“LR” et Louis Roussy : d’étranges trains-jouets modernes et rapides.

Louis-Alfred Roussy naît le 25 décembre 1899 à La Tour de Peilz (Suisse) dans une grande famille d’industriels protestante d’origine française et cévenole que Louis XIV a chassée en Suisse avec la Révocation de l’Edit de Nantes. Cette famille possède, entre autres firmes, la célèbre marque Nestlé. Mais, sans doute, peu porté sur le chocolat et le lait en poudre, et très passionné de mécanique et de jouets, Louis Roussy prend une toute autre voie que celle du café soluble ou du chocolat, et se lance, en 1926, dans la fabrication des jouets dont, certes, il n’a pas dû être privé pendant son enfance, mais qui représentent pour lui un domaine technologique passionnant et simple à comprendre et un domaine économique très prometteur à l’époque..

Il s’installe en France, pays riche qui offre de grandes possibilités d’expansion industrielle, et plus précisément, il s’installe à Trappes, près de Paris, et il se prépare à créer, comme Franck Hornby en Angleterre, toutes sortes de jouets et avec la même ingéniosité. Comme le chemin de fer est à la mode, il ne manque pas de lancer rapidement une gamme de trains qui se signalent par leur haute qualité mécanique, d’une part, et, d’autre part, par un souci de ressemblance avec les trains réels. Il faut dire que, au milieu des années 20 encore, le marché des trains ne comporte guère que des modèles très fantaisistes et de facture très jouet, présentant des formes naïves en tôle lithographiée, des mécanismes approximatifs type jouet de bazar, des accessoires simplistes, voilà l’univers du train miniature du moment.

Le graphisme des catalogues LR est très poussé, ceci à une époque, les dernières années 1920, où l’art, l’affiche, le “design” connaissent un premier âge d’or. La “Micheline” ou la “Pacific” Nord, ci-dessus, sont représentés d’une manière particulièrement soignée et avantageuse qui sait cacher, pour la “Pacific”, le sous-dimensionnement au 1/60 de trains en écartement “0” qui devraient être une échelle théoriquement du 1/43e. Seul l’écartement “0” est respecté, avec 32 mm entre les rails. Les roues des trains se trouvent donc affleurant les bords extérieurs des caisses.

Le chemin de fer, avant tout.

Impressionné par les trains-modèles qui tendent vers le modèle réduit exact et à l’échelle (ce qui n’est pas le cas des trains-jouets pour enfants) et aimant ces modèles produits en Angleterre par un Bassett-Lowke ou en France par un Marescot, Louis Roussy choisit une politique de fabrication de trains qui se situeraient à un niveau intermédiaire entre le jouet naïf en tôle lithographiée et à prix accessible, d’une part, et, d’autre part, le modèle réduit pour amateurs adultes qui est à un prix totalement inabordable. C’est pour cette raison qu’il choisit des voies sur traverses en bois et aux rails en profilé plein façon « amateur » comme on dit à l’époque, des roues tournées dans la masse, des mécanismes de haute qualité, des caisses en tôle d’acier comportant de nombreux détails rapportés. Bref, il tourne résolument le dos à la tradition du jouet infantile et s’inspire des jouets dits « scientifiques » parmi lesquels prend place les appareils photo, les projecteurs de cinéma, les jeux d’optique, de chimie.

Certes, pour les trains LR, des raccourcissements de longueurs de voitures se constatent, tout comme un non respect de l’échelle « 0 » qui passe du 1/43e au 1/60e environ chez LR, des simplifications ou des libertés par rapport aux trains réels, mais l’ensemble conserve une allure très attrayante et plaît à des enfants lassés par les formes naïves et surréalistes de leurs trains JEP ou Hornby.

C’est dire si Louis Roussy fait attention aux détails qui comptent, et il va même jusqu’à proposer des trains électriques avec une véritable caténaire fonctionnelle alimentant les pantographes des locomotives comme dans la réalité. Innovateur, mécanicien scrupuleux, doté d’un sens commercial et esthétique certain, Louis Roussy effectue rapidement sa percée dans le monde du jouet, bien que pratiquant des prix qui sont souvent de l’ordre du double de celui de ses concurrents pour des trains comparables. Il sait que la qualité paie, et il y associe étroitement son «image de marque» grâce à des catalogues ou des publicités bien faits dans lesquels il ne manque pas d’étaler les records de vitesse ou d’endurance de ses trains miniatures.

(Document et légende du Cercle Ferroviphile Européen, la plus importante association de collectionneurs de trains-jouets anciens avec plus de 400 membres).
Avec la “Pacific” Nord assez ressemblante, LR propose aussi une jolie petite locomotive se voulant une 220 PLM, mais qui se refuse à toute ressemblance possible avec une locomotive de ce réseau. Très britannique, elle pourrait avoir été inspirée par certains modèles du réseau de l’Ouest. Elle est à peine plus grande qu’une locomotive en “H0” avec sa longueur totale de 25 cm hors tampons, tender compris, et surtout elle est beaucoup plus petite que la “Micheline” LR alors que, logiquement, cela devrait être l’inverse.

Le jouet érigé en système complet, ou presque.

Mais Louis Roussy va encore plus loin : il veut proposer aux enfants un paradis complet, à la manière de l’anglais Frank Hornby avec ses trains, son «Meccano», ses automobiles et ses avions démontables,  et ses «Dinky Toys», ou comme JEP, ou encore Märklin. Ces grandes marques traditionnelles offrent un système de jouets complet constituant un tout indissociable qui permet à l’enfant, qui a découvert le cadeau de Noël au pied du sapin, de revenir chez le marchand de jouets durant les semaines qui suivent pour construire un univers complet à sa mesure.

