Les essais de Savoie : la SNCF veut le “courant de tout le monde”.

Il n’y a pas que les “Essais de Montesquieu” et les “essais” des nombreux “essayistes” qui fleurissent, par parterres entiers, sur les médias actuels pour “philosopher” (sans être pour autant ni des professeurs de philosophie ni des philosophes comme un Descartes ou un Kant), il n’y a pas seulement les essais du rugby faits triomphalement par des rugbymen aux cuisses aussi resplendissantes et actives que leur compte en banque. Non : il y a eu, surtout, les “essais” de la SNCF qui, eux, ont tant apporté à nous tous et que nous avons oubliés, tout en prenant des trains rapides et confortables.

Ce que la SNCF appelle des “essais”, le grand public et les médias les appellent souvent des “records”, comme les 331 km/h en 1955, ou les 574,8 km/h en 2007. La SNCF est prudente : elle sait qu’un essai peut très bien ne pas donner un record. Il y a même des essais qui n’en donneront pas du tout, comme les essais de Savoie dans les années 1950, et qui, pourtant, déboucheront sur des succès.

Les années 1950 ne sont pas faciles pour le chemin de fer, car, dès la déclaration de guerre en 1939, la SNCF va connaître une période de mise à disposition de l’armée entre 1939 et 1945. La SNCF subira donc d’absence de tout pouvoir de décision, de toute organisation de l’exploitation de son réseau, et elle ne peut commencer qu’avec une décennie de retard l’évolution technique qu’elle avait prévu lors de sa création en 1938.

L’électrification du réseau SNCF en question et les essais qui en résultent.

Mais la Seconde Guerre mondiale aura provoqué bien des changements qui n’étaient pas prévus lors de la création de la SNCF pendant les fertiles années 1936 et 1937, en particulier le grand bouleversement qui se produit après-guerre sous la forme d’une électrification avec du courant monophasé de fréquence industrielle présent dans la caténaire, et qui « pousse le réseau général de l’EDF jusqu’à la locomotive au lieu de l’arrêter à la sous-station », selon les termes mêmes de l’ingénieur Fernand Nouvion dont nous consulterons souvent les écrits dans cet article de “Trainconsultant”.

Bien que non nécessairement corollaires sur le plan technique, ces deux événements marquent la fin d’une époque remontant jusqu’à 1920 (dite “ère Parodi” par certains ingénieurs) qui utilisait, d’une manière non nécessairement corollaire aussi, deux autres techniques associées, le courant continu et la locomotive de vitesse type 2D2. Mais cette nouvelle forme d’électrification ne marque pas, pour autant, la fin des électrifications en 1500v. continu en France.

L’électrification du réseau ferré français à la naissance de la SNCF, fin 1937.Le 1500 v domine et le Midi est, manifestement, le pionnier de la traction électrique, suivi par le PO. La Savoie est un timide banc d’essais du PLM.
Le système d’électrification du réseau ferré européen en 1938, fruit des grandes électrifications des années 1920.

Les nouvelles électrifications en monophasé ne seront pas une substitution, mais un ajout.

La nécessité de construire des locomotives aptes à circuler sous l’un ou l’autre système, avec les mêmes performances, amènera des progrès profonds et des changements notables en matière de traction électrique en France.

Une grande idée apparaît durant les premières années : insérer la traction électrique dans le développement du pays. C’est une idée technocratique (au meilleur sens du terme et avant qu’il n’ait pris une connotation péjorative), une idée en termes d’aménagement du territoire : équiper la France et l’industrialiser d’une manière coordonnée, cohérente, et avec une intégration de ses grands ensembles techniques ou économiques dont, bien sûr, le chemin de fer.

Or l’électrification du réseau ferré se fit, à partir des années 1920, sans une réelle intégration des lignes de transport d’énergie électrique et du système de distribution dans le système national. Les compagnies de chemin de fer, notamment le Midi et le PO en vinrent rapidement  à constituer elles-mêmes, d’une manière autonome, leur propre système de production et de distribution électriques dans la mesure où, à l’époque, le grand réseau national interconnecté type EDF n’existait pas encore, ou, du moins, sous une forme suffisante.

Le chemin de fer, en s’électrifiant, est bien obligé, lors des années 1920, de se constituer aussi en producteur de courant et en distributeur à son propre compte. Les nombreuses centrales électriques des Pyrénées, toujours portant l’inscription « Chemins de fer du Midi » en sont la preuve, avec les dates des dernières années 1920 encore gravées sur les façades. La loi de la nationalisation de l’électricité ayant laissé à la SNCF la propriété et l’exploitation de ses installations, celles-ci, en 1950, sont au nombre de 18 pour les usines hydroélectriques (14 dans les Pyrénées,  deux dans les Alpes et deux dans le Massif-central) représentant une puissance installée de 400 000 kW et une production de 1300 millions de kWh en moyenne, soit 10% de la production hydraulique française à l’époque et 5% de la production totale d’électricité. Les besoins, à l’époque, sont de l’ordre de 1100 millions de kWh pour la SNCF sous une puissance maximum de 180 000 kW, donc, environ 200 millions de kWh. Lors des années de sécheresse la SNCF est obligée d’acheter du courant à l’EDF, mais lors des années de forte pluviométrie, elle peut, au contraire, vendre des excédents à l’EDF.

