Train-tram, tram-train ou train de trams : l’un joue à être l’autre pour une vraie ou fausse proximité.

On ne sait plus très bien, dans cette époque actuelle où le mélange des genres est devenu la garantie de la réussite sociale en matière de mœurs et de la réussite technique en matière de conception, si et pourquoi un train peut devenir un tram, si un tram peut devenir un train et si un train de trams n’est pas vraiment un train.

Une belle forme de « train de trams » : le fameux Lyon-Neuville-sur-Saône, plus connu sous le surnom de « Train Bleu ». Il fallait oser et défier la CIWL… La rame de sept voitures est impressionnante. Les cadences et la vitesse sont remarquables pour l’époque.

Tous les trois sont sur rails depuis bientôt deux siècles, et, jadis, il n’était pas question de les confondre ou de les faire se ressembler. En effet, le tram était sur une route ou dans la rue, roulait à droite, et avait des phares avant pour « y voir clair » et des feux arrière « stop » au freinage, et son conducteur commandait lui-même les appareils de voie ou allait les manœuvrer, et la priorité lui était donnée par la signalisation routière. Quant au train, il était sur une ligne de chemin de fer, roulait à gauche (sauf en Alsace-Moselle), n’avait que des feux de signalisation avant et arrière et le mécanicien n’avait pas besoin de « voir clair », et la commande des appareils de voie et de la signalisation, c’était uniquement l’affaire de l’aiguilleur dans sa cabine d’aiguillage pour qui tous les trains naissent égaux en droits comme les citoyens.

Entre les deux guerres, les limites entre les deux systèmes commencent à s’interpénétrer avec les rapprochements des villes entre elles (voir notre article sur les « Interurbans » américains), et les différences entre les véhicules aussi, le tramway perdant sa définition routière en s’alourdissant et en allant plus vite, tandis que certains trains actuels perdent leur définition ferroviaire en se faisant plus légers, en roulant moins vite, mais aussi en accélérant et en freinant sur des distances de plus en plus courtes, avec le grand retour actuel du souci de la dite « proximité ».

La proximité, pour commencer, à l’époque des choses simples.

Ce que l’on appelle aujourd’hui la « proximité » et les « transports de proximité » a constitué, dès les origines, le domaine de prédilection du chemin de fer dans la mesure où, à ses modestes débuts, il ne pouvait ni aller vite ni aller loin. Au début du XIXe siècle, le chemin de fer n’est nullement le grand dévoreur d’espaces et le créateur de civilisations à l’échelle des continents qu’il deviendra au XXe siècle. Timidement, prudemment, vers 1830, il rejoint d’abord les mines aux ports, les villes aux villes à l’intérieur des régions, et joue un modeste rôle de complément de la route et de la navigation maritime et fluviale, en se faisant même appeler « canal sec » par la France de Louis XVIII. Les réseaux de voies ferrées touchent aux confins de la nation à partir des années 1850, quand les progrès techniques réalisés permettent enfin d’inscrire les grandes distances et les grandes vitesses parmi les réalités tangibles. Enfin sûres, les locomotives inspirent la confiance.

Mineur au Royaume Uni vers 1810 : le chemin de fer naît dans la proximité des mines et des hommes.

Au début du XIXe siècle, le chemin de fer fait figure de nouveauté mondiale, mais il est déjà très vieux de plus d’un siècle, ayant de nombreuses lignes construites au XVIIe siècle et disséminées dans l’ensemble du Royaume-Uni et aussi en Europe, desservant des mines, des usines, des ports, et avec pour seule force celle du cheval ou des hommes. Le chemin de fer est une chose mûre et établie, formant un moyen de transport industriel reconnu, vieux de plus de 150 ans, et connaissant déjà, depuis plus de trente ans, des essais en traction vapeur au Royaume-Uni. Les réussites les plus marquantes sont les locomotives de Trevithick et de Stephenson au début des années 1800 et 1810. Tout ceci se passe exclusivement dans une visée de desserte industrielle et sur de très courtes distances.

Une locomotive primitive en 1813, au Royaume-Uni : beaucoup de main d’œuvre pour déplacer lentement quelques dizaines de tonnes de charbon sur quelques dizaines de miles. L’« Orient-Express » et les grands espaces parcourus nuit et jour, ce sera pour presque un siècle plus tard.
En France, à partir de 1826, on va, modestement et prudemment, de Saint-Etienne à Andrézieux : sur une petite vingtaine de kilomètres, pas plus, et des machines fixes halent les rames de voitures et de wagons sur les rampes, et, pour ce qui est des pentes, on se laisse rouler ou on a recours aux chevaux. Les locomotives à vapeur n’inspirent aucune confiance.

Sortir de l’âge de la méfiance, pour commencer.

Le chemin de fer sortira de cet âge de la méfiance par l’œuvre des Stephenson (George, le père, et Robert, son fils) qui est considérable, au point que l’opinion publique a fait des Stephenson les inventeurs du chemin de fer alors que leur arrivée dans ce domaine dans les trois premières décennies du XIXe siècle est tardive, bien que décisive. Il est vrai que George Stephenson est bien le fondateur de l’industrie de la locomotive moderne, et il est le premier véritable entrepreneur capable de construire des lignes de chemin de fer fournies « clés en mains » et commercialement exploitables, tout autant que techniquement évoluées. Il fournit aussi le matériel roulant de qualité qui va avec. En cela, il est beaucoup plus un innovateur, c’est-à-dire un homme engagé dans les processus économiques et industriels, qu’un inventeur.

