Vous avez aimé les “Bruhat” ? Vous adorerez les “Romilly”

Les voitures de la banlieue Est ont toujours allié la qualité et la tradition, même pour un destin modeste qu’est celui d’un court voyage au départ de la gare de l’Est et se terminant à Meaux ou quelque part en Seine et Marne.         

Représentant le haut de gamme du matériel de banlieue des années 1930, de belles voitures font honneur au réseau de l’Est tant par leur esthétique que par leur niveau de confort. Une deuxième série dite « voitures d’embranchement U 46 », construite après la guerre par la SNCF, confirme l’excellence de leur conception initiale avec une carrière prolongée jusqu’à la fin des années 1980. Mais pourquoi le réseau de l’Est soignait-il autant sa banlieue ?

Et dire qu’il y a des passionnés pour passer toute leur vie dans une “Romilly” ! Nous sommes à Ferrière-la-Grande dans le département du Nord, et c’est un magnifique cliché que “Trainconsultant” doit à Alain Stome. On reconnait bien les fenêtres et l’emplacement des portes. Seule, sur la droite, la porte du garage remplace deux fenêtres d’origine.

Au commencement étaient les portières latérales. C’est une belle époque, quand tout le monde monte et descend en même temps. Ce genre de voitures est encore très répandu sur le réseau français quand la SNCF est créée pour le 1er janvier 1938. C’est bien une pratique très britannique que ces voitures aux très nombreuses portières s’ouvrant dans les gares pour laisser échapper en quelques minutes une foule de voyageurs, jadis donnant un océan de chapeaux melons et de costumes noirs envahissant instantanément les quais.

Une société fort peu mélangée.

L’origine de ces voitures remonte aux débuts du chemin de fer britannique et s’explique par le peu de goût des anglais pour la promiscuité. Chacun doit voyager selon son rang social, et ne pas se mêler aux gens de condition inférieure ou supérieure. Les compagnies offrent donc des compartiments des 3 classes à bord des trains, et imposent cette façon de faire à l’Europe entière, alors que, par exemple, aux USA on voyage ensemble, la seule distinction étant faite pour les voyageurs payant un supplément pour une voiture-lits Pullman, par exemple.

Au Royaume-Uni, et surtout à l’époque victorienne, la « gentry » huppée voyage en 1e classe, la petite bourgeoisie et les bureaucrates vont en 2e, et en 3e on trouve d’une part les domestiques de la « gentry » accompagnant leurs maîtres, et, d’autre part, les ouvriers et les salariés modestes.

Une politique de voitures directes.

Mais aussi les compagnies anglaises cherchent à éviter à leurs voyageurs de changer de train dans les gares de correspondance ou d’embranchement, et offrent une multitude de relations par voiture directe, quitte à consacrer beaucoup de temps, dans les gares, à décrocher telle voitures d’un train pour l’incorporer dans un autre selon sa destination. Mais comme elles offrent aussi des places directes dans toutes les classes, chaque voiture se doit de comporter l’ensemble des trois classes, dans la mesure où l’on arrive à presque autant de voitures qu’il y a de directions possibles…

D’où ces portières extérieures séparées et ces cloisons intérieures infranchissables séparant bien les classes. Le schéma de cette fiche montre un très intéressant exemple d’une voiture du Great Western Railway de la fin du XIXe  siècle: quand on regarde le plan de la disposition intérieure, on voit que cette voiture est un train complet à elle seule avec sa partie fourgon, ses 4 compartiments de 3ème  classe, son compartiment de 2ème  classe et ses deux compartiments de 1ère classe. Chaque classe a ses propres WC, et l’on voit les cloisons « étanches » coupant la voiture en classes distinctes. Mais, surtout, on ne se mélange pas pour monter et descendre, et la présence d’une paire de portières par compartiment évite aux chemins de se recouper, tout en accélérant considérablement le mouvement des voyageurs, ce qui abrège les durées des arrêts en gare.

Diagramme d’une voiture anglaise du Great Western dans les années 1890. Les portières séparées permettent d’éviter le mélange des classes sociales et ferroviaires, chacun ayant, selon sa naissance, sa portière et son “entre soi” et même ses WC. Ici la pratique du train à tranches et des voitures directes multiples occasionne le regroupement des trois classes et du fourgon sur un même châssis. A droite le compartiment de 1re classe coupé marque, dans cette classe, une différence notable : peut-être est-il réservé aux intimes de la famille royale ?

