Dans l’histoire de l’évolution des composants mécaniques des locomotives électriques, la transmission Buchli joue un rôle très important puisqu’elle équipe avec succès, dans les années 1920, les premières locomotives européennes aptes à la traction des trains lourds rapides. Aujourd’hui elle a disparu de la scène ferroviaire et des mémoires des ingénieurs (à moins qu’elle soit réinventée pour une quelconque “locomotive du futur”), mais elle a marqué son époque, notamment en Suisse et en France.

La locomotive électrique, c’est d’abord de la mécanique.
Quand il est question de traction électrique, on pense surtout à l’équipement électrique de la locomotive, sans songer que la construction mécanique occupe l’essentiel des problèmes, notamment celui de la transmission du mouvement du moteur aux roues.
Si, par un curieux retour des choses, les locomotives électriques actuelles sont sur bogies comme les tramways du XIXe siècle dont elles sont les descendantes (non reconnues comme telles), les débuts de la grande traction électrique ont eu recours à des conceptions de type vapeur avec un châssis rigide comportant des essieux moteurs parallèles et des bogies ou des bissels porteurs.
Le problème a été de transmettre une force motrice à partir d’un moteur solidaire du châssis suspendu, d’une part, et, d’autre part, jusqu’à des roues motrices forcément non suspendues et affectées de mouvements de débattement verticaux du fait des inégalités de la voie. De nombreuses solutions ont été employées, souvent avec peu de succès, dans la mesure où, en matière de chemins de fer, les contraintes mécaniques sont très fortes.
La suspension « par le nez ».
Appelée aussi « type tramway », cette technique consiste à solidariser le moteur d’une part avec le châssis et d’autre part avec l’essieu moteur. Il repose sur le châssis par son « nez ». Cette solution est très simple et sûre, mais, dans les faits, le moteur « encaisse » lui aussi les inégalités de la voie et les chocs transmis par l’essieu. Toutefois cette solution est acceptable pour des moteurs légers et des faibles vitesses de circulation.

La transmission à bielles.
Nous avons déjà consacré un long article sur les transmissions à bielles des locomotives électriques sur ce site “Trainconsultant”. Résumons la question : utilisée au courant des années 1910 et 1920 principalement, cette solution permet d’utiliser les très relatives possibilités de débattement verticaux permises par le jeu des bielles. Cette technique permet de transmettre de fortes puissances, mais elle est fragile en service et coûteuse. Les progrès des transmissions à engrenages la font abandonner durant les années 1920.
Les transmissions à ressorts ou « cup drive ».
Cette famille de solutions est utilisée surtout aux Etats-Unis, et comprend des ressorts ou des plots de caoutchouc interposés entre les rayons des roues ou dans des alvéoles. Le moteur entraîne les roues par l’intermédiaire de points de poussée agissant sur les ressorts ou les caoutchoucs et tournant avec les roues. Ce type de transmission a un certain succès et dure plus de 70 années.


Enfin : la transmission Buchli.
L’ingénieur suisse Jakob Buchli (1876-1945) conçoit cette robuste et très simple transmission vers 1920. Elle est très ingénieuse. Elle comprend une grande roue dentée (dite parfois “plateau denté”) placée en vis à vis de la roue motrice à entraîner, coté extérieur, mais elle n’est pas solidaire de cette dernière car elle est solidaire du châssis. Cette grande roue dentée est entraînée directement par le moteur de traction avec une petite roue dentée calée sur l’arbre.
La grande roue dentée fait donc face à la roue motrice et elle comporte des ouvertures par lesquelles pénètrent deux doigts d’entraînement solidaires de la roue motrice. Ces doigts d’entraînement sont reliés à la grande roue dentée par deux biellettes articulées et solidarisées entre elles par deux secteurs dentés garantissant leur maintien tout en permettant un débattement vertical. La transmission Buchli est un succès et équipe plus de 400 locomotives de vitesse des années 1920 et 1930 dans le monde, principalement suisses, allemandes, et françaises.


La Ae-4/7 : une grande classique de la traction électrique suisse.
