En février 2022, la guerre est revenue sur le sol européen, et, comme par le passé, elle se révèle aussi absurde que destructrice. Dans les guerres qui ont saccagé l’Europe et détruit des millions de vies, le chemin de fer a joué, malgré lui et malgré la volonté de ses créateurs, sa partition au sein de cet orchestre de l’horreur et de l’inconscience dont des dirigeants sans cœur et sans cerveau battent la mesure d’une main martiale tenant une baguette dictatoriale. De Napoléon 1er à Hitler, puis à Staline, puis à Poutine, c’est le même refrain et l’Europe, terre de civilisation, est détruite.
C’est assez exceptionnel que les chemins de fer soient partie prenante dans les guerres, car, dans l’esprit des visionnaires philanthropes qui les ont créés, ils devaient servir l’industrie et le commerce en transportant hommes, idées et marchandises. Mais, dès les premières décennies de leur existence, les chemins de fer se sont montrés si efficaces en matière de transport de masse des hommes, qu’ils ont joué un immense et décisif rôle stratégique, par exemple lors de la guerre de Sécession américaine ou de la guerre Franco-Prussienne de 1870. Le Nord gagne contre le Sud en Amérique comme la Prusse contre la France en Europe exactement pour la même raison : avoir compris et prévu le grand rôle stratégique que le chemin de fer peut jouer. Avec les guerres mondiales du XXe siècle, le chemin de fer ne pourra que « rempiler » ! La carrière militaire du chemin de fer ne date pas d’hier et le train se rendra indispensable dans toutes les guerres, entraînant la défaite pour ceux qui, en retard d’un métro c’est le cas de le dire, n’avaient pas encore compris le rôle essentiel du chemin de fer dans la stratégie.



Quand le train se transforme en navire de guerre.
Outre le transport de troupes en direction du front, ou aussi des populations déplacées, ou encore celui des blessés évacués vers l’ « arrière », le train se remarque en déplaçant l’artillerie et même en lui offrant, vu le poids des canons, un système de transport et de positionnement. C’est cette fonction de déplacement de l’artillerie qui fera naître l’idée d’un train blindé : le train blindé devenant, en quelque sorte, l’équivalent terrestre du navire de guerre avec sa puissance de tir et sa mobilité. Initialement, un train “blindé” est un train ordinaire dont les wagons ont reçu une protection et dont les parois et toitures sont renforcés avec des plaques de tôle ou même du ciment. Un tel train n’est pas pour autant “armé”, mais les premiers trains blindés seront, peu à peu, armés et l’idée même de “train blindé” correspondra à un train non seulement blindé, mais aussi armé. C’est alors que ce genre de train fait son entrée dans le monde stratégique. Il sert surtout à faire peur aux populations civiles.
Mais pour ceux qui n’en ont pas peur, comme les résistants, le train blindé est une proie toute indiquée pour ce qui est des actes de sabotage. Il faut dire qu’un train blindé ne peut manœuvrer que s’il a, sous lui, la longueur de ligne nécessaire et intacte permettant des manœuvres, et il est donc facilement immobilisable par la simple destruction ponctuelle de la voie en un lieu donné qui sera toujours choisi par l’ennemi, donc toujours favorable pour cette action… Et le train est immobilisé là où, vraiment, il ne le faudrait pas. La capacité de réparation rapide de la voie avec des hommes et des équipements rapidement débarqués et mis au travail est donc prépondérante avant que les tirs d’attaque ne commencent.
Mais aussi, la mobilité du train est essentielle sur le plan stratégique et il ne peut opérer, une fois qu’il s’est déplacé, que s’il s’arrête et constitue, par des éléments débarqués et installés autour de lui, des moyens d’attaque et de défense. Il doit donc être très rapide, il doit pouvoir fonctionner immédiatement dans les deux sens, et sa mobilité lui vaut, justement, d’être à l’abri des tirs d’artillerie qui ne peuvent être réglés avec la précision voulue. Seulement une plus grande vitesse demande des trains moins lourds, à capacité de traction égale, donc des blindages moins épais, et c’est là un cercle vicieux, surtout à une époque où la mauvaise qualité du charbon et l’entretien rendu difficile pour les locomotives en réduisent les performances. Mais la grandeur, provisoire, du Deuxième Reich aura été maintenue jusqu’à son terme avec l’aide de ses nombreux trains blindés.
