Les trains Lionel : excellence et qualité américaines, donc “best in the world”.

Lionel ? On connaît un peu cette marque de ce coté-ci de l’Océan Atlantique et les collectionneurs européens le savent bien : il y a eu, aux Etats-Unis, d’excellentes marques de trains-jouets – même si Märklin et Bing ont envahi très tôt le marché américain. Au premier rang de ces marques, c’est Lionel, la grande marque mythique qui aujourd’hui hante toujours les rêves des grands dirigeants, des patrons, des « golden boys » du premier pays du monde… Ah ! L’heureux temps des « kids » et autres «boys » des années 1950, quand les ailerons des Cadillac, dans les rues des grandes villes calmes, montraient la voie du progrès au monde entier admiratif et soumis…

Couverture du catalogue Lionel de 1929. Toutes les convictions et les évidences de la supériorité technique américaine sont là, et le jeune garçon porte même une cravate lorsqu’il s’agit de jouer avec un train Lionel. Sur le catalogue JEP, le petit garçon français ne porte pas la cravate, mais fait partir son train en agitant un drapeau tricolore : JEP ne laissera pas la France jouer américain, et Lionel attendra de pied ferme de très éventuels conquérants français. Ici, sur le catalogue Lionel, la porte de cabane de jardin à l’avant des locomotives électriques américaines réelles de l’époque, ne fait pas très “moderne”, mais qu’importe : c’est aussi du “best in the world”.

Un garçon qui n’aimait pas aller à l’école.

Joshua Lionel Cowen est né à New-York en 1901. Peu intéressé par les études, doté d’un solide esprit pratique et inventif, entreprenant, innovant, décidé à en découdre – le tout bien américain – il quitte rapidement l’école et devient apprenti dans une usine d’ampoules électriques. Plein d’idées et de projets, Cowen monte sans perdre de temps un commerce d’appareils électriques à New-York, et s’amuse à adapter un moteur électrique de ventilateur à un tramway miniature circulant sur une voie de 73 mm : la “Lionel Manufacturing C°” est née, portée par le joli deuxième prénom de Cowen, et de nombreux trains seront produits en vendus pendant des décennies, et aujourd’hui toujours.

Cet écartement curieux de 73 mm sera conservé jusqu’en 1905, année où J-L Cowen adopte l’écartement des trains-jouets américains dit « Standard » qui est de 54 mm. En 1915, c’est l’apparition des trains en « 0 ». En 1928, l’entreprise, florissante, rachète son concurrent Ives (voir en fin d’article). En 1937 l’entreprise est la première aux Etats-Unis dans le domaine du train-jouet et du jouet en général, et produit plus de 40.000 locomotives et plus de 1.000.000 wagons et voitures, tout en occupant 1.000 ouvriers. Les écartements sont le « standard » et le « 0 », et une production en « 00» est lancée à la fin des années 30. L’écartement « Standard » est abandonné en 1939 : une grande page de la marque Lionel se tourne.

La firme est reprise en 1959 par Roy Mc Cohn sous le nom de « The Lionel Toy Corporation », tandis que son fondateur Cowen meurt en 1965. Une production existe toujours, 116 ans après la création de la firme, reprenant des copies des anciens modèles ou créant de nouveaux dans l’esprit de l’ancienne marque Lionel. Mais elle destinée plutôt à un public de collectionneurs et de nostalgiques, à la bourse bien garnie, car ces répliques et ces nouveaux modèles sont chers. Les collectionneurs américains classiques, grands acheteurs de trains-jouets authentiques anciens, sont des passionnés de trains Lionel, ceux de la seule grande marque qu’ils recherchent avant toute autre. Leurs évangiles et autres lectures pieuses paraissent en nombre aux éditions Greenberg, une vénérable maison spécialisée depuis des décennies dans les “toy train books” américains.

Les caractéristiques des trains Lionel.