L’inconvénient, toutefois, est très sérieux: c’est l’oubli, par les voyageurs, de refermer les portières extérieures des compartiments, et, pour cela, il faut un nombreux personnel sur les quais pour veiller à la fermeture des portières avant le départ du train. De nombreux accidents ont été créés par des portières restées ouvertes ou mal refermées.

La voiture à portières latérales en France.

Ce fut la voiture à voyageurs de toute une génération de Français, et de toute une époque qui se disait « belle »…. Certes la bourgeoisie y voyageait sur des coussins rembourrés et dans des compartiments spacieux de la 1ère classe et le prolétariat, lui, connaissait, en 3ème classe, les austères joies des bancs en bois de ces voitures aux compartiments alors bien étriqués. La lutte des classes….

Nul ne sait d’où est sortie cette expression de « voitures à portières latérales », car il n’y en a pas à portières… longitudinales !… Elle sert, principalement chez les amateurs, à designer ce que l’on appellerait plus justement des voitures à portières multiples, une par compartiment de chaque côté. Elle offre un très gros avantage: la montée et la descente des voyageurs, dans les gares, se fait très rapidement.

La « Ty », voiture à portières latérales par excellence.

En France on désigne ces voitures sous le nom de « Ty ». Les lettres « T » et « y » indiquent une voiture à bogies et sans intercirculation, mais avec toilettes. Elle est construite, à partir de 1907 dans les ateliers de Romilly de la compagnie de l’Est, à 485 exemplaires, et pour les trois classes. Après la guerre le Ministère des Transports, dans le cadre de la reconstruction nationale, commande 450 nouvelles voitures pour les réseaux de l’Est, de l’Etat, du Paris-Orléans, voitures livrées entre 1922 et 1924, et portant le parc à un total de 935 voitures.

De son coté la compagnie du Nord conçoit, en 1907 comme le réseau de l’Est, une voiture « Ty » comparable, mais comportant soit des compartiments de 1ère et 2ème classe, soit uniquement de 2ème classe. Le Nord considère que les voyageurs de 3ème classe peuvent continuer à rouler dans des voitures à 2 essieux indépendants: le confort et la douceur de roulement des bogies n’est pas encore pour eux…. Ce parc de la compagnie du Nord s’élève à 380 exemplaires. Le PLM, pour sa part, dispose d’un parc de 170 voitures construit plus tardivement et jusqu’en 1929 et de caractéristiques comparables aux précédentes. Ajoutons que le réseau d’Alsace-Lorraine apporte, en 1919, lors du retour de ce réseau à la France, un parc de voitures de caractéristiques proches et de style allemand, et que l’armistice apportera, de son coté, environ 220 voitures allemandes à portières multiples et sur bogies elles aussi assez comparables.

Diagrammes de voitures “Ty” Est, sauf la 2e voiture depuis le haut qui est une “Ty” Nord. Les couleurs des voitures Est sont magnifiques et créent de beaux trains.

La carrière de ces 2000 voitures “Ty”.

Ces « Ty » forment un important parc de plus de 2.000 voitures pour les réseaux français entre les deux guerres et sont incorporées dans toutes sortes de trains. Toutefois leur caisse en bois leur vaut, assez rapidement, d’être « déclassées » vers des services express ou omnibus, car les voitures à caisse entièrement métallique, plus sûres et plus confortables, se répandent sur l’ensemble des réseaux à partir de 1925. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les « Ty »  ont pratiquement disparu – sauf  pour sept cent d’entre elles dont les châssis serviront de base pour la construction de voitures de type banlieue ou omnibus à caisse métallique entre 1956 et 1962.

Dotées de compartiments, mais d’un couloir latéral permettant de se rendre aux toilettes, ces voitures marquent, en 1907, un très net progrès par rapport aux voitures de 3ème classe circulant à l’époque et de conception purement 19ème  siècle, sans toilettes, sans couloir. Leur roulement sur bogies est incomparablement plus doux et plus stable que celui des voitures à deux ou trois essieux qui les précèdent. Les surfaces vitrées, généreuses, donnent des compartiments clairs et agréables d’où l’on peut savourer les joies de la découverte des paysages.

Belle voiture “Ty” Est en état d’origine avec sa guérite et ses belles grandes baies vitrées.
Voiture “Ty” à l’époque SNCF. Elle a perdu sa guérite, mais les portes d’accès à redans restent.
Les caractéristiques techniques des “Ty”

Type: voiture Ty

Genre : voiture à bogies sans intercirculation.

Disposition: 7 compart.1ère cl à 10 compart.3ème cl.

Capacité: 38 à 80 places.

Longueur: 17 à 19 m.

Masse: 27 à 32 t.