Il construit la ligne de Stockton à Darlington au début des années 1820. La ligne est établie d’une manière très perfectionnée, avec un pont suspendu sur la rivière Tees dont la construction aura duré de 1824 à 1829, et dont le tablier sera élargi en 1831, quand la ligne est mise à double voie.  Stockton a même une gare, installée dans une maison ancienne qui devient un bâtiment ferroviaire le 23 mai 1822, et où l’on assure la gestion de la ligne, en attendant d’y vendre des billets à partir des années 1825 ou 1826. L’aventure démarre, mais personne ne pense en termes de grandes lignes reliant des villes éloignées les unes aux autres, ou desservant des pays entiers.

La bien modeste gare de Stockton, la première gare ouverte au service dans le monde. La proximité est nécessairement présente : sa ligne n’a que 18 km.
La gare de Liverpool en 1830. La grande distance (ici 55 km…) et la vitesse envahissent les esprits et attirent foules et les spéculateurs.

Le succès de la ligne de Stockton à Darlington en 1825 est tel que Stephenson est désormais considéré comme indispensable partout où un projet de ligne est à l’ordre du jour. C’est lui qui réalisera la ligne de Liverpool à Manchester en 1830, la première ligne véritablement moderne et commerciale, transportant sur 55 km des voyageurs et des marchandises avec des trains respectant des horaires. Puis, en 1832, c’est la ligne de Leicester à Swannington, en 1839, celle de Birmingham à Derby, et l’ensemble du North Midland & York l’année suivante, ensuite, en 1841, le Manchester & Leeds. Stephenson vole de « proximité » en « proximité », d’une ligne locale à une autre, et, pour toutes, ces lignes, il fournit le matériel roulant et, bien sûr, les locomotives qui sortent des ateliers de la « Robert Stephenson & C° » qui est la première grande firme constructrice de locomotives. Il saura accompagner le mouvement de constitution des grands réseaux à partir de la mise bout à bout de ces tronçons épars. Sa réputation devient telle qu’il fournira bientôt des locomotives pour les réseaux du monde entier, en particulier le célèbre type « Patentee » de 1833 à disposition d’essieux type 111 qui sera la première locomotive de bien des réseaux européens, dont la France au tout premier chef avec les locomotives fabriquées par Buddicom à Rouen, ou l’Allemagne avec sa ligne de Nuremberg à Fürth. Le chemin de fer commence à se donner les moyens de sa nouvelle grande aventure, franchissant les frontières.

Une locomotive type 111 « Patentee » et « tendérisée »pour assurer des services de proximité sur de courtes lignes, alors qu’elle est, en principe, une machine de vitesse.

Les premières lignes britanniques : déjà un choix de la distance au détriment de la proximité.

Le XIXe siècle est pour le Royaume-Uni un âge d’or : premier pays du monde par sa puissance industrielle, respecté dans le monde entier, à la tête d’un empire immense, ce pays a aussi les meilleurs trains du monde – puisque, d’abord, les trains sont dans leur pays de naissance. Les meilleurs trains du monde ? Cela changera…

Couvert d’usines, de mines, de banques, d’assureurs, de compagnies commerciales, le premier pays du monde se couvre aussi, à partir de 1840, d’un réseau ferré exemplaire de dimensions nationales, construit en un temps record, et avec enthousiasme.

La reine Victoria choisit la concurrence, la libre entreprise, donc le laisser-faire économique. Contrairement à la France de Napoléon III ou à l’Allemagne de Bismarck, où à la Suisse fédéraliste, l’État anglais ne se mêle pas du développement des chemins de fer, ne le réglemente pas, ne concède pas les lignes. En ce sens, le Royaume-Uni sera beaucoup plus celui de la proximité que ses voisins européens.

Le plus évident avantage de ce point de vue politique est l’ouverture d’un grand nombre de chantiers de construction de lignes, la création d’entreprises de construction de matériel ferroviaire, et la confiance des investisseurs et des banquiers qui peuvent espérer des retours rapides sur leurs mises de fonds. Le grand réseau britannique naît rapidement et, à une époque où les pays d’Europe n’ont que des embryons de lignes, le Royaume-Uni dispose d’un système ferroviaire déjà dense et étendu, et capable de démontrer que le chemin de fer n’est pas qu’une question de proximité, cachant derrière cette visée première d’autres aspirations qui sont, elles, bien nationales et au service d’un intérêt général. Southampton, au sud, est reliée à Londres et au nord de l’Angleterre à Newcastle dès 1842

Les premières lignes britanniques des années 1830-1840 relient prudemment les villes entre elles à l’intérieur d’un comté ou d’un district. La ligne de Liverpool à Manchester est un exemple, et son trafic se spécialise rapidement en trains de voyageurs et trains de marchandises. Le financement de la ligne est assuré par les municipalités des villes intéressées.

La proximité, signe de l’échec ou du pis-aller.

Tout ne va pas pourtant pour le mieux sur le réseau britannique, et, parfois, c’est dans l’anarchie et le gaspillage de forces humaines et d’argent que se crée un réseau formé d’un trop grand nombre de lignes concurrentes, donnant à certaines villes une abondance de gares multiples, tandis que de petites régions rurales sont desservies d’une manière surabondante par d’innombrables petites compagnies éphémères et rapidement ruinées.

Sans aucun doute, la « proximité » acquiert, durant ces décennies de suréquipement et de surabondance en lignes régionales, une image de marque désastreuse qui saura être dissuasive pour les investisseurs futurs, et alimenter aussi des débats parlementaires houleux. Les élus régionaux français auront ainsi à « monter à Paris » (comme leurs confrères britanniques, à Londres, et les autres dans les grandes capitales européennes) pour aller défendre des projets de lignes locales ou régionales qui se heurteront désormais à un « ferropessimisme » militant…

On peut vraiment dire que, en cette période d’or, le réseau britannique sait jouer sur tous les tableaux, et à la fois servir les besoins de la proximité et de la grande distance, sans que l’une ne soit servie, semble-t-il, aux dépens de l’autre. Une telle gageure ne pourra jamais être surmontée par l’ensemble des réseaux européens, et vers la fin du XIXe siècle, un choix crucial en faveur de la grande distance et de la vitesse s’imposera, mais en faisant par la force des choses l’économie de ce gaspillage qu’est la construction de ces innombrables petites lignes que le réseau britannique a fait à ses débuts.

