Contrairement à ce que beaucoup de personnes pourraient croire, tellement le nom de cette prestigieuse firme est associé avec le TGV et la grande vitesse, Alstom a un long passé remontant au temps de la vapeur et aux débuts du chemin de fer. Avant l’ère des TGV, la grande firme française a construit plus de 10.000 locomotives à vapeur, diesel, puis électriques, et son savoir-faire actuel est la conséquence d’une très ancienne tradition.
Cette grande entreprise française de construction de matériel ferroviaire et d’équipements de signalisation, sans compter d’autres équipements industriels notamment électriques, est née en 1872 de la fusion de la très ancienne firme André Koechlin (ou Koecklin selon les orthographes) de Mulhouse qui remonte à 1838 et de la société de Graffenstaden. L’électricité, à l’époque, n’est qu’un phénomène de laboratoire. C’est la date qui marque le départ de la prestigieuse Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) qui deviendra Alstom. Alors, ne boudons pas notre plaisir de voir la France ainsi portée mondialement, et depuis longtemps, au sommet de l’industrie et du savoir-faire ferroviaire et tournons, ensemble, quelques belles pages du passé et admirons – si toutefois ce verbe peu se formuler à l’impératif – les locomotives à vapeur construites par une SACM devenue Alstom.






D’Als-thom, d’abord, à Alstom, ensuite.
André Koechlin crée son entreprise de construction de locomotives à Mulhouse en 1835 et il fusionne peu après avec les ateliers de Graffenstaden pour créer la « Société Alsacienne de Constructions Mécaniques » (SACM). La perte de l’Alsace et de la Moselle, en 1871, entraîne la création de la nouvelle usine SACM à Belfort dans les années 1878-1879, la firme tenant à rester française, ce qui, à l’époque pour le moins, était loin d’être considéré comme un défaut politiquement incorrect.
Pendant ce temps, toujours en 1879-1880 le destin de la SACM se joue aussi aux États-Unis, avec Elihu Thomson et Edwin J. Houston qui s’associent pour créer une société d’électricité, la Thomson-Houston Electric Company, spécialisée dans la construction de dynamos et de moteurs électriques. En 1893, la traction électrique ferroviaire commence son règne mondial et « La Compagnie française pour l’exploitation des procédés Thomson-Houston » (CFTH) est créée en s’associant à l’américain « General Electric ». En 1928, « Thomson-Houston » fusionne avec une partie de la SACM pour former une nouvelle entreprise qui prendra le nom d’ « Alsthom », contraction d’Alsace-Thomson.
En 1932, l’atelier de constructions de locomotives Constructions électriques de France (CEF) fusionne avec Alsthom. Notons quand même un détail qui vaut son pesant d’or : la même année, Alsthom construit pour la Compagnie générale transatlantique les moteurs du « Normandie », paquebot transatlantique de la Compagnie générale transatlantique, chef-d’œuvre des Chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire. Ces moteurs sont parmi les plus grands jamais construits dans le monde. En 1937, Als-Thom absorbe le constructeur de trolleybus français Vetra.
En 1958, la direction générale d’Alsthom a son siège avenue Kléber à Paris, avec une nouvelle ère et de nouvelles méthodes de direction comportant des restructurations internes. En 1964, la Compagnie générale d’électricité (CGE) et Alsthom créent trois filiales communes se répartissant des fabrications différentes : « Alsthom-Savoisienne » (transformateurs et machines électriques), « Delle-Alsthom » (appareillages moyenne tension) et « Unelec » (appareillages basse tension). En 1972, Alsthom absorbe la firme de construction de matériel ferroviaire bien connue qu’est Brissonneau et Lotz.
En 1976, c’est la fusion des « Chantiers de l’Atlantique » et d’« Alsthom » donnant naissance au groupe « Alsthom-Atlantique ». À partir de 1977, la « Compagnie Electro Mécanique » (CEM) est absorbée par Alsthom et devient « CEM-Alsthom » en 1983. En 1987, Alsthom fait l’acquisition de la division ferroviaire de Jeumont-Schneider comprenant « Carel Fouché Industries », « MTE » et « Schneider-Jeumont Rail» qui sont de grands noms historiques du domaine ferroviaire.
En 1989, Alsthom fusionne avec la branche « GEC Power Systems » du groupe britannique « General Electric Company » et, sous le nom de « GEC-Alsthom », puis « Alcatel-Alsthom », puis « Alstom », sans « h », laissant de côté ses origines (le « Thom » dans le nom de 1929 est celui de Thomson). « Alcatel-Alsthom », quant à elle, se renomme « Alcatel ». En 1998, Alsthom achète à la famille De Dietrich, encore un grand nom de l’histoire des chemins de fer, plus des deux tiers des actions de « De Dietrich Ferroviaire» située à Reichshoffen en Alsace, ce qui donne naissance à “Alstom DDF”. En 1999, Alstom crée une coentreprise avec ABB, nommée « ABB Alstom Power », dans le domaine des systèmes de production d’énergie, puis en acquiert en 2000 la totalité des parts. Fin juin 1999, elle vend à « General Electric » (États-Unis) (GE) la totalité de son activité turbines à gaz.
En juillet 2000, Alstom rachète la société italienne « Fiat Ferroviaria », concepteur et constructeur du Pendolino, train pendulaire ETR 450, ETR 460, et ETR 600 des chemins de fer italiens, et à l’origine des rames S220 mises au point par l’entreprise Rautaruukki-Transtech et utilisées en Finlande.
Le 4 janvier 2006, après des premières années 2000 très tourmentées, Alstom se sépare de ses chantiers navals, les « Chantiers de l’Atlantique» et « Leroux Naval ». En 2006, l’entreprise redevient bénéficiaire. En 2009, Alstom signe un partenariat stratégique avec « Transmashholding » (TMH) pour permettre le déploiement de la société sur le marché russe. En février 2020, Alstom annonce l’acquisition des activités ferroviaires de Bombardier (« Bombardier Transport »).
S’y reconnaître dans les dates et les évènements récents.
Résumer l’histoire récente d’Alstom est donc très complexe. Retenons simplement les dates-clé de ces dernières cinquante années fournies par la firme elle-même :
1969 : Alsthom devient filiale de la « Compagnie générale d’électricité ».