Par rapport aux trains-jouets européens, les trains Lionel diffèrent par leurs dimensions, notamment les trains en écartement « Standard », qui est un écartement propre aux Etats-Unis, avec une distance de 54 mm entre les faces internes des rails : ceci donne des trains très gros, imposants, massifs. Mais, même pour les trains en écartement « 0 », les trains restent encore très gros car, dans la réalité, les trains américains ont un gabarit en hauteur (473 mm contre 428 mm) et en largeur (328 mm contre 310 mm) beaucoup plus importants que les trains européens, sachant que les trains britanniques sont encore plus petits avec une hauteur de 410 mm et une largeur de 281 mm. Les trains Lionel ont donc toutes les raisons d’être impressionnants et volumineux, et ils le sont.

Une autre caractéristique est l’émail – nous disons bien l’émail et non la peinture – très épais, robuste, et brillant qui recouvre le matériel roulant et les accessoires. Indestructible, cet émail aux couleurs vives et franches, participe à la qualité générale des trains Lionel, tout en accentuant l’impression très jouet, très naïve, qui s’en dégage. Très colorés, pour ne pas dire trop colorés, les trains-jouets Lionel sont bien, d’abord, des jouets.

Une troisième caractéristique est l’abondance de « gadgets » toujours très ingénieux, toujours techniquement très au point, comme les innombrables systèmes de bruiteurs (sifflets sirènes) et les attelages télécommandés sur les locomotives, les wagons à déchargement automatique, les grues fonctionnelles, les passages à niveau et les gares avec animation sonore et lumineuse. Bref, chez Lionel, tout est animé, tout bouge, tout fascine l’enfant. De nombreux petits moteurs sont toujours dissimulés dans le moindre wagon ou bâtiment pour obtenir des effets, alors que ces mêmes objets, en Europe, seraient totalement inertes.

Les locomotives Lionel.

Elles sont lourdes, impressionnantes, et, à partir des années 1930 elles sont entièrement en métal moulé pour les des modèles traités dans un esprit approchant de la maquette. La fameuse 232 Hudson sort entre 1937 et 1942, sous la référence 700 EW, et elle reste le modèle le plus beau, et le plus recherché actuellement par les collectionneurs. Mais la célèbre GG1 de type électrique a, elle aussi, été produite par Lionel à partir de 1947 – année où le catalogue ne comprend que des locomotives type vapeur. Cette GG1 est mue par deux moteurs, et, à ce titre, elle n’est pas sans rappeler la CC 7001 de JEP pour les collectionneurs français, tant dans ses techniques que dans son matériau, et avec la même qualité de fabrication. Les dernières années 1930 jusqu’aux premières années 1950, donc surtout la décennie glorieuse et très perfectionniste des années 1940, sont, pour les trains Lionel, un âge d’or qui fait référence dans le monde entier et influe jusque sur la conception des modèles Märklin ou JEP.

Une classique “Berkshire” type 142 américain, très bien reproduite par Lionel pour l’écartement “0”. Le tout est dans un “zamac” robuste, lourd, massif. Le fonctionnement est de qualité, silencieux, puissant. Un sifflet fonctionnel, au son typiquement américain, fonctionne par télécommande.
Le fameux train “Blue Comet” en écartement “Standard” fait de lui un modèle lourd et de dimensions imposantes, soit 78 cm pour la locomotive et son tender, et 48 cm pour chaque voiture.
La série “Red Comet” est une version plus accessible, en écartement “0”, que la “Blue Comet”. La locomotive type vapeur de base est à quatre roues motrices pour toutes les marques de l’époque, y compris Lionel. Catalogue français de 1934.
Train Lionel en écartement “0”, années 1930. Bien que bas de gamme (locomotive à quatre roues, rien de plus), il “coche les cases” du réalisme minimal américain avec des voitures à bogies.
En 1947, Lionel est au sommet de son art et de sa gloire avec la reproduction de la fameuse et belle GG1 du Pennsylvania RR. La locomotive Lionel du type 2CC2, en métal moulé, est lourde. Ses deux moteurs lui donnent une puissance très remarquée grâce à ses 12 roues motrices.
Robuste et lourde locomotive type électrique BB Lionel (en fait une 1B1, selon une solution qui sera aussi celle de Hornby en France). Années 1940.
Les fameuses rames rapides carénées diesel des réseaux américains des années 1930 n’ont pas manqué, non plus, d’inspirer Lionel qui crée, sans nul doute, ses modèles les plus réussis. Ici le “City of Denver” du réseau Union Pacific est au catalogue de la firme dès 1934. Ce train impressionnant est long de plus d’un mètre.