La naissance plus tardive des réseaux continentaux européens (1830-1850)

L’Europe est, incontestablement, en retard sur le Royaume-Uni quand elle se décide à construire des premières lignes de chemin de fer, non seulement parce qu’il est normal que, prenant exemple sur ce pays, elle le suive avec un nécessaire décalage dans le temps, mais aussi parce que ce que l’on appellerait aujourd’hui un « transfert de technologie » demande de longues moments de réflexion et d’information, de missions d’études en Angleterre, mais aussi d’examens par les pouvoirs publics et de votes, ou de montages financiers de compagnies et de réseaux. 

L’Angleterre est déjà engagée dans la Révolution industrielle depuis plusieurs décennies, déjà dotée de structures politiques et économiques permettant la création de grandes entreprises industrielles, ou, plus simplement, ayant sur son sol des personnes assez riches pour financer par elles-mêmes leurs propres lignes de chemins de fer. Le reste de l’Europe, en 1830, n’est pas encore industrialisé et vit encore dans un mode de production économique et une organisation politique héritée de celle des siècles passés, c’est-à-dire essentiellement agricole et militaire : bref, le chemin de fer européen est autant à construire dans les esprits que sur le terrain, et il n’existe pas encore, pour ce chemin de fer, toute l’activité industrielle qui seule peut le faire vivre. 

Certains petits pays, comme la Belgique et la Suisse, auront pourtant des « visionnaires » qui décideront de la construction d’un réseau national qui n’aura de seule utilité et comme raison d’être que de desservir, sur de longues distances et sans perte de temps, non seulement le petit territoire national de leur propre pays, mais aussi l’ensemble des pays européens les entourant, faisant alors du réseau belge ou suisse de véritables carrefours de l’Europe.

La Belgique et la Suisse, championnes d’une certaine proximité raisonnée.

Les réseaux belges et suisses seront, dans les faits, en même temps de « proximité » par la circulation de nombreux trains régionaux ou même locaux, mais aussi fortement orientés vers un trafic international de grande ampleur si l’on songe aux ports belges devenant les ports de l’Allemagne ou de la Suisse entière, ou si l’on songe aux grandes percées alpines suisses faisant communiquer le nord et le sud du continent européen, mais qui seront très difficiles et lents à construire. Pour sa part, le réseau français, comme les autres « grands » réseaux européens, ne s’insérera jamais à fond dans l’une ou l’autre de ces deux perspectives et aura à faire le choix du sacrifice des dessertes pas encore dites de « proximité ».

Les réseaux nationaux dans l’Europe de 1850. La proximité passe du local au régional et l’Allemagne en est déjà au réseau national. On notera le retard relatif de la Suisse, handicapée par son relief difficile nécessitant des travaux gigantesques

Les routes, championnes de la proximité à partir des années 1930.

L’âge d’or du chemin de fer français, sur le plan financier, reste le Second Empire. Le désastre financier des nombreuses lignes finalement non rentables et les basses œuvres de la spéculation ont ruiné le système et ont fait que la France des années 1880 à 1910 ne croit plus en son chemin de fer. Le chemin de fer a quitté son âge d’or et ses grands bénéfices du XIXe siècle et vit définitivement sous le cauchemar du déficit. La France des années 1920 et 1930 abandonne son chemin de fer et poursuit un très gros effort de création ou d’amélioration d’un réseau routier national formé de routes bien aménagées, goudronnées, et desservant l’ensemble du pays en finesse. En cela, elle s’écarte de la politique des autoroutes menée par certains pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie, ou comme les États-Unis, et mise sur le réseau secondaire, dont elle persiste à voir en lui un réseau complémentaire du réseau ferré. Les lois de 1934 mettant en place la « coordination » des transports introduiront ainsi le loup dans la bergerie en lui donnant en proie les petites lignes ferrées jugées non rentables, et donc à « coordonner ».

Durant les années 1930, l’opinion publique commence à comprendre les choses et à attribuer le déficit ferroviaire au caractère anarchique de la concurrence qui est faite par les autres modes de transport, et surtout de la part de la route, et, dans une moindre mesure, de la navigation fluviale. Le Conseil Économique et Social de 1934 propose une réglementation créant des licences ou des autorisations pour tous les types de transports publics, avec contrôle des tarifs dans le but d’éliminer l’écrémage du trafic dont le chemin de fer est victime de la part des autres moyens de transport qui s’adjugent ce qui rapporte le plus et lui laissent ce qui relève d’un service public et ne rapporte pas.

Voulant aider le chemin de fer et lui assurer une chance de survie, ces travaux aboutissent aux décrets-lois de 1934 qui freinent l’expansion de la navigation intérieure et du camionnage (limitations de tonnages, empêchement de création de nouveaux itinéraires, etc.) et qui accroissent l’autorité de l’État dans tout ce qui est transports, attribution de parts de marché, création de lignes ou d’itinéraires. Un même itinéraire ne peut plus être desservi par deux moyens de transport différents, et si le chemin de fer ne peut assurer une desserte d’une manière satisfaisante, l’entreprise routière peut le faire, mais à un tarif imposé, empêchant « toute concurrence déloyale » (sic). Le chemin de fer est en survie pour quelques années…

Cette manière de voir les choses contribuera au développement du transport des voyageurs par la route et les 630 000 km de routes françaises de la fin des années 1930 sont parcourues par d’innombrables autobus et autocars, et de véritables gares routières, avec salle d’attente, buffet, quais, permettent le départ, dans l’ensemble des grandes villes françaises, de plusieurs dizaines de milliers de voyageurs chaque jour, comme l’expansion incroyable du réseau d’autobus Citroën parvenant à s’étendre sur l’ensemble de la banlieue parisienne, puissamment aidé, il faut le dire, par le réseau similaire mis en place par Renault qui ne manquait jamais de copier son concurrent, ou l’immense réseau d’autocars du PLM couvrant le sud-est de la France. Les tramways sont systématiquement détruits et on arrache en quelques années le réseau parisien qui comptait un millier de kilomètres de lignes. Les années 1950 et 1960 seront celles d’un bonheur par l’automobile et le « progrès », tandis que le chemin de fer est rejeté, perçu comme un reste anachronique d’une époque préhistorique.