1976 : Alsthom fusionne avec les « Chantiers de l’Atlantique » devenant ” Alsthom Atlantique “.
1989 : fusion d’« Alsthom » et de « GEC Power Systems » et création de « GEC-Alsthom ».
1998 : « GEC Alsthom », devenue « Alstom », entre en Bourse.
2010 : rachat de l’activité transmission d’« Areva T&D ».
2014 : vente de la filière énergie à « General Electric » et achat de 20 % des parts du capital par l’État français.
2017-2018 : échec du projet de fusion avec la branche transport de Siemens qui devait créer « Siemens-Alstom ».
2021 : rachat de « Bombardier Transport ».
Alstom devant l’histoire des chemins de fer du monde.
Aujourd’hui, Alstom est donc un des grands de la construction ferroviaire mondiale, longtemps en concurrence dans un marché très serré avec les multinationales Bombardier (lui-même repreneur de ASEA Brown Boveri), et avec Siemens en Europe, sans compter d’autres firmes comme Stadler (Suisse), Kawasaki (Japon) ou Lohr (France).
Après avoir construit plus de 10.000 locomotives à vapeur (la dernière est sortie en 1955), Alstom a construit d’innombrables locomotives diesel ou électriques, des rames de métros, des automotrices, ceci pour le monde entier, et pour les clients les plus prestigieux ayant les plus grands réseaux mondiaux, comme la Chine ou la Russie. L’exportation représente jusqu’à 30% des activités de la firme. La construction des rames du TGV conjointement avec « Jeumont-Schneider », firme qu’elle a maintenant absorbée, consacre le haut niveau de savoir-faire de la firme et le train le plus rapide du monde a été mis en service également en Espagne et en Corée du Sud. En France, ses principales usines historiques sont à Belfort, Aytré, Ornans, Tarbes, Villeurbanne, le Creusot et Reichshoffen. Aujourd’hui Alstom se porte bien, et les succès s’accumulent, portés par le fameux record du monde (un de plus !…) du 3 avril 2007, durant laquelle la rame N°4402, construite par Alstom et longuement préparée, a roulé à 574,8 km/h sur la ligne à grande vitesse Est-Européenne.
Dans cette importante et très ancienne production de locomotives à vapeur, choisissons quelques exemples marquants de sa richesse et de sa diversité.
Un premier chef d’œuvre : la première « Pacific » française.
Mises en service en juillet et septembre 1907, les deux locomotives 4501 et 4502 sont parmi les premières « Pacific » européennes, devançant, de très peu certes, celles mises en service sur d’autres réseaux. La « Pacific » est, par excellence, la locomotive classique et performante d’une traction vapeur à son apogée, mais devant défendre ses acquis en face d’une traction électrique jouant désormais dans la cour des grands… Toutefois la SNCF sera très contente de trouver, dans son parc moteur à sa création en 1938, ces belles locomotives dont la série est au grand complet, prête pour de nouveaux exploits.
Les nouvelles « Pacific » 4500 du PO sont dérivées de types 230 de la série 4000 et des 221 de la série 3000 du même réseau, les ingénieurs préférant innover avec prudence et procéder par évolution lente. En effet, la science ferroviaire, depuis les débuts du XIXe siècle, comporte bien des incertitudes et les modèles mathématiques manquent pour établir, par le calcul, ce que l’expérience met longtemps à enseigner. De nombreuses données restent des mystères, comme les rendements thermodynamiques, ou, surtout, le comportement sur la voie et le manque de stabilité. Devant tant d’inconnues, les ingénieurs des chemins de fer, qui ont sur leurs épaules de lourdes responsabilités et pour qui les trains doivent rouler, préfèrent un pragmatisme réfléchi et modeste, un esprit d’observation et de comparaison, et refusent tout esprit de spéculation, même parée des vertus scientifiques, ou d’innovation hasardeuse.
Les « Pacific » 4500 du Chemin de fer de Paris à Orléans, pour leur propre compte, n’échapperont pas à cette loi ancienne et éprouvée et ne sont, elles aussi, que le commencement d’une longue évolution de la locomotive type « Pacific », connaissant elles-mêmes des sous séries (4530 à 4540, 4571 à 4600 avec surchauffe), mais aussi précédant les 3500, les 3600, 3700, puis les type 240 série 4700.
L’importante ligne directe Paris-Toulouse, aujourd’hui délaissée par les TGV qui font le tour par Bordeaux, est une des artères maîtresses du réseau de la compagnie dite de Paris à Orléans (PO). La traversée de l’ouest du Massif Central, bien qu’effleurant ce grand massif montagneux sans y pénétrer en profondeur, donne une section très accidentée sur les 370 km séparant Argenton-sur-Creuse et Montauban.
Au début du XXe siècle, les locomotives type 230 commencent à être débordées par le poids croissant des trains, et les performances s’en ressentent nettement avec des accumulations de retards ou même d’incidents. Selon la dure loi du progrès, il en faut toujours plus… et l’infernale spirale de l’accroissement des performances et de la décroissance du coût condamne les ingénieurs à remettre encore sur la planche à dessin de nouvelles études de locomotives qui aboutiront à la disposition d’essieux 231 dite « Pacific ».


Née sous le signe de la prudence.
Les ingénieurs du Paris-Orléans et de son fidèle constructeur la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques travaillent en commun et pour limiter les risques de l’innovation poussée au-delà des limites du raisonnable, dessinent une locomotive en reprenant directement les caractéristiques techniques des locomotives des séries 3000 et 4000 qui existent déjà sur le réseau et qui, pour le moins, ont démontré la valeur du moteur compound à quatre cylindres.
L’originalité et l’innovation se trouvent au niveau du foyer de ces nouvelles « Pacific », avec la présence d’une boîte à feu Belpaire qui déborde des longerons du châssis. Cette disposition permet de concilier les avantages des foyers profonds qui assurent toujours une meilleure combustion, et ceux du foyer débordant qui permet au chauffeur d’avoir une meilleure maîtrise du feu et un meilleur accès en tous points de celui-ci. Ces locomotives seront, d’ailleurs, perfectionnées ultérieurement, selon le pragmatisme ferroviaire bien connu, et, en particulier, la surchauffe et les réchauffeurs d’eau seront montés.
