On ne l’a que trop oublié : toute l’histoire du moteur électrique commence avec des batteries, qu’il s’agisse de moteurs électriques fixes ou de moteurs entrainant des véhicules aussi bien sur la route que sur le rail. La batterie a été nécessaire pour les premiers moteurs électriques, et le moteur électrique s’est vite révélé comme étant le meilleur moteur du monde, et il l’est resté. Nous n’avons rien contre les batteries, mais la batterie s’est révélée comme la plus mauvaise alimentation électrique du monde, et elle l’est restée. Nous avons toujours pensé qu’un trolleybus est, de très loin, beaucoup plus logique et performant qu’un “bus à batteries” actuel, et nous avons toujours pensé qu’un train électrique sous caténaire ou avec un troisième rail conducteur est, lui aussi, beaucoup plus logique et performant que ces “trains à piles” que l’on nous concocte actuellement.
Dans les années 1960, le jouet à la mode était le “Scalextric” ou le “Circuit 24” : c’étaient des voitures de course, électriques, qui fonçaient sur des pistes comportant deux rails d’alimentation centraux. Les gens distingués appelaient cela du “slot-racing”, plus familièrement du “slot” chez les intimes. Peut-être que l’avenir de la voiture électrique réelle sera du “slot” ?
Tout commence en 1934 avec l’Américain Thomas Davenport.
La propulsion électrique a été longue à mettre au point et à être reconnue. Elle est considérée comme une curiosité de laboratoire depuis les essais de l’Américain Thomas Davenport qui réussit à faire rouler, dès 1834, un petit chariot actionné par des électro-aimants calés directement sur les essieux et alimentés par des piles (pas même des batteries) : le principe du moteur à courant continu est trouvé.
L’anglais Robert Davidson parvient à construire et à faire rouler en 1837 une très intéressante locomotive « à piles » sur la ligne de chemin de fer à voie normale ouverte entre Glasgow et Edinbourg, sur une distance de deux kilomètres, en remorquant une voiture à voyageurs de démonstration. Si le moteur est donc assez rapidement mis au point, le problème de l’alimentation en courant continu reste et restera crucial, et ne sera jamais résolu pour ce qui est de la route sinon en utilisant des fils aériens tendus, à la manière des trolleybus, tramways et des locomotives électriques. Même les premiers trains-jouets électriques fonctionnent avec des piles à acide dont la manipulation est très dangereuse pour les enfants.
Avec l’apparition des batteries d’accumulateurs, inventés par le physicien Gaston Planté en 1860, et qui sont une véritable alternative devant les piles chimiques, le véhicule électrique trouve une réelle autonomie. Des grands noms de l’histoire des techniques, comme Edison, s’intéressent désormais à la locomotive électrique, mais toujours avec des batteries d’accumulateurs ou des piles. Le seul pays qui, avec persévérance, fit circuler des décennies durant des automotrices électriques à batteries sur des lignes de chemin de fer en voie normale, à partir de 1907, fut bien l’Allemagne. Et n’oublions pas que, à la même époque en France, c’est-à-dire avant 1914, un tiers des véhicules automobiles en circulation étaient électriques, utilisant des batteries d’accumulateurs. Oui… un tiers, même si ces “automobiles” sont peu nombreuses et si le cheval domine encore et de très loin la situation.

En France, les grands réseaux ne restent pas étrangers à ce mouvement d’intérêt dès la fin du XIXe siècle, tellement la traction vapeur pose de problèmes de coûts et d’exploitation, et le PLM construit, en 1896-1897, une locomotive expérimentale « en vue d’élucider le problème de la traction électrique à grande vitesse » … Encombrée de batteries dont le nombre demande même leur transport dans un fourgon d’accompagnement pesant 45,8 tonnes, la locomotive de 44 tonnes parvient à remorquer un train de 147 tonnes à la vitesse de 45 km/h. Un peu plus que son propre poids, donc !
Le réseau du Nord, lui aussi, essaie une locomotive électrique à batteries, construite sur la demande de Sartiaux, et sur un châssis de locomotive à vapeur type 030 « Mammouth », mais l’engin est rapidement abandonné. La France jette le gant à la fin du XIXe siècle, sauf pour quelques embranchements particuliers ou réseaux portuaires avec l’emploi de locotracteurs électriques à batteries, comme sur celui de La Plaine St-Denis. La vapeur a encore de beaux jours devant elle (voir l’article paru sur ce cite : “La traction électrique : née en 1837, mais vraiment rentable ?”).