Au début de la Première Guerre mondiale, l’état major français pense que le canon de 75 mm, facilement mis en place par la cavalerie, aisément déplaçable, pourrait accomplir sinon toutes les missions, du moins beaucoup d’entre elles. Plus de 4000 pièces de ce type sont en usage. Mais le général Joffre connaît les limites de ce canon léger et demande, dès octobre 1914, que l’on assemble des canons de marine sur des châssis de locomotives : les pièces en question, des canons de 194, 240 et 274 mm, ne sont livrés qu’en 1915, mais ils trouvent rapidement leur usage. En effet, l’immobilisation du front et la guerre des tranchées ont complètement changé la nature de la guerre, et il faut, désormais, de grosses pièces d’artillerie capables de tirer très loin au-delà du front.
Il faut aussi protéger les servants de ces canons, et en plaçant des plaques blindées sur les wagons d’accompagnement, tombereaux ou couverts, on réinvente le wagon blindé, et de ce fait le “train blindé” tel qu’il est connu. Si l’on dresse la liste des pays ayant utilisé des wagons blindés ou des trains blindés, comme celle placée en tête du remarquable ouvrage spécialisé écrit par Paul Malmassari (voir en fin d’article) on arrive à une cinquantaine de pays qui, dans le monde, en ont fait usage au cours de leur histoire, comme l’Afrique du Sud, l’Allemagne, les Etats baltes, la Russie ou les Etats-Unis en premier lieu, mais aussi Cuba, beaucoup de pays d’Afrique noire, ou d’Amérique du sud, mais même la Suède, la Thaïlande, le Guatemala, ou l’Egypte… et la France.
Succès relatif en France métropolitaine, mais au Tonkin c’est tout autre chose.
Patriotisme oblige, commençons par la France, qui, pour sa part, ne fera pas des trains blindés un outil stratégique majeur. Un colonel De Montgery aurait proposé, dès 1826 alors que la France commence à peine de se doter de chemins de fer, un système de “batteries sur voie ferrée”, mais, comme tous les prophètes, il ne fut pas écouté dans son propre pays. De même Napoléon III se voit proposer un certain nombre de “machines de guerre roulant sur voies ferrées”, notamment par un capitaine De Reyffe, mais aucune suite ne fut donnée à ces projets. La France ne s’intéressera que très modérément aux trains blindés, et sous la forme de trois périodes techniques : avant la fin du XIXe siècle avec de nombreuses propositions mais toujours refusées, au XXe siècle et jusque vers les années 1940 sous la forme de réalisations improvisées et surtout sous la forme de draisines blindées, et des années 1940 aux années 1960 avec quelques trains blindés conçus comme tels.
Pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup de trains blindés improvisés sont engagés sur le front de Russie, tandis qu’en France la Wehrmacht équipe plusieurs trains pour en faire sinon d’authentiques trains blindés du moins des trains capables de résister aux attaques, comme celui qui est attaqué par la Résistance du 15 au 20 juin 1944 entre Ambérieu et Culoz dans une étroite vallée qui forme un véritable piège, où ce train sera détruit, ou encore comme celui qui est attaqué entre Périgueux et Mussidan, et qui sera sauvé in extremis par la division « Das Reich » avant d’être finalement détruit. Un autre train du même genre est capturé en septembre 1944 près de Montceau-les-Mines et détruit. Quelques trains blindés allemands, assez faciles à capturer comme ils le sont tous, seront utilisés, mais sans plus pendant les deux guerres mondiales.
Toutefois une exception confirme cette règle du peu d’engouement français pour le train blindé quand, en 1948, on en construit deux au Tonkin. Le Deuxième Régiment Etranger crée durant la guerre d’Indochine un, puis deux trains blindés afin de protéger les convois des attaques du Vietminh, de protéger la ligne du Trans indochinois et de soutenir l’armée le long de son parcours. Il est à noter que, d’après ce que l’on peut en lire, ces trains résisteront ainsi à toutes les embuscades, à tous les sabotages et deviennent un symbole qui roule tout le temps que dure l’Indochine française.
Le train blindé dit de Nha-Trang (La Rafale) est armé par la Compagnie Régimentaire du Deuxième étranger à partir de 1948. Il est composé de wagons blindés, protégés par des plaques de métal soudées entre elles. Les parois des wagons sont renforcées avec des briques et du ciment et équipées de meurtrières permettant à l’équipage de repousser les attaques ennemies. Les toits sont surmontés de tourelles mobiles armées de mitrailleuses lourdes provenant d’automitrailleuses britanniques, et aussi de mortiers de 60 et 81 mm.