Rude compartiment de 3e classe dans une “Ty” Est.
Deux vues d’un compartiment de 1re classe d’une “Ty” : il s’agit d’une imposante maquette à l’échelle du 1/10e (longueur : 1,90 m) exposée aux ateliers de Villeneuve-St-Georges et que l’auteur de ce site admirait quand il était formateur d’instructeurs du CFA de la Direction du Matériel SNCF dans les années 1970 à 2000. Est-elle toujours là ?
Locomotive-tender.141n série 4451.(4433 à 4462), plus connue sous le nom de “Série 11 Est”. Mises en service à partir de 1911, ces puissantes machines prennent facilement en charge les légères “Ty” Est..

La banlieue de la Compagnie de l’Est passe au solide et au lourd.

Lorsque ces nouvelles voitures métalliques sont construites en 1932, elles remplacent des voitures certes célèbres, que sont les Ty à portières latérales, mais qui sont aussi des voitures dangereuses parce qu’elles ont une caisse en bois. Ces Ty ne cessent pas, pour autant, leur service et, même, elles sont prolongées par la SNCF grâce à une reconstruction intégrale des caisses sur leurs châssis réutilisés, donnant les voitures dites « Romilly » par les cheminots. Ces nouvelles voitures métallisées ne doivent pas être confondues avec les voitures de banlieue Est, bien que, souvent, on les désigne aussi comme telles.

Etudiées par l’ingénieur Forestier qui est, alors, un des ingénieurs les plus éminents sur le réseau Est, ces voitures sont classiques avec leur attelage standard, une intercirculation par passerelles seulement, et une absence de WC. Les bogies sont analogues à ceux des voitures grandes lignes du réseau. Trois types de caisses existent: deux portes + huit baies (première classe), deux portes + neuf baies (deuxième classe), trois portes + huit baies (troisième classe et troisième classe mixte-fourgon). Les portes sont en retrait et ont une fermeture automatique. Si les voitures des classes supérieures ont des sièges rembourrés, celles de troisième classe ont des banquettes en lattes de bois ciré.

Mais ces voitures sont trop lourdes, et le réseau étudie une deuxième série plus légère avec des toitures en aluminium, des tôles des dossiers d’extrémité plus minces, des pièces en acier moulé remplacées par des éléments emboutis, des sièges plus légers, la suppression de la troisième plate-forme centrale. Le gain est de l’ordre de 10 t.

Voiture de banlieue métallisée Est, état d’origine.
La SNCF expose fièrement ses nouvelles voitures de banlieue Est à Strasbourg dans les années 1960.
Seules les puissantes locomotives-tender 141-TC-Est (ici la N°27) peuvent triompher du poids élevée de ces belles voitures.

Un parc tardivement équipé de la réversibilité.

A sa création la SNCF hérite de 290 voitures de banlieue du type Est (dont 170 dites « allégées ») formant un excellent parc homogène qui sera réduit à 263 voitures du fait de la guerre. Les rames de 10, 9, 8 ou 5 voitures, ne sont pas réversibles, car la gare de l’Est est assez généreusement dimensionnée et vaste pour permettre l’évolution et la remise en tête des locomotives sans difficulté notoire. Les travaux d’électrification des années 1960 réduisent le nombre de voies disponibles et obligent la SNCF à équiper ces rames de la réversibilité…. type vapeur, en attendant la traction électrique! Ces voitures dureront jusqu’à la fin des années 1980.

Voitures de banlieue ou d’embranchement ?

Les amateurs confondent, en général, ces deux types de voitures Est très proches l’une de l’autre. Les voitures de banlieue sont construites en deux sous-séries: en 1932-33 pour les 120 voitures lourdes qui pèsent de 41,5 à 43 t, puis en 1937-1939 pour les 170 voitures dites « allégées » qui ne pèsent que 31 à 31,5 t. Elles roulent à 120 km/h, montées sur des bogies Est du type S1 ou S2.

Après la Seconde Guerre mondiale, la SNCF a besoin de voitures neuves et commande, au titre du programme dit de « démarrage », une série de 100 voitures proches de celles de la banlieue Est, mais destinées aux trains omnibus et des lignes d’embranchement. Livrées entre 1950 et 1952, ces voitures pèsent de 29 à 30 t. Elles ont des bogies type Y 16 A, dérivés du type Pennsylvania des voitures grandes lignes DEV, et autorisant une vitesse limite de 140 km/h.

Des Ty aux « Romilly ».