Le grand succès de la batterie : ce sera avec les tramways parisiens.
La traction électrique fait une entrée en force dans le domaine des transports parisiens en 1881 avec les essais de la firme allemande Siemens à l’occasion de l’Exposition d’électricité de Paris. Une courte ligne est établie entre les chevaux de Marly (Place de la Concorde) et le Palais de l’industrie qui occupe l’emplacement actuel du Grand palais. C’est une « vitrine technologique » pour Siemens qui se prépare à être un des plus grands constructeurs d’équipements électriques industriels au monde. Il est à noter que ce premier essai se fait avec une prise de courant par deux navettes glissant à l’intérieur de tubes fendus placés en hauteur, le long de la voie, un tube servant à l’aller du courant et l’autre à son retour. Siemens a refusé, avec sagesse, la batterie et sa lourdeur.
Mais lorsque Paris se couvre de tramways, la solution du captage du courant par fil aérien est rejetée, surtout pour des raisons d’esthétique. Les constructeurs proposent alors la solution de la batterie d’accumulateurs qui est essayée sur plusieurs lignes parisiennes en 1892, comme celle de St-Denis à l’Opéra, ou encore de St-Denis à St-Ouen.
Ce système s’avère vite aussi lourd pour les véhicules qu’encombrant et complexe pour les installations fixes, car il demande, en bout de ligne, la présence d’une usine de charge lente nécessité par le type de batteries utilisées. Lentes à charger, ces batteries ont, par contre, une certaine capacité de … décharge rapide qui, parfois, surprend le wattman en cours de route.
Les rampes de la ligne TF du boulevard Voltaire, ou TC du faubourg Saint-Antoine ou de l’avenue de Saint-Mandé de la Compagnie Générale des Omnibus réduisent à néant les batteries qui ont pour seul défaut d’être d’un âge mûr, et le wattman n’a de recours que de se faire pousser par un confrère moins
Dès 1881, les débuts du tramway électrique parisien sont placés sous le règne de la batterie d’accumulateurs, ceci pour de nombreuses raisons techniques dont, notamment, le refus du coût et de la complexité des lignes aériennes que, de toutes manières, les riverains refusent avec la plus grande énergie et les meilleurs appuis politiques pour éviter à leurs façades d’être ainsi décorées ! Toutefois la batterie d’accumulateurs a un puissant allié : le cheval dont tout le monde rêve de s’en débarrasser. Mais, tout compte fait, on regrettera que la batterie se montre aussi lourde, gourmande, fragile, et capricieuse que le cheval. Qu’en sera-t-il avec l’automobile électrique du XXIe siècle ? On a simplement oublié le cheval et ses défauts, mais pas ceux de la batterie.
Le premier tramway électrique de Paris est à batteries. C’est une voiture de tramways anciennement à chevaux de la Compagnie Générale des Omnibus, mais transformée par l’ingénieur Jules Raffart. Elle pèse 5,5 tonnes à vide et offre 50 places. Une batterie de 225 éléments de la marque Faure, pesant quand même 1,8 tonnes et pouvant fournir en début d’utilisation pas moins de 40 ampères sous 120 volts, est logée sous les banquettes de la voiture. Une dynamo (terme utilisé aussi pour les moteurs électriques à l’époque, car ce sont bien des dynamos) placée sous la plate-forme arrière reçoit le courant et transmet son mouvement par une courroie à un arbre intermédiaire situé entre les essieux. Deux chaînes Galle relient cet arbre intermédiaire à l’essieu arrière de la voiture. L’essieu conserve sa possibilité d’orientation autour d’un pivot central et peut ainsi être dirigé par le conducteur au moyen d’un volant, disposition qui permettait de faire volontairement dérailler la voiture et rouler directement sur la chaussée, car cette pratique était courante à l’époque.
Le premier essai a lieu en mai 1881 entre les ateliers de la CGO de la rue de Montreuil et la place de la Nation. En 1882, la même voiture, équipée d’une plus grosse batterie de 375 éléments, roule sans recharge de Montreuil à Versailles, aller et retour. Toutefois la Compagnie Générale des Omnibus n’est pas encore mûre pour abandonner ses chevaux et en reste là.