La proximité ? C’est quand l’autocar s’arrête au centre du village et devant la boulangerie. L’autocar en question, ici, appartient au réseau (ferré, on le rappelle) du PLM. Au fait… la gare est à quelle distance du centre du village ?

Les années 1970 à 2000 : le retour souhaité d’une proximité ferroviaire, mais qui « ne prend pas ».

La gloire du tout pétrole se ternira avec le choc pétrolier de 1973. Mais quelque chose a déjà changé dans la donne sociale, intellectuelle, et économique qui suivent les années 1960, et, pour une certaine part, les idées de mai 1968 ne sont pas totalement étrangères à ce processus. Le progrès n’est plus le dogme qu’il était, et toujours plus de puissance, de dépenses, de complexité, de consommation, d’exigence, de performances, voilà des valeurs qui prennent un coup de vieux en faveur d’un « new age » qui ne s’appelle pas encore ainsi, mais qui affirme déjà sa prédilection pour la nature, l’environnement, la douceur de vivre, le « cocooning », la maison, les enfants et… un peu les voyages en train. Les associations de préservation ferroviaires ont le vent en poupe et, en faisant rouler d’antiques trains sur des lignes rurales à souhait, démontrent, à l’unisson des associations de voitures anciennes ou de batteuses à vapeur, que la nostalgie devrait redevenir ce qu’elle était.

La SNCF sait saisir cette demande et y répondre en redonnant aux lignes secondaires, qui commencent à se dire de « proximité », un matériel roulant qui soit à la hauteur d’une nouvelle demande, celle d’une qualité pour ces petites lignes bretonnes, jurassiennes, provençales ou auvergnates. Si les autorails EAD ont déjà, en leur temps, marqué une étape en ce sens, ce sont bien les autorails X-2100 et X-2200 qui sont les acteurs principaux de ce grand renouvellement du transport ferroviaire sur ces lignes alors délaissées, ce renouvellement étant destiné à mettre le confort des relations omnibus ou régionales à la hauteur de celui du matériel « Corail » ou du TGV. Le X-2100 est né dans ces conditions en 1980.

Les X-2100 et X-2200 ont, en leur temps, préparé le chemin pour les automoteurs actuels, mais aussi préparé les esprits à reconsidérer le chemin de fer sous cet angle quelque peu oublié depuis plus d’un siècle déjà, et que, maintenant, on décrit en termes de « proximité ». Le chemin de fer s’était-il donc si éloigné de nous tous ?

Train-tramway ou tram-train, ou train de trams : la confusion des genres dès 1885 et plus encore aujourd’hui.

La tram-train est né dans les années 1990-2000, apportant la toute dernière révolution dans notre monde ferroviaire, en matière de proximité. Certes, le terme utilisé aujourd’hui, celui de « tram-train », est différent, pour ne pas dire carrément l’inverse, de celui utilisé par la RGCF, il y a 133 ans qui parle de  « train-tramway ».

Est-ce la même chose ou la légère différence entre les deux termes ne cache-t-elle pas une profonde différence technique ?  À quel moment et pourquoi verra-t-on circuler des trains entiers formés de trams dans certaines villes ? Lequel joue à être l’autre : le tram ou le train ? Lequel pond ses œufs dans le nid de l’autre ? Ouvrons de nouveau et lisons attentivement le RGCF du mois d’août 1889.

Le réseau du Nord est bien l’initiateur du « train-tramway » comme on l’appelle à l’époque. C’est un petit réseau, par son étendue géographique, mais il est dense et il y a une circulation très intense de petits trains ouvriers sur de courtes distances, notamment dans les grandes agglomérations comprenant plusieurs villes importantes proches les unes des autres. C’est le cas de l’agglomération lilloise.

Les premiers « trains-trams » sur le réseau du Nord : une petite locomotive-tender (ici une « Ravachol » type 220) et de courtes voitures à portières latérales. Les cadences sont serrées et assurent un service de proximité dans les banlieues de Paris ou de Lille.
Train-tram avec voitures articulées sur la banlieue nord de Paris.
La locomotive type 220 surnommée « Ravachol » sur le réseau du Nord championne du « train-tram ».

Les trains de voyageurs de l’époque, même courts, doivent en principe être composés avec ce que l’on appelle un « fourgon de choc » entre la machine et la première voiture, et un fourgon de queue. Cette composition est peu propice à une exploitation avec de nombreux arrêts et des allers et des retours. En 1885, le Nord obtient l’autorisation de faire circuler ce que l’on appelle à l’époque des « trains-tramways » dans l’agglomération lilloise : ces trains sont limités à 16 essieux, dispensés de fourgons, et, plus légers et plus courts, ils prennent de la vitesse avec une plus grande aisance, et ils se prêtent mieux à une exploitation avec des allers et des retours fréquents.

Ces trains peuvent s’arrêter en tout point du parcours, y compris un simple passage à niveau, un simple quai, même sans abri, une halte sans personnel, parce qu’ils ont pour tout personnel d’accompagnement un seul contrôleur de route chargé de délivrer des billets à tous ces voyageurs qui montent en cours de route. Le contrôleur peut aussi seconder le mécanicien qui, lui, est seul à bord d’une petite locomotive-tender.