Le matériel remorqué Lionel.

Les voitures des premiers catalogues représentent le matériel lourd, aux faces planes et carrées et copieusement rivetées, des réseaux américains des années 1920. Les bogies sont à trois essieux pour les trains les plus luxueux, que cela soit en écartement « Standard » ou en « 0 ». Les lanterneaux typiquement américains viennent rehausser les toits, et les soufflets, s’ils ne sont pas entièrement reproduits, sont représentés par les encadrements des portes d’extrémité qui font saillie et peuvent les suggérer, car les voitures sont attelées d’une manière rapprochée et réaliste grâce à l’absence de tampons à l’européenne. Bien entendu, la dernière voiture du train est une « observation car », ceci par une conception modulaire permettant de disposer, facilement, un balcon à la place d’une extrémité fermée. Après la Seconde Guerre mondiale, Lionel suit l’évolution du matériel voyageurs américain, et sans pour autant retirer ses voitures anciennes des catalogues : des voitures plus rondes, inspirées de celles du réseau Pennsylvania sont ajoutées, pour être remorquées par la GG1 ou les locomotives à vapeur modernes de ce réseau.

Les wagons sont tous à bogies, à l’américaine, et représentent, avec force gadgets et animations partout où c’est possible, le matériel marchandises contemporain, mais avec des marquages « Lionel Lines » plutôt que des réseaux. Après la guerre, quelques marquages plus réalistes seront apposés, comme « Lehigh Valley » sur les trémies, ou encore « Sunoco » sur les citernes pétroliers, ou encore « New York Central Lines » sur d’autres wagons, mais sans toutefois détrôner le « Lionel Lines » qui reste omniprésent.

Sur le catalogue français de 1934, la série “Junieurs” (sic, mais saluons le courage de Lionel d’oser pratiquer la belle langue française) allie la robustesse au bas prix, et essaie d’entrer en concurrence avec JEP qui répondra par une série de trains analogues avec des locomotives carénées à l’américaine dès 1938.
Grue Lionel fonctionnelle. Ecartement “0”, années 1930.
Le bien connu et emblématique “caboose” américain, immortalisé par le cinéma “western”, n’a pas été oublié par Lionel. Ici nous sommes en écartement “0”, et la caisse, en plastique épais, montre qu’il s’agit des dernières productions de la marque.

De curieux et courageux catalogues en langue française.

En 1934 Lionel fait paraître un catalogue partiellement en langue française, puis, en 1937, c’est la parution d’un autre catalogue intégralement français. C’est la traduction du catalogue classique américain de la même année, mais, contrairement au cas des autres marques importatrices dans notre hexagone, le catalogue de Lionel est écrit dans un français absolument impeccable. Mieux, même : un certain nombre de titres, de noms de locomotives, ou de slogans commerciaux sont laissés dans la langue d’origine, comme si on voulait, à travers eux, déjà sensibiliser les jeunes Français à la langue anglaise,  et aussi à la terminologie ferroviaire américaine qui est totalement différente de celle du Royaume-Uni.

Dans ce catalogue, Lionel se présente – supposant loyalement que les lecteurs français ne connaissent pas cette marque. La question est de savoir quelle action commerciale est derrière ce catalogue : implantation d’une succursale ou d’une filiale en France, ou simple importation par l’intermédiaire d’un grossiste qui a su se montrer très persuasif ? Le mystère demeure entier et ces catalogues, à notre connaissance, sont restés une rare tentative dans le genre.

Un pupitre de commande Lionel pour deux trains : jamais aucune marque européenne n’a su faire un accessoire aussi attirant, nous replongeant dans les attrayantes techniques des premières décennies du XXe siècle.
Un exemple de réseau Lionel, celui du Lionel Train Operation Society. Cette association est bien connue aux USA et n’hésite pas à pratiquer, comme les architectes et les urbanistes américains, une certaine conception de l’entassement en hauteur. Il faut dire que certains grands accessoires Lionel, très spectaculaires comme des ponts, ou des gares ou des usines monumentales, provoquent ce genre de saturation en hauteur.

A l’ombre de Lionel : les “outsiders” du train-jouet américain.