L’electrification du réseau ferré européen en 1962, d’après la Revue Générale des Chemins de Fer (RGCF). Aucune normalisation n’existe, malheureusement, en Europe.

Non seulement il faut produire : il faut aussi distribuer.

La SNCF, en 1950, possède un réseau de lignes à haute tension comprenant deux catégories de lignes : très haute tension (200 000 ou 150 000 v) et haute tension (90 000 ou 60 000 v équipées de postes de transformation élévateurs ou abaisseurs de tension. Le total de ces lignes est de 5104 kilomètres en 1950 (dont 423 km à 220 000 v et 966 km à 150 000 v) et la puissance installée dans les postes de transformation est de 800 000 kVA.

Le réseau de transport d’électricité haute tension du PO à la fin des années 1920. Revue le “PO-MIdi illustré”, lointain précurseur, avec le “Bulletin PLM” de “La Vie du Rail”.
LE PO, transporteur de courant à grande distance : ses pylônes apparaissent dans les campagnes du sud-ouest de la France avant ceux du grand réseau interconnecté de l ‘EDF. Doc. Le PO Illustré.
Electrification PO sur la grande ligne de Paris à Vierzon, vue en banlieue parisienne, années 1930.

L’électrification de Paris-Lyon, menée en 1500 V continu, et donc selon les normes classiques, demande évidemment, une augmentation de ce réseau, avec 12 000 km de lignes à 60 000 v. destinées à l’alimentation des sous-stations de la ligne.

Le chemin de fer, entre les deux guerres, est dans une certaine mesure un innovateur en matière de production et de distribution du courant électrique, et il est un précurseur en ce domaine en France. Vers la fin des années 1930, et surtout durant les années 1950, l’industrie et la consommation domestique se développent à un tel point en France que l’EDF parachève son grand réseau interconnecté et installe de nouvelles centrales. Le chemin de fer peut songer à devenir un consommateur comme les autres grandes industries nationales.

Mais il est à noter que la SNCF, en 1950 du moins, n’est pas prête à se défaire de son rôle de producteur et de distributeur de courant électrique : « A l’heure actuelle, où l’industrie électrique est devenue majeure, le chemin de fer tend à devenir un simple consommateur : mais l’interdépendance de la production et de la consommation n’est pas devenue moins importante, et le chemin de fer ne peut techniquement se désintéresser des problèmes que l’utilisation de l’électricité sur les locomotives pose pour la production et le transport. En outre, sa qualité de Service Public lui interdit d’abandonner entièrement à des tiers, dont les besoins et les objectifs sont différents des siens, sa sécurité et la technique de son alimentation. » écrit Nouvion Fernand dans une plaquette intitulée : « Evolution de la traction électrique »,publiée par l’Association  des Elèves Ingénieurs de l’ESME. Paris, 1960.

La confiance en l’EDF ne règne guère…

Et pourtant les choses vont changer sous l’impulsion de Louis Armand, qui, nommé Directeur Général de la SNCF depuis 1949, se fait le champion de deux grandes idées : l’électrification en courant monophasé de fréquence industrielle, et l’utilisation du réseau général EDF comme utilisation qui en découle naturellement.

Les essais de traction en courant de type industriel sont pourtant anciens.

Dès le début du siècle des essais sont faits, surtout en Suisse avec ligne de Seebach en 1904, ou en Allemagne avec les essais A.E.G. entre Niederschönweide et Köpenick en 1904, ou encore aux USA avec les essais General Electric et Westinghouse et la grande électrification en monophasé du New-York – New-Haven & Hartford en 1907. L’idée est donc ancienne et les réseaux français du Midi en 1907 sur 113 km de lignes, ou le PLM à titre d’essai en 1910 entre Cannes et Grasse, s’intéressent à la question du monophasé. Si la Suisse ou l’Allemagne continuent leurs essais et électrifient définitivement leurs réseaux en monophasé, ils le font, imités par d’autres pays nord européens d’ailleurs, en utilisant un courant à fréquence spéciale de 16 2/3 Hz qui a l’avantage de résoudre certains problèmes de commutation au niveau des moteurs, mais qui a l’inconvénient de demander un réseau de transport et de distribution spécifiques. La France, elle, choisit, avec le décret du 29 août 1920, le courant continu 1500 volts et électrifie ses lignes du Midi, du PO et de l’Etat de la manière que nous connaissons déjà.

Les essais en monophasé industriel 12000 v 25 “périodes” du PLM en 1911 avec cette lourde 2BB2 à redresseurs système Auvert sur la ligne de Cannes à Grasse. Document RGCF.
Electrification lourde en courant monophasé industriel sur le fameux réseau du Ne-York-New Haven & Hartford RR, en 1907. Chaque portique est… un monument historique !
Electrification américaine sur le Chicago Milwaukee & St-Paul RR en 1907. Le courant industriel n’est pas utilisé ici : la robuste et lourde 2BB2 est alimentée en 3000 v continu, tension que l’on pense adopter en France pour l’électrification PLM dans les années 1920.