Autour des trains se crée un univers de gares, de bâtiments, de personnages, d’animaux, de chargements, et tout ceci donne un sens aux wagons à bestiaux, couverts, tombereaux, plats ou citernes que l’on accumule sur des voies de garage. Il manque donc l’équivalent d’un « Meccano» Hornby ou d’un “Forgeacier” JEP pour construire des ponts et des grues. Pour Louis Roussy, ce sera le «Standard LR» qui utilise, comme le jouet anglais, des pièces à trous que l’on boulonne ensemble ou que l’on assemble rapidement par un système de pinces  – mais dont Louis Roussy sait vanter le réalisme d’aspect par leur «minimum de trous» et la simplicité de montage par la possibilité d’utilisation de pinces au lieu de vis et écrous créant un solide boulonnage. Le succès sera mitigé, vu le système d’assemblage des pièces donnant des modèles peu solides et dont les pinces lâchent au moindre choc, et parfois aussi le manque de qualité mécanique des engrenages, des axes, des roues.

Il manque surtout des automobiles miniatures. Mais se lancer dans une concurrence des célèbres «Dinky Toys» qui ont déjà envahi le marché mondial semble, à juste titre, suicidaire pour Louis Roussy. Prudemment et astucieusement, il se replie sur un système d’automobiles très élaboré, pensant offrir aux enfants un «plus» par rapport aux «Dinky Toys» qui ne peuvent qu’être poussés à la main sur une table ou collectionnés. Avec des voitures à moteur électrique et à direction dont les roues braquent, à phares fonctionnels, et qui peuvent se doubler, Louis Roussy pense offrir tout à fait autre chose que de simples plombs moulés en forme d’auto, et il y parvient. Son “Autoroute LR” sera une réussite technique exceptionnelle, mais son prix – justifié certes – en limitera la vente.

Le jeu de construction “Standard” conçu par René Trubert pour LR : moins de trous que le “Meccano” concurrent, mais des trous quand même et un difficile assemblage par pinces. L’échec commercial devait arriver.

Mais rien ne se fait, chez LR, sans René Trubert.

Ce qui est peu connu des collectionneurs est que, avec Louis Roussy, il y a un merveilleux ingénieur sans qui rien ne se serait fait. C’est René Trubert (1893-1963).

Ingénieur… Ce mot magique hante l’esprit de René Trubert qui choisit cette carrière et entre à l’Ecole Centrale. Devenu architecte, René se passionne toujours pour les techniques, et c’est bien un inventeur et non un architecte qui vit au plus profond de lui-même. Il crée une petite entreprise de chauffe-bains électriques et expose des modèles à la foire d’Orléans, avec pour résultat remarquable, lors d’une démonstration, de faire disjoncter le système d’alimentation électrique de toute la ville pendant une soirée…

Il offre un train mécanique à son fils Denis, mais le problème, pour le fils, est la fastidieuse obligation de remonter le ressort avec la clé, cette dernière lui faisant des ampoules dans les mains. Mme Trubert est alors de service, en permanence, pour assurer le remontage, et le fils, lui, en redemande… René Trubert a pitié de son épouse et imagine un remontoir électrique automatique pour la locomotive mécanique.

Il s’agit d’un coffre en bois ouvert sur le dessus et que l’on pose dans le circuit de voie, à la place d’un rail droit. Ce coffre en bois contient un tapis roulant plat en caoutchouc, véritable « home trainer » pour locomotives. Quittant les rails, les roues de la locomotive viennent rouler directement sur le tapis roulant, guidés par les deux rebords en relief du tapis roulant formant alors des rails. Dépassant au-dessus des bandes formant rails, un linguet actionne un interrupteur électrique. Lorsque la locomotive pénètre en vitesse dans le coffret, elle pousse le linguet qui renonce à la retenir : la locomotive passe outre. Si la locomotive se présente en fin de course du ressort, elle est moins puissante, plus lente, et c’est le linguet qui la retient, ce qui ferme un interrupteur et met en marche un moteur électrique qui fait tourner le tapis roulant à contre sens de la marche : les roues de la locomotive tournent en marche arrière et le ressort se trouve, de ce fait, remonté. Dès que la locomotive a accumulé assez de puissance, elle force et couche le linguet, et repart.

René Trubert fait breveter son invention, et écrit, avec son papier à lettres à en-tête d’architecte, aux grands fabricants de l’époque : JEP, Hornby, LR, et sans doute d’autres à l’étranger. Il recevra deux réponses : l’une pour dire que l’invention est stupide et qu’il suffirait de faire comme tout le monde, c’est-à-dire de mettre le moteur directement dans la locomotive, l’autre pour dire presque la même chose, mais de venir voir quand même le directeur de la firme qui a besoin d’un architecte.  Ce directeur est Louis Roussy, et la firme est LR.

Le meilleur attelage jamais conçu pour les trains miniatures : automatique, et avec attelage ou dételages télécommandés par rail spécial, et acceptant le refoulement sans emmêlement. C’est l’attelage LR dernier modèle, conçu et breveté par Trubert. Aucune marque à venir, même aujourd’hui encore, ne fera mieux. Le galet, en dessous, sert au dételage en roulant sur le rail de commande placé en position levée.

Roussy a besoin d’une usine, mais Trubert fera aussi autre chose.

Les deux hommes sympathisent, et René Trubert est chargé de la construction de la nouvelle usine LR qui est implantée à Trappes. La construction dure deux années, de 1930 à 1932, et René Trubert, qui fait très souvent le voyage depuis Arras pour mener le chantier, se passionne aussi et surtout pour les trains Le Rapide produits par LR, et, René Trubert va breveter des quantités d’innovations destinées aux trains LR. En mai 1930, c’est l’attelage automatique à dételage par rail-dételeur – une chose unique dans l’histoire du train-jouet en «0 » et, en septembre, c’est l’invention d’un système d’inversion de sens de marche à distance des locomotives. Louis Roussy, qui ne s’y trompe pas en hommes de talent, prend Trubert très au sérieux et en fait son directeur technique, une fois l’usine de Trappes construite et en service.

