De St-Gervais-le-Fayet à Vallorcine : la multiplication des curiosités.

La ligne de St-Gervais-le-Fayet à Vallorcine, dite “Ligne de Savoie” (à ne pas confondre avec la “Ligne des Alpes” Grenoble-Marseille) est, depuis le début du XIXe siècle, une curiosité qui a marqué l’histoire des chemins de fer en France, tant par son écartement métrique, sa traction électrique avec captage par troisième rail, ses déclivités record et sans crémaillère, et surtout ses trains composés de wagons qui sont tous “automoteurs”.

Photo publicitaire très emblématique de la ligne de Savoie, dans les années 1950.
Quand le « Comité des sports d’hiver » de Chamonix annonce des trains « avec voitures directes de Paris et Genève » … Promis, juré ! Oui mais cela aurait été possible à condition que la voie normale ne s’arrête pas à St-Gervais mais continue jusqu’à Chamonix. Chamonix propose, mais le PLM (un peu « frugal » comme on dirait aujourd’hui) dispose.

La gare de St-Gervais est le terminus de la voie normale. On attendait, pour desservir la vallée de Chamonix, la poursuite logique de la voie normale. Or, ce fut la voie métrique, malgré les annonces publicitaires du « Comité des sports d’Hiver » de Chamonix. En effet, les projets primitifs de la ligne prévoyaient sa construction en voie normale jusqu’à Chamonix; la ligne aurait eu alors un tracé différent de celui réalisé au départ de Sallanches, et elle se serait élevée en forte rampe au flanc des coteaux de Combloux, pour desservir directement la station de Saint-Gervais, passer en tunnel sous le Prarion et déboucher dans la vallée même de Chamonix, à hauteur des Mouches.

Ce projet était lié à celui du percement d’un tunnel ferroviaire sous le Mont-Blanc, tunnel dont les habitants de la vallée, aujourd’hui, regrettent la non existence… La chaîne du Mont-Blanc, en effet, est à la fois la plus élevée et la plus étroite montagne des Alpes : un tunnel de 14 km seulement, percé à 1200 m d’altitude comme on l’a fait ultérieurement pour le tunnel routier, moins long que le Simplon ou le Saint-Gothard, aurait assuré la relation entre la vallée de Chamonix et Entrèves et Courmayeur en Italie. Ensuite, il suffisait d’un court raccordement, à partir de Pré-Saint-Didier, pour atteindre la ligne italienne de la Vallée d’Aoste prolongée récemment jusqu’à cette gare. Tous ces projets sont restés dans les cartons et la vallée de Chamonix a été envahie par les camions qui, eux, ont eu leur tunnel.

Le Fayet est à la fois la gare tête de ligne du chemin de fer à crémaillère du Mont-Blanc qui dessert Saint-Gervais-les-Bains, station thermale dominant la vallée de 250 m., et de la ligne à voie étroite et à traction électrique exploitée par la S.N.C.F. du Fayet à Chamonix et à Vallorcine, suite de la ligne d’Aix au Fayet. Le premier tronçon, Saint-Gervais – Chamonix, fut officiellement livré le 12 juillet 1901, avec un train spécial transportant les dirigeants du PLM et les officiels de Saint-Gervais à Chamonix. L’ouverture au public se fait le 25 juillet 1901.

Cette ligne a été construite par la Compagnie PLM au début du siècle pour permettre aux touristes l’accès de la vallée de Chamonix et du Massif du Mont-Blanc. Le courant est distribué à la tension de 600 volts par un troisième rail latéral, et a été longtemps fourni par deux usines appartenant au PLM puis à la SNCF, l’une au Châtelard, entre Chedde et Servoz, l’autre aux Chavants, entre Servoz et les Houches; la ligne est maintenant alimentée par l’Electricité de France.

La ligne est à voie métrique, et elle ne comporte aucune section à crémaillère, malgré des rampes atteignant jusqu’à 90 pour mille. C’est la plus forte rampe existant dans le monde sur une ligne de chemin de fer à simple adhérence; cependant, les sections de la ligne dont la rampe atteint ou dépasse 40 mm. sont munies d’un rail central qui sert au freinage à la descente et à l’immobilisation des trains en cas de panne de courant.