On pourrait penser aussi que Louis Armand est à l’origine de l’idée du retour du courant monophasé pour les grandes électrifications d’après-guerre, et, donc, de cette apparente volte-face française. Mais les faits sont tout autres : dès 1938, lorsque le premier Directeur Général de la SNCF Le Besnerais s’installe à la tête du réseau national, une des questions prioritaires, pour lui, est d’électrifier immédiatement Paris-Lyon, au moins sur le tronçon Laroche-Lyon. On songe, dans son entourage, à une électrification en courant continu 3000 volts, et même à du courant alternatif 15.000 ou 20.000 volts. La Seconde Guerre mondiale oblige une SNCF inexistante de fait (devenue un simple service de l’armée) a différer le projet, mais dès 1944, la SNCF redevient indépendante du pouvoir militaire et reprend le projet, et, en fin de compte, le continu 1500 volts est choisi pour éviter la construction d’un matériel moteur qui aurait été spécifique pour la ligne Paris-Lyon, d’une part, et qui, d’autre part, aurait posé de délicats problèmes techniques aux points de rencontre avec le réseau déjà électrifié en 1500 volts, comme Paris-Orléans et au-delà, Culoz – Modane et Sète – Nîmes. D’autre part la technique des moteurs de traction n’avait pas permis, du moins jusqu’en 1944, l’utilisation du courant monophasé de fréquence industrielle d’une manière satisfaisante. C’est pourquoi une électrification classique en 1500 volts continu fut décidée pour Paris-Lyon.

Et c’est à ce stade du problème que l’action de Louis Armand est décisive, car il remet sur le devant de la scène  l’idée de l’utilisation du monophasé de fréquence industrielle contre l’ensemble des avis des experts de l’époque, et il fait tout pour que cette idée passe, jouant, bien sûr, et au mieux, de sa position très écoutée. Il faut souligner, à ce sujet, le rôle essentiel de Marcel Garreau qui assure la concrétisation du projet, le soutient, et le mène à son achèvement.

Louis Armand (à gauche) et Marcel Garreau (à droite) lors d’une conférence dans l’amphithéâtre C aux Arts & Métiers, années 1950.

La ligne allemande du Hollenthal (1945-1948)

Nommé, en 1944, chef du service Matériel et Traction de la région Ouest de la SNCF, Louis Armand écrit en mai de la même année, un rapport sur l’électrification des voies ferrées dans lequel il préconise l’emploi du courant monophasé de fréquence industrielle. Nommé au grade de Directeur, puis nommé Président du Comité de la Recherche Appliquée du CEA en 1945, puis Directeur Général Adjoint de la SNCF en 1946, il saisit l’opportunité, dès 1945 en fait, d’obtenir du gouvernement français d’inclure une ligne de chemin de fer située en Forêt Noire dans le secteur français d’occupation. C’est la ligne du Hollenthal que Louis Armand connaît bien pour avoir suivi, avec un grand intérêt à l’époque, les essais allemands avec du courant monophasé 50 Hz.

Depuis les années 1930 de très nombreux essais sont entrepris dans des pays d’Europe centrale (Allemagne, Autriche, Hongrie) où la superposition d’un triphasé général et d’un réseau monophasé appartenant aux chemins de fer commence à créer des possibilités d’interconnexion, malgré les nombreuses entreprises productrices de courant 50 Hz indépendantes ou consommatrices de 50 Hz. Le réseau monophasé ferroviaire, à 16 2/3 Hz, produit et consomme environ 3% de l’énergie du réseau général. Même si le facteur d’utilisation est bon, le rendement financier, dans le cas d’installations de lignes nouvelles nécessités par les nouvelles électrifications de lignes, est mauvais. Ces réseaux ferroviaires européens, qui avaient établi leur réseau électrique monophasé à l’époque où le réseau général triphasé n’existait pratiquement encore pas, songent alors à utiliser ce dernier enfin devenu intéressant, à l’instar des chemins de fer américains. Mais il faut installer, dans des sous-stations, des groupes convertisseurs tournants qui permettent le passage d’une fréquence à l’autre, et leur encombrement comme leur coût deviennent prohibitifs dès que l’on les dimensionne pour les besoins du chemin de fer.

Les chemins de fer allemands essaient alors deux solutions : d’une part des convertisseurs statiques 50 Hz -16 2/3 Hz en sous-stations, et d’autre part l’alimentation directe de la caténaire en 50 Hz par ponction d’une phase sur le réseau triphasé général. La première solution échoue, bien que techniquement intéressante, et scientifiquement exacte, pour des questions de réglages trop délicats et mal maîtrisés à l’époque : pour plus d’informations, consultez l’excellent et très documenté ouvrage de Machefert-Tassin-Yves, Nouvion Fernand et Woimant Jean « Histoire de la traction électrique » La Vie du Rail. Paris, plus spécialement le Tome II paru en 1986.

