Ces “Petits Privés Proches de Paris”, que nous n’osons pas appeler “4P” bien que cela fasse très moderne et très actuel, ont réussi à naître comme des champignons imprévus, et à se glisser dans le chemin de fer de la banlieue qui, pourtant, semble être le terrain de chasse gardée des grandes compagnies qui ont pignon sur rue dans la Ville Lumière.
Quand on ne l’appelait pas encore vraiment l’Ile de France, ni la région parisienne, mais plus simplement le Gâtinais, le Hurepoix, la Goële, ou la Brie, ou la France (pas la grande hexagonale, mais la toute petite région de Roissy-en-France, par exemple) selon l’endroit où l’on se trouvait, il y avait déjà beaucoup de petites lignes en voie normale, métrique ou même en voie de 60 qui, sous le nom de « tortillards », desservaient ces régions encore très rurales et depuis lesquelles, par beau temps, on devinait au loin la tour Eiffel ou la Butte Montmartre. Pratiquement tous ont disparu corps et biens, même les plus célèbres comme l’immortel Arpajonnais (que nous avons déjà décrit : tapez “Lamming Arpajonnais” directement sur Google) qui osait descendre le boulevard Saint-Michel en pleine nuit, avec des trains de marchandises et des bruyantes locomotives à vapeur enfumant les belles façades haussmanniennes et les “bobo” d’époque qui dormaient derrière…
Ce sont, quelque peu, les cousins de province bien ruraux de ces élégants tramways électriques et urbains de Paris. Pendant plusieurs décennies ils ont desservi les bourgades de toute une région, parfois à partir de Paris ou des gares de chemin de fer rayonnant autour de la capitale, roulant maladroitement en se dandinant sur une voie incertaine perdue sur les bernes herbeuses des routes nationales ou départementales, et se transformant en tramway presque urbain lors des traversées des villages et des petites villes par la grande rue commerçante.

Parfois, mais rarement, ils osent circuler sur des ouvrages d’art comme des viaducs ou des tunnels, ou, même, ils ont des gares qui ressemblent, mais tout en restant modestes, aux gares du « grand » chemin de fer avec une halle à marchandises accolée. Classés, administrativement, dans la catégorie des “tramways” dans la mesure où ils circulent sur la voie publique, ils ont, techniquement, un certain nombre de caractéristiques fondamentales des tramways dans la mesure où l’armement des lignes est très léger avec des rails pesant 15 kg au mètre, soit quatre fois moins que les meilleurs rails des grands réseaux, posées sur des traverses plus fines et plus courtes, et surtout beaucoup plus espacées, le tout sur un ballast bien moins épais. Des “tramways”, donc ? Mais on les désigne souvent, aussi, sous le nom de « chemins de fer économiques », ou de « lignes secondaires », ou parfois de « chemins de fer vicinaux ». Mais, malgré ces euphémismes administratifs, on les a surtout surnommée des « tortillards » vu le confort et les performances qui ont fait d’eux les meilleurs agents publicitaires de l’autocar et de l’automobile particulière.
Comment longer une route sans l’envahir, surtout en région parisienne ?
Les voies sont établies sur ce que l’on appelle à l’époque un « accotement réservé », c’est-à-dire sur une bordure d’une route ou d’un chemin interdite à tous les autres véhicules. Les piétons peuvent y circuler, à condition de décamper rapidement et sans fierté quand ils entendent siffler le train – comme dirait Richard Anthony.
En général on prévoit, de chaque coté du gabarit du matériel roulant une bordure de 30 cm du coté de la chaussée, et une banquette de 110 cm du côté du fossé. On laisse six mètres pour la largeur de la chaussée, qu’il s’agisse de départementales ou de nationales. Les rails sont saillants, et posés sur des traverses tant que l’on est en rase campagne et à côté de la chaussée proprement dite. Là où la place manque, comme dans le cas des traversées des villes et des villages, il faut alors que la voie vienne s’installer sur la chaussée même, utilisant des rails plats type tramway urbain.










Les locomotives à vapeur de ces tramways ruraux sont la très classique petite locomotive-tender à deux ou surtout trois essieux moteurs, version plus légère et plus réduite des locomotives de manœuvres des gares du « grand » chemin fer, mais ramenées à un poids d’une quinzaine de tonnes. Elles peuvent rouler à 20 ou 25 Km/h en tête d’un train formé de deux ou trois voitures et quelques wagons à marchandises, pesant moins d’une centaine de tonnes. Elles circulent, comme toutes les locomotives-tender, indifféremment dans les deux sens de marche et emportent sur elles leur réserves d’eau et de charbon – réserves assez maigres pour n’accorder qu’une autonomie modeste. Dans les années 1910, elles sont certainement le véhicule le plus rapide sur la route partagée avec quelques automobiles pétaradantes et capricieuses, et le train règne donc en maître. Mais, après la Première Guerre mondiale, les progrès de l’automobile vont être tels que les trains seront dépassés à tous les sens du terme et considérés comme des gêneurs.
Il faut dire, aussi, que ces « tortillards » se sont bien vidés de leurs voyageurs. Les voitures remorquées par les locomotives sont de construction sommaire, plutôt sur deux essieux que sur bogies, avec une étroite caisse en bois ouvertes sur deux plates-formes d’extrémité accueillant généreusement et amplement les vents de la Beauce ou de la Brie. Les sièges sont rudimentaires, et rarement rembourrés. Le chauffage est assuré – si l’on peut dire – par un poêle. Prendre ces trains-là tous les jours et par tous les temps, c’était vivre quotidiennement des retards innombrables, des vitesses moyennes de l’ordre de 15 à 20 km/h, et un inconfort notoire du à l’état médiocre des voies.
Les marchandises, de leur côté, sont mis à mal par la nécessité de les transborder du wagon à voie métrique dans le wagon à voie normale, puis vice-versa en fin de trajet, quand il fallait faire une expédition à grande distance en passant par le réseau grandes lignes. Les pertes de temps et la casse étaient au rendez-vous, et expliquent l’essor du transport par camion directement de porte à porte, laissant alors à ces tramways le transport de ce qui n’est ni pressé ni fragile, comme les betteraves ou les pommes de terre.