C’est ainsi qu’en 1886, les idées ont quelque peu progressé, et la Compagnie Générale des Omnibus refait timidement un essai sur les 500 mètres de rails reliant la Concorde au Palais de l’Industrie, restés sur la chaussée depuis leur utilisation six ans plus tôt par Siemens. Auteur de nombreux ouvrages de référence auto-édités comme « Les tramways parisiens» ou « Histoire des transports dans les villes de France”, l’historien des transports urbains Jean-Robert pense qu’il s’agit, à nouveau, de desservir une exposition, mais ignore laquelle. La voiture, sans impériale, est très moderne d’aspect, et ne ressemble pas à un ancien tramway transformé : on n’en sait pas plus que ce que montre une gravure d’époque. Prudente, toujours, la Compagnie Générale des Omnibus ne va pas plus loin, et, trop prudente, laisse la main à la concurrence.
Les essais des Tramways de Paris et du Département de la Seine.
Ce sont bien les TPDS qui mettent en exploitation le premier tramway à accumulateurs. Il s’agit, là encore, d’un ancien tramway à chevaux, transformé par Simon Philippart, le fondateur-spéculateur belge des Tramways Nord. Cette voiture est mise en service de septembre 1888 à janvier 1889 entre la porte Maillot et l’Étoile et transporte quand même près de 20000 personnes en trois ou quatre mois, sans poser de problème particulier, tout en affrontant la rampe de l’avenue de la Grande-Armée. En 1889 cette voiture se retrouve en service courant sur la ligne C des TPDS (Levallois – Madeleine). Trois nouvelles voitures Philippart sont donc transformées pour cette ligne en 1890.
Ces voitures transformées pour la traction électrique ont reçu tant bien que mal de médiocres et rustiques transmissions par chaînes et courroies. L’ingénieur Sprague, en 1885, a mis au point la technique de la suspension du moteur directement sur l’essieu : les moteurs cessent d’être placés directement sous la caisse et font désormais partie d’un ensemble mécanique comprenant l’essieu ou un bogie, et distinct de la caisse. Ce grand progrès fera que, désormais, on construira d’authentiques tramways électriques et on cessera de modifier d’anciens tramways à chevaux.
Les automotrices dites « type Saint-Denis ».
L’électrification des lignes de Saint-Denis par les TPDS en 1892 passe pour être, dans les faits, la première exploitation régulière à Paris par tramways à accumulateurs. Les Tramways de Paris et du Département de la Seine se montrent des adeptes convaincus de la batterie d’accumulateurs et transformeront ainsi, en quelques années, la totalité de leur parc à ce mode de traction. Cela concerne pour commencer les lignes E (Saint-Denis – Madeleine par la porte de Saint-Ouen et la gare Saint-Lazare) puis F (Saint-Denis – Opéra par la porte de la Chapelle et la rue Lafayette), puis enfin AE (Saint-Denis – Porte Maillot par la mairie de Saint Ouen).
Les automotrices dites « type Saint-Denis » sont des voitures à impériale offrant 52 places, avec un seul poste de conduite à l’avant et une plate-forme à l’arrière, celle-ci comportant le traditionnel escalier d’accès à l’impériale. La motrice pèse 10,5 tonnes à vide, y compris les accumulateurs qui font le tiers de ce poids total ! La charge se fait avec une tension de 260 volts et dure six heures (on fait mieux, aujourd’hui, avec une Tesla). Les accumulateurs Laurent-Cély sont placés sous les banquettes de la voiture avec leurs 108 éléments répartis en 12 caisses. On peut les changer directement par l’extérieur, en levant des trappes. Cette opération se fait au dépôt de St-Denis, les batteries étant apportées sur des wagonnets Decauville.
La conduite de ces voitures se fait en jouant sur des couplages des batteries, en série ou en parallèle, et c’est ainsi que l’on obtient, aux bornes des moteurs, des tensions de 50, 100 ou 200 volts; l’intensité pouvait atteindre 70 ampères. Les moteurs sont constamment couplés en série mais, en cas de besoin, on peut les coupler en parallèle. Au freinage, les moteurs tournent comme des dynamos et récupèrent du courant : voilà, avec un bon siècle d’avance, un bon point pour les économies d’énergie ! En service, ces voitures ont une autonomie de 50 ou 60 km, soit près de trois allers et retours sur les 9 250 mètres de la ligne Saint-Denis – Madeleine, mais, par précaution, les voitures prennent une batterie rechargée au dépôt à chaque voyage. Chaque voiture fait 8 ou 9 trajets par jour à une vitesse atteignant 16 km/h, contre 5 voyages dans le cas des omnibus à chevaux.