Le matériel se compose d’automotrices-fourgons et de voitures à couloir central et plateformes en bout sans cloisonnement intérieur : certaines de ces voitures sont entièrement vitrées et sont munies aux extrémités de plateformes découvertes permettant d’admirer le paysage. Un matériel moderne à bogies est en construction. Presque toutes les voitures sont motrices; il en est de même des wagons à marchandises. Cette mesure est indispensable sur une ligne comportant de telles rampes où aucune locomotive n’eût été assez puissante pour remorquer un train.

En 1939, la ligne de Savoie fait partie des très rares métriques électrifiés et c’est, peut-être, une des causes de sa survie jusqu’à aujourd’hui, ainsi que pour la ligne de Cerdagne et son « Train Jaune ». “Peut-être ” … seulement, selon cette opinion assez partagée… car les autres métriques électrifiés ont presque tout autant disparu que leurs confrères à vapeur. C’est sans doute la localisation en site montagneux qui a joué, car elle rend plus difficile la concurrence de l’automobile.
Les chemins de fer de la Haute-Savoie, d’après l’annuaire Pouey de 1933. Pour tous les autres départements de France, voir notre livre « Toutes les lignes et toutes les gares de France en cartes » (Editions LR-Presse, 2019). Chaque département a sa carte, avec les moindres lignes en voie métrique ou étroite, et son histoire ferroviaire.

Des wagons qui roulent tout seuls dans la vallée de Chamonix.

En effet, la ligne ne comporte pas de locomotives, car des rampes de 90 pour mille excluent toute possibilité de les utiliser : sur une telle rampe, une locomotive à vapeur ne peut même plus remorquer le moindre wagon sans patiner, si tant est qu’elle ait encore la possibilité de se mouvoir seule !

Cela explique que la quasi-totalité du matériel roulant est bien composée de voitures à voyageurs et de wagons à marchandises qui, se passant donc de locomotive, roulent par eux-mêmes, étant équipés de moteurs. Une minorité de voitures et de wagons font exception à la règle et n’ont pas cet équipement moteur. Ils sont donc intégrés dans les trains en appoint quand le poids général du chargement du train est assez réduit pour permettre un ajout de volume supplémentaire.

Cela ne veut pas dire que la ligne de Savoie fonctionne, pourrait-on dire, « à la demande » avec des voitures et des wagons partant isolément à toute heure et circulant seuls sur la ligne : on ne voit circuler que des trains complets, ceci pour de simples et évidentes questions de gestion de l’exploitation de la ligne, et tous les trains sont « menés » par un fourgon Z-200 placé en tête et nécessaire pour la commande des rhéostats et des freins de l’ensemble du train. Mais on peut voir, dans les gares, des wagons circuler seuls lors de manœuvres, et c’est toujours cela qui est intrigant.

Fourgon automoteur de la ligne de Savoie, un des joyaux de la Cité du Train de Mulhouse qui, décidément, a tout …
Wagon couvert automoteur de la ligne de Savoie.
Rame de wagons automoteurs sur la ligne de Savoie.
Wagon-tombereau automoteur de la ligne de Savoie, exposé à la Cité du Train de Mulhouse. Cliché Philippe Mirville.
Wagon-tombereau automoteur de la ligne de Savoie. Cliché PLM.

Un voyage étonnant sur la ligne de Savoie.

Avec un guide des années 1950 en mains, nous faisons le voyage :« Au départ du Fayet, la ligne traverse l’Arve, dessert Chedde et, laissant à gauche le téléphérique montant aux sanatoria de « Passy-Plaine Joux », elle aborde un nouveau pont sur l’Arve et une rampe de 90 mm par mètre taillée dans une gorge qui la conduit par le court tunnel du Chatelard à Servoz (km. 7 du Fayet, alt. 812 m.) au pied du rocher des Fiz et au débouché des gorges de la Diosaz.

Après Servoz, la rampe reprend à travers les sapins; la ligne domine l’Arve à grande hauteur et franchit le torrent au viaduc Sainte-Marie. De ce point la vue est admirable toute la chaîne du Mont-Blanc, suivie de la chaîne des Aiguilles, se découpe dans le ciel, dominant le fond de la vallée de près de 4.000 m.

Du village des Houches (km. 12, alt. 980 m.), un téléphérique direct conduit à Bellevue, station du tramway du Mont-Blanc, et une statue monumentale du Christ se dresse sur le flanc gauche de la vallée. Les stations de séjour, hôtels, pensions et villas se suivent et, sur la droite, les glaciers de Taconnaz et des Bossons descendent jusqu’à la voie, tandis qu’à gauche la ligne est dominée par les escarpements du Brévent dont on aperçoit le téléphérique littéralement suspendu en plein ciel. Son rival, le téléphérique de l’Aiguille du Midi, inauguré en 1955, étire sur l’autre rive ses câbles vers le Mont-Blanc, et, après un dernier pont sur l’Arve, on entre en gare de Chamonix-Mont-Blanc (km. 19, altitude 1.037 m.).