Les autorails sont-ils alors une solution ? Pas en Ile de France, en tous, cas. Au lendemain de la Première Guerre mondiale un certain nombre de constructeurs d’automobiles s’intéressent aux chemins de fer secondaires et vicinaux dont les petites lignes à voie métrique connaissent un trafic en chute libre, notamment en Ile de France. L’automobile, devenue fiable, économique, et rapide remplit les routes et vide les trains, surtout sur de courtes distances et pour le transport porte à porte. De Dion, ou surtout Berliet, construisent alors des engins à quatre roues, avec moteur de type automobile donnant 40 à 80 ch., et une carrosserie inspirée de celle des autobus de l’époque. L’autorail pour lignes secondaires est né, mais ne se montre guère performant sur le plan mécanique: un moteur, un embrayage et une boîte de vitesses de type automobile ne peuvent guère, en effet, « encaisser » durablement les longs et lents démarrages du type ferroviaire, les longues marches à bas régime. Les tramways d’Ile de France (Seine et Seine & Oise) n’ont pratiquement pas utilisé ces autorails qui sont à vocation pleinement rurale. Toutefois on peut signaler l’existence de petits autorails « pétroléoélectriques » sur la ligne de Pithiviers à Toury, dans le Loiret, à partir de 1921 et qui peuvent maintenir un modeste service voyageurs parmi les trains de betteraves…


La région parisienne, pas encore “Ile de France”, est, dans les faits, une véritable pépinière de petits réseaux privés nés plus ou moins dans l’esprit “tramway” et s’en détachant lorsqu’un fort trafic marchandises se présente et demande des moyens de traction adaptés, avec, notamment, des petites locomotives-tender et des dépôts. Voici un tableau le plus complet possible de ces premiers tramways en banlieue et grande banlieue avec leurs initiales, leur nom, et leurs dates de création et de cessation d’activités :
CGO. Compagnie Générale des Omnibus 1855-1921
TSV. Compagnie du Tramway de Sèvres à Versailles (Rachetée par la C.G.O.) 1857-1880
TN. Compagnie des Tramways Nord (Devenue T.P.D.S.) 1874-1890
TS. Compagnie des Tramways Sud (Devenue C.G.P.T.) 1875-1890
RM. Compagnie du Tramway de Rueil à Marly-le-Roi (Devenue P.S.G.) 1878-1890
CFN. Compagnie des Chemins de Fer Nogentais 1887-1921
TPDS. Compagnie des Tramways de Paris et du Département de la Seine 1890-1921
CGPT. Compagnie Générale Parisienne de Tramways 1890-1921
PSG. Compagnie des Tramways à vapeur de Paris à St-Germain (Rachetée par la T.P.D.S.) . 1890-1910
TRM. Compagnie du Tramway du Raincy à Montfermeil (Rachetée par I’ E.P.) 1890-1900
FB. Compagnie du Tramway Funiculaire de Belleville 1891-1924
PA. Compagnie du Chemin de Fer sur Route de Paris à Arpajon 1893-1922
TSM. Compagnie des Tramways de St-Maur-des-Fossés et Extensions (Devenue E.P.) 1894-1900
TR. Compagnie du Tramway de Paris à Romainville (Rachetée par l’E.P.) 1896-1900
TMEP. Compagnie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris (Rachetée par la T.P.D.S.) 1896-1910
MSG. Compagnie des Tramways de Montmorency à St-Gratien (Rachetée par le N.P.) 1897-1908
EP. Compagnie des Tramways de l’Est Parisien 1900-1921
OP. Compagnie des Tramways de l’Ouest Parisien 1900-1924
RG. Compagnie des Tramways de la Rive Gauche 1900-1921
NP. Compagnie des Tramways Électriques Nord Parisien (Rachetée par la T.P.D.S.) 1900-1910
TVPE. Compagnie des Tramways de Vanves à Paris et Extensions (Tombée en faillite) 1900-1902
CFBB. Compagnie du Chemin de Fer du Bois de Boulogne 1900-1922

Un exemple en banlieue : la fin discrète d’une ligne modeste.
En 1949, par exemple, la petite ligne de tramway reliant Villiers-le-Bel-Gonesse à Villiers-le-Bel ville (carrefour de l’Espérance !) perd toute espérance et voit bientôt venir sa fin. Le déficit atteint la somme de 979.000 francs -soit le prix d’une voiture automobile de luxe à l’époque, ce qui n’est quand même pas rédhibitoire – et, surtout le matériel roulant est très vieux, fatigué, éprouvé par la guerre. Mais la presse de l’époque signale « un préjugé favorable en faveur (sic) du service routier urbain qui apparaît, chez beaucoup de nos contemporains comme la seule formule vraiment moderne ». En octobre 1949, la municipalité organise d’abord un service d’autobus, écoutant ainsi les chantres de la modernité, mais y laisse des plumes… Heureusement la RATP a la bonne idée de faire passer par là la ligne 168 Porte de Clignancourt – Sarcelles Cimetière, ce dernier point enterrant définitivement toute circulation sur rails dans le secteur, et, du coup, l’honneur de la municipalité de Villiers-le-Bel est sauf, même si le « tortillard » est mort.
Le même sort sera réservé à la ligne de St-Gratien, toute proche, dont nous avons quelques images.


Le chemin de fer du Bois de Boulogne : pas besoin de l’acclimater.
Ce n’est pas celui du jardin d’acclimatation, toujours vivant d’ailleurs et tout aussi ancien, mais c’est un autre réseau qui, partant de la porte Maillot, allait jusqu’à Suresnes, Longchamp et son hippodrome, et poussait jusqu’au mythique Val d’or où il n’y avait pas de chercheurs d’or, mais de paisibles villas luxueuses pour gens qui n’avaient pas besoin d’en chercher. Une sorte d’ « Arpajonnais » pour gens chic, en somme ?
Faisant partie de ces lignes de tramway particulièrement orientées vers la « campagne » et pouvant jouer un rôle régional, le Chemin de fer du Bois de Boulogne ou «tramway du Val d’Or » transporte le dimanche, dans ses petites remorques ouvertes, une foule impressionnante de promeneurs. Les jours de courses à Longchamp, il se mue en un véritable chemin de fer puisqu’il doit évacuer des foules atteignant parfois 20.000 personnes et lorsque, cinquante ans plus tard, tout s’effectue par la route, l’envahissement du Bois par une marée d’autocars privés et d’automobiles donne une idée de la puissance de transport du tramway qui, en outre, était « respectueux de l’environnement » comme on dit aujourd’hui.
La ligne de la porte Maillot au Val d’Or est mise en service le 20 janvier 1900. Les motrices sont à une cabine de conduite et doivent être virées sur des plaques tournantes aux terminus : c’est pourquoi une boucle est installée à la porte Maillot en 1907, et une autre le sera au terminus partiel de Longchamp. La ligne a son point de départ sur une boucle posée à même le sol planté d’arbres, et longe le Bois de Boulogne jusqu’au pont de Puteaux. La voie double est, heureusement, construite en site propre, installée sur une plateforme avec une grille coté Bois et une haie coté boulevard. Aux portes des Sablons, de Neuilly, de Madrid, la voie ferrée quitte son site propre pour gagner le boulevard pour éviter les pavillons de ces portes.
Prés du pont de Puteaux, la ligne pénètre à l’intérieur du Bois de Boulogne et suit en accotement la route dite du « Bord de l’eau » jusqu’au pont de Suresnes. Après l’hippodrome de Longchamp, on est en voie unique, car le très important trafic des champs de courses se limite à cette station. On franchit la Seine sur l’ancien pont de Suresnes puis on est en rampe jusqu’au Val d’Or, la voie étant en accotement sur le côté gauche de la route de Suresnes. Le terminus est établi à une centaine de mètres au-delà du pont du chemin de fer de la ligne de Versailles-RG. Le dépôt et l’usine électrique se trouvent entre le remblai du chemin de fer de Versailles-RG et la route.