L’œuvre de René Trubert sera de donner au Rapide LR une image de jouet technique et moderne, et de justifier le slogan commercial : «Le Rapide LR, le train le plus rapide dans le monde des jouets». De nouveaux matériels apparaissent comme les aiguilles télécommandées, de nouveaux transformateurs, de nouveaux attelages (brevet Trubert), des rails dételeurs télécommandés pour ces attelages, l’inversion du sens de marche des locomotives (brevet Trubert), des passages à niveau électromagnétiques, des signaux lumineux (copie d’un célèbre signal de l’Ouest trouvé dans la gare de triage de….Trappes).

C’est en 1935 que Louis Roussy lui demande de concevoir une piste d’autos électriques, à l’instar de ce qu’avait développé Märklin en Allemagne. Mais René Trubert refuse d’emblée de faire une automobile qui soit une locomotive déguisée, c’est-à-dire un véhicule prisonnier de rails. C’est avec cette idée en tête qu’est développée «L’autoroute LR».

Le dessous d’une automobile LR : la flèche rouge montre la partie mobile droite du pare-chocs qui, articulée, commande le braquage des roues avant pour rapprocher ou éloigner la voiture de la bordure de la piste tout en captant le courant sur cette bordure. En bas, à l’arrière, le ressort sert de frotteur et assure le retour du courant par la piste, chose que les roues sur pneus ne peuvent assumer. On trouve dans ces jouets à la fois le génie et la qualité.
La voiture rouge double la bleue qui est à l’arrêt mais qui alimente le frotteur sur le parechocs de l’auto rouge. Les bordures en métal sont isolées par rapport à la chaussée qui conduit le courant. Ces bordures assurent le retour du courant.
Croisement de deux voitures roulant en sens contraire sur la piste. Le courant est pris par le frotteur mobile du pare-chocs prenant appui sur la bordure qui est électriquement isolée de la chaussée. Un autre frotteur, sous la voiture, prend le courant sur la chaussée.
Le chef d’œuvre de René Trubert : l’ “Autoroute LR”, un des jouets les plus innovants de tous les temps. Des automobiles électriques circulent sur une piste, se croisent, se doublent. Leurs roues avant braquent, commandées par un parechocs articulé prenant appui sur le rebord de la piste à leur droite, ou sur une voiture garée et déjà alimentée. Ce courant électrique est fourni par un transformateur type train-jouet.

La fin de la carrière de René Trubert chez LR.

Mais quelques difficultés de gestion surviennent dans l’entreprise en 1936. La société a été financée sur les capitaux propres de Louis Roussy. Celui-ci est affilié à la famille propriétaire de la marque Nestlé. La trésorerie n’est donc, en principe, pas un problème, et la gestion des finances semble ne pas poser de problème prioritaire. Mais les stocks augmentent et Louis Roussy trouve que le commercial ne semble pas tout faire pour suivre le rythme de la production. La vente dans les grands magasins (on ne parle pas encore de “grandes surfaces”) génère un énorme gâchis.  La vente est excessivement saisonnière au moment des fêtes de fin d’année, et les grands magasins retournent un nombre important de boîtes de train invendues en janvier dans un état lamentable. René Trubert ne vit pas cela très facilement.

 Et c’est ainsi qu’en 1936, au moment où le climat devient un peu plus tendu dans la société, René Trubert décide de quitter Le Rapide-LR pour se consacrer à la réalisation et à la commercialisation de son mitigeur thermostatique qui a été inventé en 1930.. Quelques années plus tard, ce mitigeur sera fabriqué sous licence dans un certain nombre de pays d’Europe et sera commercialisé sous la marque Eurotherm, beau symbole préfigurant les années à venir. Il aura laissé son empreinte dans de multiples domaines et aura déposé une soixantaine de brevets d’invention avec, pour la plupart, des extensions dans de nombreux pays étrangers. René Trubert meurt en 1963.

La page des locomotives de 1936 : LR est à son apogée, et même la “Micheline” a du succès, bien qu’en réalité elle n’ait existé qu’à un seul exemplaire et n’ait fait qu’un voyage d’essai entre Paris et Deauville en 1931. Louis Roussy, pourtant, la présente au pluriel comme ” une jolie réduction des modèles en service sur les réseaux” !
A la fin des années 1920, une locomotive de type électrique à capots et une belle gamme de wagons à marchandises plaisent. Une version dite “Montagnarde” de cette locomotive existe aussi : fortement démultipliée elle peut escalader les 30% des rampes des “montagnes” faites par les enfants avec des voies posées sur des livres !
Les belles voitures CIWL en rare version verte deux tons Etat. Les quais de gare LR portent le nom de Trappes, bien entendu, et sont des raretés (collection du regretté Jean-François Guy).

Les difficiles dernières années de l’entreprise LR.

Après que René Trubert ait quitté LR pour créer sa propre entreprise de matériel sanitaire, les années vont devenir sombres pour Louis Roussy. Le 26 août 1938, un incendie fait des dégâts importants dans l’usine de Trappes et, sur le plan financier, la société LR est fortement déficitaire. D’après Denis Trubert (fils de René Trubert qui nous a beaucoup appris sur son père), ce déficit atteint 12% du chiffre d’affaires, et, dès 1939, Louis Roussy a l’intention de fermer son usine de Trappes sans toutefois passer aux actes immédiatement.   