Le décret du 9 mars 1889 salue le train-tramway de Lille.

Le succès des premiers « trains-tramways » lillois encourage la possibilité de l’application à l’ensemble des lignes secondaires ou des lignes périurbaines des grandes villes du réseau du Nord. Il est ainsi possible d’intercaler des « trains-tramways » entre les trains existants comme dans la banlieue des grandes villes, ou même de substituer des « trains-tramways » aux trains classiques du service ordinaire.

En 1888, le Nord met en marche 332 « trains-tramways » composés d’une seule voiture et sur 19 sections de ligne, et aussi 177 « trains-tramways » composés de deux à six voitures et sur 21 sections. Plus de mille kilomètres de lignes sont desservis, et le parcours de l’ensemble des « trains-tramways » atteint trois millions de kilomètres chaque année.

Les zones desservies sont surtout la région lilloise, mais aussi la banlieue parisienne avec Paris – Saint-Denis, Paris – Saint-Ouen, Saint-Ouen – Pantin, divers services pendant l’exposition de 1889 comme Paris-Nord – Champ de Mars (par La Plaine, Saint-Ouen et les Epinettes), etc.

Retour sur les fameux « trains-tramways » dites « Cages à Poules » circulant entre Paris et St-Denis. Un article leur a été consacré sur ce site.

Mais à l’époque, les « trains-tramways » jouent, eux aussi, au grand train.

La même frénésie s’empare des réseaux de tramways urbains qui finissent par faire circuler, sur les lignes de banlieue et à partir des portes des grandes villes, de véritables trains de trams classiques formés de motrices et de remorques accumulées. Imitant quelque peu les « Interurbans » américains, ces trains se voient autour de Paris, de Lyon, mais aussi sous la forme du fameux « Mongy » de Lille-Roubaix-Tourcoing. En Belgique, de nombreuses lignes similaires sont ouvertes, notamment le long des plages de la côte.

En traits épais, la ligne du « Mongy » ou « Electrique-Lille-Roubaix-Tourcoing » (ELRT) sur lequel nous reviendrons dans un prochain article. Les trains fins sont ceux des lignes des réseaux de tramways urbains classiques. Doc.Lartilleux.
Une rame de l’ELRT (Electrique-Lille-Roubaix-Tourcoing) surnommé « Mongy » du nom de son créateur. Ces rames sont très rapides et performantes.
Un autre exemple de « train-tram » pionnier : le Colmar-Wintzenheim en 1935 avec du matériel roulant Satramo.
Même l’« Arpajonnais », aux portes de Paris, pratique le « train de trams » avec de lourdes voitures à bogies. Voir l’article qui lui a précédemment été consacré sur ce site « Trainconsultant ».
À partir de 1922, les tramways parisiens se mettent, eux aussi, au « train de trams » lourd avec des motrices et des remorques nouvelles de types G ou L.
Un siècle, presque, de gloire et de décadence du tramway en France. Le métro et l’autobus ont triomphé. Les omnibus (à chevaux) n’ont jamais vraiment transporté beaucoup de monde.

Résurgence un siècle plus tard : le GT8-100 ou le TER Genève-La Plaine : le tramway continue à jouer au train.

Même après un siècle d’interruption, le problème trouve une nouvelle solution, mais n’est pas tram-train qui veut : les spécifications techniques sont très complexes en termes de gabarit, de masse, de plancher bas, d’accélération, de freinage, de rayon de courbure, qui doivent convenir à la voie tramway, mais aussi des normes de résistance à la compression des caisses, de sécurité, de tenue de voie, qui doivent permettre d’intégrer le tram-train dans le dur monde du « grand » chemin de fer avec, d’une part, l’entrée en service du tram-train allemand de Karslruhe suivi de celui de Sarrebrück jusqu’à Sarregemines, et, d’autre part, le tram-train suisse de Genève jusqu’à La Plaine.

À Karlsruhe, initialement et dès les années 1980, circulent sur la ligne de la Hardt des tramways classiques à fort gabarit, puis, dès les années 1990, est mis en service un matériel très performant, le type GT8-100 C/2 de Karlsruhe. Avec 3 caisses sur 4 bogies, son gabarit impressionnant, son confort de type métro, ses toilettes, ce tramway circule donc aussi bien en ville que sur les voies de la DB, et a des performances assurant des moyennes très élevées, supérieures à 30 km/h. Il peut accepter soit le courant 750 v continu type tramway, soit le 15 000 v 16 2/3 Hz du « grand train ». Le parc de 40 rames a été construit entre 1991 et 1995.

Il est intéressant de noter que ces rames ont été essayées sur une ligne classique de la DB et elles ont montré leur aptitude à circuler parmi les trains, et à une vitesse comparable, ceci sans aucun aléa. La DB et un certain nombre de villes s’intéressent désormais à cette formule originale de la circulation de tramways sur des lignes de chemin de fer classiques, complétées par la pénétration en ville sur les lignes de tramways : une formule économique et très souple qui a de l’avenir.

Le « train-tram » (ou « tram-train ») type GT8-100 de Duwag circulant dès 1991 à Karlsruhe en Allemagne : à notre humble avis, le premier du genre avec un matériel lourd, aux normes ferroviaires, circulant en ville.

Pour ce qui est de Genève, un nouveau plan directeur des transports publics est mis en place dans le canton pour la période 1990-1994. Ce plan prévoit la mise en place d’une desserte ferroviaire cadencée sur la liaison Genève-La Plaine, complétée par des bus de rabattement vers les principales stations de la ligne. Après une étude de différents matériels, le choix se porte sur cinq rames automotrices articulées légères, d’un type similaire à celles circulant sur le TSOL, le Tramway du Sud-Ouest Lausannois.