Les « Pacific » 4500 engagées sur la ligne consommeront moins que les types 230 avec 4 à 5 kg par tonne-kilomètre et une économie de l’ordre de 5 à 10%, mais elles donneront une puissance de plus de 2000 chevaux à 100 km/h contre 1200 chevaux précédemment. Il est possible, désormais, de prévoir des trains de 400 à 500 tonnes comprenant plus de 10 voitures.
La carrière des 4500.
Affectées principalement aux dépôts de Tours, Bordeaux, Vierzon, Limoges, Brive et Capdenac avant la Première Guerre mondiale, ces locomotives commencent par la remorque du rapide de Bordeaux entre Paris et Tours en attendant l’arrivée des “Pacific” 3500, puis affrontent un service très dur sur les lignes de Paris à Toulouse, bien sûr, mais aussi à Bordeaux, ou Le Mans-Tours-Vierzon-St-Germain-des-Fossés, ou encore Brive à Toulouse par Capdenac, Limoges à Agen, etc. Elles remorquent notamment le fameux « Sud Express », et, le 22 juillet 1922 le trajet de 107 km entre le sommet de la rampe de Montmoreau jusqu’à la bifurcation de Monrepos, entre Angoulême et Bordeaux, a été parcouru à une vitesse moyenne de 95,4 km/h. La consommation en tête de trains pesant 450 à 500 tonnes, à une telle vitesse, était inférieure à 4 kg de charbon par centaine de tonnes et par kilomètre. Les puissances développées sont estimées à plus de 2200 ch.
En 1930 dix locomotives sont louées au réseau PLM qui manque de machines pour la liaison Nevers-Clermont-Ferrand. Ces locomotives se montrent capables non seulement d’être rapides, mais aussi de regagner du temps en cas de retard : l’auteur très connu Lucien-Maurice Vilain cite un gain de 9 minutes effectué le 8 août 1908 par la machine 4508, sur le parcours Brive – Limoges en tête d’un train de 386 tonnes, puis de 13 minutes avec la 4596 le 20 mai 1914, le parcours étant fait en 1 heure et 19 minutes.
Entre Argenton et Limoges, il fallait développer plus de 2200 chevaux pour remorquer à plus de 70 km/h des trains dépassant 500 tonnes sur des rampes de 6 pour mille. En 1936 des trains comme le Bordeaux-Strasbourg-Milan comportent 15 voitures et pèsent 625 tonnes : des vitesses de plus de 110 km/h sont maintenues en dépit du profil difficile de la ligne. Les grandes électrifications du réseau PO-Midi mettront fin à ces exploits et chasseront ces locomotives vers des services moins nobles à partir de 1935.

Caractéristiques techniques des “Pacific” PO 4500
Type : 231.
Moteur : 4 cylindres compound.
Cylindres haute pression : 390 × 650 mm.
Cylindres basse pression : 640 × 650 mm.
Diamètre des roues motrices : 1850 mm.
Pression de la chaudière : 16 kg/cm2.
Surface de la grille du foyer : 4,27 m2.
Masse : 91,6 t.
Vitesse : 120 km/h.
Un joyau fort remarqué à l’Exposition Universelle de 1900.
Très belle, très fine, cette locomotive est l’une des fiertés du Musée français du chemin de fer de Mulhouse avec la N° 2670), comme elle fit la fierté de la puissante et performante Compagnie du Nord à l’Exposition universelle de 1900. Taillée comme un lévrier, elle était faite pour courir librement et très rapidement en tête de trains de luxe légers formés de quelques voitures et de deux fourgons : c’est une chose qu’elle sut parfaitement faire jusqu’à ce que l’accroissement du poids des trains l’oblige à céder la place aux « Pacific ».
L’« Atlantic » Nord est née sous un signe ignoré des astrologues : 333. Cette locomotive avait, pour cahier des charges, de couvrir en 3 heures (soit à une moyenne de 100 Km/h) une distance de 300 Km, ceci en tête d’un train pesant 300 tonnes. Cette performance est dictée à la fois par la configuration du réseau du Nord qui place ses grandes villes à moins de 300 Km de Paris (comme c’est le cas de Lille et son agglomération, Valenciennes, Cambrai, Douai, Amiens, etc.) et dont la demande en relations très rapides ne concerne, au début du siècle, qu’un « happy few » d’hommes d’affaires pressés à qui des trains courts et légers formés de quelques voitures-salons suffisent.
Désireuse d’affirmer son image de marque prestigieuse, la Compagnie du Nord frappe un grand coup grâce à l’élégance du dessin de la locomotive et à sa superbe couleur chocolat à filets jaunes que la compagnie réserve à ses machines « compound » de vitesse. Mais les connaisseurs apprécient la présence, sur cette machine, de tous les perfectionnements en vigueur à l’époque: foyer Belpaire, soupapes Adams, injecteurs Friedmann, tubes Serve dans le faisceau tubulaire de la chaudière, séparation des marches haute et basse pression au démarrage, échappement à cône mobile. Elle représente vraiment la « high tech » du moment, même si le terme n’existe pas encore.
Les idées de Du Bousquet et de De Glehn.
Au début du siècle, même s’ils sont parmi les plus rapides du monde, les trains de la compagnie du Nord doivent aller plus vite encore. « Si nous ne marchons pas partout à 120 à l’heure c’est que nous ne le pouvons pas » dit Du Bousquet, peu avant 1900, alors qu’il est ingénieur en chef du réseau du Nord, et il s’attache, avec l’ingénieur De Glehn, à étudier et à éliminer systématiquement tout ce qui empêchait les grandes vitesses : l’étroitesse des passages de vapeur entre la chaudière et les cylindres sur les locomotives « compound » type 220 est particulièrement incriminée.
Il parvient à démontrer qu’à 120 Km/h et au-delà, il se produisait un travail de laminage de la vapeur entre les cylindres haute et basse pression, ce qui produisait une perte de puissance, les cylindres basse pression fournissant un travail moindre que les cylindres haute pression. Il fait redessiner les conduites de vapeur (dits « passages de vapeur »)et améliore sensiblement les performances des 220, mais ce ne fut qu’avec des locomotives type 221 que le gain de puissance peut jouer pleinement parce que l’appareil producteur de vapeur (foyer et chaudière) sont plus longs, donc plus puissants. L’« Atlantic » Nord est construite, selon ses spécifications et celles de l’ingénieur De Glehn, par la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques dont Alstom est la descendante directe.