American Flyer est née en 1908 à Chicago avec l’association de W.F. Hafner, W.O. Coleman, E. Metzel qui produisent des trains-jouets mécaniques pour l’écartement « 0 ». Pendant la Première Guerre mondiale la firme produit ses premiers trains-jouets électriques et, une fois la paix revenue, elle est prête à envahir le marché national américain avec des trains très bon marché, et elle y parvient au point de songer à produire des trains pour l’exportation : c’est ce qui est tenté, en 1921 au Royaume Uni, avec une gamme de type anglais British Flyer qui ne rencontra aucun succès. Se repliant sur le marché américain, la firme suit les traces de Lionel en lançant sa propre production dans l’écartement dit « standard » de 54 mm. Après une tentative de fusion avec la firme Ives en 1928, la firme poursuit difficilement sa route pendant les années 1930 avant d’être reprise par Gilbert, le fameux fabricant de jouets scientifiques et de construction. Reprise par Lionel en 1961, la marque signe une série de trains à l’écartement « S ».

Ives est une autre marque de trains-jouets américaine qui a vécu à l’ombre de Lionel. En 1868 Edouard Ives commence à fabriquer des petits jouets en fer-blanc animés par la chaleur d’une bougie, ceci dans la ferme paternelle du Connecticut aux USA, avant d’aider son père à fabriquer des boutons d’uniforme, puis de s’installer, avec son beau-frère Cornelius Blakeslee, à Bridgeport pour fonder la firme Ives Blakeslee & C° fabricant des jouets à mécanisme d’horlogerie. Au début du siècle des trains en « I » et en « 0 » sont produits, et se vendent bien. Un troisième associé, Edward C. Williams prend la direction de la firme qui devient Ives & Williams, Blakeslee s’étant retiré en 1895. La firme produit alors exclusivement des trains pour le marché américain et le succès commercial est important. Edward Ives meurt en 1918 et son fils Harry reprend la direction. Le capital dépasse $ 2.000.000 malgré des incendies survenus durant les années 1910, mais la crise de 1929 est fatale pour la firme qui est reprise par le concurrent American Flyer, puis par Lionel en 1931. Le fameux slogan « Ives toys make happy boys » reste présent dans les souvenirs des collectionneurs américains qui recherchent très activement les trains Ives en grand écartement.

Marx est une marque américaine de jouets (elle n’a rien à voir avec le philosophe allemand Karl Marx, ni avec les très comiques Marx Brothers dont le succès intellectuel passe pour avoir dépassé celui du philosophe, mais n’insistons pas) et elle est bien l’une des plus importantes marques de jouets américaines. Louis Marx créa sa firme par l’achat, en 1920, de Strauss, Man & C°, à NewYork et commence à fabriquer des jouets en fer-blanc. Pendant les années 1930, Marx achète un grand nombre de fir­mes concurrentes, et devient un très grand producteur de jouets sur le plan mondial. Il faut dire que les ventes sont surtout faites par des chaînes de grands magasins ou par correspondance, solution commerciale très en avance alors. Une succursale fut même créée en Grande-Bretagne. La marque apposée était soit Marx, soit Marlines. Après la guerre, la production s’orien­ta résolument vers le jouet en matière plastique.

La marque Erector a, elle aussi, compté. Né en 1884 à Salem, dans l’Oregon (Etats-Unis), Alfred Carlton Gilbert se passionne, dès son enfance, pour les jouets, les sports et les tours de magie. Sa première production en 1907 sera, justement, des coffrets contenant de quoi faire des tours de magie. Le jeu Erector est produit à partir de 1913 et se différencie des autres jeux de construction comme le fameux Meccano de Franck Hornby par la présence d’un moteur dans chaque boîte et de pièces donnant des assemblages plus réalistes et élégants. Un sens rare du marketing et des publicités, l’organisation de concours donne rapidement à l’Erector une célébrité nationale aux Etats-Unis. La création de la société Gilbert en 1916 et la production d’autres types de jouets donnent à la firme une dimension de tout premier plan, mais la crise des années 1930 amène la fermeture de la firme en 1932 malgré le rachat du Meccano américain exporté par Hornby en 1929 qui, aussi produira sans grand succès des trains de la série “M” (écartement “0”) pour le marché américain.