Ce n’est qu’en pleine guerre, le 1er octobre 1941, qu’est créée la “Société des Anciens Etablissements L.R”. Louis Roussy apporte l’ensemble des biens de la société LR (biens immobiliers, biens de production et fonds de commerce.). Deux autres investisseurs apportent des fonds : il s’agit d’une Madame de Boisrouvray et d’un monsieur Henri Chauvel qui devient, dans les faits, le seul dirigent de cette nouvelle société, toujours d’après Denis Trubert. Les fabrications reprennent, mais en 1949 l’usine de Trappes est vendue à la Confiserie Gessler de Paris, tandis que Chauvel installe l’entreprise LR sous le nom de “Les industries électriques de la Seine” au 97 avenue de Verdun à Romainville. En 1951, la fabrication des trains LR reprend et des catalogues sont publiés. Toutefois, le 1er juin 1956, la marque LR est revendue à son grand concurrent qui n’est autre que la société du “Jouet de Paris” (JEP) qui se contentera d’éteindre la marque. Le 22 décembre 1977, Louis Roussy décède à Nice.

En 1937, la grande gamme classique des trains LR est au complet, y compris en bas de page du catalogue la curieuse “Super Rapide LR”, une locomotive à vapeur carénée d’un bizarre dessin futuriste sortie, peut-être, de l’imagination de René Trubert et qui est, chose rare, en aluminium moulé.

Les modèles marquants produits par LR: les autorails.

Le 10 Septembre 1931 Marcel Michelin, qui a le génie de la publicité, invite André Citroën et son épouse, et aussi Raoul Dautry, Directeur du réseau de l’Etat, plus quelques journalistes pour faire du “buzz” comme on ne dit pas encore, plus des officiels pour occuper les places encore vides et même un baron pour faire chic, et il fait monter tout le monde dans une « Micheline » qui fait un voyage d’essai Paris-Deauville aller et retour. La presse est convoquée au départ et à l’arrivée, et elle assure ce que l’on appelle de nos jours la “couverture médiatique” : le grand public apprend rapidement que la vitesse moyenne de 107 km/h a été tenue pendant plus de 4 heures, avec des pointes à plus de 130 Km/h. 

Dite « Micheline type 5 », l’engin unique a été réalisé avec un châssis et un moteur de voiture Hispano-Suiza 46 ch., pour la partie motrice, et une carlingue d’avion Wibault 280T, pour la partie réservée aux voyageurs. La carlingue repose par son avant sur le deuxième essieu du châssis, et, d’autre part, sur un troisième essieu indépendant situé à l’arrière. C’est peu orthodoxe, sur le plan ferroviaire, mais cela marche… Inutile de dire que ce très petit, fragile et léger ensemble de bois et de toile formant la carlingue n’a pas intérêt à aller tâter des tampons ou des attelages ferroviaires en bon acier bien lourd qui prolifèrent autour de lui ! Et la locomotive type “Mountain” Etat, qui suit la « Micheline » pour fermer les signaux du bloc système (que les pneus de la Micheline ne peuvent faire, faut de pouvoir conduire du courant électrique) se doit d’être tenue à distance par un mécanicien vigilant pour ne pas aller écraser, avec ses 120 tonnes, cette fragile « Micheline » qui la précède.

Si les « Michelines », jadis, sont des autorails puisque ce sont des véhicules automoteurs circulant sur une voie ferrée, tous les autorails ne sont pas des « Michelines ». La différence ? La « Micheline » repose sur un principe issu d’une invention de la célèbre firme Michelin, puisqu’elle est un autorail qui roule sur des pneumatiques. Cette technique présente, à l’époque, d’intéressantes qualités en matière de silence de roulement, de confort, de possibilités d’accélération et de freinage sans patinage. Malheureusement le pneumatique, qui a permis le développement de l’automobile, n’a pas sa place sur le rail pour de nombreuses raisons techniques. D’abord le poids supporté est réduit, et il faut donc multiplier les roues sous les autorails à pneus. Ensuite les pneus crèvent, car les locomotives laissent, sur les rails, de véritables échardes coupantes lorsqu’elles patinent au démarrage. Ensuite et surtout, les pneus ne peuvent assurer une fonction fondamentale du chemin de fer : le shuntage électrique des deux rails de roulement assurant la sécurité des trains par la signalisation automatique. C’est pourquoi faut doter les « Michelines » de frotteurs métalliques. C’est pourquoi, malgré leurs excellents résultats, leurs performances, leur confort, les « Michelines » disparaissent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les autorails ayant fait de louables progrès en matière de silence et de confort. Cela n’empêche nullement les “inventeurs” actuels des “trains du futur” de proposer à nouveau des autorails sur pneus comme étant une nouveauté. Il faut donc environ un siècle pour qu’une fausse invention paraisse vraie.

Les caractéristiques du modèle de la “Micheline” produit par LR.

Louis Roussy colle à l’actualité ferroviaire, en bon fabricant de jouets et il est séduit par la « Micheline » de l’essai de Paris à Deauville. Quelques mois après, LR offre déjà le modèle sur le catalogue de 1932. Si la vraie « Micheline » forme un ensemble rigide s’inscrivant en courbe par le seul jeu des trois essieux, le jouet reprend la formule articulée du camion semi-remorque avec une partie motrice à deux essieux et une remorque à un essieu (radiant), solution rendue nécessaire par le faible rayon des courbes des trains-jouets.

Longue de 40 cm, la « Micheline » LR est en zamac moulé, ce qui est une technique très « up to date » tout à l’honneur de Louis Roussy, mais dont la composition tient mal dans le temps, chose qui fait le malheur des collectionneurs actuels avec cet alliage qui se désagrège, ou se boursoufle. Peint en bleu pâle, agrémenté d’un toit ivoire et de roues rouge vif, le jouet est agréable à regarder. Des bandages en caoutchouc sur les roues simulent les pneumatiques de l’autorail réel – du moins sur les premier modèles avant que des roues pleines en acier assurent une meilleur durabilité. Le modèle reste au catalogue jusqu’en 1940, et ne réapparaîtra plus après la Seconde Guerre mondiale.