L’autre solution est essayée en 1934 sur la ligne du Hollenthal (Fribourg-Neustadt et Seebrug), ligne longue de 56 km et aux rampes très sévères de 20 à 58 pour mille. Quatre locomotives – prototypes, sont commandées. Deux ont des redresseurs (machines AEG et BBC), une est à moteur mono-triphasé (Krupp) et la dernière est à moteur direct (Siemens), cette dernière proposée assez curieusement de la part d’une firme ayant une avance considérable en matière de redresseurs. Les quatre machines, de type BB, sont livrées en 1936 et les essais entrepris. Si les résultats obtenus a la date de 1940 sont jugés encourageants, d’autres experts de la Reichsbahn jugeront, en 1944, « ne pouvoir prononcer sur les locomotives de jugement satisfaisant » selon les termes mêmes utilisés par Fernand Nouvion, (séance de travail en novembre 1992 avec le futur auteur de ce site-web alors “thésard”), ceci sans doute sous les pressions du régime d’alors qui espérait entreprendre une nouvelle électrification de l’ensemble des réseaux européens des pays occupés (France, Pays-Bas, Belgique) en monophasé 16 2/3. Les choses en resteront là du côté allemand où l’on s’en tient à la version officielle de l’échec du monophasé 50 Hz.

La ligne du Hollenthal, de Freiburg à Donaueschingen, en Allemagne. Dans le cartouche, un aperçu du tracé difficile de cette ligne de montagne.

Mais Louis Armand n’est pas dupe, et sait que les estimations de 1940 sont exactes. Une incroyable mission occulte se rend, en 1943, en Allemagne, grâce à la complicité d’ingénieurs de la firme française Schneider-Westinghouse française, que sont Paul De Giacomoni et Charles Rossignol, et constate que les essais sont prometteurs. Puis Louis Armand fait établir officiellement une mission en 1945 sur la ligne du Hollenthal dont la sous-station, les caténaires et trois locomotives sont remises en service. La dernière, celle d’AEG, est remise en service en 1947, et une cinquième, semblable, est construite par cette firme en 1948 sur la demande de la SNCF, tandis qu’une automotrice est transformée elle aussi pour des essais. Les essais sont concluants et Louis Armand décide de transférer le champ d’essais en Savoie. La ligne du Hollental, quant à elle, est reconvertie au 16 2/3 Hz en 1968 par les chemins de fer allemands qui intègrent donc la ligne dans leur propre système classique.

Les mouvements d’idées des années 1948 à 1950.

Grâce à André Blanc, directeur à la SNCF, les carnets personnels de l’ingénieur Marcel Garreau, une fois encore, nous sont précieux et nous donnent, mois par mois, la chronologie des événements dans la mesure où il est directement impliqué dans l’affaire du monophasé de fréquence industrielle à partir de février 1948. Les 3 et 4 de ce mois, Marcel Garreau est à Darmstadt, en Allemagne, où il rencontre le Pr. Punga et le Dr. Schonn qui lui présentent un matériel adapté au 50 Hz. Le Dr Schonn estime que la basse fréquence 16 2/3 Hz donne un matériel bien trop lourd, tandis que les plus hautes fréquences comme le 100 Hz amènent des pertes trop grandes et posent trop de problèmes de refroidissement du rotor des moteurs. Le Pr Punga fait, quant à lui, un plaidoyer en faveur de la marche à vitesse constante et de la récupération qui est très facile et rentable même sur de petits parcours. Il reste toutefois le problème des diamètres inégaux des roues motrices que, toutefois, le Pr.Punga résoudrait par l’interposition de résistances liquides. Enfin le Pr. Punga déclare avoir étudié un moteur synchrone à courant monophasé et pris le brevet N° 740027.

Marcel Garreau ne donne aucune indication sur les suites données à ce voyage d’études. Par contre il fait état de la levée de boucliers suscitée par l’annonce des projets en monophasé de la  SNCF dès la fin du mois de février 1948 : le « métro » (ligne de Sceaux, sans doute) s’inquiète des projets d’électrification de la banlieue Nord en monophasé a cause de la « rupture d’unité technique » des grandes transversales prévues sous Paris (le futur RER en somme). Déjà le « métro » pense à l’électrification de la ligne de Vincennes avec du matériel type SNCF banlieue Sud-Est en termes dits d’« unité technique » (nous dirions aujourd’hui : homogénéité du parc de matériel roulant ou, peut-être “interopérabilité”), et si la SNCF rompt cette unité, le « métro » reprend sa liberté. Marcel Garreau songe alors à un matériel circulant avec un 3ème rail 750 v en banlieue Nord sauvant alors « l’unité technique » des tensions 1500 et 750 v.