D’autres marques, confidentielles, existent comme Voltamp, au nom très scientifique… Elle est créée par un certain Manes Fuld (1863-1929) dont le père vendait des poêles et des fourneaux en fonte. Il produit des trains-jouets dès 1903 sur une voie très large de 2 pouces, à moteur électrique, ses trains devant être alimentés par une batterie d’automobile pour cause d’utilisation de courant continu facilitant l’inversion du sens de marche. Il abandonne cette formule lourde et onéreuse (qui serait à la mode aujourd’hui pour ce qui est des automobiles réelles) pour des trains fonctionnant sur le courant alternatif domestique. Les trains Voltamp sont très beaux, bien finis, et connaissent un réel succès. Fuld revend la firme en 1923 à la H.F.Boucher Manufacturing C° de New York qui lance un nouveau programme de trains en écartement Standard d’inspiration Lionel. La production de la cette marque est arrêtée en 1934. Les trains Voltamp sont très recherchés par les collectionneurs américains.

Une autre marque contemporaine, Carlisle & Finch qui aurait été l’inventeur du train-jouet électrique pour les USA, aurait existé avant Voltamp et aurait disparu de la même manière.

Les Christophe Colomb : Märklin part pour les Etats-Unis.

La grande firme allemande Märklin a toujours aimé le marché offert par les Etats-Unis et on la comprend, car c’est une opportunité immense qui est offerte avec ce pays aussi peuplé. Mais, jadis, les pionniers de l’Ouest ne devaient pas offrir beaucoup de jouets à leurs enfants (sinon des armes ?) et il a fallu que s’établisse une bourgeoisie fortunée dans les grandes villes de l’Est pour qu’un marché réel apparaisse.

Les jouets Märklin sont certainement les premiers offerts aux enfants américains, bien avant que naisse une industrie du jouet américaine. Ajoutons que cette dernière devra beaucoup aux Allemands eux-mêmes ayant émigré aux Etats-Unis et ayant fondé, dès la première ou à la deuxième génération, une « Toy manufacturing C° » portant fièrement leur nom allemand. Mais les premiers jouets achetés par les riches américains sont allemands, et d’Allemagne, produits par les grandes firmes comme Märklin ou Bing notamment.

Märklin soigne ce marché américain, et, bien avant la Première Guerre mondiale, produit des trains spéciaux pour les Etats-Unis, reproduisant avec exactitude les trains américains, et ne se bornant pas à mettre de simples marquages sur des modèles de type européen.

Très beau train Märklin américain en “0” du début du XXe siècle. Collection Garnier. Cliché Denis Fournier Le Ray.
Wagon à bière Märklin pour le marché américain, produit entre 1913 et 1915. Collection HM. Petiet. A comparer avec le modèle concurrent produit par Bing, et présenté dans l’article consacré à cette marque déjà paru sur ce site-web.
En 1913, Märklin attaque fort le marché américain avec ses trains “strong current” (utilisant le 110 ou 250 volts directement !), mais surtout très bien dessinés, dans le style le plus américain possible.

Ils sont produits dans les écartements « I » et « 0 ». Les locomotives américaines ont, bien sûr, le mécanisme et les roues standard utilisés par les locomotives européennes. Pour les locomotives à vapeur, le chasse-vaches est incontournable, et si la chaudière est souvent du type européen y compris la cheminée, la cabine de conduite est totalement américaine, c’est-à-dire vaste, confortable, avec un grand toit bien arrondi et des fenêtres latérales dont le dessin évoque bien celle des locomotives réelles de l’époque. Le tender est souvent un modèle allemand, mais avec des marquages de compagnies américaines, principalement « NYC & HR » (New York Central & Hudson River) ou « PENNSYLVANIA LINES ». 

Les locomotives de type électrique reprennent uniformément le type 1D1 du New York Central Lines de 1904 avec ses capots d’extrémité dotées d’une porte d’intercirculation, mais réduit la locomotive réelle à une simple machine à 4 roues.