Chamonix, la plus importante station des Alpes françaises, mondialement célèbre, admirablement située au pied de la Chaîne du Mont-Blanc, le long des premières pentes du Brévent, est maintenant dotée d’un équipement touristique de premier ordre comprenant un chemin de fer à crémaillère et deux téléphériques.

Au delà de Chamonix, la ligne, laissant à droite le chemin de fer à crémaillère du Montenvers, est peut-être plus pittoresque encore. Elle remonte la haute vallée de l’Arve, moins sauvage, donnant en arrière un grandiose aperçu sur l’ensemble de la Chaîne du Mont-Blanc, du col de Balme au col de Voza, qui ferment au nord et au sud la vallée de Chamonix. Dans cette partie du parcours, on a dû construire des abris contre les avalanches pour permettre l’exploitation de la ligne en hiver: malgré cela, on n’évite pas toujours son interruption au printemps.


Remontant le long de l’Arve dominée par la pyramide aigue de l’Aiguille Verte, la ligne dessert les gares suivantes : Les Praz, Les Tines, Argentière (27 km. de Saint-Gervais, alt. 1.244 m.) à l’extrémité d’un des plus longs glaciers de la chaîne et Montroc-Le Planet (km. 30, alt. 1.365 m.) presqu’au fond de la vallée et à 2 km. plus au Nord, le village du Tour rassemble ses chalets entièrement enfouis dans la neige en hiver, à 1000 m. d’altitude, au pied des pâturages du col de Balme.

Un tunnel de 2 km., comportant un passage pour piétons nécessaire en hiver, percé sous le col des Montets à l’altitude de 1.365 m., permet à la ligne de passer de la vallée de l’Arve dans celle du Trient, affluent du Rhône: la frontière franco-suisse n’est pas, en ce point, confondue avec la ligne de partage des eaux et, quoique sur le versant Nord, le village de Vallorcine est encore français.

Au sommet d’une longue rampe de 70 mm/m jusqu’à la halte de Montroc-Le Planet qui est la gare la plus haute de la ligne, se trouve l’entrée du tunnel des Montets, long de 1883 m, dans lequel se trouve le point culminant de la ligne à une altitude de 1386 m). Ce tunnel a une particularité : il est mixte rail-route, comme le montrent les panneaux de signalisation routière sur ce cliché. Le voisinage, paraît-il, est sans conflits : les automobiles étant interdites quand un train circule.

A la sortie du tunnel, dans un paysage ravagé par les avalanches, la ligne dessert la halte du Buet (km. 32, alt. 1.342 m.) pour atteindre, peu après une forte descente, la gare internationale de Vallorcine (km. 34 du Fayet, alt. 1.261 m.).
Vallorcine, ou Val des Ours, modeste station encadrée par les contreforts boisés du fluet et de la Croix-de-Fer, est la tête de ligne de la Compagnie suisse du Martigny Châtelard, qui exploite la ligne à voie étroite et à crémaillère conduisant de Vallorcine à Martigny dans la vallée du Rhône, gare de la grande ligne du Simplon ; cette ligne entre en Suisse, au Châtelard, 3 km. après Vallorcine.

Le circuit Genève – Lausanne – Montreux – Martigny – Vallorcine – Chamonix – Sallanches – Annemasse – Genève est un des plus admirables que l’on puisse faire entièrement en chemin de fer dans les Alpes”.

Une autre curiosité : la voie à cinq files de rails entre St-Gervais et Chedde.

Entre St-Gervais-le-Fayet et Chedde, sur une courte distance d’environ trois kilomètres, la voie comporte 5 files de rails, trois pour la voie métrique et son rail d’alimentation électrique, et les deux rails de la voie de 1,435 mm qui permettait d’amener des wagons à voie normale à l’intérieur de l’usine de Chedde.