Le 18 mars 1948 le Directeur Général Adjoint de Brown-Boveri, Valdvogel, pense que « le monophasé 50 périodes ne se révélera pas un système de traction viable à la fois techniquement et économiquement », et la BBC ne désire pas participer aux recherches : Marcel Garreau est à Baden, en Suisse, au siège de la société et enregistre soigneusement cette déclaration historique ! Mais le 12 décembre 1949, la firme BBC révise sa position antérieure, les coûts lui paraissant moindres que prévisibles.

Hippolyte Parodi : un doute à l’égard du monophasé ?

Mais pour justifier au mieux le titre de « mouvements d’idées » que nous avons donné a cette période, il faut parler de la révolution intellectuelle à laquelle il faut amener Hippolyte Parodi qui est loin d’être un grand partisan du monophasé à l’époque et sait le démontrer. Le 13 mars 1950 il déclare à Garreau et Parmentier : « Que voulez-vous essayer? Le redresseur? Voyez alors ceux qui savent en faire, vu que les essais du Hollenthal ont montré que le redresseur fonctionnait. La locomotive? Mettre un redresseur est sans intérêt pour alimenter des moteurs existants qui ne sont pas faits pour cela. Faites-le si vous le voulez. Cela ne m’intéresse pas. Qu’est-ce qui m’intéresse ? De faire une locomotive à redresseurs la plus puissante possible. De montrer qu’une BB à redresseurs peut être aussi puissante qu’une CC à moteurs directs. Pour cela il faut que je puisse dire au constructeur : « Liberté complète ». Mettez sur une machine à 4 essieux de votre conception le maximum de puissance que vous pourrez avoir avec tout ce que cela comporte d’études nouvelles : moteur et lissage du courant. Si maintenant vous devez expérimenter des moteurs monophasés construits par des maisons françaises qui n’en ont jamais fait (Alsthom, Jeumont), commandez-leur des groupes redresseurs que vous mettrez à l’essai dans des sous-stations, au besoin sur des tables à secousses, mais ce n’est pas la peine de leur commander des locomotives ! ».

Le 31 mai 1950, toujours selon les carnets de Marcel Garreau, Hippolyte Parodi se prononce finalement en faveur de la locomotive à redresseurs qu’il veut bien qualifier alors de « solution sans aléas » et désire que la SNCF en commande deux. Il ne pense pas que la locomotive à moteurs directs en monophasé ait quelque chance de se substituer aux locomotives à redresseurs. Mais au moins il admet la présence du courant monophasé de fréquence industrielle dans la caténaire.

On prête souvent à Parodi d’avoir été très méfiant vis à vis des électrifications en courant monophasé de fréquence industrielle, et un certain nombre de témoignages vont dans ce sens, tout comme les carnets de Marcel Garreau. Et pourtant Fernand Nouvion écrit plus tard ces lignes : « Le développement de la traction à fréquence industrielle n’a été que le développement de l’idée de Parodi qui, dans les années 1920, poussait à se servir toujours davantage du courant industriel pour la traction. Cette idée de départ était saine. Il n’est donc pas étonnant que, au fur et à mesure que les projets techniquement l’ont permis, des tentatives aient eu lieu dans différents pays. Oui, l’idée était saine parce qu’en utilisant le courant du réseau général on bénéficiait automatiquement de toutes les recherches et développements de ce secteur industriel, dont la traction ne représente en fait qu’une faible partie. » Fernand Nouvion nous a bien confirmé personnellement le sens de ces lignes écrites de sa main, et a ajouté qu’il avait, dans la ligne de pensée de Parodi, essayé, dès les années 1960, un moteur synchrone qu’il dut abandonner, les excitrons à vapeur de mercure n’en permettant pas un fonctionnement correct, comme il l’a d’ailleurs écrit dans la revue “Chemins de fer” (Association Française des Amis des Chemins de fer).

Le souci de Parodi était d’utiliser un moteur à courant alternatif, et non de redresser le courant à bord des locomotives pour alimenter des moteurs à courant continu. Il se méfiait des problèmes posés par le redressement du courant à bord des locomotives, mais n’était nullement, en fin de compte, adversaire du courant monophasé de fréquence industrielle.

Hippolyte Parodi (1874-1968). Une stature et un regard impressionnants.

Les essais de Savoie enfin (1949-1952).

La ligne des essais est celle d’Aix-les-Bains à La Roche-sur-Foron, définitivement retenue, après un choix possible portant sur celle de Nîmes à Langogne. D’après l’Ingénieur Général de la SNCF André Blanc (séance de travail du 25 avril 1992 avec l’auteur de cet article). les raisons du choix d’une petite ligne de Savoie, proposée par Marcel Garreau à Louis Armand, ne sont guère celles que l’on donne habituellement, c’est-à-dire la proximité du village natal d’Armand en hommage aux origines savoyardes du grand homme. Il est certain que Louis Armand doit être loin au-dessus de ces futilités, et la vraie raison, pour André Blanc qui est membre de la famille de Marcel Garreau et a intimement connu cet ingénieur, est d’abord la nécessité de rassurer la SNCF, de présenter les essais en monophasé comme étant celles  d’une traction électrique légère et destinée aux petites lignes de montagne. Et, enfin, les capacités hôtelières d’Annecy seront mieux adaptées pour recevoir les visiteurs que Louis Armand espère nombreux, d’après André Blanc, toujours.