Les voitures sont très réussies, et reproduisent, en les raccourcissant, les lourdes voitures à rivets des grands réseaux du début du siècle, avec leurs fenêtres au haut arrondi, et leur toit massif avec un lanterneau. Suivant la pratique américaine, ces voitures ont un nom comme « Jefferson » ou « Louisiana », et le nom « Pullman » est omniprésent. Les wagons de marchandises, tous à bogies comme aux Etats-Unis, suivent d’assez près la réalité américaine, avec les noms des réseaux ou, pour les couverts, des noms de marques comme la bière « Budweiser » ou les sauces « Heinz » aux 57 variétés.  Le « caboose », véhicule traditionnel de l’époque, n’est pas oublié avec ses guérites et ses plateformes

La grande époque Märklin américaine des années 1930.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Märklin, comme beaucoup de fabricants allemands est obligé de délaisser le marché américain pour de nombreuses raisons : affaiblissement économique de l’Allemagne, contingentement des exportations pour ce pays, refus des produits allemands chez les acheteurs des pays ayant été en guerre.  Mais le dynamisme commercial allemand retrouve ses repères à la fin des années 1920 et les premières années 1930 offrent à Märklin, en dépit de la crise économique, d’exporter de nouveaux modèles. La deuxième grande période américaine de Märklin se situe pendant les années 1930 : c’est l’apogée en matière de réalisme d’aspect et de qualité de fabrication – même si les collectionneurs actuels préfèrent « l’avant 14 ». Les prix atteints, néanmoins, montrent que les modèles Märklin américains des années 1930 sont extrêmement cotés.

La locomotive type J3a du New York Central est le premier modèle du genre : ce type 232 est produit par Märklin entre 1932 et 1935, sous la référence AHR/66/13020. En zamac massif, avec un embiellage très détaillé, ce modèle s’apparente bien aux meilleurs modèles de la marque américaine Lionel et s’intègre en très bonne position sur le marché de ce pays.  Ce modèle se vend actuellement plus de 10.000 Euros.

La célèbre « Commodore Vanderbilt », une 232 carénée du New York Central, est produite en écartement « 0 » entre 1932 et 1935, et apparaît comme une variante de la 232 classique que nous venons de décrire, et atteint les mêmes prix. Mais il faut signaler qu’un modèle en « I » existe en 1936 et en 1937 seulement, faisant de ce modèle long de 76 cm (tender compris) une rareté dont la cote, aujourd’hui, dépasse 15000 Euros…

Les voitures de type américain sont produites entre 1935 et 1938. Longues de 53 cm, elles ont des bogies à 6 roues, et une superbe caisse vert sombre à rivets apparents. Elles reproduisent le type réel de 1928, et existent en diverses versions dont une splendide « observation car ». La cote actuelle dépasse facilement 2.500 Euros par voiture !

Une belle réussite de Märklin pour le marché américain. Catalogue Märklin pour le marché américain.
Une très rare “Commodore Vanderbilt” du New-York Central produite par Märklin pour l’écartement “1” en 1936-1937. Collection HM. Petiet.
Notons que, jusque durant les années 1960 et même plus tard, Märklin n’oubliera jamais son marché américain sur lequel il a conquis une très bonne place et, notamment en “H0” et avec le très fiable système trois rails, continue à proposer des trains complets de type américain. La locomotive diesel “F7” est incontournable. Catalogue français de 1972.

Bing, aussi, part à la conquête des Amériques.

C’est en 1863 que Ignace et Adophe Bing ouvrent un magasin de jouets et d’objets de ménage sous la raison sociale Gebrüder Bing Nuremberg. En 1879 ils lancent leur propre production de jouets et l’entreprise Nurnberger Metall- und Lackiertwarenfabrik Gebrüder Bing devient très prospère et bien connue avant la Première Guerre mondiale dans une Allemagne qui est la pionnière mondiale du jouet. En 1919, à la mort de son frère Ignace, Stephan reprend seul la direction de la firme et s’emploie, avec une rare énergie, à en faire une des premières firmes mondiales avec de nombreuses succursales installées en Europe et aux USA, dépassant même Märklin. Le nombre d’ouvriers atteint 10.000. C’est l’âge d’or de la firme, mais cet âge d’or ne dure à peine qu’une dizaine d’années. En effet, dans une Allemagne tourmentée qui supporte mal les clauses du traité de Versailles, et dont l’économie sombre à une rapidité alarmante, la crise de 1929 est fatale pour la firme comme elle l’est pour l’ensemble des firmes allemandes. Stephan Bing, le cœur serré, doit se retirer de la direction de sa firme. La production se poursuit dans des conditions difficiles pendant trois courtes années, et cesse définitivement en 1932. La famille Bing, d’origine juive, doit fuir le sol allemand. La firme Karl Bub reprend une partie de la production.