Les trois kilomètres les plus curieux, techniquement, en France. Aujourd’hui, les deux rails de la voie normale ont été déposés, du moins partiellement.
À la sortie de Saint-Gervais : le partage, avec gabarits confondus, d’une même plateforme pour les voies de 1000 mm et de 1435 mm. On voit, de gauche à droite : le 3ᵉ rail de prise de courant de la voie métrique, les deux rails de roulement de la voie métrique, les deux rails de roulement de la voie normale en 1435 mm.
La voie à cinq files de rails, au-delà de la fusion des deux écartements. Votre serviteur a pris ce cliché et le précédent ci-dessus, accédant à la cabine de conduite (juste pour ces trois kilomètres à cinq rails) lors du voyage officiel du centenaire en 2008, tandis que le président Pepy, présent à bord du train, a tenu à marquer son attachement pour cette ligne et son maintien en service.

Le projet de tunnel ferroviaire sous le Mont-Blanc : un siècle d’espérances déçues.

Salué comme une manne céleste par les habitants de la vallée de Chamonix quand il est percé, le tunnel routier du Mont-Blanc est aujourd’hui moins apprécié, mais peu de gens savent qu’il aurait pu être ferroviaire… et écologique.

La ligne de Savoie actuelle, sur laquelle circule le Mont-Blanc Express, est ouverte en 1901 par le PLM pour relier la vallée de Chamonix à St-Gervais-Le Fayet, où l’on changera de train pour poursuivre son voyage sur le réseau à voie normale national. Mais cette ligne n’est pas la seule à avoir été envisagée pour la région du Mont-Blanc, et l’on a beaucoup placé de grandes espérances dans une « vraie » grande ligne en voie normale, et internationale, qui aurait assuré le trafic vers l’Italie tout en améliorant la desserte de la vallée.

Malheureusement, la Première Guerre mondiale aura pour conséquence de mettre un point final à la réalisation de nombreux projets ferroviaires parce que la donne est changée, tant socialement qu’économiquement, et la route commence, avec l’aide de l’opinion et des pouvoirs publics, son irrésistible ascension sur fond de pétrole bon marché et abondant, et d’une nature et d’une qualité de vie dont on ne se soucie guère. Aujourd’hui la leçon est rude, et les habitants de la vallée de Chamonix, comme la planète entière, regardent ces milliers de camions les envahir et troubler la paix et la beauté des lieux. Ils regrettent toujours que la grande ligne par le tunnel du Mont-Blanc n’ait pas été réalisée jadis.

Ce projet, à l’origine, est lié à la construction d’une ligne directe Paris-Dijon-Genève par la Faucille ou, tout au moins, à la réalisation du raccourci de St-Amour à Bellegarde envisagé par le PLM après 1918. Une fois le Jura franchi et Genève contournée, le tracé de la ligne aurait utilisé la vallée de l’Arve, passant par Bonneville, Cluses et St-Gervais. Toujours sous la forme d’une voie normale , elle aurait ensuite continué jusqu’à Chamonix, en forte rampe au flanc des coteaux de Combloux, pour longer la vallée de Chamonix par la rive gauche de l’Arve, à mi-hauteur des flancs de montagne, et ensuite passer en tunnel sous le Prarion, déboucher de nouveau dans la vallée même de Chamonix, à hauteur des Houches.

Ensuite la ligne aurait emprunté un tunnel ferroviaire sous le Mont-Blanc. Il faut dire que la chaîne du Mont-Blanc est à la fois la plus haute et la plus étroite montagne des Alpes, et un tunnel de 14 km seulement, percé à 1.200m. d’altitude comme on l’a fait ultérieurement pour le tunnel routier, moins long que le Simplon ou le Saint-Gothard, aurait assuré la relation entre la vallée de Chamonix et l’Italie. pour atteindre la ligne de la Vallée d’Aoste.

L’itinéraire par Dijon, Genève. le Mont-Blanc et la Vallée d’Aoste aurait formé l’itinéraire le plus court entre le Royaume-Uni, Paris, la plaine du Pô et Rome. Mais la réalisation d’un tel tunnel est, dans les années 1950 où l’on ne croit plus en l’avenir du chemin de fer, est encore jugée très onéreuse et ne se justifie guère dans l’état actuel du trafic international, le souterrain du Mont-Cenis d’une part, celui du Simplon d’autre part, suffisant pour le moment à assurer les relations entre l’Angleterre, la France et l’Italie. Et puis la ligne à voie métrique déjà construite dans la vallée de Chamonix pour la « désenclaver » ne dit-on pas encore, est estimée suffisante pour le moment. Le trafic international vers l’Italie pourra attendre, et Chamonix aussi…

En trait rouge épais : le tracé de la ligne ferroviaire reliant Le Fayet-Saint-Gervais à Aoste, jamais réalisé.
Deux documents d’époque montrant l’emplacement très stratégique du tunnel (en haut) et les détails de son site (en bas). Sur le document du bas : les chemins de fer sont représentés en rouge et les téléphériques sont représentés en vert.

