, les rames RGP ne s’avouent ni battues ni démodées, et elles continuent à assurer un bon service sur des relations intérieures nationales. Leurs qualités conduisent la SNCF à les réaménager en 1993 et, surtout, à les doter d’une cabine de conduite totalement nouvelle offrant toutes les conditions de sécurité et de visibilité du matériel actuel. Ainsi modifiées, les RGP sont à peine reconnaissables et passent même, vues de face, pour des autorails type X 2100 ou X 2200 ! La petitesse des baies vitrées latérales et les arrondis des extrémités de caisse (autres que celles de la cabine nouvelle) rappellent immédiatement, pour l’observateur à l’oeil exercé, l’origine très années 1950 de ce matériel.
Caractéristiques techniques des RGP :
Type : rame bicaisse et à bogies
Date de construction : 1954
Moteur : 2 diesels 300 ch puis 1 diesel 825 ch.
Puissance totale : 600 puis 825 ch.
Transmission : hydromécanique Maybach 4 vitesses
Masse : 81,5 t
Capacité : 104 puis 150 pl. (81 pl. en TEE).
Longueur : 52,16 m
Vitesse : 120 puis 140 km/h
Et pour finir : le général qui aimait les RGP.
Il s’agit d’un général très respecté en France : le général De Gaulle, qui certainement avait de hautes qualités morales, et sans doute fut le dernier Président de la République a user fréquemment du chemin de fer lors de ses déplacements officiels, totalisant plus d’une trentaine de déplacements entre 1960 et 1969. Il a fait usage, notamment, d’une « Rame à Grand Parcours » de la SNCF, composée de deux motrices encadrant une remorque. La X-2723 est aménagée spécialement avec un salon, et l’autre motrice, la X-2734, a des sièges ordinaires pour recevoir la presse et les nombreux accompagnateurs, tandis que la remorque XR-7716 offre un salon et une cuisine.
L’entourage du Président comporte plus d’une vingtaine de personnes : officiers de police, agents de la CIWL pour le service à table, agents de la SNCF (inspecteur traction, conducteurs, réparateurs, etc). Le général et son épouse occupent en principe le salon de la voiture centrale, les membres du gouvernement occupent les compartiments voisins, ainsi que les aides de camp, le chef du protocole, les gardes du corps, le valet de chambre et un cheminot détaché par la SNCF. Les sièges d’une des motrices sont occupés par les journalistes. Il est à noter que quelques hôtes de marque ont voyagé en RGP avec le général, comme Konrad Adenauer en 1962 pour aller à Rouen, ou Antonio Segni (Président de la République italienne) pour aller à Reims en 1964.
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