Le CFBB se tient toujours à l’écart des autres compagnies, et son réseau est le seul à n’être raccordé à aucun autre. Il est assez actif, le nombre de voyageurs transportés, qui dépassait déjà 2 millions en 1902, atteint 3,8 millions en 1908, près de 5 millions en 1913 et 7,1 millions en 1918. Mais ce trafic est extrêmement irrégulier et complique l’exploitation, car le mouvement des voyageurs varie fortement dans la journée avec une pointe vers Paris le matin, vers Suresnes le soir, un faible trafic le reste du temps, mais des pointes encore plus impossibles à traiter certains dimanches. La ligne arrive à transporter, par beau temps, plus de 50.000 voyageurs dans l’après-midi. La compagnie assure toujours, toutefois, l’équilibre financier de son exploitation.
La traction électrique se fait par fil aérien sur la plus grande partie du trajet. Cependant, la pose de la ligne aérienne est refusée au passage des portes du Bois de Boulogne, tout comme sur le tronçon compris entre les deux ponts de Puteaux et de Suresnes. On installe donc, sur ces sections, des plots du capricieux système Vedovelli à distributeurs..
L’inondation de 1910 se charge, entre autres bienfaits, de remettre les pendules à l’heure en détruisant les systèmes à plots situés en bordure de la Seine, ce qui permet au CFBB de plaider sa cause et d’obtenir la permission d’installer le fil aérien sur toute la longueur de la ligne. La ligne est remaniée avant la guerre de 1914. Un décret du 28 octobre 1908 autorise le CFBB à prolonger sa ligne du Val d’Or à Saint-Cloud (Montretout). Le prolongement est ouvert à l’exploitation en juin 1911. C’est alors qu’une compagnie du Tramway de Suresnes à Garches est créée à la même époque, mais elle abandonne au Chemin de fer du Bois de Boulogne l’opération de construction de ce prolongement et le CFBB l’exploitera avec son propre matériel pour le compte de la compagnie Suresnes-Garches dès avril 1912. Ce prolongement est abandonné en 1916, car le trafic au-delà de Saint-Cloud souffre de la concurrence exercée par le chemin de fer de Marly-le-Roi déjà présent sur les lieux depuis longtemps.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les temps ont changé et le Chemin de fer du Bois de Boulogne est repris en 1922 par la STCRP (Société des Transports en Commun de la Région Parisienne). La ligne Saint-Cloud (Montretout) – Val d’Or – Porte Maillot devient la ligne 44 de la STCRP.
L’ancienne ligne PC des Tramways de Paris et du Département de la Seine, reliant le marché de Puteaux à la Madeleine, frôle la ligne du Chemin de fer du Bois de Boulogne près du pont de Puteaux et file en zigzag dans Neuilly pour rallier la Madeleine. Cette curieuse vagabonde est raccordée à la ligne 44 à la sortie du pont de Puteaux, et va tout droit à la porte Maillot sur les rails du CFBB et devient la ligne 38.
Les lignes 38 et 44 continuent à être exploitées avec du matériel CFBB mais quelque peu revu et corrigé par la STCRP qui remplace l’archet par la perche Delachaux et l’attelage type chemin de fer par l’attelage “à tulipe” type tramway – ces deux équipements étant des objets de culte pour la Compagnie Générale des Omnibus….
A partir de 1925, des motrices “C” des ex-Tramways de Paris et du Département de la Seine roulent seules sur la ligne, ou en remorquant de beaux et longs « attelages » type A de la CGO (Compagnie Générale des Omnibus). L’ancien matériel est entièrement réformé en 1931 et remplacé par de belles motrices type “L” compound sur la ligne 38, d’une part, et, d’autre part, par des motrices “L” et des « attelages” “A” sur la ligne 44. L’emploi d’un nouveau matériel roulant sur une voie entièrement remise en état permet d’atteindre des vitesses bien supérieures aux 30 km/h autorisés. C’est sans doute la meilleure période du Chemin de fer du Bois de Boulogne sur le plan du matériel roulant. Hélas, les années sont désormais comptées…
Les sombres années 1930 sont celles, nous le savons, de la destruction systématique et absurde de l’ensemble du réseau de tramways parisien pour le seul profit de l’autobus et de ces constructeurs Renault et Panhard qui ont su placer leurs intérêts au cœur des lieux de décision.
Dans cet immense massacre, aucune ligne n’est épargnée et le très discret « tramway du Val d’Or » est visé comme l’ensemble du réseau. Le terminus des lignes 38 et 44 est chassé de la porte Maillot – l’emplacement était trop commode pour les usagers sans doute – et il est provisoirement reporté au boulevard Maurice-Barrès, à l’entrée du Bois. Et, le 28 décembre 1936, le fameux « tramway du Val d’Or » cède sa place… à un service d’autobus. Le dépôt du Val d’Or est la dernière sépulture pour le matériel roulant, et l’on procède à la démolition.
Il est à noter qu’à Suresnes, après la cessation du service, la ligne est sommairement déplacée et raccordée à l’embranchement militaire reliant la gare du Val d’Or du chemin de fer de Versailles au Mont-Valérien. L’embranchement militaire reste exploité jusqu’à la Seconde Guerre mondiale avec deux motrices “G” et un « attelage » “A” qui avaient été achetés à la STCRP.



Les Chemins de fer de Grande Banlieue (CGB)
Ce très peu ordinaire réseau des CGB fait figure à la fois de tramway, de secondaire, de chemin de fer industriel et qui envoie, sans se gêner, d’authentiques trains de marchandises jusque dans le très chic Paris, en provenance de St-Germain-en-Laye, et par les voies du tramway 58, pour aboutir devant l’église St-Germain l’Auxerrois en suivant les quais de la rive droite ! L’église où se rendaient les rois de France…
Ce réseau fait aussi échouer des wagons de marchandises des grandes lignes en pleine campagne, grâce à ses ramifications, et, d’après les souvenirs des promeneurs des années 1950, l’on en voyait le long de la « Route de quarante sous » ou entre Corbeil et Milly. Les CGB voulaient, initialement, prolonger en grande banlieue les lignes de tramway parisiens, et même devenir une sorte de RER d’Ile de France avant la lettre, atteignant aussi bien Etampes, Luzarches, Rambouillet, Montfort l’Amaury, etc.