L’espoir d’un grand marché européen est donné à la route.

Cependant, pense-t-on dans les années 1950, si les barrières économiques et financières existant entre les états s’abaissent, créant alors une première démarche en vue de la constitution de l’Europe, cela pourrait entrainer un accroissement considérable du trafic entre la France, la Suisse et l’Italie, et on serait peut-être amené à revoir ce projet qui raccourcirait de près de 150 km le parcours de Paris à Genève et au Mont-Blanc et constituerait une voie d’accès extrêmement rapide et économique vers l’Italie.

C’est ainsi que, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la question du tunnel ferroviaire sous le Mont-Blanc est soulevée de nouveau, comme elle l’a déjà été pendant les années 1930. Mais pour les pouvoirs publics de l’époque, il n’est toujours pas question de construire à travers les Alpes de nouveaux tunnels ferroviaires, les tunnels existants étant jugés suffisants pour assurer le trafic entre l’Europe occidentale et centrale d’une part et l’Italie d’autre part. Il est vrai que l’on pense aussi que la route – ou plutôt l’autoroute – tout comme le couloir aérien sont la solution d’avenir pour une Europe que l’on veut « moderne » à tous points de vue…

C’est pourquoi les milieux routiers trouvent des oreilles politiques attentives quand ils réclament vivement un tunnel à travers les Alpes qui permettrait de pouvoir se rendre en permanence par route en Italie, alors qu’à l’époque la plupart des routes traversant la chaîne des Alpes sont obstruées pendant les mois d’hiver. Le pire obstacle est constitué par l’état d’enneigement de toutes les routes traversant la ligne de faîte entre le col du Mont Genèvre (frontière entre la France et l’Italie) et le col du Juliers (Suisse orientale) maintenus l’un et l’autre ouverts nu prix de déblayements constants. Plusieurs projets sont du reste à l’étude au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et des rivalités régionales très vives s’agitent autour de ces projets. Les principaux sont ceux du Mont-Cenis, du Mont-Blanc, du Col Ferret et du Grand-St-Bernard. On sait que, seul, le projet de tunnel routier du Mont-Blanc se réalisera après six années de travaux, et il est à l’étude depuis les années 1930.

L’acte de foi du Mont-Blanc Express.

Aujourd’hui, la SNCF fait circuler, avec fierté, le train le plus moderne et le plus beau qui ait jamais existé sur une ligne de montagne alpestre : le Mont-Blanc Express. Il est héritier d’une longue tradition de qualité sur cette ligne de Savoie et son centenaire est célébré en 2008 avec la présence de Guillaume Pepy.

Mais ce n’est pas une opération unique et récente. Déjà, en 1958, la SNCF engage un nouveau matériel composé de motrices électriques, les Z-600, et de remorques classiques. Elles sont très performantes, et permettent de réduire les temps de parcours de 25%, chose appréciable à une époque de forte concurrence automobile. Mais un demi-siècle plus tard, il faut songer à les remplacer.

Au début des années 1990, la SNCF lance l’étude d’un nouveau matériel pour compléter et remplacer progressivement les Z 600. La compagnie suisse du Martigny-Châtelard, qui exploite le prolongement suisse de la ligne de Savoie {aujourd’hui TMR) souhaite rénover son parc et choisit de travailler avec la SNCF pour définir les caractéristiques d’un matériel capable d’effectuer la totalité du parcours entre te Fayet et Martigny, ce qui implique, du coté suisse, la circulation sur des sections à crémaillère à 200 pour mille, et une alimentation par troisième rail mais aussi par caténaire.

Offrir aux voyageurs une meilleure vision vers le haut, sur les montagnes environnantes, fait aussi partie du cahier des charges en ce qui concerne la conception des caisses du matériel et deux étages de baies vitrées donnant une vision panoramique de 138° dans le sens vertical. Dessinées par Henri Baumgartner, ces nouvelles rames sont constituées de deux voitures automotrices reliées entre elles par un anneau d’intercirculation central.