De la tête jusqu’à la queue, ce train est composé deux wagons pilotes poussés par la locomotive et placés en tête du convoi pour faire exploser les éventuelles mines, puis la locomotive, un wagon de commandement, huit wagons de combat, une wagon infirmerie et deux wagons ordinaires transportant des rails et du matériel et placés en tête et en fin de convoi, pour les réparations rapides en cas de besoin. Une deuxième locomotive est en réserve, ou, parfois, assure une double traction. L’autonomie du train (réserves de charbon, eau, nourriture, munitions, etc.) est de 72 heures. L’équipage est constitué d’une centaine d’hommes. En juillet 1954, quand la guerre d’Indochine est finie, l’armée de la république du Viêt Nam reprend ce train mais n’en fera aucun usage.
Le train blindé fait son entrée dans le monde.
Faisons un rapide tour, par l’image commentée, de l’arrivée de quelques trains blindés dans le monde.






Hors de France, certaines guerres importantes ont permis aux trains blindés de prendre des dimensions considérables par leur poids et leur longueur, jouant le rôle de véritables navires de guerre sur le sol. Dans le cas de guerres d’insurrection, là où les insurgés n’avaient pas d’aviation, la création de trains blindés improvisés a permis de changer la donne, comme en Indochine, en Rhodésie, au Mexique, en Malaisie, en Mauritanie ou même en Algérie, et d’autres pays à vie politique et sociale mouvementée.
Il n’y a pas eu de construction intégrale systématique de trains blindés avec du matériel moteur ou remorqué spécialement dessiné et conçu : sauf pour quelques cas de matériel sur châssis spécial, les trains blindés ont toujours eu pour base le matériel classique existant que l’on transformait et adaptait pour l’usage militaire. Toutefois, la grande époque des trains blindés lourds et spectaculaires se situerait vers la fin de la Première Guerre mondiale. Par la suite, l’aviation, surtout pendant la Seconde Guerre mondiale, a pris un rôle stratégique de tout premier plan, éclipsant quelque peu, sans y mettre fin d’ailleurs, l’utilité et le rôle des trains blindés. Avec l’Allemagne et surtout la Russie, nous avons quelques très beaux exemples de l’utilisation massive de trains blindés lourds et à la puissance de tir impressionnante.
Le « Panzerzug » allemand, roi de la bataille.
Le train blindé allemand a joué un rôle encore réduit pendant la Première Guerre mondiale, et ces trains ont surtout consisté, à l’époque, en des rames de wagons tombereaux aux parois blindées assurant des missions de reconnaissance ou de garde en Belgique, Alsace, Roumanie ou en Pologne, et aussi en Ukraine. Les wagons ne reçoivent aucune protection sur le dessus, et les canons peuvent ainsi être orientés et tirer rapidement et sans gêne dans toutes les directions, mais exposent les hommes aux bombardements aériens. Les locomotives reçoivent de grandes plaques de blindage latérales et d’extrémité, mais qui ne recouvrent pas les cylindres, les bielles et les roues – entretien oblige. Le vrai train blindé allemand, immortalisé par le cinéma, est bien plutôt celui de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la période de réarmement allemand de la fin des années 1920 et des années 1930, des trains blindés sont préparés, officiellement destinés à la répression des grèves de cheminots allemands !… On imagine mal des trains-blindés antigrève mis en service par la SNCF, mais passons…S’ils semblent avoir été peu utilisés contre les cheminots grévistes allemands, ils le seront pendant les premières opérations de la Seconde Guerre mondiale. Ces trains serviront pour faire des invasions-surprises sous la forme de véritables coups montés et très audacieux, certains parvenant à toute vitesse dans des gares polonaises ou même par ferry-boats, et les Allemands construisent un train blindé sur place à Narvik. Des trains blindés précèdent aussi de nombreux trains de transport de troupes, et jouent un rôle important en Hollande.
Les trains blindés allemands des années 1940 comportent, par exemple, une locomotive type 050 à tender séparé série G-10 ou BR57 ou BR93 blindée, un ou deux tenders, deux wagons d’assaut pour l’infanterie, un wagon de commandement, un wagon sanitaire, un wagon de commandement et cuisine, deux wagons transportant de l’artillerie, deux wagons porte-chars et deux wagons de sécurité placés devant la locomotive et poussés par elle et devant sauter sur des mines éventuelles.