La caisse se compose de deux éléments reposant sur trois bogies avec emmarchement adapté aux quais bas des CFF. La motorisation alimentée ici sous 1500 volts continus (celui de la ligne SNCF Genève-Bellegarde qui est empruntée) comporte également un groupe électrogène auxiliaire, permettant la circulation à vitesse réduite sur les voies non alimentées en 1500 volts, comme l’accès au dépôt de Genève en gare de Cointrin sous le 16 2/3 suisse.

Dénommé RER pour « Rhône Express Régional », avec un clin d’œil aux Parisiens qui circulent sur la ligne en TGV, le nouveau service a débuté à l’automne 1994 et propose un train par heure et par sens toute la journée, avec cadencement à la demi-heure en période de pointe. Le prolongement en France sur Bellegarde n’est pas envisagé, dans la mesure où le transit des frontaliers sur ce secteur est insuffisant.

Abondance de tramways en Suisse, par exemple à Schaffhausen dans les années 1960. Tram-train ou train-tram ? On ne joue pas sur les mots, mais on offre de solides services. Le pays est petit et dense, donc la situation est toute autre qu’en France.
De nombreux petits réseaux suisses en voie métrique offrent, traditionnellement, des services denses de proximité en utilisant des rames automotrices de type « train-tram » ou « tram-train », peu importe. Ici sur le Aigle-Sépey-Diablerets et le Montreux-Oberland Bernois dans les années 1950.
Le « Rhône-Express » de Genève vu en 1995, précurseur du tram-train (ou du train-tram) entre Genève et La Plaine sur la ligne SNCF de Bellegarde. Le tramway pénètre dans la cour des grands, en gare CFF de Genève-Cointrin.

Et Aulnay-Bondy ?

Mais avec la ligne d’Aulnay à Bondy, voilà une grande première, puisque, pour la première fois, c’est une circulation intégrale en France de ce que l’on n’ose pas encore appeler le « tram-train ». Toutefois, le matériel est fourni par la firme allemande Siemens qui a déjà fourni les villes de Houston et de San Diego, aux États-Unis, avec le même type de matériel. Chez Alstom, sans doute, on prépare déjà les « Rotrings » (ou les ordinateurs) pour dessiner un tram-train « bien de chez nous »… Ce sera le « Dualis », mais c’est pour plus tard.

Lorsqu’une ville projette de créer un tram-train, c’est, dans la plupart des cas, pour le faire circuler sur deux réseaux qui ont leurs spécificités propres qu’il faut respecter et concilier : un réseau urbain de tramways, en général de construction assez récente, d’une part, et, d’autre part, un ensemble souvent hétéroclite et disparate de voies ferrées construites à diverses époques, parfois très anciennes, par des compagnies qui disparu, modifiées par des exploitants plus récents comme la SNCF des dernières années 1930 jusqu’à celle des décennies les plus récentes, et abandonnées pour diverses raisons économiques ou techniques – bref, dans ce deuxième cas, c’est bien de la récupération d’installations anciennes et dont les caractéristiques ne conviennent souvent pas du tout à la circulation de trams-trains de construction actuelle. On en vient fréquemment, d’ailleurs, à n’en garder que ce qui est à la fois le plus cher à acquérir et le plus indispensable : le terrain.

Dans le cas de la ligne de Bondy à Aulnay, la situation fait que ce n’est pas un vrai projet de tramway dans la mesure où les voies sur ballast comme les caténaires sous une tension de 25.000 volts sont de type purement SNCF, et où les travaux d’installation vont se limiter purement aux emprises de la ligne de chemin de fer, et non une réfection complète de l’environnement urbain comprenant la voirie, les espaces verts, le mobilier urbain et tout ce que l’on appelle le « façade à façade » des lignes T1, T2 ou T3.

Mais le résultat ne donnera, en aucune façon, un nouveau train circulant sur une voie rénovée : ce n’est pas un train parce que le tram-train de la ligne T4 ne circule pas à gauche, mais à droite, et ce n’est pas un train parce qu’il obéit à des signaux de type routier tricolores et parce qu’il obéit… tout simplement aux règles du code de la route. Bref… le conducteur d’un tram-train peut (très théoriquement, s’entend) se faire siffler par un agent de police et se voir infliger un PV, ce qui n’est pas le cas, du moins jusqu’à présent, pour un conducteur de TGV !

Il est à noter que, depuis le 4 juillet 2011, les rames de la ligne T4 ne se limitent plus à leur seul parcours Bondy-Aulnay aller et retour. Elles peuvent également assurer la navette ferroviaire SNCF assurée sur la petite ligne dite de la vallée du Morin, qui s’embranche sur la ligne de Paris à Meaux en gare d’Esbly et va jusqu’à Crécy. Ce service est possible en profitant de la réserve de rames disponibles. En 2011, une seule rame est nécessaire à l’exploitation de cette navette ferroviaire, avec une possibilité de circulation en unité multiple de deux rames en cas de besoin.

L’arrivée de l’ « Avanto » sur la ligne des Coquetiers.

La desserte de la ligne T4 est assurée en 2011 par quinze rames U25500 construites par Siemens sous le nom d’ « Avanto » : neuf rames utilisées pour assurer l’exploitation commerciale de la ligne, quatre en réserve et deux en entretien.

Le matériel pour la ligne T4 fait partie de la gamme que Siemens fabrique en série très restreinte et adapte, au cas par cas, aux demandes des différents clients. Le matériel du tram-train de Bondy à Aulnay est une rame articulée qui comporte cinq caisses portées par quatre bogies. Deux « modules » disposant chacun d’un truck (ou bogie fixe) porteur supportent à l’une de leurs extrémités une caisse centrale et à l’autre une caisse qui possède également un bogie moteur.

L« Avanto » sur la ligne d’Aulnay à Bondy. Doc. Wikipédia.

L’ « Avanto » coté voyageurs.