Ces magnifiques et élégantes locomotives ont remorqué tous les trains prestigieux sur le réseau suisse, comme le Simplon Orient Express, et dans les années 1990 encore, avec un peu de chance, on pouvait voir les dernières de cette race de belles locomotives assurer, sans faille, ce qui restait d’un service de qualité. Dans les souvenirs des amateurs de chemins de fer, elle représentent toujours l’apogée de la traction électrique suisse classique, et leur renom va très loin au-delà des frontières de leur pays d’origine.
La Ae4/7 s’inscrit directement dans la grande tradition de la traction électrique suisse dont elle représente l’âge de la maturité et de l’épanouissement techniques. Elle prend la relève de la locomotive Ae3/6 qui est une 2C1 conçue en 1921, et qui fut construite à 114 exemplaires jusqu’en 1926 pour la traction des trains de voyageurs rapides sur le réseau suisse.
La construction de la Ae4/7 est une réponse à la règle, dans l’histoire des chemins de fer, qui est celle de l’accroissement du trafic et du poids des trains, mais aussi celle de la demande de performances plus élevées, obligeant les ingénieurs à prévoir des locomotives toujours plus puissantes.
En considérant cette tradition d’évolution technique du monde de la traction vapeur, et en voulant ajouter un essieu moteur de plus, passant, par exemple, de la 221 à la 231, puis à la 241 au fur et à mesure que la demande de transport l’exige, les ingénieurs des Chemins de Fer Fédéraux des années 1920 reprennent le même principe évolutif et ajoutent un essieu supplémentaire à cette excellente Ae3/6 pour en faire une Ae4/7, c’est-à-dire, en classification conventionnelle, pour passer du type 2C1 au type 2D1.
Toutefois on songe, en 1919, à faire non pas une 4/7 mais une 4/8, ou, pour être plus clair, non pas une 2D1 mais une 2D2. C’est bien ce qui se fera en France, sous l’influence des ingénieurs et des firmes suisses qui dessinent les premières 2D2 françaises du réseau du PO. Mais, pour leur propre réseau, les ingénieurs suisses ne préfèrent pas accumuler les difficultés en construisant des locomotives lourdes et complexes, et ils choisissent de progresser à pas comptés.
C’est pourquoi les ingénieurs se contentent d’ajouter un « module » formé d’un essieu moteur et de son moteur aux trois « modules » existant déjà. La nouvelle locomotive ressemble donc très exactement à l’ancienne, sauf en ce qui concerne la longueur et le nombre d’essieux moteurs. Une série de 127 locomotives type Ae4/7 est construite en 1927 et elle assure, jusqu’à la fin du XXe siècle encore, un excellent service en tête des trains rapides lourds des Chemins de Fer Fédéraux. Elle passe pour avoir été, pendant un tiers de siècle, la locomotive performante par excellence du parc de traction suisse.


La crainte des problèmes posés par quatre essieux moteurs.
La Ae4/7 est une locomotive à quatre essieux moteurs et quand les ingénieurs proposent aux dirigeants des CFF cette nouvelle formule d’une locomotive allongée par adjonction d’un essieu moteur, des craintes se font au sujet de l’inscription en courbe d’une locomotive à quatre essieux parallèles faisant partie intégrante d’un châssis rigide. Et les courbes suivies de contre-courbes sont très abondantes sur le réseau suisse, un relief très montagneux ayant dicté sa loi.
Une fois encore les ingénieurs électriciens se tournent vers l’héritage de la traction vapeur, et équipent le quatrième essieu d’un bogie-bissel type Zara dans la plus pure tradition des 140 et des 141 à vapeur italiennes, puis françaises ou allemandes. Ce bogie-bissel comporte un essieu directeur avant conjugué avec le premier essieu moteur, et, dans les courbes, il imprime à cet essieu moteur un léger déplacement latéral facilitant l’inscription en courbe.