Ce fait montre à quel point le poids des traditions techniques est considérable en matière de chemins de fer. Une fois encore, toute innovation peut présenter le risque d’un bouleversement d’un immense ensemble technique cohérent, et elle ne peut être acceptée que si elle le fait le moins possible ou, mieux, pas du tout.

“Une idiotie pour des raisons que l’on trouve dans n’importe quel manuel d’électricité…”

Ce sont pourtant bien les intentions de Louis Armand : innover. Mais il ne faut pas effrayer ni bousculer. Les idées anciennes de Parodi sont toujours à l’ordre du jour dans la Grande Maison, et le projet d’électrification Paris-Lyon aidant, on ne voit pas comment, en haut lieu, on pourrait électrifier autrement qu’en 1500 v continu. C’est dire à quel point les idées de Louis Armand sont loin d’être partagées et il écrit lui même (dans un ouvrage collectif de l’Association des Amis de Louis Armand : « Louis Armand, 40 ans au service des hommes. »  Lavauzelle, Paris, 1986, page 56) que « les doigts d’une seule main suffisent pour compter ceux qui lui gardent confiance » ou encore, toujours sur la même page 56 « Tous les experts lui prédisent un échec total » et un ingénieur français connu n’hésita pas à écrire : « L’électrification à 50 périodes est une idiotie pour des raisons que l’on trouve dans n’importe quel manuel d’électricité »

Il est dommage que Louis Armand n’ait pas retenu le nom de l’ingénieur français connu…

Mais il est vrai qu’à l’époque la traction avec des moteurs en monophasé n’était vraiment pas au point et pouvait même passer pour une gageure. Bien des ingénieurs de l’époque auraient pu écrire cette phrase, peut-être avec moins de virulence toutefois. Aussi, ce qui n’arrange pas la cause du monophasé de fréquence industrielle, Louis Armand n’est pas du sérail des électriciens de la Grande Maison : il n’est  « que » polytechnicien, sorti premier de l’école des Mines certes, et ouvertement passionné de géologie certes aussi, mais il n’est pas un « Supelec »…. Bref, peu d’éléments sont réunis pour le rendre crédible aux yeux des “électriciens” de la SNCF !

L’audace paie.

Les ingénieurs Marcel Garreau, chef du service de la Traction Electrique de la SNCF, et son adjoint l’ingénieur Fernand Nouvion, forment une équipe idéale : le premier est  l’homme de mesure, d’expérience, et le second l’innovateur, l’audacieux, le communicant, celui qui reçoit la presse, celui qui lancera deux locomotives à 331 km/h en l955. Marcel Garreau, quand il voit des journalistes, dit “C’est pour du cinéma ? Voyez le bureau voisin” – le bureau en question étant celui de Fernand Nouvion….

Ces ingénieurs accomplis mènent les essais sous les formes suivantes : commande de quatre locomotives dont deux à moteur monophasé à collecteur  et une à moteur continu alimenté par redresseur à vapeur de mercure, et une moteur continu alimenté par convertisseur tournant. A cette commande s’ajoutent des essais par modification de motrices anciennes “Standard” ex- banlieue Etat soit par remplacement des moteurs, soit par installation d’un redresseur. En outre sont menés des essais d’une automotrice allemande pourvus de moteurs monophasé expérimentaux.

Les trois locomotives CC 6051, CC 6052, et BBB 6053 sont commandées dès 1948, grâce au dynamisme de Louis Armand, et dans la perspective d’une utilisation sur des lignes à fortes rampes, en tête de trains d’au moins 630 tonnes en rampe de 15 mm par mètre, ou encore 530 tonnes sur 20 mm. Elles sont bicourant, et cette donnée technique est très importante : elle marque toute la philosophie des électrifications en monophasé qui est bien un ajout et non une substitution. Toutefois ces machines sont ce que l’on appellera des petites bicourant dans la mesure où elles ne peuvent circuler sous courant continu qu’à puissance restreinte : nous n’en sommes pas encore au stade des véritables machines bicourant donnant, indifféremment sous l’un ou l’autre système, des performances équivalentes. Notons que, par exemple, la CC-6052 sera équipée d’un hacheur de 4400 kW en 1971 et effectuera une série d’essais accouplée à la BB 9252 avant sa disparition.

Caractéristiques techniques de la CC 6051

Type: CC

Date de mise en service : 1951

Courant traction: 1500 v continu ou 25 000 v monophasé 50 Hz

Moteurs: 6 x 510 kW

Masse: 104 t

Longueur: 17,25 m

Vitesse: 100 km/h

Caractéristiques techniques de la CC-6052 :

Type : CC

Nombre de moteurs : 6

Date de mise en service : 1951

Courant traction: 1500 v continu ou 25 000 v monophasé 50 Hz

Moteurs : 6x type TDM 627

Puissance totale sous 25 kV 50 Hz : 4.050 ch.