Peintes en rouge et blanc, elles circulent sous le nom commercial de « Mont-Blanc Express». La commande définitive est passée le 30 mars 1994 auprès de la firme suisse Vevey Technologies pour la coordination du projet, la construction des caisses et l’assemblage final. La firme allemande AD Tranz fournit l’équipement électrique et la firme suisse SLM Winterthur fournit les bogies, le freinage et le système à crémaillère.

Chaque rame propose une centaine de places assises et peut rouler à 70km/h en palier, et jusqu’à 45 km/h dans les rampes de 90 pour mille, mais aussi à 23 km/h sur les déclivités à 200 pour mille sur la crémaillère en montée, et à 16 km/h  en descente. La SNCF et la compagnie du Martigny-Châtelard acquièrent chacune deux rames, plus une cinquième rame financée en commun avec l’aide de la région Rhône-Alpes. Le tout est mis en service le 13juin 1997.

Un cliché de Philippe Mirville pris pendant la commémoration du centenaire de la ligne de Savoie en 2008 : une motrice Z-604 est exposée dans une des gares de la ligne.
Très belle publicité d’époque (fin des années 1950) pour la ligne de Savoie avec une rame Z-600.
caractéristiques techniques : Les rames Z-800

• Type: M+M, séries Z 801 à Z 806 SNCF et R 21 et Z 821 à 824 suisse TMR

• Année de mise en service : 1997.
• Constructeur: Vevey Technologie, AD Tranz,  SLM Winterthur.
• Motorisation : 4 moteurs asynchrones triphasés de 250 KW.
• Courant traction : :850 volts continu, alimentation par frotteurs
• Capacité d’une rame : 96 places assises et 10 strapontins en classe unique.

• Particularités: crémaillère Strub, deux pantographes pour la circulation sur la ligne suisse de Martigny au Châtelard, attelage automatique Scharfenberg permet la circulation en unités multiples.
• Longueur : 37,800 mètres.
• Poids total : 71.6 tonnes.
• Vitesse maximale : 70km/h.

La région Rhône-Alpes et les nouvelles Z 850

Quatre-vingt-dix ans après l’ouverture de la ligne, la région Rhône-Alpes prend en charge l’organisation et le financement de l’ensemble des trains express régionaux de son territoire, laissant, conformément aux principes établis, la SNCF de continuer d’assurer leur exploitation. La région investit dans de nouvelles rames du type Z 850 commandées à la société Stadler.

Ces automotrices à trois caisses, beaucoup plus grandes et un peu plus légères que les Z 800, disposent d’équipements à bord plus perfectionnés, comme les espaces de transport des vélos et des skis, une voiture centrale panoramique, et un emplacement dédié aux personnes à mobilité réduite. Plus légères, elles ne sont pas équipées du système à crémaillère et ne circulent donc que jusqu’au Châtelard, à la frontière franco-suisse. La première des six rames commandées est présentée à la presse et aux élus le 26février 2006, tandis que la dernière rame a été livrée au début de 2008, l’année du centenaire de la ligne.

Caracterisques techniques : Les rames Z-850

• Type: R+M+R, séries Z-851 à Z-856 SNCF

• Années de mise en service :2006-2008.
• Constructeur: Stadler – Bussang Suisse.
• Motorisation :4 moteurs asynchrones triphasés de 300 KW dans l’élément central.
• Courant traction : 850 volts continu, alimentation par frotteurs.
• Capacité : 106 places en classe unique. La voiture centrale est panoramique.
• Particularités : deux pantographes pour la circulation sur la ligne suisse entre Le Châtelard et Salvan, attelage automatique Scharfenberg permettant la circulation en unités multiples.
• Longueur : /40,438 mètres.
• Poids total :59.5 tonnes.
• Vitesse maximale : 70 km/h

À droite : rame automotrice SNCF de construction suisse Stadler-Bussang type Z-850 vue à Vallorcine en 2008 lors du centenaire de 2008. Sur la voie de gauche : une rame Suisse, pavoisée pour l’occasion.
Rame Z-800 en gare de Chamonix. Les dimensions impressionnantes du BV (Bâtiment-Voyageurs) montrent encore aujourd’hui que l’on s’attendait, en 1900, à une voie normale et qu’il fallut se contenter de la voie métrique.
Une rame Z-850 et une petite gare, très petite même, à deux pas de Chamonix : Les Praz. C’est si paisible, si joli. Mais on comprend que les 700.000 voyageurs quotidiens de Paris-Nord, par exemple, comptent beaucoup plus, à tous les sens du terme, pour le chemin de fer français.
%d
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close