Durant les années 1950 et dans le grand mouvement national de reconstruction de la France au lendemain de la libération, la SNCF construit beaucoup de voitures neuves ou rénove son matériel roulant ancien. Dans ce dernier cas il s’agit de reconstructions très astucieuses consistant à utiliser de robustes châssis métalliques dont on a retiré la caisse en bois et que l’on équipe de caisses métalliques neuves. Nous avons vu, dans un très récent article sur ce site “Trainconsultant”, les efforts faits par la SNCF sur la banlieue Sud-Est avec les “Trois pattes” et les “Bruhat”. Mais la SNCF a d’autres banlieues ayant, elles aussi, un sérieux besoin de rénovation. Le besoin en voitures de banlieue est très grand, et les finances manquent à l’appel: la reconstruction est la solution.

Ces voitures métallisées Est cachent bien leur origine : les fameuses Ty Est qui sont d’antiques voitures à portières latérales, construites à 485 exemplaires à partir de 1907 dans les ateliers de Romilly de la compagnie de l’Est. Mais à ces voitures purement Est s’ajoute une nouvelle commande de 450 voitures pour les réseaux de l’Est (qui en redemande), de l’Etat, et du Paris-Orléans : ces voitures sont livrées entre 1922 et 1924, et elles portent le parc à un total de 935 voitures. Elles sont utilisées sur l’ensemble des trains omnibus et de banlieue, et elles font rapidement partie intégrante du « paysage » ferroviaire français.

Ce sont des voitures à compartiments comme il est d’usage à l’époque. Un couloir latéral permet de se rendre aux toilettes, et c’est ainsi que ces voitures marquent, en 1907, un très net progrès par rapport au matériel construit au XIXe siècle et encore en circulation. Leur roulement sur bogies est doux et beaucoup plus stable que celui des voitures à deux ou trois essieux qui les précèdent. Elles ont toutefois pour inconvénient d’avoir des caisses en bois, ce qui les rend très fragiles et dangereuses en cas de collision.

Les prototypes de 1940 précèdent les « Romilly ».

C’est en 1940 et 1941 que les ateliers de Noisy-le-Sec livrent deux prototypes de voitures Ty métallisées, mais conservant à la fois la disposition générale et le diagramme des voitures d’origine. La guerre ne permet pas la poursuite des métallisations sur cette base, et le projet est remis à des jours meilleurs. En 1950 les mêmes ateliers réalisent un nouveau et troisième prototype et dont la caisse est entièrement inédite, conforme au style général des voitures de banlieue d’après-guerre: couloir central, sièges type autorail à trois + deux places de part et d’autre du couloir, portes battantes donnant sur des plates-formes intérieures, grandes baies, intercirculation.

Ce n’est qu’en 1957 que la SNCF engage la transformation en série de l’ensemble de ses voitures Ty, après avoir renoncé à construire intégralement des voitures nouvelles faute de financement. Les voitures de série sont identiques au troisième prototype, mais les sièges sont meilleurs avec un dossier haut dans les classes supérieures. Elles prendront rapidement le surnom de « Romilly » dans la mesure où les ateliers de cette ville assurent les transformations.

Une grande série, mais homogène.

Ces voitures ont un aspect extérieur identique, quelle que soit la classe de l’aménagement intérieur, avec huit grandes baies et deux doubles portes. Des petites baies d’extrémité correspondent aux toilettes et aux plates-formes d’extrémité. Six années de construction donnent un parc de 676 voitures, très homogène, avec 24 voitures de première classe, 85 voitures mixtes de première et deuxième classes, 498 voitures de deuxième classe au nombre, et 63 voitures mixtes deuxième classe fourgon, plus les prototypes et cinq voitures couchettes de type très rudimentaire pour les chauffeurs des camions des premiers trains de remorques rail-route.

Elles sont limitées à 120 km/h dans la mesure où elles conservent, sous le châssis d’origine, les bogies d’origine aux aussi dits du « type Wagons-Lits ». C’est d’ailleurs le manque de confort et la vitesse limitée dans lesquels ce bogie joue une grande part qui entraîne la réforme de ces voitures de 1975 à 1985, après une excellente carrière sur les régions Est et Sud-Est.

Diagramme d’une voiture “Romilly” B8.
Une “Romilly” mixte-fourgon C6D. Le compartiment fourgon est sur la droite du cliché.
Le très élégant chaudron des “Romilly”. Les bogies avouent leur grand âge.
Caractéristiques techniques des voitures dites type « Romilly »

Type: voiture à bogies

Date de reconstruction : 1957

Capacité: 64 à 76 pl.

Masse: 31 à 32 t

Longueur: 19, 28 m

Vitesse: 120 km/h

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