La naissance d’une légende.
Le prototype de 1900 donne naissance, à partir de 1902, à une série remarquable de 33 locomotives capables de vitesses moyennes de 94 à 100 Km/h, de pointes à plus de 130 ou même 140 Km/h, ceci en exploit quotidien en tête de trains rapides sur les lignes de Paris-Amiens, Paris-Calais, Paris-Lille, Paris-St-Quentin. Les trains les plus célèbres de l’époque sont remorquées par ces 221, comme le « Calais-Méditerranée », le « Nord-Express », l’« Oiseau-Bleu », et, bien sûr, la célèbre « Flèche d’Or ».
Des transformations en cours d’existence font passer la puissance à plus de 1 300 chevaux, ce qui permet la remorque de trains de 400 tonnes sans perte de vitesse : des pointes atteignant 155 Km/h sont atteintes en service courant.
En 1938 l’ensemble de ces machines est toujours en service dans les grands dépôts du Nord, souvent munies de grands tenders à bogies vu l’allongement de leurs parcours. Le succès est tel que l’attention des autres réseaux français est attirée : 54 autres locomotives identiques seront commandés par les réseaux du PO, du Midi ou de l’État. D’autres pays du monde font des essais : les Etats-Unis (fait exceptionnel), le Royaume Uni, et surtout l’Allemagne qui en commande 56 exemplaires.



Les caractéristiques techniques de l'”atlantic” nord.
Type : “Atlantic” Nord.
Disposition d’essieux : 221.
Longueur : 11, 48 m.
Poids : 70 t.
Vitesse : 120 Km/h.
Diamètre des cylindres haute pression : 340 mm.
Diamètre des cylindres basse pression : 560 mm.
Course des pistons : 640 mm.
Surface de la grille du foyer : 2,76 m2.
Diamètre moyen du corps cylindrique : 1456 mm.
Diamètre des roues motrices : 204 mm.
Les 230 Midi et Nord : un bon héritage même pour la SNCF.
Les locomotives Midi de la série 1300 construites en 1893 par la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques, tout comme ces locomotives mixtes du réseau du Nord qui sortent des ateliers en 1897. sont d’excellentes machines, aptes à la remorque de trains de voyageurs express, de messageries ou omnibus, même si les fameuses 230 D (série 3500 à l’époque) leur feront rapidement de l’ombre sur le même réseau. D’après Klaus Mielke, ce type de locomotive est très présent aussi dans l’est de la France avec les A-14 du réseau d’Alsace-Lorraine. et même en Allemagne avec les IVe badoises sur les pentes de la Forêt Noire et construites par une firme qui, à l’époque, s’appelle la « Elsässischen Maschinenbau-Gesellschaft Mülhausen ».
La SNCF trouvera dans son inventaire en 1938 quelque 274 exemplaires de cette modeste locomotive ce qui, quand même, est un bel héritage qui restera surtout très actif sur la région Nord !
La compagnie du Midi est la seule grande compagnie française à ne pas avoir de « tête » à Paris, puisque localisée dans le triangle Bordeaux-Bayonne-Sète, entre Garonne et Pyrénées. Cette vocation régionale n’empêche nullement le Midi d’être un réseau dynamique et ouvert, et, surtout, d’être le pionnier de la traction électrique en France. Pour ce qui est de la traction vapeur, la compagnie commande des locomotives aux grandes firmes, notamment la célèbre « Société Alsacienne de Constructions Mécaniques » (SACM) qui, aujourd’hui sous l’égide d’« Alstom », occupe toujours une place de premier plan dans le domaine de la construction du matériel ferroviaire, mais surtout en traction électrique.
En 1896 le Midi commande deux séries de locomotives compound type 230, à roues motrices de 1610 mm pour la série 1401 et suivantes, et à roues motrices de 1750 mm pour la série 1301 et suivantes. Les locomotives à roues de plus petit diamètre sont destinées à la dure ligne de Neussargues à Béziers, tandis que les « grandes roues » courront sur la ligne à profil facile reliant Toulouse à Bayonne. La compagnie du Nord suit les essais faits par le Midi emprunte une locomotive 1301 pour faire des essais sur son propre réseau entre Paris et Amiens. Avec un train de 142 t, cette locomotive franchit la distance Paris -Amiens à la vitesse moyenne de 88,8 km/h, une vitesse de pointe à 125 km/h ayant été enregistrée. Le Nord est séduit et commande un parc important de locomotives du même type qui formeront la série 3078 à 3353 sur son propre réseau.
Les « 3000 » Nord ? Ce sont des locomotives performantes livrées par plusieurs constructeurs entre 1898 et 1913, et elles sont pratiquement identiques à celles du Midi pour la première tranche, numérotée 3121 à 3700. Puis les tranches suivantes diffèrent des 230 du Midi par quelques détails: forme de la cheminée, présence de sablières, présence de freins sur le bogie avant. La puissance de ces machines, lors de nouveaux essais en 1898, atteint 1.190 ch en tête de trains de voyageurs de 680 t et de trains de marchandises de 1 014 t, d’après l’auteur spécialisé L-M. Vilain dans son ouvrage « Dix décennies de locomotives sur le réseau du Nord » (Editions Picador, 1977). Avec un train de 200 tonnes il est possible de soutenir une vitesse de 82 km/h en rampe de 5 pour mille et de 112 km/h en pente de 5 pour mille.
A titre de comparaison, les types 220 contemporaines du même réseau, elles aussi compound, soutenaient, en tête d’un train d’un poids équivalent, une vitesse de 70 km/h sur les mêmes rampes et 120 km/h sur les mêmes pentes. La 230, qui n’est qu’une locomotive mixte par rapport aux 220 de vitesse, se situe donc très honorablement à l’intérieur du tableau des performances comparées des locomotives, tableau qui était suivi de très près par les ingénieurs et les directeurs des services de l’exploitation, on s’en doute.