Pour une fois LR produit un modèle à l’échelle autre que 1/60e…

On notera que la dimension de 40 cm au modèle LR une dimension le plaçant parmi les plus grands modèles de la marque, et lui donnant, comme jouet, une longueur équivalente à celle de la Pacific Nord avec son tender, alors que, dans la réalité, la « Micheline » est deux fois plus petite.

Le fait est paradoxal dans la mesure où, en réalité, la vraie « Micheline » était minuscule par rapport aux locomotives ou aux voitures des trains classiques. En particulier, la vraie « Micheline », longue de moins de 10 mètres, était à peine plus large que la voie, offrant seulement deux places par rangée, soit environ 1,50 m alors que les trains classiques avaient une largeur d’environ 3 m. Ceci avait demandé, le jour des essais avec des personnalités à bord, la mise en place de caisses en bois pour combler le large espace séparant, sur la voie, le bord du quai et le marchepieds de l’autorail blotti au milieu de la voie. 

Comme LR traite l’ensemble de ses trains à une échelle plus petite que le « 0 », les surbaissant, les rendant à peine plus larges que la voie, ici, pour une fois, LR ne peut traiter comme tel la « Micheline » qui, avec environ 23 cm à l’échelle “0” et 16 cm à l’échelle 1/60e pratiquée par LR, serait trop petite pour contenir un moteur électrique. LR est bien obligé de ne pas sous-dimensionner le modèle, et même il doit le surdimensionner. Le très petit engin réel devient un géant chez LR !

La cote de la « Micheline » LR sur le marché de la collection reste assez élevée, car les modèles non atteints par la « peste » du zamac sont rares. Beaucoup sont cassés au niveau de la jonction entre la motrice et la remorque, tandis que le gonflement du zamac a séparé le toit de la caisse Wibault. Mais l’originalité du modèle, avec sa ligne inhabituelle, plaît beaucoup, ceci à un tel point que des reproductions artisanales ont été faites ces dernières années. Il faut compter entre 500 et 800 Euros pour une « Micheline » LR en état acceptable. Les modèles en parfait état n’existent pratiquement pas.

Le système d’articulation du jouet LR permettant l’inscription en courbe. Le prototype réel n’était nullement articulé, avait une caisse rigide en une seule pièce, et les trois essieux, fixes, ne permettaient d’inscription en courbe que par un jeu latéral.

La relève avec l’autorail ABJ.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Louis Roussy reprend sa production, et expurge du catalogue bien des modèles qui sont obsolètes, dont, au premier chef, la « Micheline », bien sûr… Elle est déjà dépassée esthétiquement dans les dernières années 1930, et c’est dire à quel point il faut la retirer du catalogue d’une firme qui se veut moderne et dynamique. Mais il faut un autorail, car cet engin est, plus que jamais, à la mode et circule en grand nombre sur le réseau de la SNCF.

Le choix de Louis Roussy, une fois encore, est excellent avec un autorail ABJ Renault, un type qui, depuis 1935, excelle sur le réseau et qui est très populaire. LR le produit à partir de 1948, sous trois références : 1101-L pour le modèle à inversion à main, 1102-L pour le modèle à inversion « électromagnétique » (à distance), et une intéressante version sans moteur, formant remorque, sous la référence 1103-L permettant de reproduire un couplage.. Produit d’abord sous une assez surréaliste couleur argentée, le modèle sera aussi produit en rouge et crème, ce qui est conforme à la livrée des autorails de la SNCF à l’époque, et aussi en bleu et crème, ce qui s’est fait, avant 1938, sur le réseau du PLM. et du PO au moins pour le bas de caisse bleu.

L’ABJ de LR est assez exact, bien que très raccourci selon la pratique courante à l’époque, mais la présence de très grandes roues à rayons du plus pur type vapeur trahit l’utilisation d’une platine standard faisant office de bogie, et c’est dommage pour l’aspect général. L’autorail disparaît du catalogue en 1955 : la firme est en train de vivre ses derniers moments et commence, on peut le penser, à élaguer sa gamme : les beaux jouets se vendent mal, désormais.

Au deuxième plan : l’autorail type ABJ Renault, un joli modèle reproduit par LR.

L’autre modèle marquant produit par LR : le train “Flèche d’or”.

Lorsque Louis Roussy crée sa marque « Le Rapide » (ou plus simplement LR, en jouant sur ses initiales et celles de sa marque), il a envie de faire de très beaux trains, et qui battront tous les records : vitesse, réalisme, beauté, modernité. A cette époque, la Compagnie internationale des wagons-lits crée le superbe train « Flèche d’or » qui relie Paris à Calais, les voyageurs devant ensuite prendre un bateau et un autre train, le « Golden Arrow », pour Londres. Il est normal que Louis Roussy puise son inspiration dans cette actualité particulièrement brillante.

Eurostar n’a pas tué la légende de la Flèche d’Or, ce magnifique train aux voitures Pullman marron et crème qui, à partir de 1926, relie Paris à Calais, donnant, par bateau, la correspondance avec le Golden Arrow qui relie Douvres à Londres à partir de 1929. Le voyage demande un peu moins de 7 heures. Certes c’était bien moins rapide que Eurostar qui accomplit le trajet en 2h 35, mais c’était, ô combien, plus chic !