Mais à l’usage ces craintes se révèlent injustifiées et les locomotives reçoivent alors un bissel classique. On notera que l’autre extrémité de la locomotive comporte un bogie à deux essieux nécessaire pour répartir le poids d’un transformateur particulièrement lourd. On a donc bien une locomotive asymétrique, avec un bissel à une extrémité et un bogie à l’autre, correspondant à ce que l’on appellerait en France une 2D1.
Les premières locomotives ont eu recours à une transmission à bielles héritée de la locomotive à vapeur, les bielles pouvant accepter de faibles débattements en hauteur pour les roues. Mais les limites de ce système se sont vite montrées, avec apparitions de vibrations et même la casse des bielles ou des boutons de manivelle. Ce phénomène interdisait notamment les grandes vitesses et, vers le milieu des années 1920, les ingénieurs ont bien compris que, pour rouler vite, la locomotive électrique doit abandonner les bielles et les contrepoids.
Note : la classification des locomotives suisses.
Les locomotives suisses sont classées en trois grandes catégories selon leur usage : « A » pour les trains voyageurs rapides roulant à 90 Km/h au maximum, « B » pour les trains voyageurs moins rapides et les trains de messageries ou de marchandises accélérés roulant à 75 Km/h au maximum, et « C » pour les trains de marchandises lourds roulant à 65 Km/h au maximum. Les locomotives à vapeur gardent la lettre seule, tandis que les locomotives électriques y ajoutent un « e » minuscule. Notre Ae4/7 est donc une locomotive électrique pour trains de voyageurs rapides (trains roulant à 90 Km/h).
La présence d’essieux moteurs est indiquée par une fraction avec le nombre d’essieux moteurs
sur le nombre d’essieux en totalité.
Ce système est très simple mais donc le seul inconvénient est de ne pas indiquer la disposition de ces essieux moteurs mais seulement leur somme : s’il n’y a aucun doute qu’une locomotive 4/7 a deux essieux porteurs et un essieu porteur encadrant quatre essieux moteurs (1D2 ou 2D1), par contre une locomotive à vapeur A3/5 peut tout aussi bien être ce que nous appellerions une 230 ou une 131. Notre Ae4/7 possède 7 donc essieux en totalité, dont 4 sont moteurs.
Caractéristiques techniques
Type : 2D1
Date de construction : 1927
Courant traction : 15000 v 16 2/3 Hz
Moteurs de traction : 4 x 574 kW
Puissance totale : 2296 kW
Transmission : mécanique articulée système Büchli
Masse : 118 t
Longueur : 16, 76 m
Vitesse maximale en service : 100 Km/h
Un peu de Buchli pour les locomotives de vitesse allemandes.
La création de la Deutsche Reichsbahn en 1920 regroupe les réseaux prussiens, badois, wurtembergeois, bavarois, déjà électrifiés partiellement ou non, et les électrifications se poursuivent dans le but de relier ces réseaux par les grandes artères de Salzbourg à Munich et à Ulm, d’une part, et, d’autre part, de Munich à Leipzig. Mais il faut des locomotives à la hauteur du programme.
Or, d’après l’ingénieur et historien ferroviaire français Yves Machefert-Tassin, grand historien de la traction électrique (Machefert-Tassin, Nouvion, Woimant. «Histoire de la traction électrique» La Vie du Rail. Paris 1980 tome 1 et 1986 tome 2), les locomotives électriques de l’époque évoluent lentement, notamment sur le plan mécanique, dans le monde comme en Allemagne. Les années 1920 à 1925 voient le recours à des transmissions à bielles, puis à faux essieu commandé par engrenage et renvoi du mouvement par bielles aux essieux moteurs, le faux essieu étant disposé entre les essieux moteurs ou, plus rarement, devant eux, à l’extrémité du châssis.
Le stade suivant est la commande directe des essieux moteurs par les moteurs électriques au moyen de transmissions du type suisse Buchli en 1926, solution appliquée à des locomotives bavaroises du type 1D1 ou 1ABA1 construites par BBC-Krauss. Après quelques essais sans succès de moteurs suspendus par le nez, solution de type tramway, sur une locomotive prototype 1BB1 E18 Siemens devenue E1601 en 1934, le stade ultime est la transmission à engrenages, permettant la commande dite individuelle avec un moteur par essieu.