Concédés par une loi en date du 25 juin 1907, les CGB se composent de deux réseaux distincts, le réseau Nord et le réseau Sud. Le réseau Nord exploite les lignes de Versailles aux Mureaux (40 Km), de St Germain-en-Laye aux Mureaux (22 Km), de St Germain-en-Laye à Poissy 6 Km), des Mureaux à Magny-en-Vexin (30 Km), de Poissy à Pontoise (22 Km), et la jonction de Sagy à Gency réunissant les deux dernières lignes citées (10 Km). Le réseau Sud est composé des lignes d’Etampes à Arpajon (30 Km) et de Maisse à Milly (28 Km), de Milly à Corbeil (27 Km) plus un petit embranchement entre Bouville et La Ferté-Alais. Le tout atteint un total de 224 Km. A ce réseau concédé en 1907 on ajoute un certain nombre de lignes anciennes : St-Germain-en-Laye–Poissy datant de 1895, et Versailles-Maule, en voie métrique, datant de 1896.
Les voies sont en écartement normal mais, malheureusement, un choix assez aveugle restreint le gabarit du matériel à une largeur de seulement 2,05 mètres – au lieu du 3,10 mètres des grands réseaux. Une entrevoie très réduite, des courbes à rayon très serré descendant jusqu’à 80 m, des déclivités très fortes atteignant 35 pour mille, voilà ce qui ferme pratiquement les CGB à tout espoir d’un trafic important, tant en voyageurs qu’en marchandises, car le matériel roulant des grands réseaux ne pouvait passer sur les voies du CGB – sauf sur certaines portions soigneusement repérées et préparées par le dégagement des obstacles.


Une époque mal choisie.
Il est surprenant de penser que les CGB ont été constitués à une époque – la veille de la Première Guerre mondiale – où, déjà, le camion et l’autobus font parler d’eux sur les routes, et où le transport des marchandises sur de courtes distances est déjà un marché perdu pour le rail. En outre le choix d’un gabarit différent de celui des grands réseaux oblige à un transbordement des marchandises dans les wagons des CGB, à la manière d’un petit train en voie métrique : on perd tous les avantages d’un réseau en voie normale qu’est pourtant celui des CGB. Pratiquement aucune gare des CGB ne se trouve à plus de 15 Km d’une gare des grands réseaux : il est donc trop facile de confier, directement et par la route, au « grand » chemin de fer tout ce qui devait partir à grande distance. Mais les CGB essaient de lutter, notamment en mettant en service des autorails pour le transport des personnes et des petits colis sur la ligne de St-Germain à Poissy. Dénommés « véhicules benzoélectriques », ces engins rudimentaires fonctionnent assez bien, mais la Première Guerre mondiale les prive de carburant.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le sort des tramways parisien est joué : ils seront supprimés. Les CGB vont donc perdre leurs alliés naturels que sont les lignes de tramway et dont ils sont le prolongement. Les lignes de la CGB desservent soit des zones très peu peuplées, soit, au contraire, des zones très denses mais pour lesquelles elles ne sont pas outillées. Enfin les Halles sont envahies par les camions qui transportent directement fruits et légumes depuis les lieux de production.
Le 1er juillet 1927, les CGB sont rachetés par le département de Seine-et-Oise et un essai d’exploitation en régie directe est entrepris avant que le département ne « refile le bébé » assez rapidement à la STCRP qui a déjà hérité du célèbre Arpajonnais. Elle met en place un service d’autorails Renault-Schneider qui améliorent les vitesses commerciales.
Elle s’attache surtout à aménager les lignes pour leur ouvrir la circulation directe des wagons à marchandises des grands réseaux. Mais elle se heurte à trois grands problèmes techniques : l’insuffisance de l’entrevoie ne permettant pas le croisement de trains ou de wagons au gabarit des grands réseaux, les faibles rayons des courbes, et surtout l’impossibilité de faire rouler des wagons des grands réseaux sur les nombreuses parties des lignes équipées de rails plats Broca type tramway et dont l’ornière est trop peu profonde pour accueillir les boudins de guidage des roues. Quelques aménagements sont faits, mais un certain nombre de tronçons non transformés font obstacle : certaines traversées d’agglomération sur rails type tramway et aux courbes très serrées obligent les wagons des grands réseaux à des détours surréalistes économiquement.

La fin des CGB
Le 1er Janvier 1933, la STCRP se défait de son encombrant bébé qu’elle fait adopter par à la Société des Chemins de fer Economiques. Cette dernière a déjà sur les bras la ligne en voie métrique de Valmondois à Marines, et exploite pour la SNCF les deux lignes en voie normale de Chars à Marines et de Chars à Magny-en-Vexin – lignes déjà en contact avec le réseau des CGB. Mais les finances et les voyageurs manquent, et, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, déjà les lignes de St-Germain à Poissy et à Pontoise, de St-Germain aux Mureaux, de Mureaux à Versailles ne sont plus que des souvenirs pour les habitants de la région.
Il est vrai que la guerre, et ses pénuries de carburant et de pneus, permet la réouverture pour un temps du service des voyageurs entre St-Germain et les Mureaux. Mais la guerre, aussi, cela a quelques inconvénients, dont des envahisseurs (ou des résistants) qui font sauter les ponts de chemin de fer, et la disparition dans la Seine de celui reliant les Mureaux et Meulan coupe le réseau en deux et en isole une grande partie de ses propres ateliers d’entretien.
Dès le retour de la paix, la ligne de St-Germain aux Mureaux est « mise sur route » (c’est-à-dire que les autobus et les camions reprennent l’ensemble du trafic) dès le printemps 1947, suivie, en 1948, des lignes d’Etampes à Arpajon, d’Etampes–Milly–La Ferté-Alais, de Pontoise–Sagy–Magny-en-Vexin, et de Corbeil à Milly. Seule la petite section Maisse–Milly reste en service jusqu’au 1er juillet 1953 pour quelques rares trains de marchandises.
Les réseaux sucriers : l’exemple de Souppes-sur-Loing.
Pas besoin d’aller à Cuba ou à La Réunion, pour ces “sucriers”. Ces réseaux dits eux aussi “sucriers”, assez abondants autour de Paris, ont été établis en voie de 60 ou en voie métrique, ce qui ne manque pas de poser d’importantes questions d’incompatibilité avec les lignes des grands réseaux. L’importante Sucrerie de Souppes-sur-Loing est dans ce cas. Elle est située en bordure du canal du Loing, à proximité de la ligne à voie métrique de Souppes à Château-Landon, exploitée par la Compagnie des Chemins de Fer Départementaux (CFD). Elle est reliée à cette ligne par un embranchement particulier. Mais le point de soudure de cet embranchement avec la ligne des CFD se trouve à 50 mètres de la gare SNCF de Souppes-sur-Loing, où devaient obligatoirement être transbordées toutes les marchandises que la sucrerie reçoit ou expédie par les voies de la SNCF.
Cette situation paradoxale s’explique par le fait que la sucrerie est séparée de la gare SNCF par le Loing et son canal, et que la voie étroite franchit sur un ouvrage métallique assez important. II n’en est pas moins anormal de transborder à grands frais des marchandises destinées à ne parcourir ensuite guère plus d’un kilomètre, fût-ce au-dessus d’une rivière et d’un canal! C’était pour la SNCF la certitude qu’à plus ou moins bref délai le trafic lui échapperait… Le risque est d’autant plus sérieux que la sucrerie est en bordure de la voie d’eau.