Le train est superbe dans sa livrée marron et crème à filets or, et, d’emblée, il est adopté et devient, comme l’Orient-Express ou le Train bleu, un train symbole. Avec lui, on peut quitter Paris à 12 h précises et être à Londres à 19 h 15. En sens inverse, on quitte Londres à 10 h 45 et on touche Paris à 17 h 40 : le seuil des 7 heures est enfin franchi, dans le sens Londres-Paris du moins, ceci en dépit des pertes de temps du au double transbordement maritime.

La “Flèche d’or” de LR. Un très beau train, mais très sous-dimensionné.

La “locomotive “Pacific” LR : très réussie en face de celles de Hornby et de JEP.

La force du train LR est, d’abord, de comporter une reproduction assez précise de la “Pacific” type 3.1200 Nord, et avec un embiellage complet, un luxe de détails rapportés qui, pour l’époque, situerait la locomotive presque dans la catégorie des modèles réduits pour amateurs adultes. Certes, la locomotive est très sous-dimensionnée par rapport à l’échelle du 1/43,5 qu’est le « 0 », car LR a choisi de traiter ses trains haut de gamme à l’échelle du 1/60ème pour leur donner des dimensions qui semblent plus allongées à longueur égale de celles des concurrents. Rappelons que, chez les producteurs de trains-jouets, le raccourcissement des voitures à bogies est imposé par le très faible rayon de courbure des voies.

Mais cette locomotive, référence 1003L, est fidèle dans ses moindres détails, et, en face d’elle, Hornby n’a qu’une fausse Pacific à qui il manque un essieu moteur (type 221, donc, au lieu d’une vraie 231) et JEP s’est d’abord trompé en sortant une 230 en 1928, locomotive qui passera au type 231 en 1932, puis se métamorphosera complètement en 1933-34 pour donner, en fin de compte, une “Pacific” Nord assez correcte – mais avec 6 années de retard sur LR !

Quant à Hornby, jamais la marque ne proposera, sur le marché français et international hors Royaume-Uni, une vraie “Pacific” avec six roues motrices, et ne fera que des locomotives à quatre roues motrices. L’exception confirmant la règle sera la production de la magnifique “Pacific” anglaise dite “Princess” du LMS, produite en petite série et vendue au Royaume-Uni à partir de 1937 à une élite pour un prix très élevé.

Revenons à LR. Les catalogues LR vantent les 44 roues du train complet “Fleche d’or”… Et les voitures participent au nombre puisqu’elles sont sur bogies, ayant donc 8 roues chacune.  Elles mesurent 32 cm, ce qui, si l’on ne borne à ne considérer que cette donnée, les mettrait à égalité avec les voitures JEP longues de 34 cm, mais elles ont l’air beaucoup plus longues car elles sont bien moins hautes, d’un bon tiers, puisque réduites à une échelle 1/60e. Cette astuce laisse aux voitures JEP leur aspect trapu en dépit d’une lithographie et d’une prestance certes plus avantageuses.

Mais, surtout, la voiture “Flèche d’or” JEP avoue une importante lacune avec ses cinq fenêtres trahissant son raccourcissement très exagéré par rapport à la voiture réelle qui en comporte huit : or, justement, la voiture LR, pour deux centimètres de moins, parvient, par son « rallongement » artificiel, a aligner huit fenêtres et à ressembler ainsi très exactement à la voiture réelle de la CIWL. Le tour est joué !

La voiture Hornby, pour sa part, n’a rien en commun avec la voiture réelle, puisqu’elle est simplement du type britannique, ce que des marquages français ne parviennent pas à cacher. Et le train Hornby n’a pas de fourgon : bref, un « tout faux » flagrant…

Le fourgon est, certainement, la pièce la moins réussie du train LR, notamment en face du fourgon de JEP peut-être beaucoup trop court (une fois encore) mais qui a pour avantage de bien ressembler au fourgon “Flèche d’or” spécial et si caractéristique du train réel, avec son système de conteneurs. Pourquoi Louis Roussy a-t-il fait ce ratage, choisissant de dessiner un fourgon un peu passe-partout ? Il a choisi l’économie, et a obtenu un fourgon à partir d’éléments existants dans la série à plus petit gabarit sur châssis de 24 cm. 

Sans doute ce choix provient  du projet de décliner un certain nombre de trains de la CIWL en jouant simplement sur les couleurs des voitures, et sans investir dans plusieurs fourgons CIWL différents. C’est bien, d’ailleurs, ce qu’il fera avec un “Sud-Express” mené par une superbe 2D2 type électrique (comme en réalité), mais il n’ira pas plus loin. Les voitures seront bien déclinées, comme celles du “Train” Bleu qui seront placées derrière une 241 totalement surréaliste, ou comme celles des trains dits « Transatlantiques » du réseau de l’Etat avec leur belle couleur verte ton sur ton, mais sans locomotive.

Le train “Flèche d’or” LR, lorsqu’il sort en 1926, a devant lui 14 années d’existence et de succès, car il se vend bien. Il ne traverse, malheureusement, pas la Seconde Guerre mondiale et disparaît du catalogue dès 1940 – mais pas complètement, puisque les voitures Pullman restent au catalogue, entourées d’une très séduisante nouvelle série de voitures type SNCF dans laquelle elles s’intègrent bien. La “Pacific” Nord a été remplacée par des locomotives inspirées des 232R ou S SNCF, réduites au type 221, mais assez réussies esthétiquement. La marque LR, comme nous l’avons vu ci-dessus, reste active jusqu’au début des années 1960 : c’est, tout compte fait, une marque qui n’a pas duré longtemps, et c’est sans doute pourquoi elle sera oubliée dans la mémoire collective. Seuls les collectionneurs de trains-jouets anciens la connaissent.

Trois aperçus de la “Pacific” Nord de LR. La petitesse des trains par rapport à la voie est frappante : la voie est aussi large que les trains.

LR et sa 2D2 du Paris-Orléans.