Les tranches construites de 1901 à 1903 vont de 3171 à 3225. Ensuite, en 1905 et 1906, arrivent les numéros de 3226 à 3235, suivies, de 1909 à 1811, des 3101 à 3120, des 3236 à 3277, puis des 3278 à 3214, 3321 à 3334, 3078 à 3100. Enfin on trouvera les 3315 à 3320 et les 3335 à 3354 en 1912-1913, juste avant la Première Guerre mondiale. Les dernières tranches reçoivent un échappement à cône mobile.


Le service effectué : loin de l’éclat des grands trains internationaux.
Surnommée « Ten Wheel » (NB à ne pas lire pour les professeurs d’anglais : la prononciation française est proche de « tanvelle » !), la locomotive 230 est, par excellence, la machine mixte destinée à tout faire, au jour le jour. Elles font, en quelque sorte, ce que les machines spécialisées, donc plus nobles, refusent, soit parce que le train demandé ne convient pas à leurs caractéristiques, soit, plus simplement, parce qu’elles ont indisponibles à la suite d’un incident technique. La 230 A du Nord est bien une machine mixte, ce qui lui vaut de tout faire…
On les voit partout, affectées au dépôts de La Chapelle à Paris, bien sûr, mais aussi à La Plaine (St-Denis), Creil, Dunkerque, Béthune, Amiens, Rouen (pour le petit dépôt Nord de cette ville qui, elle, appartient au réseau de l’Ouest puis de l’État), ou encore Compiègne, Tergnier, Calais, Dunkerque, Arras, et divers dépôts de Lille.
C’est ainsi qu’elles remorquent, sur l’ensemble des lignes du réseau, des trains express, des trains de plaisir, des trains de messageries rapides, mais aussi des omnibus ou des trains de marchandises, tant sur des lignes principales que secondaires. Certaines machines remorquèrent même des trains de charbon lourds pesant 950 t, quand il leur faut remplacer, au pied levé, une 150 défaillante. À la création de la SNCF, elles deviennent les 230 A de la région Nord et elles dureront jusqu’au début des années 1950, assurant plutôt des trains omnibus, des « trains ouvriers » dans la région minière ou dans les grands bassins industriels du Nord, remorquant, sous les pluies de l’hiver, des rames de voitures à portières latérales au confort bien rude.


Les caractéristiques techniques des 230 Midi et Nord.
Type : 230.
Date : 1897.
Moteur : 4 cylindres compound.
Cylindres haute pression : 350 × 640 mm.
Cylindres basse pression : 550 × 640 mm.
Diamètre des roues motrices : 1750 mm.
Surface de la grille du foyer: 2, 38 m2.
Pression de la chaudière: 15 kg/cm2.
Contenance du tender en eau : 14,2 ou 15,3 t selon les séries.
Contenance du tender en charbon : 4 ou 3 t selon les séries.
Masse totale tender compris : 96,5 ou 97, 7 t selon les séries.
Longueur totale tender compris : 17,13 m.
Vitesse : 105 km/h.
Un fracassant chef-d’œuvre : la « Superpacific ».
La « Superpacific » Nord : plus Pacific qu’elle, tu meurs…Connue sous le nom de 3-1200 Nord puis de 231 C après la création de la SNCF, la “Superpacific” du réseau du Nord fut, durant les années 1920, une des locomotives les plus extraordinaires de son temps : c’était le perfectionnement ultime de la Pacific 3.1100, née en 1911 et très petite par ses dimensions, mais qui était incroyablement nerveuse au démarrage et puissante à la traction, et elle surpassait, et de très loin, les autres “Pacific”, plus grandes et plus lourdes.
Vers 1910, le réseau du Nord doit bien se rendre à l’évidence : le passage à la locomotive de vitesse à 3 essieux moteurs est nécessaire pour maintenir la politique de trains rapides et prestigieux qui a fait honneur à la compagnie jusque-là. Il est vrai qu’il existe d’excellentes 230, mais la puissance, en face de trains de 400 tonnes qu’il faut remorquer à 90 ou 100 km/h, commence à faire défaut. Il faut songer à une locomotive nouvelle, allongée vers l’arrière pour agrandir le foyer et produire plus de vapeur : le type 230 cèdera donc la place au type 231. Mais quel type 231 adopter ?
Les bureaux d’études du réseau dessinent une Pacific à foyer allongé, profond et étroit, doté d’une grille de 3,22 m2, traitée dans le style Nord caractérisant déjà les 230. Mais pour une raison encore inconnue aujourd’hui, la compagnie du Nord choisit une locomotive déjà prête, étudiée par la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) et déjà livrée au réseau d’Alsace-Lorraine. Le Nord reçoit 20 locomotives de ce type, série 3.1151 à 3.1170 et ces machines donnent de bons résultats malgré leur petitesse relative, ceci sans nul doute à la présence d’une surchauffe plus élevée, de tubes de chaudière plus courts perdant moins de chaleur, et de roues motrices d’un bon diamètre.
Les « Pacific » 3.1200.
En 1913-1914 il faut aller encore plus loin en matière de performances : les trains sont plus confortables, donc beaucoup plus lourds, et, surtout, ils sont plus rapides. Le Nord reprend le projet type 3.1100 datant de 1911 dont il agrandit la surface de grille, le diamètre du corps cylindrique, les dimensions des cylindres. Mais la Première Guerre mondiale remet la sortie effective de la locomotive à un temps meilleur, et ce n’est qu’en 1923 que les 40 locomotives type 3.1200, sites « Superpacific », numéros 3.1201 à 3.1240, sortent des ateliers.
Puis ce sont les locomotives 3.1241 à 3.1250 qui ont reçu, à leur tour, d’autres perfectionnements, et, enfin, en 1931, ce sont les locomotives 3.1251 à 3.1290, munies d’autres perfectionnements comme un châssis plus fort, des tiroirs mieux dimensionnés, un échappement Lemaître, etc. ceci sous la direction de l’ingénieur Marc de Caso. Ces locomotives se révèlent particulièrement performantes et sont vite surnommées « Superpacific » par les cheminots du réseau du Nord.