Or le tonnage en jeu est important avec 55.000 tonnes par an, dont 50.000 environ de betteraves et de pulpes qui, en raison notamment de la rareté et du prix élevé de la main-d’œuvre dans la région, sont échangées entre la voie normale et la voie étroite dans des conditions non seulement onéreuses, mais de plus en plus difficiles. Il arrive que, pendant la période de fabrication du sucre, période de trafic intense, la sucrerie manque de betteraves à traiter, alors que, et à moins de 1200 mètres de là à la gare de Souppes, des wagons en sont remplis, mais ne peuvent être transbordés par suite de moyens insuffisants. A la gêne pour la sucrerie, s’ajoutent, du côté de la SNCF, des immobilisations de wagons et un encombrement des voies de la gare qui obligent parfois à suspendre momentanément l’acceptation de nouvelles expéditions.
Depuis longtemps déjà, les dirigeants de la sucrerie de Souppes pensent à s’embrancher directement à la voie normale par un raccordement particulier distinct de la plate-forme des CFD, mais ils ont du renoncer en raison du coût des travaux pour franchir le Loing et son canal. Par ailleurs, la sucrerie reçoit également un important tonnage de betteraves des régions desservies directement par les CFD et il est nécessaire de maintenir son raccordement à la voie métrique en tout état de cause. En 1943 la Région du Sud-est de la SNCF, songeant à la concurrence qu’elle allait avoir à subir après les hostilités, relance cette affaire, acceptant l’idée d’y participer financièrement si elle y trouve son avantage.
Au point de vue technique, on utilise la plate-forme de la ligne CFD de Souppes à Château-Landon, ainsi que les ouvrages d’art qui la supportent, en renforçant ceux-ci pour permettre le passage des wagons de 20 tonnes de charge. Il est nécessaire de maintenir la voie étroite non seulement pour desservir la sucrerie, mais aussi au départ de Souppes, pour desservir le reste de la ligne des CFD. Mais le passage sur les ponts impose l’installation de la voie normale dans l’axe de la voie étroite, d’où une bien compliquée voie à quatre files de rails, avec des appareils de voie spécialement étudiés. Le même équipement à quatre files de rails équipe les principales voies intérieures de l’embranchement.
La sucrerie de Souppes prend en charge le coût des travaux à réaliser à l’intérieur son embranchement, ainsi qu’une participation d’un million de francs aux autres dépenses, en contrepartie des bénéfices annuels que représente pour elle la suppression des frais de transbordement. La SNCF prend en charge les autres dépenses en contrepartie d’un engagement écrit de la sucrerie de lui remettre, à la faveur des nouvelles dispositions, un trafic nouveau de mélasse, d’alcools, de sucre, et autres denrées d’environ 18.000 tonnes par an. Les recettes correspondantes permettent à la SNCF d’amortir en quelques années ses dépenses. Les Allemands s’étant opposés à l’exécution des travaux, ceux-ci ne peuvent être entrepris qu’après la Libération. Les wagons à voie normale purent être conduits jusqu’à la sucrerie de Souppes lors de la campagne betteravière de fin d’année 1947. La traction est effectuée avec des locotracteurs à voie étroite des CFD et par l’intermédiaire d’un wagon raccord. Sur l’embranchement, les manœuvres sont également faites à aide d’un locotracteur à voie métrique de la sucrerie convenablement équipé. L’inauguration officielle a lieu le 25octobre 1947. La campagne de 1948 s’est encore effectuée dans les conditions provisoires qui sont celles de la campagne de 1947, mais le renforcement des ponts est achevé pour la campagne de 1949.



Les réseaux betteraviers : l’exemple de Pithiviers à Toury
Pithiviers ? Dès les années 1960, toute la préservation ferroviaire française démarre là, près de Paris, et cette courte ligne est le premier lieu de rencontre entre tous les passionnés de chemins de fer à voie étroite qui, comme l’auteur de ces lignes, y promènent épouse et génération montante – cette dernière qui, aujourd’hui, forme l’essentiel des amateurs de chemins de fer. Tout commence donc là…
Le TPT, ou Tramway de Pithiviers à Toury, c’est aussi et d’abord de l’histoire, et un des vestiges de ces chemins de fer privés proches de Paris en voie de 60 droite, perdue dans une plaine désespérément plate et vide de tout arbre, longeant les fossés herbeux d’une route départementale bombée et boueuse bordée de champs de betteraves à perte de vue… C’est ainsi que l’Anglais J.K. Davies décrit la ligne dans son magistral ouvrage « French minor railways » paru en 1965, sans doute un des premiers ouvrages sur les secondaires français et qui a fait autorité à l’époque. Mais l’auteur s’empresse d’ajouter qu’il y a des trésors qui circulent sur la ligne, notamment dans le domaine de la traction vapeur, et il recommande chaudement, dans un ouvrage décrivant les secondaires français dont beaucoup sont encore actifs, de passer une journée à Pithiviers dans le dépôt. Non seulement on y effectue des réparations mais même, avec un rare savoir faire, d’importantes révisions générales. Le premier coup funeste d’un sort désormais sans espoir se produit le 17 juin 1952 avec la suppression du service des voyageurs, laissant seulement en place un transport saisonnier de betteraves qui ne tiendra guère longtemps et semblera dépérir peu de temps après que cet auteur anglais ait écrit son livre. Et bien que le service des voyageurs ait disparu depuis plus d’une dizaine d’années, l’auteur note que les quais et les emprises de la gare de la petite ligne, qui jouxte la gare SNCF, sont d’une propreté irréprochable, les quais étant balayés comme si, du jour au lendemain, les voyageurs allaient revenir.
D’abord une ligne pour les betteraves, et rien d’autre.
Ouverte en 1893, le TPT sert surtout de vitrine à la société Decauville qui veut ainsi promouvoir ses chemins de fer en voie de 60 et dont elle fera non seulement une immense arme stratégique qui aura son heure de gloire pendant la Première Guerre mondiale, mais aussi, dès la fin du XIXe siècle, des tramways de stations balnéaires ou de montagne, et quelques lignes industrielles.
La ligne de Pithiviers est fondamentalement une ligne betteravière, et rien d’autre ! L’on estime qu’elle comporte jusqu’à 80 km d’embranchements au moment de son apogée dans les années 1910, cette longueur variant selon les saisons puisque, par définition, la voie Decauville est dite « portable » et « transformable ». La volonté d’y établir un service de voyageurs en 1921 répond sans doute à une demande réelle, mais trop tardive dans la mesure où elle est instaurée à une époque où l’automobile commence à se répandre. Ce service sera sans avenir et ne durera qu’un quart de siècle, assuré par un petit autorail « pétroléoélectrique » Crochat et une rame remorquée classique pour les jours de pointe comme les foires.