Ce magnifique modèle est, avec la Pacific 3-1200 Nord, à l’origine de la production des trains haut de gamme LR. Les deux modèles, d’ailleurs, rivalisent de beauté et d’exactitude, et contribuent de toute leur force à la création de l’image de marque très favorable que LR acquiert rapidement auprès des enfants de l’époque. Effectivement, lorsqu’elles sortent en 1926, dans un univers de jouets très fantaisistes, ces deux locomotives font figure de maquettes, même si, aujourd’hui, elles feraient sourire un modéliste client de Fulgurex ou assembleur de « kits » artisanaux en laiton comprenant plusieurs centaines de pièces.

La 2D2 existe, dès son lancement, en deux versions : une version référence 1006-L dite  « élégante avec supers détails » (le « supers » avec son « s » d’origine sur le catalogue montre que les fautes d’orthographe ne datent pas d’aujourd’hui…) comprenant trois lanternes rapportées à chaque extrémité, des mains courantes sur les capots, des attelages à choquelle, des mains-montoirs aux portes de cabine de conduite, des pantographes (qui sont appelés « trolleys » sur les catalogues, le mot anglais étant sans doute jugé plus chic, mais il est totalement inapproprié ici) .articulés et à ressorts d’appui, des réservoirs d’air comprimé(qui prennent, sur le catalogue LR, l’inénarrable nom de « bonbonnes pour freins » !!!), et une version référence 1002-L démunie de tous ces accessoires mais quand même qualifiée de « version puissante ». 

Toutefois, dans le coffret 1005 comportant un équipement avec des caténaires et une voie à deux files de rails, cette locomotive simplifiée reçoit les pantographes à ressort de la version luxe, tout en conservant son frotteur pour rail central, ce qui fait que LR invente avec 9 années d’avance le système que la marque Trix popularisera sous le nom de « Trix Twin » en OO à partir de 1935 :  très peu d’historiens du train-jouet reconnaissent à LR cette antériorité. 

Un autre particularité de cette locomotive est sa disposition d’essieux qui, en fait, n’est pas du type 2D2 bien que le nombre de roues et la disposition apparente soient respectés. La locomotive LR est en fait une 2ABBA2, c’est-à-dire que les deux bogies porteurs extrêmes sont portés par un sous-châssis indépendant comprenant aussi le premier essieu moteur (non moteur, en fait), et pouvant pivoter. Seuls les deux essieux moteurs centraux de la locomotive, solidaires du châssis, sont moteurs, ce qui fait que LR récupère une platine à deux essieux moteurs, comme le feront JEP et Hornby à de maintes reprises, mais utilise conjointement une solution très élégante visant à bien donner les 8 essieux ou les 16 roues de la locomotive réelle. Cette invention est due à Aldo Zedda, le futur cofondateur des trains BLZ qui, pour le moment, travaille en sous-traitant libre pour LR. Le fils d’Aldo Zedda, plus tard ingénieur chez Jouef, s’inspirera de cette conception paternelle pour la réalisation de la 2D2 Jouef en « HO », mais sans utilisation de la platine fixe centrale :  ici ce sera sous la forme d’une 2B22 avec deux bogies porteurs extrêmes articulés chacun sur un bogie à grandes roues « motrices », l’un de ces deux bogies moteurs étant démotorisé. Nous illustrons cette disposition d’essieux avec un schéma d’origine LR présenté ci-dessous. On peut lire, en légende, que, pour LR, cette locomotive comporte deux bogies à six roues, ce qui n’est pas totalement inexact : en fait il s’agit bien de deux bogies à 6 roues avec un « sous bogie » à 4 roues.

Le système d’articulation de la 2D2 LR qui est, dans les faits, une 2ABBA2 pour son inscription en courbe de faible rayon, solution Zedda que reprendra Jouef, dans les années 1970 pour sa 2D2 en “H0”.

Ces deux belles 2D2 resteront au catalogue LR jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Le modèle 1002-L est vendu dans un coffret 1002 présenté comme étant le « Train Bleu P.O. Grand luxe Paris-Biarritz ». Louis Roussy n’a pas saisi l’opportunité d’une référence explicite au « Sud-Express » de la CIWL. LR aurait pu le faire, puisque ce train, formé de voitures Pullman marron et crème, puis bleu et crème à partir de 1932, était bien remorqué par des 2D2 du Paris-Orléans sur la partie de son itinéraire empruntant ce réseau. Toutefois, et sans le savoir sans doute, il est en avance sur l’évolution du « Sud-Express » qui adoptera, à partir de 1932, la couleur bleu marine et crème de l’ensemble des trains de luxe de la CIWL : or, en 1926, s’il est marron et crème, le train LR est, lui, bleu, car il est composé des voitures de gamme moyenne 2003 et du fourgon 2002 de la marque qui sont bleus.

En 1933 ou 1934, LR crée son coffret utilisant la 2D2 réf. 1006-L (la version « luxe ») et les belles voitures Pullman haut de gamme empruntées au train « Flèche d’or » : mais, ici aussi, LR évite le terme « Sud-Express » et ne mentionne dans ses catalogues qu’un assez anodin « Train P.O. Grand luxe » : pourquoi ? La CIWL aurait-elle fait des difficultés ? Lors de la création de ce coffret, le train de gamme moyenne prend le nom de « Train P.O. Bleu Paris-Biarritz ». Notons qu’enfin une tardive version avec des marquages SNCF est produite après 1938.