La traction diesel est rare en ce qui concerne les trains blindés, et ce sont donc surtout des locomotives à vapeur que l’on blinde et que l’on met en tête de ces trains. Notons que des autorails blindés, ou surtout des draisines blindées ont été utilisés, parfois obtenus à partir de véhicules routiers. Certains trains blindés ont eu des engins de reconnaissance à chenilles ou sur roues, pouvant descendre d’un wagon en utilisant une rampe amovible, puis quitter le train pour aller patrouiller ou mener une action à une certaine distance du train. De même, on a adapté des véhicules purement routiers, comme des automitrailleuses, à la circulation sur rails, en les dotant de galets de guidage amovibles. Il est d’usage que chaque train blindé soit accompagné par une ou deux draisines, mais on a vu aussi circuler des trains de draisines blindées utilisables aussi individuellement, tant pour des missions de reconnaissance que pour des missions de liaison. L’aboutissement de cette évolution est la mise à l’étude, par la firme Saurer, du char blindé apte à circuler sur une voie ferrée ou sur le terrain normal.



La centaine de trains blindés allemands et leurs missions.
D’abord intégrés au commandement du Génie ferroviaire, les trains blindés allemands, à partir de 1941, sont intégrés au commandement des « Schnellen Truppen » (troupes rapides), avec un Etat-major dédié. Les sept premiers trains blindés de la Seconde Guerre mondiale entrent en service dès 1939 et on sait que le Panzerzug N°1 intervient en Hollande et en Russie, où le N°2 intervient aussi. Le N°3 est engagé en Pologne, puis sur le Rhin, puis en Hollande et dans les Flandres et il est détruit, alors qu’il est en révision, en Pologne. Le N°4 fait pratiquement toute sa carrière en Russie où il disparaît, tout comme le N°6 et le N°7. Le N°10 est composé de deux trains et il transporte huit officiers, cinquante sous-officiers, et cent cinquante huit hommes. Adapté pour la voie large russe, composé de matériel roulant polonais, il intervient en Ukraine, autour de Kiev, jusque vers 1944. Le deuxième demi-train est séparé du premier et devient le N°11 et effectue des missions à Lvov.
A partir de 1940, d’autres trains blindés sont mis en service dans la tranche des numéros 20 et 30. Par exemple, la carrière du N°24 le conduira en Serbie jusqu’en 1943, puis, réparé en Allemagne, il est présent en France depuis mai 1944 jusqu’au débarquement allié en Provence, puis il part sur le front de l’Est pendant l’hiver qui suit. De même la France reçoit la visite du N°25, après une mission en Italie, dans la région de Nice, et ensuite entre Nîmes et Montpellier. Le débarquement allié en Provence le chassera sur le redoutable front de l’Est, où il est détruit, en 1945, en Pologne. D’autres trains de cette série sont construits pour l’écartement russe, participent à de nombreuses opérations en URSS et, en général, y finissent leur carrière, sauf ceux qui, convertis à la voie normale, peuvent revenir en Allemagne ou circuler dans les zones occupées dont les voies ont été, elles aussi, converties de l’écartement russe en écartement normal. Certains participent à la défense de Dantzig (Gdansk) contre les attaques russes, d’autres sont à Brest-Litovsk pour endurer le fameux « chaudron ».
Le N°32 mérite une mention particulière pour sa présence dans le film « La bataille du rail » de René Clément. Il est construit en France, du moins en grande partie, et par les ateliers Somua de Vénissieux et complété par du matériel venant de Breslau (Wroclaw. Il participera à l’opération mouvementée de St-Berain-sur-Dheune en 1944 où il est « piégé », comme cela arrivait souvent pour les trains blindés prisonniers de leur voie, et capturé avec tout son contenu, son précieux ravitaillement et ses munitions, plus une trentaine d’hommes faits prisonniers. Après avoir servi pour le film de René Clément, il est ferraillé, et on peut regretter cette disparition d’un élément du patrimoine militaire. Les trains N°60 sont construits à partir de 1942, les N°70 à partir de 1943 et, pour la plupart d’entre eux, ils sont engagés sur le front de l’Est, notamment en Pologne. Certains, toutefois, seront capturés en Autriche ou en Hongrie, et même jusque dans les Balkans.




En Russie : trains blindés blancs contre trains blindés rouges.
En 1917 la révolution bolchevique trouve un pays possédant une industrialisation embryonnaire et un réseau de chemins de fer tout juste exploitable pour en tirer, stratégiquement, le plus grand profit. Déjà Trotski ne s’y trompe pas. Son triomphal retour d’exil en mai 1917 se fait par la Finlande et son train roule à grande vitesse, à travers les plaines enneigées jusqu’à St-Petersburg, future Leningrad, où il arrive pour organiser la révolution et créer l’Armée rouge qu’il dirigera de son train pendant la guerre civile de 1918 à 1920, transformant un train en véritable QG roulant à partir duquel il commande ses hommes tout en étant extraordinairement mobile et insaisissable.