La petite ligne en voie de 60 part de la gare SNCF de Pithiviers, ses emprises jouxtant le beau bâtiment voyageurs et occupant une partie de la place de la gare. Elle descend en courbe pour passer sous la voie SNCF, et donner lieu à un embranchement desservant une sucrerie voisine. Puis la ligne trouve la route de Toury, toute droite, et la suit dorénavant sur la totalité du trajet. Les hameaux et les villages sont à distance de la route, et le seul service qui leur soit offert est un abri sommaire genre tramway, battu par les vents et la pluie, situé à plusieurs centaines de mètres ou kilomètres de l’agglomération que l’on rejoint par une petits route transversale formant un carrefour désert et solitaire. En général les abris ont deux noms, sinon trois, les villages et hameaux concernés étant parfois à forte distance et faisant gare commune. On trouve cependant des gares plus importantes, au nombre de sept, espacées de plusieurs kilomètres entre elles, toutes éloignées des villages qu’elles desservent, avec un bâtiment-voyageurs et une halle couverte accolée en bois, cette halle étant, en général, de proportions assez importantes.
A l’autre extrémité du TPT, c’est une paradoxale fenêtre ouverte sur le progrès et la grande vitesse. Faisant contraste, en effet, avec la ligne SNCF de Pithiviers assez endormie à l’époque dans une ruralité estimée sans grand avenir, la ligne SNCF qui passe à Toury n’est rien d’autre que la grande ligne du Paris-Orléans avec ses 2D2 passant à 140 km/h dans la gare, ses trains grandes lignes, et, à l’époque où le TPT ferme définitivement, son train « Capitole » qui commence à se préparer pour rouler à un 200 km/h qui restera célèbre dans les annales de la SNCF. A bord des voitures aucun voyageur ne fait attention à Toury et n’a, d’ailleurs, pas le temps de regarder, au vol, ces quelques voies de 60 perdues dans les herbes et ces wagons tombereaux oubliés.
La renaissance de 1966.
Au début des années 1960 un groupe d’amateurs très courageux se passionne pour le TPT et désire le maintenir en activité, sous la forme, très innovante pour l’époque, d’un musée vivant – on ne parle pas encore de « chemins de fer touristiques ». L’Association pour le Musée des Transports de Pithiviers est créée et on peut dire que 1966 est la première véritable saison du musée avec le démarrage du service des trains en traction vapeur et l’accueil de 4600 visiteurs. On est en pleine époque des « week-ends en bagnole » avec les grands embouteillages au départ de Paris les vendredis, et autant le dimanche soir en sens inverse, et ceux qui n’ont pas encore la maison de campagne nécessaire pour justifier la possession d’une voiture qui est alors la chose du monde la mieux partagée, cherchent des thèmes de promenade autour de Paris, et sillonnent ces petites routes de l’Ile de France alors saturées. Pithiviers est le type de destination idéal pour l’époque, et le bouche à oreille fonctionne assez bien pour que, chaque Samedi, un nombre assez remarquable de voitures occupe la place de la gare de Pithiviers.
Tous les 40 minutes un train à vapeur part, composé de baladeuses ouvertes pleines de voyageurs enchantés par un trajet qui occupe les trois premiers kilomètres de voie de 60 encore exploitables. Le train s’arrête ensuite en pleine campagne, stationnant sur une route encombrée de voitures passant – comme il se doit à l’époque – à « fond la caisse » et frôlant les voyageurs descendus du train pour assister aux manœuvres de mise en queue de la locomotive par une voie d’évitement. Il faudra créer un véritable terminus situé à quelques dizaines de mètres de la route – le terrain ne manque pas – et l’Association trouve le site de Bellébat qui permet d’installer en 1968 un quai, des bancs, un espace calme et dégagé, et même quelques arbres..
La 130T Meuse « Les Fontenelles » de 1938 des sucreries de Maisy, la 030T Blanc-Misseron N° 282 de 1902 des tramways de Rotheneuf, la 030T Decauville de 1927 de la sucrerie de Toury forment l’essentiel du parc moteur et sont au travail pour l’exploitation touristique de la ligne, avec l’aide de l’autorail « pétroléélectrique » Crochat, originaire de la ligne, qui effectue ses trajets aller en suivant le train à vapeur en cas d’affluence, et revient remorqué comme un simple véhicule au retour, puisqu’il n’a qu’une cabine de conduite. La création du terminus de Bellébat lui permettra d’effectuer ses allers et ses retours normalement et par lui-même.
En 1967 les baladeuses, un peu trop ouvertes aux vents cinglants du Gâtinais, sont épaulées par trois voitures fermées provenant des tramways de Valenciennes qui viennent de fermer à leur tour dans cette grande frénésie de suppression de tout ce qui roule sur rails dans une France technocratique. Converties à la voie de 60 (elles sont métriques à l’origine), réaménagées pour offrir plus de confort et surtout l’intercirculation par passerelles, ces voitures permettent de forme de véritables trains très accueillants, mettant les voyageurs et surtout les enfants à l’abri de la pluie et des vents, et au roulement parfait. Le matériel roulant du musée comprend, à la fin des années 1960, onze locomotives (dont une magnifique 040 Decauville au gabarit très impressionnant équivalent à quatre fois la largeur de la voie), et dont sept sont en état de marche et travaillent sur la ligne. Le bâtiment du musée proprement dit est aménagé pour recevoir le public et retrouve, d’ailleurs, sa décoration et son aménagement de gare de chemin de fer secondaire de la France que le microcosme parisien commence, alors, à appeler « profonde ». En 1968 le Pithiviers-Toury a accompli sa grande révolution, alors que la France commence à peine la sienne.


Le PSG : le premier âge de sa toute puissance.
Terminons notre voyage au temps des “4P” avec le PSG. Le PSG ? Oui, le vrai, le premier du nom. Cette ligne, en voie normale et longue de 18,65 kilomètres, a été exploitée de 1890 à 1935 avant d’être remplacée par un service d’autobus (actuelles lignes 258 et 259 RATP). Une première concession de tramway à traction hippomobile a été accordée par décret du 15 juillet 1854 à M. de Mazenod, afin de relier au chemin de fer de Paris à Saint-Germain les localités de Bougival, La Malmaison et Marly, mais, faute de création de quoi que ce soit, cette concession est rétrocédée par décret du 16 juin 1874 à un tout aussi chic Eugène Tarbé des Sablons (1846-1876), homme d’affaires et journaliste (les deux métiers se confondent déjà comme aujourd’hui) qui construit la ligne. La ligne est à voie normale, et elle est longue de 9 km, partant de la gare de Rueil-Malmaison, construite pour sa quasi-totalité en accotement sur la route nationale 135, sauf entre la gare de Rueil et l’entrée du bourg. La ligne a 14 gares avec des voies d’évitement et une salle d’attente.