Beaucoup de Buchli sur les 2D2 françaises du PO et de l’Etat.
C’est le type même de la première locomotive électrique française de vitesse, puissante et sûre, et surtout capable de détrôner la traction vapeur sur les grandes lignes. Etudiées par les sociétés suisses Brown-Boveri et SLM Winterthur, construites en France, elles circuleront, à partir de 1926, sur les grandes lignes du Sud-Ouest en tête de trains rapides lourds graphiqués à 140 km/h.
C’est au lendemain de la grande guerre de 1914-1918 que se développe, en France, la traction électrique sous courant continu 1500 volts et que la compagnie du Midi électrifie ses lignes des Pyrénées, puis ses grandes lignes. La compagnie du Paris-Orléans, qui dessert surtout les grandes villes du Sud-Ouest comme Bordeaux, Tours, Limoges, etc… électrifie progressivement ses lignes à partir de 1926 et utilise le type 2D2 qu’elle saura faire évoluer techniquement durant les années 30. Des trains de plus de 400 tonnes, et souvent de 500 ou 600 tonnes, sont remorqués à 120 ou même 140 km/h sur des parcours difficiles, ceci avec facilité, souplesse d’exploitation, disponibilité permanente des locomotives, aisance de conduite. Des pointes de vitesse à 150 km/h étaient possibles.


La 2D2: symbole de puissance et de vitesse.
Cette disposition d’essieux type 2D2, c’est-à-dire un bogie porteur avant, quatre essieux moteurs, un bogie porteur arrière, est inspirée de la locomotive à vapeur: les ingénieurs préfèrent rester fidèles au bogie porteur qui guide la locomotive et l’inscrit en courbe, même si, contrairement aux locomotives à vapeur, il n’y a pas de mouvements parasites de lacet et de roulis engendré par des pistons et des bielles. Le bogie porteur ne sera abandonné qu’après-guerre avec les nouvelles locomotives de vitesse type CC puis BB.
La famille des 2D2 du PO est nombreuse, car l’évolution des types de machines n’a pas cessé de se produire au fur et à mesure des perfectionnements techniques: systèmes de transmission par engrenages, par arbre creux, par biellettes, augmentation de la puissance des 4 moteurs de traction, réglages complexes de la suspension et du rappel des bogies porteurs qui posait des problèmes de tenue de voie en courbe sur certaines séries, entre autres.
Mais les 49 locomotives 2D2 du PO et les 23 locomotives 2D2 du réseau de l’Etat forment un parc homogène et très remarqué apporté à la SNCF lors de sa création en 1938.





Caractéristiques techniques (2D2 5501-5502).
Longueur totale: 17,78 m.
Masse: 121 t.
Année de construction: 1926
Année d’amortissement: 1969
Vitesse maximale: 130 km/h
Puissance: 3600 ch.
La 2D2 9100 : la « batteuse » comme (belle) fin de race.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale la SNCF a besoin de locomotives neuves pour la ligne Paris-Lyon qui est enfin électrifiée. La seule manière de pouvoir disposer immédiatement de locomotives de vitesse fiables est donc de faire l’économie du temps des études et de partir d’un type déjà existant pour le perfectionner. C’est ainsi que la 2D2 9100 naît en 1948 des anciennes 2D2 dont la conception remonte aux années 1920. Ces 2D2 parviendront-elles à faire oublier l’ancienneté de leur conception ?
Commencés dès 1946, les travaux de l’électrification Paris-Lyon, attendus depuis les années 1930, sont enfin décidés dans le grand élan de reconstruction nationale qui suit la Seconde Guerre mondiale. Ils sont menés par tranches, de façon à ce que la traction électrique soit effective sur des tronçons de lignes aux dates suivantes: Laroche – Dijon en Janvier 1950, Paris -Laroche en Août 1950, Dijon – Chalon-sur-Saône en Janvier 1952, et enfin Chalon-sur-Saône – Lyon en Juin 1952. La ligne proprement dite est donc entièrement en traction électrique en Juin 1952, et des travaux complémentaires, notamment au sud de Lyon, comme des triages ou des raccordements se poursuivent jusqu’en 1953 ou 1954. Marseille sera atteinte deux années plus tard, mais, pour le moment, l’essentiel est la desserte de l’agglomération lyonnaise et de son important bassin industriel.