Le plancher est bas sur toute la partie centrale de la rame, et, à chaque extrémité, au-dessus des bogies moteurs, on trouve deux parties à plancher haut. Chaque rame comporte deux cabines de conduite. La plupart des équipements techniques, du fait de l’importance du plancher bas, sont implantés en toiture. La capacité est de 242 voyageurs en charge dite normale (avec quatre voyageurs debout au mètre carré) dont 80 sont assis. Afin de permettre un bon « taux d’échange » en station (cela veut dire, en clair, que les voyageurs montent ou bien descendent rapidement !), chaque côté de la rame comporte cinq portes de 1,3 mètre de largeur.

Chaque porte est commandée par un dispositif dit « comble lacune » qui consiste à palper l’espace existant entre le seuil de la porte de la rame, d’une part, et, d’autre part, le quai. Il faut dire que la largeur de 2,65 m de l’ « Avanto » n’est nullement, question gabarit, celle du matériel du « vrai » chemin de fer qui est de 3,20 m. Il faut donc compenser, à la demande, cette différence de largeur, et une palette à coulissement horizontal, lors de l’ouverture de la porte, se déploie automatiquement et va jusqu’à toucher le quai qu’elle rencontre et recule ensuite de 25 mm. Ce système, on s’en doute, est complexe et fragile et, placé dans l’endroit le plus exposé de la rame aux projections de boue, de neige, ou de gravillons, risque de se coincer. Il demande donc un entretien et une surveillance particuliers. La hauteur des quais, sur la partie tram train de la ligne des Coquetiers a été normalisée en fonction des seuils des portes de l’ « Avanto ».

Les portes sont à ouverture par les voyageurs, et la fermeture est assurée depuis le pupitre de conduite. Le conducteur dispose d’un écran de télévision placé devant lui et donnant deux ou quatre images de l’ensemble d’un côté de la rame filmées par des caméras embarquées sur la rame et pouvant aussi servir de rétroviseurs lors de la circulation en milieu automobile. Le conducteur dispose aussi d’images provenant des caméras de surveillance de l’intérieur de la rame. Toutes les images sont enregistrées sur un disque dur.

La rame est climatisée, sonorisée, et les annonces concernant les stations desservies sont automatiques. Le conducteur peut aussi communiquer avec les voyageurs. L’intérieur fait très « design » et chaque détail, comme les barres de maintien ou d’appui, ou les écrans d’information, ont un style très particulier. Les couleurs créent une harmonie de gris sur les parois, de bleu sur les sièges et le sol, et de jaune pour les barres de maintien, ceci pour éviter aussi que ce « design » vieillisse trop vite.

Le train-tramway de Mulhouse, qui, signalons-le, permet de se rendre à la Cité du Train.
« Train-Tram » et tramway urbain classique, côte-à-côte, à Mulhouse. Juste une différence de gabarit ? Non, les différences sont bien plus profondes.

L’ « Avanto » coté ingénieurs.

C’est un matériel bicourant capable de circuler à la fois sous une caténaire 25 kV en monophasé de fréquence industrielle 50 Hz et sous une caténaire alimentée en 750 V continu. Chacun des deux bogies moteurs dispose de deux moteurs de traction de 130 kW alimentés, deux par deux, par un onduleur de traction, soit une puissance de traction de 520 kW. La vitesse maximale est de 105 km/h.
Le système de freinage, inspiré du système équipant les tramways, comporte à la fois du frein électrique (à récupération et rhéostatique), deux disques par essieu (moteur et porteur) et des patins magnétiques sur tous les bogies. Des systèmes d’anti-enrayage complètent le freinage. Ceci confère à ce matériel d’excellentes performances de freinage, en particulier en urgence, performances évidemment indispensables pour pouvoir rouler en ville.
Le matériel est équipé des divers systèmes de sécurité nécessaires pour circuler sur le réseau ferré national de la SNCF (répétition des signaux, kW, enregistrement des signaux…), ainsi que d’équipements utilisés généralement par les tramways comme la commande des appareils de voie, ou la commande des systèmes donnant la priorité sur les carrefours routiers.

La vieille question ferroviaire de la résistance de la caisse.

Il n’est pas concevable que du matériel roulant, transportant des voyageurs, et amené à circuler dans le voisinage immédiat du matériel ferroviaire lourd, ne puisse, en cas de choc, offrir la même résistance et la même sécurité. L’époque de la Micheline type 5 de 1931, pesant moins de 5 tonnes, évoluant avec sa caisse en bois et en toile, et son châssis d’Hispano-Suiza au milieu des locomotives Mountain pesant plus de 120 tonnes et des trains de plusieurs centaines de tonnes du réseau de l’État est terminée !  Le chemin de fer, c’est acier contre acier, c’est le pot de fer contre… le pot de fer.

C’est pourquoi la résistance de la structure de la caisse, à la compression, est de 60 tonnes à la hauteur de l’attelage. Un ensemble formant bouclier et capable d’absorber de l’énergie est installé à chaque extrémité.

Une rame est formée de cinq « modules » constituant un ensemble articulé de 37,5 mètres de longueur et de 2,65 mètres de largeur. Le chaudron de chacun des « modules » est réalisé en acier (profilés ou tôles pliées mécano-soudés), ce qui permet d’obtenir une bonne résistance aux efforts, une rigidité satisfaisante et une masse réduite. Le chaudron nu n’est pas fermé en toiture, et cette fermeture est assurée par les coffres des équipements qui y sont implantés ; cette disposition permet de limiter la masse des chaudrons.

Articulations diverses et, surtout, résistance aux chocs.

La liaison entre différentes caisses (ou « modules ») est constituée par une articulation permettant l’inscription en courbe, donc à deux caisses adjacentes de prendre un certain angle l’une par rapport à l’autre. Deux de ces articulations, situées entre les caisses d’extrémité et les modules bogie adjacents, permettent un débattement sur un axe transversal pour épouser ce que les ingénieurs appellent, avec humour, « les creux et les bosses », c’est-à-dire les amorces et les fins de rampes et de pente ou les inégalités du profil en long de la ligne.