La 3.1290 est capable de fournir plus de 2000 ch lors d’essais et roule à 164 km/h en tête d’un train de 300 t. Les autres machines de la série accomplissent journellement des exploits correspondant à des puissances de 2500 et même 2700 chevaux, remorquant des trains de 500 à 650 tonnes à plus de 120 km/h en palier, notamment le fameux train de luxe « Flèche d’Or » Paris-Calais. Les « Superpacific », devenues 231-C à la création de la SNCF en 1938, font une excellente carrière jusqu’à l’électrification du réseau Nord amorcée en 1958. Fait notoire, pour les enfants de l’époque, et pour Noël 1928, la firme JEP sort son magnifique train « Flèche d’or » (voir l’article déjà paru sur ce site-web) avec sa locomotive type 230 qui passera, dès l’année suivante, au type 231 avec ajout d’un petit bissel logé de justesse sous la cabine de conduite à l’arrière de la locomotive : comme si JEP avait eu connaissance du départ d’un projet à partir des types 230 dans les bureaux d’études de la SACM.
Pour en revenir aux locomotives réelles, la locomotive 3.1280 reçoit, à titre d’essai, un carénage, car les ingénieurs de l’époque cèdent à cette mode du « design » voulue par les compagnies, mais ils se posent la question de son opportunité technique. Une fois carénée, la locomotive prouve une économie de combustible du fait d’une meilleure pénétration dans l’air, mais ne manque pas de poser des problèmes de manque d’accessibilité aux organes mécaniques en atelier : il faut démonter cette enveloppe de tôle qui cache le mécanisme. Notons que, dans le domaine du jouet, Hornby reproduira cette locomotive et la mettra devant son train « Etoile du Nord » (voir aussi l’article paru sur ce site-web).



Les caractéristiques techniques de la « Superpacific » Nord.
Type : 231 (série 3.1200).
Date de construction : 1923.
Moteur : 4 cylindres compound.
Pression de la chaudière : 17 kg/cm2.
Cylindres haute pression : 440 × 660.
Cylindres basse pression : 620 × 690.
Surface de la grille du foyer :3,5 m2.
Surface de chauffe : 143 m2.
Surface de surchauffe : 64 m2.
Diamètre intérieur du corps cylindrique : 1.747 mm.
Diamètre des roues motrices : 1900 mm.
Diamètre des roues porteuses avant : 960 mm.
Diamètre des roues porteuses arrière : 1040 mm.
Masse : 99 t.
Longueur : 12,53 m.
Contenance du tender en eau : 35 t.
Contenance du tender en charbon : 9t.
Masse du tender en charge : 78 t.
Longueur du tender : 9, 94 m.
Masse totale : 176 t.
Longueur totale : 22, 47 m.
Vitesse: 120 km/h.
Les peu mystérieuses et rares 151-A Est : les plus belles locomotives françaises pour trains de marchandises.
Parmi les locomotives à cinq essieux moteurs, ces deux ci sont une rareté et une curiosité pour les connaisseurs. Ce sont deux prototypes, deux très puissantes locomotives pour trains de charbon, et elles sont les deux dernières locomotives construites par le réseau d’Alsace-Lorraine, et par l’ingénieur en chef Oudet qui les étudie en collaboration avec l’OCEM en 1935 et en confie la construction à l’usine de Graffenstaden de la SACM. Elles ressemblent aux deux prototypes de locomotives Pacific construites par le réseau A-L en 1933 et dont la ligne, très moderne, surprend à l’époque. Construites en 1936 et 1937, elles forment la série G-16 prennent les numéros 5901 et 5902. Une dizaine d’autres locomotives étaient prévues, mais la guerre en empêcha la construction. Pis encore : les deux prototypes souffrirent de la guerre et ne purent être réparés en 1945 ou 1946 et furent ferraillés. Etudiées pour tirer des trains de charbon pesant 1700 tonnes, ces locomotives exceptionnelles purent, facilement et lors d’essais, remorquer 1830 t à 30 km/h et en rampe de 10 pour mille, et, en palier, elles purent remorquer jusqu’à 2000 tonnes ! D’après le spécialiste Jean Gillot dans son ouvrage « Les locomotives à vapeur de la SNCF région Est », ces deux locomotives, avec la fameuse 160-A, furent les plus puissantes locomotives à vapeur de la SNCF en matière d’effort de traction.

Les 151T Est : sous le signe du chiffre 13.
Toujours parmi les locomotives à cinq essieux moteurs de la SACM, et prenant la relève des locomotives-tender 151TA type « Lorraine » construites en 1913 par les ateliers du réseau de l’Est puis par Schneider, les TC sont construites en 1930 par la SACM à Graffenstaden, pour le réseau de l’Est toujours, et pour assurer la traction des trains-navette de minerai entre les mines et les gares de concentration du bassin de Briey, en Lorraine. Les 151 TA sont les premières locomotives-tender françaises à disposition d’essieux 151, et les 151 TC sont les dernières Est étudiées. Une brillante succession de locomotives-tender impressionnantes formant la fameuse dynastie de la série 13 de l’Est.
Deux locomotives prototypes sont construites par les ateliers de la compagnie de l’Est, à Epernay, en 1913, selon une commande passée en mars 1912. Elles sont numérotées 5001 et 5002. Après des essais de mise au point, elles sont suivies d’une série de 25 locomotives construites au Creusot par les Ets Schneider en 1925. Ces locomotives sont numérotées 5901 à 5925 et forment la « série 13 » sur le réseau.
A simple expansion, et 2 cylindres, ces locomotives ont un foyer Belpaire et des distributions Walschaërts. Si les deux prototypes ont un seul poste de conduite à gauche, la série est dotée d’un double poste permettant la conduite dans les deux sens, ce qui est, par définition, la vocation d’une locomotive-tender. Elles sont limitées à la vitesse de 60 km/h. Elles peuvent remorquer 1 000 t en rampe de 10 pour mille à 20 km/h. Elles seront éclipsées par les 151 TC et reléguées aux manoeuvres, mais leur carrière dure jusqu’au milieu des années 1960.
La naissance des 151-700 sont les dernières locomotives à vapeur étudiées par le réseau de l’Est, et elles sont le fruit des travaux de l’ingénieur Duchatel qui a déjà signé quelques belles réalisations pour le réseau comme les célèbres Mountain Est (futures 241 A).
Ces nouvelles venues sont numérotées de 151-751 à 151-780, elles forment, elles aussi, la « série 13 » du réseau de l’Est dans la mesure où elles sont la même disposition d’essieux. Elles ont pour particularité de posséder une chaudière et un moteur identiques à ceux des 150 000 du réseau (futures 150 E à la SNCF), elles mêmes déjà issues des locomotives « XIIIh » saxonnes, et offrant avec ces dernières l’interchangeabilité complète de ces pièces. Elles se distinguent toutefois des 150 000 par la présence d’un foyer type Belpaire.