La Compagnie du tramway à vapeur de Paris à Saint-Germain (PSG) est créée en 1889. Elle reprend les actifs de la Compagnie du tramway à vapeur de Rueil à Marly-le-Roi, fondée en 1878 et ajoute deux prolongements qui vont de Courbevoie à Rueil et de Port-Marly à Saint-Germain-en-Laye.
Le PSG parvient – pas moins ! – a faire son entrée triomphale sur la place de l’Étoile à Paris (tradition qui se poursuivra avec le 2e PSG, l’actuel), mais en empruntant la ligne Étoile – Courbevoie ouverte par la Compagnie des tramways nord de Paris et exploitée alors par la Compagnie des tramways de Paris et du département de la Seine. C’est la première grande époque du PSG qui dessert Neuilly, Courbevoie, Nanterre, Rueil, La Malmaison, et Bougival, plus deux embranchements de Rueil-Ville à Rueil-Gare et de Port-Marly à Marly-le-Roi.
Vers la fin des années 1880, les anciennes sections reliant la gare de Rueil au centre de la ville et reliant Port-Marly à Marly-le-Roi, deviennent des embranchements de la ligne principale qui relie Paris à St-Germain. Leur exploitation est assurée, pour chacun d’eux, par une locomotive classique Corpet à foyer, qui utilise très peu de sa puissance en remorquant avec une facilité l’une des petites voitures anciennes ayant survécu depuis les années 1870, celles de la traction animale.
Le trajet de l’Etoile à Saint-Germain et retour, soit 37 km, prend dans ces conditions 2 h 45 : ce n’est certes pas le TGV, mais ce temps assez désastreux, pénalisé par les recharges, commence à se rapprocher dangereusement des maigres performances des omnibus à chevaux que, pourtant, on avait essayé d’oublier dans un esprit totalement ouvert au progrès. Quelques « plantages de chou » (terme de métier désignant un arrêt en ligne par manque de vapeur) remarquées dans la rampe de Saint-Germain pèsent trop sur la réputation du PSG et la compagnie demande l’autorisation de remplacer les machines sans foyer système Francq (à stockage de vapeur) par des locomotives à foyer et produisant leur vapeur en quantité.
Le PSG met donc à l’essai six locomotives du type 030 à deux cabines, fournies par Blanc-Misseron et ses ateliers du nord de la France. Après de longues critiques portant notamment sur le freinage des véhicules, les pouvoirs publics acceptent le remplacement des machines sans foyer par les nouvelles locomotives jusqu’à la limite de Courbevoie, c’est-à-dire exactement au pont de Neuilly. La traction des trains dans Neuilly et Paris reste assurée par des machines sans foyer.
Le PSG fait donc l’acquisition de seize locomotives-tender à foyer, du type 030, en provenance de Blanc-Misseron, numérotées de 21 à 37. Ces machines, longues de 6,86 m, pèsent 24 tonnes en ordre de marche. Dites « bicabine », elles sont donc réversibles et sont donc équipées d’un poste de conduite à chaque extrémité. Elles consomment du coke dans les agglomérations, pour éviter de trop enfumer les rues, et elles brûlent des briquettes le long des routes et loin des villages, ce qui permet de « produire du gaz », de faire monter la pression à nouveau, et de retrouver de la puissance. En août 1891 le remplacement des locomotives sans foyer est terminé.
Les trains comportant plus de trois voitures cessent d’être scindés en deux à Port-Marly pour affronter la rampe de Saint-Germain. Toutefois, à Courbevoie, les petites machines Francq prennent toujours le relais des locomotives Blanc-Misseron pour remorquer les trains jusqu’à la place de l’Etoile dans un Paris qui n’aime pas la fumée, mais moyennant une charge réduite à trois voitures et des trains plus longs se trouvant forcément dédoublés.


Le chantier du métro donne du travail au PSG.
Le PSG aurait bien aimé faire comme l’ « Arpajonnais » ou les lignes des Chemins de fer de Grande Banlieue et transporter des marchandises, notamment des produits agricoles, mais les environs de Reuil ou de St-Germain ne sont pas les riches et actives plaines maraîchères du Gâtinais ou de la Brie, et on y trouve plutôt de magnifiques forêts que des champs de légumes ou de céréales à perte de vue. Le seul transport qui est proposé est celui des terres et déblais provenant du chantier du creusement de la ligne N°1 du métro en 1900, et c’est à la place de l’Etoile qu’apparaissent, sur le sol, toutes les terres qui ont été transportées par des wagonnets Decauville dans les tunnels de la ligne en construction. Ces terres, entassées autour de l’Arc de Triomphe, sont directement chargées sur des trains de wagons tombereaux que les locomotives Blanc-Misseron du PSG tirent, pendant la nuit, jusqu’à Nanterre où, par un embranchement spécialement construit pour la circonstance, les tombereaux sont descendus vers le chemin de fer de l’Ouest pour être déchargés dans… d’autres wagons tombereaux !.
Le maintien par le PSG de ses machines Francq au dépôt de Courbevoie pour la mise en tête de ses trains est une pure perte de temps et d’argent, puisque les Tramways de Paris et du Département de la Seine disposent, eux aussi, des installations nécessaires pour le garage et l’entretien de machines analogues utilisées sur sa propre ligne, ceci sur le même tracé dans Neuilly et dans Paris. Sans aller jusqu’au « joint venture » à la mode actuelle, un simple accord entre les deux compagnies fait qu’à partir du 1er juin 1892, la traction des trains du PSG entre Courbevoie et l’Etoile est assurée par les “Tramways de Paris et du Département de la Seine”. Cette dernière pousse l’obligeance jusqu’à racheter les six machines Francq type I bis et 2 bis. Les neuf machines type 3 sont renvoyées au constructeur, et quatre d’entre elles finissent leur carrière à Lyon et les autres sont transformées pour rouler sur la ligne de Saint-Germain à Poissy.
Face à l’afflux de la demande.
Les années 1890 à 1910 sont certainement les plus belles, et, surtout, les plus prospères pour le PSG. Le nombre de voyageurs croit sans cesse, et, plus particulièrement, les Parisiens désirant venir prendre l’air dans cette partie de la banlieue, tout comme, en sens inverse, tous ceux qui ont des « affaires à traiter » à Paris, voilà ce qui remplit les trains au-delà de tout ce qui a été escompté, et fait presque des émeutes devant l’entassement sur les quais et à bord des trains. Devant ce besoin de transport, l’offre est insuffisante et le nombre de trains doit sans cesse être augmenté. Pour augmenter la fréquence des trains, il faut augmenter le nombre de voitures, et en 1895 le PSG met en service une nouvelle série de dix baladeuses entièrement ouvertes, pour les beaux Dimanches sous le soleil à la campagne.