Toutefois, les clients sont condamnés à respirer abusivement les vapeurs dégagées par les batteries placées juste sous les sièges, et il fallut les redisposer dans des coffres indépendants placés sous la caisse. Les essieux radiants ont tendance à conserver une position oblique même après une courbe sur une ligne droite : on les remplace par des essieux fixes solidaires du châssis.

Les motrices Heilman
En 1897, toujours acquis à la batterie d’accumulateurs, les TPDS mettent en service 35 nouvelles motrices, des Heilmann, sur les lignes partant ou aboutissant à Courbevoie, les lignes AB (Courbevoie – Madeleine par l’avenue de Neuilly et la porte de Champerret), ou BA (Neuilly – Madeleine par l’avenue du Roule), ou B (Courbevoie (Ile de la Jatte – Madeleine) et enfin C (Levallois – Madeleine). Elles sont très proches des dernières motrices du type Saint-Denis transformées. Elles évitent le système des essieux radiants et restent fidèles aux essieux parallèles de 1,90 m d’empattement. Elles transportent 52 voyageurs, et pèsent 11,3 tonnes, dont 3,6 tonnes pour les batteries…
Celles-ci sont des Tudor dits « à charge rapide » placés sous les banquettes, et il y en a pas moins de 200. La charge dure de 10 à 15 minutes, et se produit tout simplement lors des stationnements normaux au terminus pendant le service. Bien entendu les terminus, du moins du coté de la banlieue, sont équipés d’une borne d’alimentation électrique alimentée en 550 volts depuis de l’usine de Puteaux, ceci par un câble souterrain. La charge demande une intensité de l’ordre de 100 à 120 ampères lors du début. Lorsque la batterie est pleine, un relais placé dans le circuit déclenche une sonnerie : le conducteur se précipite pour interrompre le chargement avant qu’un incendie ne s’en charge.
Les moteurs des Heilmann peuvent être couplés en série ou en parallèle. Ils sont alimentés par la batterie d’accumulateurs tout entière, c’est-à-dire sous 400 volts. Sur ces motrices, le concepteur a donc abandonné le principe de la régulation de la vitesse par utilisation partielle ou totale du nombre d’accumulateurs, car cela créait un déséquilibre dans la décharge, et cette régulation se fait par insertion ou retrait de résistances dans le circuit des moteurs selon les différentes positions du « controller » de commande. Ce dispositif sera généralisé.
Enfin le recours successif à deux modes de traction électrique, accumulateurs et fil aérien, permet la prise de courant extra-muros sur une ligne aérienne au moyen d’une perche. Cette perche est abaissée lors de l’entrée dans Paris au niveau des « fortifs » et la voiture continue en consommant son courant sur sa batterie. Les accumulateurs, soit 224 éléments STEM dits à charge rapide, sont suspendus sous la caisse entre les bogies, et pèsent 3,8 tonnes. La recharge s’effectuait intelligemment pendant le parcours en banlieue par simple couplage sur la ligne aérienne. Ces 30 automotrices « type Aubervilliers » offrent 56 places dont 24 à l’intérieur, 4 sur la plate-forme arrière (la plate-forme en marche avant est pour le seul conducteur) et 28 sur l’impériale. Elles pèsent 14,8 tonnes environ avec leur batterie. Il est à noter que les TPDS utilisent, au dépôt d’Asnières, des motrices dites « type Gennevilliers », très proches des « Aubervilliers », mais avec des batteries ordinaires à charge lente, puisqu’il n’y avait pas de parcours sous fil.


Enfin la Compagnie Générale des Omnibus se convertit à l’accumulateur !
Prudente, mais copieuse, la CGO suit avec intérêt les efforts des TPDS et ne manque pas, à l’occasion, de s’en inspirer en construisant d’abord une inexplicable motrice à trois essieux, engagée sur la ligne TI-bis (Porte de Clignancourt – Bastille) en 1893. La présence de trois essieux peut s’expliquer par le souci de mieux porter le poids des batteries qui mettait à mal les châssis en les faisant fléchir, toujours est-il que, quelques mois après sa mise en service, cette motrice à six roues dérailla de façon spectaculaire sur la place de la République et fut définitivement retirée du service.