Ce qui est intéressant est que l’électrification ne commence pas par une extrémité de la ligne pour finir par l’autre. On note l’achèvement prioritaire de la partie Laroche-Dijon qui pose le plus de problèmes en traction vapeur avec la longue rampe de 31 km à 8 pour mille du Seuil de Bourgogne, culminant à 405 mètres d’altitude entre Les Laumes et Blaisy-Bas. Car c’est bien là que la traction électrique peut se montrer efficace, et les nouvelles locomotives s’y trouvent engagées immédiatement et vont donner le meilleur d’elles-mêmes.
De nouvelles locomotives pour la ligne Paris-Lyon.
Sur la ligne Paris-Lyon nouvellement électrifiée, il y a d’une part des BB et des 2D2 dont la conception remonte à l’époque des électrifications du Midi et du PO des années 1920, et, d’autre part, des CC qui sont des machines de conception réellement nouvelle.
Si la place des BB peut se justifier dans la mesure où cette disposition d’essieux et ce type de locomotive ne variera guère pour ce qui est du trafic marchandises et des trains lents, on peut s’étonner de la présence, en matière de machines de vitesse, de types 2D2 et CC coexistant sur la même ligne, construites en même temps, mais représentant pour les 2D2 un âge nettement dépassé à l’époque.
L’explication de ce choix surprenant se trouve dans l’urgence des besoins en matière de locomotives, d’une part, et, d’autre part, dans le long déroulement allant du projet de locomotive nouvelle à l’appel d’offres, puis à la préparation du marché, aux études, à l’approbation par la SNCF, à la construction, et enfin aux essais et à la mise au point, soit au minimum plusieurs années. La seule manière de pouvoir disposer de locomotives de vitesse fiables était donc de faire l’économie du temps des études et de partir d’un type déjà existant pour le perfectionner. C’était la seule manière logique de répondre à un manque de temps pour la Direction Matériel et Traction de la SNCF de l’époque.

La DETE se remet à plancher.
La Direction des Etudes de Traction Electrique (DETE) de la SNCF remet sur les planches à dessin la locomotive type 2D2 500 du PO qui excelle en tête de trains lourds et rapides sur le réseau Sud-Ouest. Mais les trains de la ligne de Paris à Lyon sont d’un tout autre poids avec des charges prévues de 700 à 850 tonnes contre 500 à 600 avant-guerre. Et remorquer de telles charges sur la rampe de Blaisy-Bas demande un effort de traction supérieur à ce que fournissent normalement les 2D2 500 sur le Sud-0uest. Il faut, selon le terme de l’ingénieur Fernand Nouvion à l’époque, « mettre des chevaux dans la locomotive », et, dans la tradition la plus pure du pragmatisme des ingénieurs ferroviaires, on alourdit la machine avec des lests pour en augmenter le poids adhérent (donc les performances de traction), et on surdimensionne les moteurs et les résistances de démarrage. Il naît de cela la 2D2 9100 qui pèse 150 tonnes et qui dispose de 3.690 kW, contre 144 tonnes et 2.350 kW pour les 2D2 d’avant-guerre. Le poids adhérent est de 92 tonnes, ce qui est peu, relativement, par rapport au poids total de la locomotive, mais reste techniquement lié à la conception 2D2 dont la moitié des essieux sont moteurs. Ce dernier point, d’ailleurs, est ce qui a justifié l’étude des locomotives type CC à adhérence totale puisque tous les essieux sont enfin moteurs avec ce type de machine.

Les «batteuses » au travail.