Le matériel est capable de résister à des efforts statiques de compression longitudinaux de 600 kN au niveau du châssis, de 300 kN au-dessous de la vitre frontale, et de 1 50 kN en haut du pavillon. En outre, il est muni d’un dispositif d’absorption d’énergie à chaque extrémité. Celui-ci est conçu pour résister à des chocs contre des véhicules ferroviaires grâce à des cylindres concentriques coulissants jouant le rôle d’amortisseurs hydrauliques. Ces deux jeux de cylindres sont reliés par une traverse horizontale à l’avant, solution adaptée à un choc contre un véhicule muni d’un attelage automatique.

Le choc en milieu automobile, et en milieu ferroviaire.

Les véhicules automobiles sont très fragiles, et se désintègrent au moindre choc, c’est bien connu. Dans le monde des chemins de fer, il en va tout autrement, et si notre tram train qui circule dans les deux milieux, il n’y a rien à craindre de la part des automobiles, la réalité, lors d’une rencontre avec un simple wagon de marchandises (ne parlons pas d’un train entier !) est tout autre ! L’ensemble est conçu pour offrir une absorption d’énergie modulée en fonction du niveau d’énergie du choc…

On considère comme « modéré » un choc d’un wagon de 80 tonnes roulant à 8 km/h contre le tram-train arrêté, et ce choc doit pouvoir être encaissé – ou considéré comme « réversible ». Il devient « irréversible » au-delà et a été testé pour un choc avec le même wagon que ci-dessus, mais roulant à 25 km/h. Dans un tel choc, l’espace laissé au conducteur assis sur son siège évite le risque d’écrasement et l’espace voyageur est intact : au-delà de ces niveaux d’énergie, la structure commence à subir des déformations. À l’opposé, pour la circulation urbaine en particulier, le carénage avant, constitué d’éléments en matière composite sans partie agressive, permet de limiter la gravité des chocs contre des véhicules routiers ou des piétons.

Le tram-train de la T4 en chiffres.

Puissance : 520 kW par rame

Deux bogies moteurs de 2×130 kW par rame

Courant traction : 25.000 v 50 Hz ou 750 v continu

Capacité : 242 voyageurs

Places assises : 80

Longueur : 37,5 m

Largeur : 2,65 m

Hauteur (pantos non compris) : 3,52 m

Masse à vide : 62,5 t

Vitesse maximale sur voie SNCF : 105 km/h

Vitesse maximale en site urbain : 50 km/h

Les années 2000 à 2020 : le rêve pavillonnaire et le rêve automobile s’unissent pour le pire des cauchemars.

Les « trams-trains » ou « trains-trams » n’ont pas pu, en 130 ans, empêcher l’invasion de l’automobile et la destruction progressive de la planète. Aujourd’hui, des millions de petites voitures, roulant chaque jour, sont la preuve du désastre. Au nombre de deux par foyer en attendant d’être au nombre de quatre quand « les enfants auront le permis », elles sont stationnées en hâte quatre fois par jour devant les écoles, conduites par un père ou une mère qui regarde sa montre et qui devra ensuite, une fois la journée de travail terminée, « conduire les enfants aux activités ». On part tôt le matin, on rentre tard le soir.

Les villages ont été les premiers à perdre leur école, puis leurs commerces. Les petites villes ont suivi, voyant mourir leurs centres et les magasins de leurs rues commerçantes baisser à jamais le rideau de fer.

Elle était pourtant si mignonne, cette petite maison toute neuve, en plotets, bien crépie, avec ses volets électriques, et surtout son grand garage pour deux voitures, que l’on pouvait acheter à crédit avec deux salaires. Et puis il fallait fuir la ville, son « stress », son bruit, ses loyers trop chers.

Et puis on ne pensait pas qu’il faudrait parfois un médecin, une infirmière : une vie de rêve se dessinait, avec un jardin, un barbecue et le sacro-saint « apéro » pris avec des voisins forcément sympa. On ne pensait pas que le prix de l’essence et de l’électricité grimperaient comme une fusée Ariane partant droit dans le ciel. On ne pensait pas que le lycée ou l’université que les enfants fréquenteraient seraient si éloignés. On ne pensait pas vieillir et avoir besoin de soins et d’assistance. On ne pensait pas que… non, on ne pensait pas du tout.

Le paradis pavillonnaire, d’après l’exposition « Nos déserts » en 2014. Doc. JP. Attal. Déjà les voitures occupent leur place près de la pelouse de ces maisons un peu « américaines ». Où est l’école ? Il n’y a pas, et les enfants ont intérêt à ne pas étudier, surtout au lycée Janson de Sailly ou Louis-le-Grand. Où est l’hôpital, la rue commerçante, la poste, la gare ? Il n’y en a pas, et il n’y en aura pas. Le carburant continuera à « flamber » à la pompe. Il n’y a pas besoin de « proximité » puisque l’on vit au cœur du néant.

Pendant ce temps, et restons optimistes, de nombreux tramways se portent bien en France et déclenchent l’enthousiasme….

Avec Alain Stome, que nous remercions pour ses clichés, n’oublions pas que de nombreuses villes françaises ont de magnifiques réseaux de tramways aujourd’hui en 2022, alors que dans les années 1980, le tramway était officiellement défini comme mort, et bien mort de chez mort.

Le Mans.
Lille-Roubaix-Tourcoing.
Nantes.
Brest.
Strasbourg.
Il est vrai que, dès 2010, le mouvement avait pris toute son ampleur. Voici la carte des villes de France ayant choisi, et pour beaucoup, réalisé, leur tramway.

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