En 1899, promis, juré, la CGO se met pour de bon à la batterie d’accumulateurs et modernise deux lignes, la TC (Vincennes-Louvre par la Nation et la Bastille) et la TF (Vincennes – Louvre par la Nation et la République) et y engage 85 motrices à accumulateurs. Les 40 premières, mises en service sur la ligne TC au dépôt de l’Est, à Montreuil, en décembre 1899, sont construites par Fives-Lille, et les 45 autres, engagées sur la ligne TF, au dépôt de Lagny, à partir d’avril 1900, viennent des ateliers de Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (future Alstom)..
Les motrices Fives-Lille ont des essieux radiants d’un empattement de 2,20 m, et ces essieux ne manquent pas de prendre des positions fantaisistes, pivotant parfois dans les alignements, ou pivotant à contre-sens dans certaines courbes. Les « Alsaciennes », par contre, ont un châssis à essieux parallèles classiques de 1,80 m d’empattement. Ces motrices reçoivent toutes deux la caisse classique à impériale de la CGO, que l’on retrouve sur les Purrey et les Mékarski (il est donc difficile de les distinguer), avec le poste de conduite unique à l’avant, et la plate-forme unique à l’arrière avec son escalier d’accès à l’impériale. Ces voitures ont une longueur de 8,42 m, une largeur de 2 m, et une hauteur de 4,80 m. Elles peuvent transporter 52 voyageurs, dont 20 à l’intérieur, 4 sur la plate-forme et 28 à l’impériale. Elles pèsent 19,5 tonnes avec leur batterie.
Les Fives-Lille ont des batteries Blot situées dans une caisse accrochée sous le châssis entre les essieux. Les « Alsaciennes » ont, au contraire, des Tudor placées sous les banquettes. Ces batteries comportent 208 éléments couplés en série et débitent un courant maximum de 300 ampères au démarrage. Dans les deux cas, le poids des batteries atteint 4,8 tonnes. Le poste de charge des « Alsaciennes » se trouve au terminus du cours de Vincennes, et celui des Fives-Lille au terminus du château de Vincennes. Les terminus peuvent effectuer la recharge simultanée de plusieurs motrices.
Les « Alsaciennes » marchent bien et la CGO se permet même leur faire tirer une remorque de 8 tonnes. Par contre, les Fives-Lille se montrent très vite incapables d’assurer leu service, car les batteries Blot se déchargent rapidement à l’aller, sur le parcours de Vincennes au Louvre, et, au retour, les voitures tombent en panne dans la rampe du faubourg Saint-Antoine. Dès le 13 juillet 1900, elles sont remplacées par des motrices à vapeur Purrey et progressivement elles sont tristement retirées de la circulation. À la fin de l’année, les Purrey triomphent et la ligne TF leur appartient entièrement ! Les batteries Blot sont remplacées par des Tudor et le TC revoit ses motrices à accumulateurs … mais seulement du 3 novembre 1902 au 6 janvier 1903, juste de quoi fêter Noël. Certaines finiront leur carrière à Versailles, munies d’une perche de prise de courant, les Versaillais ayant accepté le fil et se montrant, pour une fois, moins bêtes que les Parisiens.

Les autres compagnies de tramways ne s’engagent guère.
Seules la Compagnie Générale des Omnibus (CGO) et surtout les Tramways de Paris et du Département de la Seine (TPDS) utilisent les accumulateurs sur une grande échelle. Les autres compagnies non, comme la Compagnie Générale Parisienne de Tramways (CGPT), les Chemins de fer Nogentais, le Paris-Arpajon et romantiquement nommée « Compagnie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris», qui ne les emploient qu’avec parcimonie et à mauvais escient, et s’en débarrassèrent le plus rapidement possible.
C’est, par exemple, le cas de la CGPT, qui, après avoir équipé ses lignes du groupe Montparnasse en alimentation au sol par caniveau, ne peut généraliser immédiatement le caniveau, beaucoup trop coûteux, et met en service des accumulateurs en 1901 sur les lignes suivantes sur les motrices 200 qui sont à traction par fil aérien en banlieue et par accumulateurs à Paris. Les Chemins de fer Nogentais ne se servent des accumulateurs que sur la ligne de Villemomble à la place de la République, et seulement entre la République et le Père Lachaise.