Les distributions sont commandées par un mouvement type Walschaërts, et les distributeurs sont de type cylindrique. Le châssis est en tôle de 30 mm. Les deux bissels sont identiques. Les roues du 3e essieux moteur sont démunies de boudins de guidage pour faciliter l’inscription en courbe de faible rayon (90 m). Elles font une excellente carrière jusqu’à l’électrification de la ligne Longwy – Villerupt, en 1996.
Ces locomotives ne remorquent pas des trains de charbon longs, et elles ne parcourent pas de longues distances comme le montre, d’ailleurs, la faible contenance des caisses à eau. Elles servent à ce que l’on appelle la concentration du charbon, c’est-à-dire son transport entre les lieux d’extraction (les mines) et les gares dites de concentration dans lesquelles on regroupe les wagons. C’est à partir de ces dernières gares que partent effectivement de lourds trains de charbon pouvant peser 2 000 t et même plus, et que l’on confie à des locomotives à tender séparé et à disposition d’essieux type 150, ou des locomotives-tender 151, puis à des locomotives électriques à partir des années 1960.
Circulant de nuit à 60 km/h, ces lourds trains de charbon gagnent alors les lieux de consommation: centrales thermiques, bassins sidérurgiques, grands dépôts en traction vapeur, etc.



Caractéristiques techniques
Type : 151TA.
Date de construction : 1913.
Moteur: 3 cylindres simple expansion.
Cylindres : 630 × 660 mm.
Diamètre des roues motrices : 1 350 mm.
Diamètre des roues porteuses : 920 mm.
Surface de la grille du foyer : 3, 06 m2.
Surface de chauffe : 183 m2.
Surface de surchauffe : 53 m2.
Diamètre du corps cylindrique : 1680 mm.
Pression de la chaudière : 14 kg/cm2.
Capacité des soutes à charbon : 5 t.
Capacité des caisses à eau : 13 t.
Masse en charge : 122 t.
Puissance estimée : 1 500 ch.
Longueur : 16, 20 m.
Vitesse : 60 km/h.
Type : 151TC
Date de construction : 1930.
Moteur : 2 cylindres simple expansion.
Cylindres : 560 × 660 mm.
Diamètre des roues motrices : 1 350 mm.
Diamètre des roues porteuses : 920 mm.
Surface de la grille du foyer : 3, 06 m2.
Surface de chauffe : 188 m2.
Surface de surchauffe : 67 m2.
Diamètre du corps cylindrique : 1680 mm.
Pression de la chaudière : 14 kg/cm2.
Capacité des soutes à charbon : 5 t.
Capacité des caisses à eau : 13 t.
Masse en charge : 122, 6 t.
Puissance estimée : 1 800 ch.
Longueur : 17 m.
Vitesse : 60 km/h.
Les 150-E de l’Est : la plus grande série des locomotives à cinq essieux moteurs.
Ces locomotives sont étudiées par la SACM et son usine de Graffenstaden à la demande de l’ingénieur en chef Duchâtel, de la compagnie de l’Est, et sont construites non seulement par la SACM mais aussi par d’autres ateliers entre 1924 et 1928 comme Fives-Lille ou Blanc-Misseron. Elles forment une importante série de 125 machines que l’on verra en tête des lourds trains de minerai sous les numéros 5211 à 5335, puis 150001 à 150125 à partir de 1930. Le réseau de l’Etat en commanda 10, en 1930, ce qui porte le nombre de machines à 135. Avec les apports de locomotives allemandes, le parc total de machines à disposition d’essieux type 150 atteint 195 exemplaires en 1938 et la SNCF les reprend sous la numérotation 150-E-1 à 150-E-195 en 1938. A simple expansion, avec trois cylindres, ces machines sont simples et robustes et assurent la traction des trains de minerai, et aussi de marchandises, sur le réseau de l’Est. Elles pouvaient remorquer des trains de 2200 tonnes en palier à 45 km/h.
Après la guerre, les 150-E sont affectées au dépôt de Mohon qui les conserve jusqu’à l’électrification Valenciennes-Lumes de 1954. En 1957, 199 locomotives sont encore en service sur le réseau de l’Est, et les dernières auront disparu en 1963, au dépôt d’Audun-le-Roman.



caractéristiques techniques
Type : 150.
Diamètres des roues : 920 mm et 1400 mm.
Diamètre des cylindres : 560 mm.
Course des pistons : 660 mm.
Surface de grille : 3,25 m2.
Masse en charge : 98 t.
Puissance : 1850 cv.
Effort de traction : 20,7 t.
Les « Mallet » du Vivarais : la SACM n’oublie pas la voie métrique.
Cela ne s’appelait pas encore la “desserte fine du territoire”, et ces petites lignes en voie métrique étaient parfaitement vivantes et utilisées. Partant de deux villes des bords du Rhône que sont Tournon, d’une part, et La Voulte d’autre part, le magnifique réseau du Vivarais se compose de deux lignes en voie métrique montant à l’assaut des plateaux de l’Ardèche et qui se rejoignent à Le Cheylard et poussent jusqu’à Dunières. Ce réseau, de type montagnard, doit recourir aux locomotives du système Mallet que lui construit la SACM, inventée par l’ingénieur français d’origine suisse Anatole Mallet. Elle se compose de deux trains moteurs à deux ou trois essieux, le premier étant articulé, avec déplacement latéral et pivotement, le deuxième restant solidaire de la locomotive, supportant le foyer, le corps cylindrique, la cabine. En outre ce type de locomotives, par la force des choses, a quatre cylindres au lieu de deux puisque chaque train est moteur, ce qui donne à la locomotive une grande souplesse, mais aussi une grande puissance du fait d’un nombre de cylindres doublé utilisant au mieux l’expansion de la vapeur. C’est pourquoi la locomotive Mallet est, dans son principe constitutionnel même, inséparable du compoundage. Elle est dotée donc de cylindres haute pression, ou encore « cylindres admetteurs » selon les termes des revues techniques d’époque, dans lesquels la vapeur travaille avant de terminer sa détente dans des cylindres basse pression, ou « cylindres détendeurs ».