Puissance totale sous 1.500 volts continu : 430 ch.

Longueur totale : 18,74m

Vitesse : 100 km/h

Caractéristiques techniques de la BBB-6053, puis 20003 :

Type : BBB

Nombre de moteurs : 6

Date de mise en service : 1955

Courant traction: 1500 v continu ou 25 000 v monophasé 50 Hz

Convertisseur tournant avec moteur asynchrone et 3 génératrices continu

Puissance totale sous 25 kV 50 Hz : 1750 kW

Longueur totale : 18,74m

Vitesse : 100 km/h

La CC 6051, dite “Grand’mère”, étant à l’origine des locomotives bicourant en monophasé et continu. La descendance se fait sous la forme d’une petite série de locomotives, les CC 25001 à 25009, construite en 1955 par la CGC et Oerlikon, Capables de rouler à 100 km/h, elles restent limitées à la ligne Aix-les-Bains-St-Gervais et Annemasse, où, sous 1.500 volts continu, elles manœuvrent aux extrémités de la ligne sous puissance réduite.
La CC 6052 lors des essais de Savoie.
Diagramme de la CC 6051.
Diagramme de la CC 6052.
La BBB-6053 alors devenue BBB-20003 et curieusement peinte, sans doute en vert pâle. Cliché Wikipedia.

La quatrième machine, la BB 8051, est construite par Alstom (alors Alsthom) à ses propres frais et responsabilités (système dit “de la brouette” chez les ingénieurs SNCF, selon André Cossié qui ne pouvait expliquer pourquoi), et  l’entreprise, qui n’hésite pas à « se mouiller » dans l’aventure, tire cette machine d’une classique BB 8100 en l’équipant d’un transformateur d’une puissance de 2 200 kVA complété par deux redresseurs à vapeur de mercure, le tout  par remplissage « aux limites du possible », selon les termes d’Yves Machefert-Tassin, d’une caisse prévue pour le 1500 v continu hollandais. N’étant pas bicourant, donnant des performances moindres que les autres machines d’essai l’entourant, cette locomotive, qui semble jouer un rôle de second plan, est en fait celle qui, au prix d’une mise en point laborieuse de la véritable sous-station roulante qu’elle est, permet d’expérimenter les solutions les plus viables à l’avenir. Car c’est bien la locomotive à redresseurs qui triomphera et non celles à groupe tournant auxquelles, pourtant, la SNCF croit beaucoup plus lors de l’électrification en monophasé Valenciennes-Thionville.

La BB-8051 vue lors des essais de Savoie. Elle est la pionnière des locomotives à redresseurs. Cliché Alstom.

Ces essais vont montrer l’intérêt offert par la locomotive à redresseurs et la possibilité d’utilisation de moteurs proches des moteurs classiques a courant continu qui restent les meilleurs possibles en utilisation ferroviaire. Mais ces essais montrent aussi que les caractéristiques de traction, plus verticaux sur les courbes, permettent, en cas de patinage, une diminution immédiate et fine de l’effort de traction suivie d’un raccrochage plus immédiat de l’adhérence : les performances de ces locomotives, de ce fait, se trouvent pratiquement doublées en matière de charge remorquée . 

D’ailleurs “French Railway Techniques“, une revue française destinée à promouvoir les techniques SNCF à l’étranger, ne manquera pas de souligner, en 1958, l’exploit d’une simple BB-12000 à redresseurs à ignitrons, une petite locomotive de 85 tonnes seulement, capable de démarrer un train pesant 2 424 tonnes en rampe de 10 pour mille.

Mais il est important de préciser que seule l’électronique permettra la mise au point de locomotives monophasé à redresseurs qui soient totalement satisfaisantes. Et, au début des années 1950, l’électronique en question n’existait guère que sous des formes expérimentales ou confidentielles dans certains laboratoires américains. La firme américaine Westinghouse, en effet, reprend en 1949 une expérience déjà tentée en 1914, et met au point l’ignitron qui impressionnera les membres d’une mission OCDE.  L’ingénieur Yves Machefert-Tassin se souvient d’en avoir acheté un aux USA et de l’avoir ramené en France chez Schneider-Westinghouse, comme bagage en soute !

Yves Machefert-Tassin, Ingénieur en chef Schneider-Westinghouse (1951-1963), puis directeur de la Recherche Développements Traction, groupe Schneider MTE (1963-1980) et conseiller ferroviaire d’Eurotunnel (à partir de 1981). et très à l’aise dans une “jungle” qu’il connaît bien. Il est co-auteur, avec Nouvion et Woimant, d’une incontournable « Histoire de la traction électrique » (La Vie du Rail. Paris) parue en deux gros tomes en 1980 et 1986.

L’ignitron sera alors essayé en France sur une des automotrices de banlieue “Standard” ex- Etat de la ligne de Savoie avec un « bricolage » de fortune peu avant le congrès de présentation de 1951, et grâce à la firme Schneider-Westinghouse qui peut en exploiter le brevet.  Louis Armand avait fait un véritable pari, mais il avait gagné de justesse, sauvé par l’électronique in extremis. Ce n’était vraiment pas une manière de faire conforme à la tradition de la Grande Maison….