Il faut dire que la traction par batteries d’accumulateurs demande l’installation d’une usine de la charge très lente que seule les batteries d’époque acceptent. Se chargeant lentement, les batteries de la Belle époque se déchargent avec une rapidité exemplaire … qui, parfois, surprend le wattman en cours de route, et toujours au moment où il ne le faudrait pas, comme, par exemple, au bas d’une forte rampe.
Les sévères rampes de la ligne TF (Bd Voltaire), ou TC (faubourg St Antoine ou avenue de St Mandé) de la CGO réduisent à néant les batteries d’un âge mûr. Le pauvre « wattman » (comme on appelle les conducteurs) n’a d’autre recours que de se faire pousser par un confrère aux batteries moins déchargées. Sinon, faute de confrère, le conducteur décide, si la voiture peut encore rouler, de ne plus respecter les arrêts (qui se font encore à la demande à l’époque) car s’il s’arrête de nouveau il est certain qu’il ne pourra repartir.
La solution ? C’est donc de rentrer au dépôt sans s’arrêter, en priant que la batterie tienne le coup et que la circulation soit dégagée sur la totalité du parcours restant, car la police n’a pas encore de motards et de sirènes pour « ouvrir » le trajet. Les voyageurs finissent par se retrouver, eux aussi, au dépôt, ayant « bénéficié » d’un long voyage touristique en dépit de leurs protestations : il n’est même pas certain que ce voyage supplémentaire ait été gratuit et que la compagnie n’ait pas perçu un supplément pour dépassement du parcours inscrit sur le billet… Allez savoir.
Les grands réseaux de chemin de fer français boudent la batterie.
Si les réseaux de tramways français se montrent, dès la fin du XIXe siècle et pour une ou deux décennies, champions de la batterie d’accumulateurs, les réseaux de chemin de fer, eux, l’ignorent, sauf pour quelques utilisations comme des parcours avec des locotracteurs de manœuvres dans les gares ou des embranchements particuliers : bref, la batterie reste possible pour tous les engins à parcours courts, répétés, et comprenant de longs stationnements.
Ouvrons le fameux traité « Chemins de fer électriques » d’André Bachellery, ingénieur en chef du réseau du Midi, pionnier de la traction électrique (l’auteur, comme le réseau), paru en 1925, et qui fait autorité à l’époque. Les « locomoteurs électriques indépendants » n’y ont guère la cote… et sont expédiés dans les enfers de l’oubli en cinq ou six maigres pages, dont deux pour les accumulateurs et trois autres pour les locomotives diesel-électriques, alors que l’ouvrage en compte plus de 460. Tout au plus, note Bachellery, les accumulateurs permettent facilement de fractionner la traction en série ou série-parallèle, ou parallèle, mais c’est tout, et “les inconvénients de ce mode de traction sont nombreux et graves”.
Le tout premier inconvénient est le poids … chose que, cent ans plus tard, les ingénieurs de l’automobile actuelle retrouvent avec une joie raisonnée. Le deuxième inconvénient est le nombre et la fréquence des charges (chose que, cent ans plus tard… etc… etc…) et exige des recharges nombreuses, ou, à la rigueur, des replacements de batteries d’autant plus malcommodes que leur poids est excessif. Le troisième est… mais il n’y en a pas, on n’ose plus les étaler et pour Bachellery, c’est « circulez, il n’y a rien à voir ». Seule la traction diesel-électrique, que Bachellery sous-estime curieusement en 1925, elle dominera le chemin de fer des pays neufs du monde entier dans les années qui suivront grâce aux qualités du moteur diesel et à des perfectionnements continuels.





L’Allemagne découvre et pratique les charmes incertains de la batterie.
Si de nombreux locotracteurs et engins de manœuvres à accumulateurs ont existé et existent toujours dans le monde, l’Allemagne est le seul pays ayant poussé très loin cette technique en construisant des automotrices rapides circulant en ligne. Les raisons de ce choix ne manquent pas, et un pétrole de plus en plus cher laissent un avenir à cette forme de traction peu répandue pourtant.
Une expérience déjà longue, commencée sur le réseau prussien dès 1906 à Raum Mainz, conduit les ingénieurs allemands à ne pas abandonner cette technique en raison de ses qualités propres que sont la sécurité d’exploitation, un très faible coût d’entretien, et un réel agrément pour les voyageurs. Pour la desserte des petites lignes à profil facile où il ne serait pas justifié d’engager les frais d’une électrification par caténaires classique, l’automotrice à accumulateurs reste très économique encore.