La 2D2 type PO de LR avait des pantographes fonctionnels, et un rare système de caténaire fonctionnelle fut proposé.
Une page intérieure du catalogue de 1953 : la dernière génération des trains LR fait une place importante aux locomotives en métal moulé ou même, en plastique moulé, comme le locotracteur C-61000.
Dernières productions LR des années 1950: la BB-8100 SNCF en métal moulé est intéressante, et les anciennes voitures CIWL tiennent le coup depuis vingt ans. Au premier plan à gauche, le fourgon CIWL. Noter la voie en fer-blanc pour les trains bas de gamme.
Couverture du catalogue de 1953 : une bonne reproduction de la BB-8100 SNCF supplante la 2D2 PO ou la “Montagnarde” à capots proche du type Boîte à Sel. L’autorail ABJ poursuit sa carrière.
En 1957, et sans doute inspiré par Jouef et ses trains à pile très bon marché, LR tente, en vain, de se lancer dans le même créneau commercial pour sauver la firme. Le train “H0” à pile “Electric Trafic” de Jouef est à 3650 frs: LR fait mieux, mais arrive trop tard et avec un écartement “0” qui est en déclin, faute de place dans les appartements des nouveaux acheteurs de trains-jouets.
La très moderne locomotive “Mountain” 241-101 Etat (que LR n’a jamais reproduite) hante la couverture du catalogue de 1936. Louis Roussy est un homme obsédé par la modernité, comme beaucoup d’industriels de son époque.

Un mystère pour finir : le livre de Paul Reboux.

Paul Reboux est le nom de plume d’André Amillet, qui est un écrivain, journaliste et peintre français (1877-1963) à qui les éditions “Agence Etoile” commandent, à une date non connue mais sans doute vers la fin des années 1930, un livre pour enfants initulé “Bifurcation ou le chemin de fer de Jacques”. Le livre est dans un format A5 à l’italienne, donc de dimensions modestes, mais il a pour qualité essentielle d’être illustré par le grand peintre ferroviaire Emile-Adré Schefer, et d’autre part, de recevoir l’aide technique de Louis Roussy dont nous savons qu’il est le fondateur et dirigeant de la marque LR. L’histoire d’un petit garçon dans une famille de la petite bourgeoise qui rêve d’un train (LR, bien sûr) est banale, mais certaines photographies illustrant le livre, malheureusement d’une qualité affreuse avec un tramage grossier, ont été prises sur un réseau de jardin en écartement “0” appartenant à René Claude – un autre personnage de l’époque et que les lecteurs de ce site “Trainconsultant” connaissent bien, puisque nous lui avons consacré un article (taper “Lamming René Claude” directement sur Google) en reprenant des éléments parus dans “Loco-Revue” dans les années 1940.

La couverture du “livre LR” de Paul Reboux : la main artistique d’Emile-André Schefer est déjà présente.

Le problème vient du fait que de nombreux lecteurs de ce livre en ont fait “un livre LR” et voient, dans les photographies du réseau de René Claude, un réseau composé de matériel LR. En effet, Louis Roussy a, sans nul doute, voulu imiter JEP, la grande et ancienne firme de jouets dont les trains ont enchanté trois générations de Français, et il a repris la formule du livre JEP “La merveilleuse histoire d’un jeune ingénieur” paru en 1938, ouvrage fort bien fait et qui est, à travers une belle histoire d’un réseau en “0” construit dans un jardin sur lequel roule la “Flèche d’Or”, aussi un catalogue assez complet de la production JEP de l’époque.

Le “livre LR” contient beaucoup d’illustrations de Schefer montrant des trains réels, principalement du réseau du Nord, mais ne contient pas de dessins ou de pages de catalogues LR. IL semblerait que Louis Roussy n’a pas “eu la main” qu’il désirait sur ce livre. En outre les quelques photos illustrant le livre sont bien celles du réseau de René Claude.

Sur le réseau de René Claude : au premier plan des wagons Fournereau ou autres, puis, au centre, une 220 Marescot. Sur le pont : une “Pacific” Marescot-Fourneau et ses voitures Etat. C’est bien du bon gros “0” au 1/43e et non du petit LR au 1/60e. Sur la droite, une grue roulante qui intrigue les collectionneurs LR qui pensent, et peut-etre avec raison, que ce pourrait être une grue LR, sous la forme d’un prototype. Notons que cette grue ne ressemble nullement à la grue LR parue sur le catalogue de 1926 et que personne n’a jamais vue réellement. Derrière la grue : une cabine d’aiguillage Hornby typique, dont la fine lithographie ne supportera pas un long séjour dans un jardin.
Sur le réseau de René Claude : à gauche une “Pacific” PLM et à droite une “Pacific Etat”, toutes deux des productions Fournereau. Les voies, à traverses bois et trois rails en profilé pourraient être du LR, mais le très grand rayon de courbure plaide pour de la voie de type modélisme.
Louis Roussy est bien cité en remerciement dans le livre, ainsi que René Claude. Les “Grandes Compagnies de Chemin de fer” sont, peu avant la création de la SNCF, une première forme d’association entre les grands réseaux : signalisation, tarifs, facilités d’interpénétration du matériel roulant, etc.

1 réflexion sur « “LR” et Louis Roussy : d’étranges trains-jouets modernes et rapides. »

  1. Clive, merci pour un autre article très intéressant. J’avais cru connaître le monde ferroviaire miniature mais je n’avais jamais entendu parler de Louis Roussy. Je ne connaissais pas non plus “l’auto-route LR”. Quelle innovation ! On ressent très bien en lisant l’article que les hommes de la marque LR avaient de l’initiative et qu’ils essayaient tout pour survivre.

    À propos de l’attelage LR, il me semble qu’il ressemble à celui actuel de Roco dit “attelage court HO”. Au lieu d’un galet, celui de Roco, bien sûr en plastique, a une boucle qui rappelle le tuyau de raccord sous pression, et qui permet un dételage par télécommande. Mais à part l’aspect esthétique, si l’attelage LR fonctionne bien, on n’aura pas fait mieux depuis les années d’avant guerre.

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