La série des 35 locomotives type 2D2-9100 est construite en 1950 et 1951. Leur caisse au « design » très années 1950, avec ses bandeaux en aluminium et ses hublots latéraux, laisse voir une conception ancienne à transmissions Buchli latérales, tandis que les servo-moteurs électro-pneumatiques à arbres à cames rappellent au conducteur qu’il est bien aux commandes d’une machine datant des années 1920… Ces locomotives, excellentes au demeurant, font un long service et leur haut niveau sonore ou leurs vibrations leur vaudront le surnom de « batteuses ».
En service elles se comporteront aussi honorablement que les locomotives les plus récentes qui viendront les côtoyer et bien que disposant, théoriquement, de 30% de puissance continue de plus que les 2D2 qui les précèdent pour 10% seulement de poids en plus aux moteurs. Les 9100 assurent en moyenne un service de 200.000 km par an avec un pourcentage d’incidents aussi faible que celui des CC 6500 construites 20 ans plus tard. Toutefois de coûteuses révisions générales sont nécessaires du fait de la présence de paliers, au lieu de roulements, ou de points faibles au niveau de rhéostats de démarrage fortement sollicités.
Sous la lourde caténaire du type 1500 v continu ces locomotives forment, en fin de compte, un ensemble technique homogène et s’intègrent bien dans un système relativement dépassé, mais dont elles font bien partie, précédant de quelques mois à peine d’autres locomotives et d’autres systèmes mais que les besoins du pays ne pouvaient souffrir d’attendre.

Le point de vue du comptable : chère, la 2D2 ?
La comparaison avec le prix d’une locomotive à vapeur montre que la traction électrique coûte cher, et la 2D2 ne déroge pas à la règle. En 1946 la SNCF passe un marché pour des machines très modernes type 151.TQ et 050.TQ coûtant respectivement 10 088 000 F et 8 152 000 F : les locomotives électriques type 2D2 9100 neuves coûtent, à la même époque, 18 500 000 fr. Et pourtant les 2D2 n’ont pratiquement pas engagé de coûts en matière d’étude et de mise au point, puisque ce sont des anciennes locomotives rénovées, mais on voit que la locomotive électrique coûte environ deux fois le prix d’une locomotive à vapeur à poids égal. Toutefois avec la simplification de plus en plus marquée du schéma des locomotives électriques, la locomotive diesel de puissance comparable deviendra plus lourde et plus chère que 1a locomotive électrique et passera à la première place sur le podium de la cherté, notamment avec son évolution vers des moteurs complexes à hautes performances, sans compter l’indispensable présence de la génératrice.
Caractéristiques techniques.
Type: 2D2
Courant traction: 1 500 v continu
Nombre de moteurs: 4
Puissance: 3 690 kW
Transmission: Buchli
Masse: 144 t
Longueur: 18,08 m
Vitesse: 140 km/h
En guise de conclusion, une remarque faite par un mécanicien retraité suisse, Gion Caprez, mecanicien retraite de Coire, Suisse (pays de Buchli) et qui connaît parfaitement le sujet et que nous remercions pour l’attention fidèle qu’il apporte à la lecture du site “Trainconsultant”.
Concernant Jakob Buchli et les locomotives Ae4/7, j’ai quelques remarques à apporter : Buchli s’écrit sans “umlaut” et se prononce „Bouchli”, ce dont je peux témoigner, car comme Buchli, j’ai grandi à Coire, où son nom de famille est toujours connu.
Les fameuses Ae4/7 ont eu, pour la majeure partie, sur le cote avec un seul essieu porteur, le bogie „Java“ avec inscription radiale du quatrième essieu moteur, une autre invention de Buchli créée après son retour du BBC aux usines SLM en 1924.
La transmission Buchli, comme celle avec bielles est, a mon avis, le résultat de l’espoir démesuré en la traction a courant monophasé qui a saisi certains ingénieurs et usines en Suisse et surtout l’Allemagne. Le moteurs monophasés de l’époque étaient lourds et délicats compares aux moteurs à courant continu. Par cette raison ils sont poses dans la caisse de la locomotive, ou ils étaient accessible aux mécaniciens, chose pas du tout nécessaire pour les moteurs a courant continu.
Il faudra une décennie de développement pour des moteurs monophasés appropries au montage en bogies comme dans les Ae4/4 du BLS.
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