Voici un tableau sommaire des anciennes automotrices à accumulateurs allemandes :
Série | ETA 177 | ETA 178 double | ETA 178 triple | ETA 179 | ETA 180 |
Type | 2A+A2 | 2A+A2 | 3+B+3 | 2A+A2 | 2A+A2 |
Longueur (m) | 26,150 | 25,950 | 35,8 | 29,220 | 26,150 |
Masse (t) | 65,3 à 67,8 | 65,3 à 67,8 | 84 | 70,8 à 72,5 | 64 à 66,5 |
Charge à l’essieu (t) | 19,6 à 21 | 19,6 à 21 | 13 | 12,_ à 15,2 | 20 à 20,4 |
Diam.roues (mm) | 1000 | 1000 | 1000 | 1000 | 1000 |
Batteries kW/h en 3h | 396 | 358 | 292 | 372 | 345 |
kW/h à 28 km/h | 192 | 166 | 132 | 166 | 125 |
Vitesse max. km/h | 75 | 75 | 60 | 70 | 70 |
Nb de places | 68 à 92 | 68 à 92 | 125 | 88 à 93 | 80 |


Durant les années 1950 en Allemagne, 78 automotrices effectuent encore un parcours annuel de 6 000 000 de km, soit 210 km par automotrice et par jour et consommant annuellement l 6 millions de kW/h. Et à la fameuse exposition des transports de Munich en 1953, les chemins de fer allemands exposent deux nouveaux modèles d’automotrices à accumulateurs devant des visiteurs étrangers intrigués. Bref, les Allemands persistent et signent…
Une expérience déjà longue conduit les ingénieurs allemands à ne pas abandonner cette technique en raison de ses qualités propres que sont la sécurité d’exploitation, un très faible coût d’entretien, et un réel agrément pour les voyageurs. Pour la desserte des petites lignes à profil facile où il ne serait pas justifié d’engager les frais d’une électrification par caténaires classique, l’automotrice à accumulateurs reste très économique encore. C’est pourquoi les chemins de fer allemands font construire en l952 deux prototypes modernes d’automotrices à accumulateurs.
Avec une capacité de 72 voyageurs assis plus 16 sur des strapontins, cette automotrice offre autant de possibilités qu’une automotrice électrique classique. Elle peut même démarrer à pleine charge en rampe de 30 pour 1000. Les accumulateurs, au plomb, sont répartis sur toute la longueur de l’engin, entre les poutres du châssis. Leur tension de repos est de 440 volts, avec une capacité de 850 Ah et 350 kW h (décharge en 3 h sous 280 ampères). Le rapport poids/énergie est de 44,7 kg par kW/h (batterie nue, sans les coffres ni le châssis qui le renferme sous le plancher) ce qui représente un gain de l’ordre de 50% par rapport aux batteries des automotrices de l926. Ils alimentent deux moteurs d’une puissance unitaire de 100 kW et la vitesse maximum est de 90 km/h.
Le contrôle de la marche est conçu de manière à réduire au minimum les pertes d’énergie dans les résistances de démarrage. Il permet le couplage série et parallèle des moteurs. La consommation d’énergie varie de l à 1,5 kW/h par kilomètre suivant les difficultés du service effectué (direct ou omnibus) et le profil de la ligne. Ceci correspond, avec une seule charge effectuée la nuit, à un parcours journalier de 250 à 350 km. Des parcours journaliers de 400 à 500 km peuvent aisément être atteints lorsque les services offrent la possibilité de recharges intermédiaires en cours de route. Un attelage automatique permet la marche en unités multiples de deux automotrices aussi bien que l’accouplement d’une automotrice et d’une remorque munie d’un poste de conduite. Ces automotrices ont donné toute satisfaction, à l’instar de celles qui les ont précédées. Mais il est vrai qu’il faut 19 tonnes de batteries d’accumulateurs à bord, ceci pour n’obtenir qu’une puissance très faible donnant des performances modestes et un rayon d’action limité.


Caractéristiques techniques (automotrice 176)
Type : automotrice à bogies.
Date de construction : 1952
Courant : 440 V continu
Puissance : 200 kW
Capacité : 72 + 16 places
Masse : 55 t
Longueur : 27 m
Vitesse : 90 km/h




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