Des “trains américains” il y en a eu, et beaucoup de par le monde, et tous sont oubliés aujourd’hui pour cause d’absence … d’avenir. Le magnifique autorail X-4200 en fit partie, à ceci près que cette petite série a quand même circulé sur un certain nombre de lignes SNCF dites “touristiques”, mais son handicap était de ne pas aimer les lignes de montagne à profil difficile. Gênant pour faire du tourisme….

C’était l’autorail le plus surprenant jamais construit en France, et, certainement, le plus attachant. Une volonté de « faire voir du pays » plutôt que de simplement transporter, une volonté de promouvoir le très important aspect touristique et culturel du voyage en chemin de fer, voilà ce qui marque ce type d’engin malheureusement reproduit à seulement 10 exemplaires et peu utilisé, car trop en avance sur son temps.
Innover avant tout.
Les choses commencent à mal aller pour le chemin de fer de la fin des années 1950 : l’homme dit « moderne » est désormais un automobiliste inconditionnel, et les technocrates bétonnent à tout va et remplissent les campagnes d’autoroutes et les villes de voies express et de parkings. Le chemin de fer est considéré comme dépassé, notamment par ceux que l’on appelle les « décideurs », et son seul avenir est de se consacrer à des transports lents, lourds, et industriels, ou de disparaître. Mais à la SNCF il y a des équipes d’ingénieurs qui croient fermement en l’avenir du chemin de fer et songent déjà à une époque de trains à grande vitesse, d’une part, et, d’autre part, à des trains axés sur les loisirs et le tourisme.
En particulier les lignes de montagne, les plus touchées par cette concurrence automobile parce que desservant des régions peu peuplées et donc très incitées à la motorisation individuelle, apparaissent comme un boulet pour les financiers de la SNCF, mais aussi comme étant un véritable capital touristique qu’il serait intéressant de valoriser et d’exploiter. L’idée est, sans nul doute, beaucoup plus de notre époque actuelle où le tourisme, les loisirs, une lassitude de l’automobile et de la vie urbaine, une volonté de redécouverte de la nature viennent redonner aux lignes touristiques des régions sauvages tout leur attrait. Mais, à l’époque, elle a plusieurs décennies d’avance, et, pour le moment, ces lignes sont irrémédiablement condamnées au nom d’une comptabilité qui ne veut voir que les bilans et les colonnes négatives.

Deux idées nouvelles.
Les ingénieurs de la Direction des Etudes d’Autorails (DEA) de la SNCF proposent un autorail nouveau dont la construction est confiée à la régie Renault. Cet engin répond à deux idées.
D’une part une capacité très importante offerte dans une seule caisse. Cette solution consiste à reprendre la classique disposition sur deux niveaux que le réseau de l’Etat avait déjà expérimentée pour ses voitures de banlieue et que la SNCF utilise toujours actuellement. On retrouve le même principe de deux niveaux placés en centre de la voiture, entre les bogies, tandis que les extrémités de la voiture comportent un aménagement classique sur le plancher, au-dessus des bogies. Toutefois, contrairement au cas des voitures de banlieue, le niveau inférieur est, ici, réservé aux moteurs.
D’autre part une grande visibilité offerte aux voyageurs: reprenant quelque peu la technique des voitures de voyageurs des trains américains de l’époque, les « dome cars », les ingénieurs de la DEA placent une immense coupole vitrée sur le niveau supérieur de l’autorail, exécutée en plastique stratifié, dotée de vitres chauffantes pour l’hiver et antisolaires pour l’été.

Un dirigeant SNCF séduit par l’Amérique.
Construits par Renault dans son usine de Choisy-le-Roi, ces beaux autorails sont mis en service entre avril et septembre 1959 et amortis entre décembre 1980 et juin 1985. Techniquement et historiquement on pourrait dire que c’est une voiture américaine « Vistadome » posée sur un châssis d’autorail français, ceci selon la volonté d’un directeur du Matériel SNCF de l’époque qui a été séduit par ces voitures lors d’un voyage aux USA. Cela donne un appareil réversible jumelable et à caisse unique, avec deux postes de conduite, roulant sur deux bogies dont un est moteur et l’autre porteur.