Le train blindé sera une des grandes créations de la révolution bolchévique et l’URSS ne manquera jamais d’en faire un usage intensif, leur donnant un rôle offensif et mobile. La « philosophie » du train blindé est, en quelque sorte, de créer un véritable navire de combat terrestre, doté du même type d’armement, d’un équipage complet, d’un commandement, et de tout ce qui est matériellement nécessaire à la survie des hommes et à leur combat.
Comme pour les navires de combat, plusieurs types de trains existent, le plus remarquable étant le train blindé lourd d’assaut type A1, un véritable cuirassé terrestre comprenant 160 hommes d’équipage, 265 fantassins, 35 hommes formant un peloton de cavalerie, une locomotive blindée et des wagons blindés avec des canons d’artillerie de 76 mm sous tourelle et des mitrailleuses, 1.200 obus et 42.000 cartouches de mitrailleuse par wagon. Les trains A1 sont suivis d’un train de 23 wagons non blindés assurant le transport des paquetages, de l’alimentation, comportant des cuisines, des dortoirs, et même une prison… Plus légers, les trains A2 comprennent 86 hommes d’équipage, 234 fantassins, et un train d’accompagnement de 12 wagons.
Une section complète comprend, d’avant en arrière : une draisine blindée de reconnaissance roulant à environ 2.000 mètres devant le premier train, un train blindé léger, un train blindé lourd (A1 ou A2), un train de commandement, un train blindé d’arrière-garde.

Rouge ou blanc, le train blindé russe est idéologue par définition.
La révolution d’Octobre fait rapidement du train blindé son arme la plus redoutable, mais comme les russes loyalistes n’ont pas l’intention de se laisser faire, il y a de véritables combats entre « Trains blindés blancs » et « Trains blindés rouges ».
Les « Trains blindés blancs » sont au nombre de sept, au début des hostilités, en attendant que d’autres, pris au combattants rouges, ne viennent les renforcer. Ils appartiennent à l’ancienne armée impériale russe et sont assez simples, se réduisant à une locomotive encadrée par deux wagons blindés armés de canons.
Les « Trains blindés rouges », en revanche, sont l’objet d’un véritable programme de construction de la part des Soviets qui utilisent, pour ce faire, du matériel roulant existant. Dès novembre 1917 le VBK, le bureau des trains blindés, est constitué à St-Pétersbourg, et en décembre le Comité Exécutif du deuxième congrès reçoit, entre autres, la mission de construire des trains blindés. En 1918 pas moins de 23 trains blindés sont en service, et d’autres sont en construction. Il est intéressant de savoir que plus d’une centaine de trains blindés ont ainsi été utilisés pendant cette guerre des Blancs contre les Rouges.
Ces trains blindés jouent un rôle important, une fois les combats internes contre les Blancs terminés en 1920 : ils exportent la Révolution rouge en Pologne, Ukraine, Finlande, et dans les pays Baltes, avec l’espoir de créer dans l’ensemble de l’Europe un mouvement d’insurrection. C’est ainsi qu’un train blindé roule jusqu’à Kiev en 1920, et d’autres se rendent à Varsovie en juillet et août de la même année. Mais l’état du réseau polonais, les problèmes d’écartement différent, et d’autres éléments feront que les Rouges connaîtront une défaite en Pologne, et leurs trains seront capturés et intégrés dans l’armée polonaise. En Finlande, c’est aussi une défaite pour les Soviétiques, malgré l’intervention des Rouges finlandais à bord de leurs propres trains blindés et l’aide apportée par les Rouges roulant sur l’un de leurs propres trains blindés sur la ligne de St-Pétersbourg à Vilpuri qui est alors coupée par les Blancs, de part et d’autre du train qui est immobilisé. Les Soviétiques, alors, se consacreront à la construction du socialisme à l’intérieur des frontières de leur pays, en attendant d’autres circonstances qui permettront de relancer cette « exportation ». Ce sera la fin de l’aventure des trains blindés et le début de leur long oubli.

Pour conclure : un ouvrage à lire.
Paul Malmassari a publié, au début des années 1990, aux éditions Heimdal, un très important ouvrage de référence comportant 528 pages sur les trains blindés des origines à nos jours. Tous ont été mis en service par plus de soixante Etats, et notamment la Russie, où ils ont joué un rôle important, entre autres dans la guerre civile de 1917-1922. Mais ce livre n’est pas à mettre entre toutes les mains au risque de donner de mauvaises idées aux belligérants actuels de la guerre en Ukraine …
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.