Mais, pour augmenter le débit d’une ligne, il ne suffit pas d’augmenter le nombre de trains et le nombre de voitures ou de wagons, il faut aussi fluidifier leur mouvement, l’accélérer, le gérer. La première grande décision est le doublement de la voie sur tout le parcours, sauf pour ce qui est de la traversée de Port-Marly entre le dépôt et le Val André, car les rues du bourg sont très étroites et il est impossible de loger côte à côte deux voies
Jusqu’en 1901, la fréquence des trains est de deux par heure et le 15 mai 1901 cette fréquence est augmentée avec trois trains par heure. Les dimanches et les jours de fêtes, la fréquence est de 4 ou même 6 trains par heure pour les départs et les retours en masse des promenades et des « déjeuners sur l’herbe ».
La voiture-bar pour le PSG ?
En 1898, pour essayer d’améliorer l’offre en face d’une demande qui déborde, le PSG, faute de temps et de moyens pour construire son matériel roulant, loue une série de sept voitures à bogies, dans lesquelles on vend des consommations. Ces voitures dites «Bar» sont incorporées aux trains et remportent un certain succès avec la venue des touristes pour l’Exposition de 1900 qui apprécient aussi d’aller se promener à la campagne. Mais, comme pour les bars des TGV actuels, un tel service dégage peu, ou pas, de bénéfices, et si la SNCF garde ses voitures-bar pour d’évidentes raisons d’agrément pour ses voyageurs, le PSG, moins attentionné, les supprime purement et simplement, puisque cela ne rapporte pas. Le PSG casse sa tirelire et rachète ces voitures pour en faire de grandes voitures transforme de seconde classe à 48 places, ce qui est un bon placement….
La très légère ligne de Rueil au Pecq.
La ligue Rueil – Le Pecq est ouverte, à son tour, en 1904. C’est, dans les faits, un prolongement de la de Rueil (ville) à Rueil (gare) jusqu’au Pecq par Chatou et le Vésinet. Cette ligne ne n’est pas faite dans la simplicité, et beaucoup de tracas en ont freiné la construction, car elle est tracée en plein sur la chasse gardée de la Compagnie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris au nom plein de charme et de pittoresque, très « Belle époque ».
En 1900, ces Tramways Mécaniques des Environs de Paris sont en pleine expansion et les chantiers se multiplient pour la construction de leurs lignes de Neuilly à Maisons-Laffitte, de Houilles à Saint-Ouen, et d’autres. Ils ont obtenu la concession de quatre nouvelles lignes dans la banlieue nord- ouest de Paris avec celles de Courbevoie – Le Pecq, Le Pecq – Houilles, Chatou – Montesson et Montesson – Asile Saint-Fargeau.
Seule la première de ces quatre lignes a « du sens », dirait-on aujourd’hui, car les trois dernières ont un tracé ubuesque, ne menant nulle part et traversant des régions à l’habitant très dispersé, et, pour le bienfait de la Compagnie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris, n’ont jamais existé que sur le papier et dans les esprits des promoteurs. Le première, de Courbevoie au Pecq est donc bien construite, et elle est établie au départ de la rive gauche du Pont de Neuilly – décidément un point très actif pour ce qui est des transports de la banlieue ouest – et suit le tracé de la ligne de tramway de Saint-Cloud à Pierrefitte jusqu’à la place Victor-Hugo, puis grimpe dans Courbevoie par la place Charras et la gare pour prendre la rue des Fauvelles, traverser Nanterre par la rue de la Garenne et la route de Chatou, et, en suivant désormais la route nationale, gagner Rueil, Chatou, Le Vésinet et Le Pecq. Le terminus de la ligne se fait sur la rive nord de la Seine, après la traversée du pont.
Les ponts sur la Seine, à l’époque, sont encore très peu fiables et imposent aux compagnies de tramway de faire un choix en faveur de la légèreté du matériel roulant. C’est ainsi que, quand elle se décide à électrifier cette petite ligne, la Compagnie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris fait la triste découverte que ses puissantes motrices sont trop lourdes pour les ponts et dépassent allègrement les quatre tonnes par essieu imposées par les ponts ! Mais elle va faire appel à la compagnie du PSG dont elle est devenue l’actionnaire majoritaire depuis 1902 : le PSG ne peut donc rien lui refuser.
Les gens du PSG se frottent les mains, car, eux, ont un matériel assez léger pour franchir les ponts sans risque de noyade. Un accord est conclu entre les deux compagnies, et le PSG fournit donc à son actionnaire principal son matériel roulant pour la ligne du Pecq, et en profite, puisqu’il a la main, pour prolonger son embranchement de Rueil prolongé jusqu’au Pecq le 1er mars 1904 par emprunt de la voie construite par la Compagnie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris… Bien joué ! Les actionnaires de la Compagnie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris, en tous cas, peuvent se dire que leur argent est entre les mains de gens astucieux, donc pleinement honnêtes et rassurants.
L’exploitation de la ligne, tout d’abord prévue avec les deux petites machines à vapeur Corpet du PSG, est finalement assurée par cinq locomotives suisses Winterthur rachetées en 1903 aux tramways de Genève – le marché de l’occasion, à l’époque, est très actif…. Ces locomotives sont à deux postes de conduite, et conviennent donc parfaitement à la ligne en étant réversibles. Elles remorquent deux petites voitures de type ancien, sans freins, qui sont de véritables pièces de musée provenant du tramway de Rueil à Port-Marly, et dont on a enlevé l’impériale pour qu’elles puissent passer à Rueil sous le pont du chemin de fer de l’Ouest.
Le second « embranchement» de la ligne, de Port-Marly à Marly-le-Roi, continue son existence tranquille pendant que l’on s’agite ailleurs. La petite ligne continue d’être exploitée avec un parc de roulant des plus réduits, puisque se composant d’une locomotive 020 Corpet remorquant une petite voiture. Une locomotive et une voiture : un contenu de train-jouet de bazar, version coffret de départ !
En 1908, un accident spectaculaire se produit sur cette ligne alors que la locomotive est en train de manoeuvrer au terminus de Marly-le-Roi, au sommet de la longue et vertigineuse pente de 65 pour mille qui mène à Port-Marly. L’unique voiture de la ligne, une remorque mixte première et deuxième classes, part toute seule en dérive par suite d’une rupture de la chaîne de frein du frein d’immobilisation qui, en tombant, a fait sauter la cale placée sous une roue du véhicule. Le voiture dévale à une vitesse que personne ne peut estimer mais qui est digne d’un TGV, les deux kilomètres séparant Marly de Port-Marly et finit, dans un fracas d’apocalypse contre le mur de l’ancienne mairie de Port-Marly. A la suite de ce fait notoire, la ligne de Marly-le-Roi est desservie par une machine 030 Blanc-Misseron remorquant une voiture munie du frein à vide, donc automatiquement serré quand la voiture n’est pas attelée à la locomotive. Et une aiguille de déraillement est installée pour protéger l’entrée du terminus de Marly au cas où…

Nous tenons, une fois encore, à remercier Stéphane Bortzmeyer pour la relecture des articles de “Trainconsultant” et qui écrit, en conclusion de son dernier travail concernant cet article : ” La récolte de coquilles a été aussi bonne que celle de betteraves”…
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