La gamme de jouets Bing était très variée, jouets en fer-blanc lithographié et peint représentant des automobiles, des bateaux et surtout une impressionnante gamme de trains en tous écartements, du « OO » au « IV », jouets d’optique ou scientifiques, machines à vapeur, etc. Une grande partie de cette production traversera l’Atlantique.

Si les trains Bing sont dans un style très allemand et évoquent les réseaux bavarois ou prussiens (marché national oblige), les frères Bing savent utiliser leur avance technique considérable en matière de jouets pour exporter dans le monde entier. Ils s’y emploient activement et ils font de nombreux modèles pour le marché  britannique en priorité, mais aussi français, sans oublier le marché américain.

Locomotive Bing (ou, peut-être Carette ?) soigneusement évocatrice des dernières 220 des grandes lignes de l’Ouest. La cabine de conduite est très réussie. Le tender a conservé ses origines allemandes.
Voiture de type très américain, au style parfaitement saisi par Bing. Mais elle sera aussi vendue en Europe avec des marquages CIWL ou ISG !
Voiture lourde type métallique des années 1920 dont le style général est bien saisi par Bing, mais trop raccourcie et trop haute sur ses grossiers bogies. Mais elle satisfera sa clientèle d’enfants américains, comme, d’ailleurs, sa clientèle européenne pas très regardante.

Hornby rate le marché américain.

Si la grande marque anglaise fondée par Franck Hornby au tout début du XXe siècle, avec ses trains Hornby, son inimitable “Meccano” et ses fascinants “Dinky Toys” est une réussite sur le marché britannique et français, elle ne pourra pas s’implanter durablement dans les pays du “Commonwealth” britannique sinon sur sous la forme de marquages de matériel anglais, et elle échouera notoirement aux USA.

L’histoire américaine de Hornby débute en 1927 sous le nom de “Meccano USA” avec la fabrication, au Royaume-Uni, d’une gamme de trains Hornby typiquement américains, à ceci près qu’ils négligent la caractéristique américaine par excellence qu’est le bogie. Les châssis des wagons et voitures sont désespérément à quatre roues, et, malgré un allongement du châssis avec deux porte-à-faux pour leur donner un peu de longueur, malgré des lithographies et des marquages américains de qualité, l’ensemble manque de présence et de réalisme d’aspect. L’unique locomotive proposée est la très basique locomotive rouge mécanique “M” à quatre roues, avec son petit tender. Elle est montée haut sur une platine de la série “1” et non “M”, et elle est affublée d’un chasse buffle à l’avant pour “faire américain” à défaut de l’être, et elle essaie de s’imposer en tête de son train composé soit de deux voitures Pullman, soit d’un wagon citerne, d’un wagon couvert, et d’un “caboose” typiques. L’ensemble ne manque pas de charme, grâce aux belles couleurs Hornby, mais quand ça ne veut pas…. ça ne veut pas. Les enfants américains boudent ces trains.

Inutile de dire que l’échec sera cuisant. Très rapidement Meccano USA est liquidée, vendue un de ses concurrents qu’est AC Gilbert. Celui ci s’intéresse cependant au Meccano, mais arrêtera rapidement la commercialisation des trains qui reprendront le chemin du Royaume-Uni, dans des boites portent la mention : “imported from USA”. IL semble qu’il y ait eu, ensuite, une poursuite de la fabrication de ce matériel Hornby de type américain pendant quelques années au Royaume-Uni.

Une publicité parue aux USA, et sur laquelle on peut découvrir un beau train canadien. C’est le Train Bleu français, dont la locomotive, une Pacific Nord française réduite au type 221, se retrouve ici avec des marquages canadiens et le chasse-buffle de rigueur. Les deux voitures sont devenues des “Canadian Pacific” par la magie d’un marquage.
Voiture Pullman américaine tristement et discrètement bradée sur le catalogue britannique dans les années 1930.
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