Le nombre et la qualité technique des locomotives place sans aucun doute le réseau du Vivarais en tête des secondaires français. En effet celui-ci dispose de Mallet articulées du type 020+020T ou 120+020T fournies par la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) en 1891, et il renforce, dès 1902, ce parc avec d’autres Mallet articulées du type 030+030T construites par la firme suisse SLM, et de nouveau par la SACM à partir de 1927 pour les plus récentes.
L’arrivée des « Mallet » sur le réseau du Vivarais.
La Revue Générale des Chemins de fer de septembre 1903 salue l’événement. Le réseau, en 1903, est exploité depuis environ 10 ans, avec les lignes de Tournon à Lamastre et de La Voulte-sur-Rhône au Cheylard dans le département de l’Ardèche, et la ligne de Lavoûte-sur-Loire à Yssingeaux, dans le département de la Haute- Loire. L’exploitation de ces trois tronçons indépendants destinés être reliés entre eux par une ligne allant de Lamastre au Cheylard et à Yssingeaux en passant par Saint-Agrève avec embranchement sur Dunières-Montfaucon, fait prévoir un trafic assez important sur l’ensemble du réseau parachevé.
Les très fortes rampes continues, combinées avec de très nombreuses courbes de 100 mètres de rayon, de la partie nouvelle du réseau qui se développe en pleines montagnes du Vivarais, et la nécessité de l’exploiter économiquement, c’est-à-dire en réduisant le nombre des trains journaliers au minimum possible tout en faisant largement face aux nécessités du trafic, sont autant de raisons qui amènent les CFD à étudier une machine qui, sur un rail pesant 20 kilogrammes le mètre courant, puisse remorquer, en rampe continue de 32 pour mille, et en courbes de 100 mètres de rayon, une charge de 100 tonnes à 25 km/h ou de 125 tonnes à 20 km/h. L’effort de traction et le travail en chevaux-vapeur nécessaires ont pour conséquence l’établissement d’un avant-projet de machine dont le poids approximatif en service est de 43 à 45 tonnes.
Ce poids très considérable pour une voie légère demande six essieux de façon à ne pas atteindre la charge limite de 8 tonnes par essieu résultant des conditions de pose de la voie. Il faut, en outre, un châssis articulé pour permettre l’inscription facile de la machine en courbe de 100 mètres de rayon.
A peine livrée, la première locomotive est essayée sur la première section du réseau qui va de Lavoûte-sur-Loire à Yssingeaux, et les suivantes tant sur cette section que sur celle de Dunières à Montfaucon.
Ces sections comportent de longues rampes de 30 pour mille, combinées avec des courbes nombreuses de faible rayon dont le minimum, 100 mètres, est atteint fréquemment. Aux essais préliminaires haut-le-pied, ou avec faibles charges, les machines se sont admirablement comportées, d’après les ingénieurs de l’époque, qui déclarent n’avoir eu à constater non seulement aucun chauffage mais pas le moindre « tiédissage » (terme usuel) d’aucune pièce.
Les essais en charge ont donné les résultats suivants en rampe de 30 pour mille : un train de 90 tonnes a été remorqué à la vitesse de 30 km/h, un train de 100 tonnes à 27 km/h, de 125 tonnes à 24 km/h, de 155 tonnes à 15 km/h, et enfin de 160 tonnes à 13 km/h. La composition des deux derniers trains était de 16 wagons pour le train de 155 tonnes, d’une longueur 104 mètres., d’une part, et de 20 wagons pour le train de 160 tonnes, avec une longueur de 130 mètres, d’autre part. Ces trains se trouvaient le plus souvent inscrits en même temps en courbes et contre-courbes et fréquemment même dans trois courbes et contre-courbes de 100 mètres de rayon, inscription qui augmente considérablement la résistance au roulement.
Pendant les deux derniers essais, l’alimentation par un injecteur avait lieu d’une façon continue, la pression a été maintenue constamment à 14 kg/cm2 en brûlant de la briquette de qualité très ordinaire. Ces machines, malgré leur grande longueur dépassant 10 mètres de tampon à tampon, s’inscrivent avec la plus grande facilité dans les courbes de 100 mètres. Elles peuvent passer dans des courbes de 60 mètres : ceci a été expérimenté lors de la mise en service de la première machine qui, pour rentrer au dépôt, devait passer sur une voie provisoire comportant une courbe de ce rayon.
Les cinq machines de ce type en service en 1903 répondent absolument au programme fixé par les ingénieurs, et si leur nombre était reconnu insuffisant pour la remorque des trains lourds, le réseau est prêt à en accroître le nombre. Il est à noter que les essais seront parachevés dès l’ouverture complète du réseau qui est inachevé en 1903. C’est en effet sur la partie non encore exploitée que se trouvent les longues rampes de 32,5 pour mille sur lesquelles les nouvelles machines n’ont pas encore pu être essayées.

Caractéristiques techniques (type 030+030 Vivarais)
Type : 030+030T.
Date de construction : 1902.
Diamètre des cylindres haute pression : 310 mm.
Diamètre des cylindres basse pression : 480 mm.
Course des pistons : 550 mm.
Diamètre des roues : 1010 mm.
Empattement : 6400 mm.
Surface de grille : 1,5 m2.
Surface de chauffe totale : 85,3 m2.
Diamètre moyen de la chaudière : 1132 mm.
Timbre : 14 kg/cm2.
Contenance des caisses à eau : 4 tonnes.
Contenance des soutes à charbon : 1 tonne.
Longueur totale : 10,71 mètres.
Largeur totale : 2,4 mètres.
Hauteur totale : 3,4 mètres.
Masse totale en charge : 44, 38 tonnes.
Effort de traction : 7,3 tonnes.
Vitesse maximale : 60 km/h.

Bonjour M. Lamming, vous évoquez dans cet article la série 13 de l’Est, comme étant celle qui regroupe les locomotives de disposition d’essieux « 151 ». Pourtant, les 241.001 à 241.041 sont également référencées comme étant de la série 13, avec une disposition d’essieux pour le moins différente ! … Aussi, quelle est la règle concernant la numérotation « sérielle » des locomotives de la Cie de l’Est ? … Très cordialement, Guillaume Tétart
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