Notons que le « design » extérieur et les aménagements intérieurs sont dus à Paul Arzens, bien connu pour ses locomotives électriques et diesel, qui a revêtus les X-4200 d’une livrée rouge et crème avec toit et bas de caisse gris anthracite. Cette livrée restera immuable pendant toute la carrière des X-2400, sauf la livrée verte du X 4208 de l’AGRIVAP voulue par cette association.
Au sein de cette petite série de dix autorails, les X 4203, 4206 et 4208 seront préservés par l’association « AGRIVAP-Les trains de la découverte » qui ne fera circuler que le 4208. Le X 4204, est préservé par le constructeur Renault qui en demande et obtient le classement au titre des Monuments Historiques en 1998, et cet autorail classé MH rejoindra l’association AGRIVAP, transporté par camion.



Problèmes de dôme.
Ce dôme central ne comporte que des sièges de première classe surélevée, offrant une vision panoramique présentée comme étant à 360°, ceci par tous les temps grâce à un système antibuée comportant des résistances électriques noyées dans les vitres. Le dôme est en polyester stratifié et pèse 1780 kg, dont 1000 kg pour les baies vitrées qui sont anti-radiations infra-rouges. Le plancher isolant du dôme a une épaisseur de 13 cm avec une protection thermique et acoustique. Notons que par fortes chaleurs, la température dans le dôme sera assez élevée… problème qui concernera non seulement les voyageurs du dôme, mais aussi le moteur diesel de la génératrice et les moteurs électriques de traction, comme on le lira ci-dessous.
Problèmes de moteurs.
Le moteur est un gros diesel MGO type V12SH construit par la Société alsacienne de constructions mécaniques (SACM) avec une « turbosoufflante » Napier type HP 100. Le moteur est semblable à celui des fameux X 2800 (livrés à partir de mai 1957) mais avec une puissance réduite à 480 kW, soit 800 ch. (au lieu de 825 ch. pour les X 2800). Mais des gros problèmes de refroidissement ne manqueront pas de se poser pour ce moteur enfermé dans un compartiment moteur trop petit, ce qui conduit les ingénieurs à une prudente limite de la puissance à 605 ch. en service commercial. Mais les moteurs de traction électriques du bogie moteur sont, eux aussi, insuffisamment ventilés, et il faudra les faire profiter d’un système de ventilation forcée.
Un confort à l’américaine, avec certains sièges toujours dans le sens de la marche.
L’autorail présente offre 88 places assises, dont 44 en première classe et 44 (y compris huit strapontins) en seconde classe, ce qui est remarquable pour une seule caisse. Les fauteuils de première classe, sous le dôme supérieur, sont orientables de façon à pouvoir être tournés dans le sens de la marche, comme cela se fait aux USA. Les sièges de seconde classe sont eux aussi des fauteuils individuels, mais ils sont fixes et les voyageurs regardent en permanence vers l’avant ou vers l’arrière, ce qui n’est pas très attrayant quand on est dans le compartiment situé à l’arrière selon le sens de marche. Mais les deux places situées tout à fait à l’avant, à côté du conducteur, sont très recherchées par les « ferrovipathes » et les romantiques de tout poil.
Les parcours effectués par les X-2400.
Les X-4200 roulent à partir de 1959 sur les lignes du réseau Sud-Est de la SNCF notamment sur le « Cévenol » de la ligne des Cévennes et « l’Alpazur sur la ligne des Alpes, et souvent associés à un autre X-2400 ou un X-2800 encadrant deux, voire trois remorques. Ces jumelages et remorquages entraînent une limitation de vitesse à 120 km/h alors qu’un X-4200 seul peut rouler à 130 km/h. Notons qu’en 1978, « le Cévenol » perd ses X-4200 au profit des X-2800 modernisés. Puis un train classique avec une rame Corail tractée par des BB 67400 prend le relais.
Lors de leurs service dans les Alpes, ils sont souvent associés à un pittoresque Decauville X 52000 ou X-52100 ou X-2400 encadrant deux, voire trois remorques. Mais les X-4200 assurent aussi quelques relations Aix-les-Bains – Chambéry – Grenoble – Valence (et retour) ou de Grenoble à Genève (et retour) avec une ou deux remorques.
Les X-4200 circulent également, entre autres, sur le littoral languedocien (Marseille – Cerbère), sur la Côte d’Azur (Toulon et Nice), et sur la ligne de la Côte bleue. En fin de carrière, ils effectuent quelques rotations sur Alès et Bessèges et Alès – Génolhac. Les quatre derniers engins de ce type sont retirés de la circulation en 1985.





Caractéristiques techniques.
Type: B2
Date de construction : 1959
Moteur principal: Diesel 12 cylindres en V
Transmission: électrique
Moteurs de traction: 2
Puissance: 390 kW
Masse: 55,45 t
Longueur: 27,77 m
Vitesse: 130 km/h

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