Les électrifications en monophasé démarrent enfin.

Louis Armand doit encore présenter le projet d’une grande électrification en monophasé à la SNCF. C’est ce qu’il fait lors du Conseil d’Administration SNCF du 11 juillet 1951. Mais trois projets sont en concurrence : l’ « étoile » d’Ambérieu en 1500 v continu, la ligne Lyon-Marseille en 1500 v continu, et la ligne Valenciennes-Thionville en monophasé.

Lyon-Marseille est rapidement ajourné et les Marseillais ne perdront pas leur bonne habitude d’attendre le chemin de fer, qu’il s’agisse de la construction de la ligne au XIXe siècle ou du TGV le siècle suivant… Pour Louis Armand cette électrification coûte trop cher (faut-il bien montrer que le monophasé l’est infiniment moins ?), car la ligne est à équiper en bloc automatique en plus de l’électrification, et les PTT ne participeront pas aux travaux de mise sous terre comme dans le cas de Paris-Lyon. Il est quand même curieux d’abandonner ainsi la plus grande artère ferroviaire française.

L’étoile d’Ambérieu est à électrifier d’urgence, vu un trafic lourd sur des lignes accidentées très consommatrices de charbon. Et il est absurde de laisser un hiatus électrique entre la ligne de la Maurienne, déjà électrifiée depuis longtemps par le PLM d’une part, et, d’autre part, l’étoile de Lyon et la ligne Paris-Lyon électrifiées.

L’électrification du réseau SNCF après les années 1960: nous sommes en 1973 et les lignes en continu sont représentées en vert et celles en monophasé sont représentées en rouge. Paris ne connaîtra le monophasé que par l’Est et le Nord. Notons l’isolement, à l’époque, car entourés de 1500 v continu, de l’étoile d’Ambérieu, de la ligne Le-Mans-Rennes, et aussi de la ligne de la Côte d’Azur par rapport au reste du réseau national.

“Trouver de quoi mettre sous la caténaire…”

Mais la ligne Valenciennes-Thionville est la grande affaire pour Louis Armand : c’est elle qui démontrera, plus que des essais sur une petite ligne de montagne en Savoie, la réalité du monophasé, ses performances, sa validité, son avenir. Louis Armand joue tous ses atouts dans cette électrification. C’est son affaire personnelle. Il obtient l’accord du Conseil d’Administration. Il ne lui reste plus qu’à se tourner vers les fidèles ingénieurs Garreau et Nouvion pour leur demander de lui trouver “quoi mettre sous la nouvelle caténaire” (sic). Effectivement les locomotives restent à créer. Mais ce pari là sera aussi tenu et gagné.

En conclusion, disons qu’un certain nombre de réseaux européens amorceront directement une électrification en monophasé durant les années qui suivent les essais de Savoie, comme celui du Royaume-Uni avec Crewe–Liverpool-Manchester, de l’URSS avec le Transsibérien , le réseau des mines de lignite de Rhénanie en RFA, certains réseaux d’Amérique du Sud ou du Japon. D’autres réseaux entreprennent à leur tour des essais sans doute parce que ne pouvant, pour des raisons politiques ou économiques, traiter directement avec la France, ou parce qu’ils veulent alors roder leurs propres constructeurs nationaux comme c’est le cas en Hongrie.

Dès 1954 s’est constitué un Groupement d’Etude et d’Electrification de Chemins de fer en Courant Monophasé 50 Hz, comprenant des constructeurs de matériel français, allemands, suisses, et belges. Crée sous l’impulsion de Louis Armand, qui veut tendre la main au lieu de laisser s’instaurer une concurrence sauvage et stérile, ce groupement, qui prend rapidement le nom de Groupement 50 Hz, participe à de très nombreuses électrifications à l’étranger. La réponse est la réaction de groupes concurrents comme Traction Union, regroupant des constructeurs suédois, autrichiens, yougoslaves, et suisses, ou  un groupe d’exportateurs japonais. Le Groupement 50 Hz réalisera cependant les électrifications portugaises, turques, chinoises, et, peu à peu, la traction électrique en courant monophasé de fréquence industrielle sera reconnue, notamment grâce au TGV qui en est le plus grand et le plus remarqué des utilisateurs.


Note : L’auteur de cet article tient à remercier François Lacôte, alors Directeur du Matériel de la SNCF, pour son aide considérable apportée en organisant un stage de type attaché groupe 1 pour sa thèse de doctorat en histoire des techniques (Paris IV Sorbonne). L’auteur a pu rencontrer, entre 1990 et 1992, l’ensemble des ingénieurs SNCF les plus marquants et avoir avec eux des entretiens importants. Cette thèse a été publiée, sous une forme raccourcie, sous le titre “Cinquante ans de traction à la SNCF – Enjeux politiques, économiques et réponses techniques“, CNRS éditions, Paris 1997, 320 pages.

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