Le “Tramway du Mont-Blanc” : un train privé de Goûter.

Nous avons décrit, il y a peu de temps, la ligne dite “Ligne de Savoie” et cela vous a intéressé. En attendant de traiter de la ligne du Montenvers dans un futur article, nous aimerions compléter l’étude de la ligne de Savoie avec cette magnifique ligne dite “Tramway du Mont-Blanc” en voie métrique. Elle a son origine liée à celle de la ligne du Fayet à Vallorcine, d’une part, et, d’autre part, aurait dû aller jusqu’à 3796 m d’altitude, jusque sur l’aiguille du Goûter. Malheureusement, elle n’y parviendra jamais : tout s’est ligué contre ce beau projet. Pourtant, l’ouverture à l’exploitation de la ligne du Fayet à Chamonix faite en 1901, et son prolongement, sept ans plus tard, vers la ligne de Martigny au Chatelard, voilà qui relie directement la vallée de I’Arve aux voies ferrées de l’Europe Occidentale, notamment à la ligne de transit international du Simplon. Mais le “Tramway du Mont-Blanc” en a-t-il profité ?

Les résultats prévus et recherchés de l’ouverture de ces nouvelles lignes ne se sont pas fait attendre, et le nombre des touristes alpestres est multiplié par sept entre 1901 et 1911 : il n’était guère que de 50.000 à la fin du XIXe siècle, et grâce au chemin de fer, à la veille de la Première Guerre mondiale, il est de 340.000. La conséquence naturelle d’un si rapide accroissement du trafic est l’étude de lignes de montagne permettant de faciliter et d’accélérer l’accès des points les plus intéressants du massif du Mont-Blanc, dont, au tout premier plan, ce “Tramway du Mont-Blanc”.

Le “Tramway du Mont-Blanc” à l’époque de la traction vapeur. Il ressemble vraiment à tous les chemins de fer de montagne, notamment suisses, de son temps.

A l’époque, un grand nombre de projets sont envisagés pour l’essor du tourisme dans le site de Chamonix, mais peu font l’objet de décisions certaines avant la Première Guerre mondiale, sans doute ajournés par la lourdeur des dépenses de construction. Toutefois, à la veille de la Première Guerre mondiale, l’une des lignes en question est déjà en exploitation sur toute son étendue : c’est celle du chemin de fer à crémaillère de Chamonix au Montenvers, ouverte en 1900. Une seconde ligne est partiellement en service à l’époque jusqu’au mont Lachat, c’est bien notre ligne du chemin de fer prévue pour atteindre l’Aiguille du Goûter.

Il est à noter qu’une troisième ligne est projetée entre Chamonix et le mont du Couvercle, par la rive orientale de la Mer de Glace, donc une ligne longeant la rive opposée à celle empruntée par la ligne du Montenvers, et lui faisant une concurrence directe. Cette ligne ne sera jamais construite et le Montenvers aura une carrière prospère et tranquille sur laquelle nous reviendrons dans un futur article.

La difficile naissance du train le plus haut de France.

A la veille de la Première Guerre mondiale, le but poursuivi par l’établissement de la ligne dite du Goûter et qui sera appelée ultérieurement « Tramway du Mont-Blanc » consiste à faciliter l’accès au Mont-Blanc, et même d’atteindre ce sommet si toutefois les difficultés techniques ne demeurent pas insurmontables. Le tracé de la ligne ne présente, pour les ingénieurs de l’époque, aucune difficulté spéciale : il suffit de suivre le terrain en regardant vers le haut… Le site semble avoir été fait pour ce chemin de fer. Le seul problème, toutefois, est le tracé pour la seconde partie de la ligne au-delà du mont Lachat et jusqu’à l’Aiguille du Goûter. On pensait réaliser une boucle en courbe de 80m de rayon aux abords du chalet de Tète-Rousse, et un souterrain en courbe sous le glacier de Bionnassay.

En 1914 la ligne du Goûter est en exploitation jusqu’au mont Lachat, c’est-à-dire sur 10,9 km. On pense qu’elle permettra de gagner le glacier du Bionnassay et, dans un délai fixé alors à quatre ans environ, d’atteindre l’Aiguille du Goûter, mais l’arrivée de la Première Guerre mondiale tout comme des difficultés techniques mettront fin à ce projet. Les études et la construction ont dû être abandonnées du fait d’un sol constitué d’éboulis de rochers. La ligne sera cependant construite au-delà du mont Lachat, jusqu’au pied du glacier de Bionnassay, à un lieu dit le Nid d’Aigle, à 2372 mètres d’altitude où les alpinistes confirmés continuent leur ascension du Mont-Blanc.

L’emplacement du “Tramway du Mont-Blanc” dans le réseau ferré de la Savoie, selon une carte datant de 1912. Proche des réseaux suisse et italien, il est bien situé et surtout accessible en voie normale par la gare de St-Gervais-Le Fayet, mais il ne bénéficiera que modestement de cette position.
Le TMB dans le département de la Haute-Savoie, sur une carte datant de 1933.


Le raccordement des différentes déclivités est assuré par des “surfaces cylindriques” de 300m de rayon, permettant d’éviter que le fond des gorges de la crémaillère ne soit touché par les dents de la roue motrice. Dans les gares, les déclivités maxima ne devaient pas excéder 0,10% (soit, en termes actuels, “un pour mille”) d’après les instructions du contrôle administratif. En fait, afin de permettre la circulation par simple adhérence, et d’éviter les complications dues à la présence d’une crémaillère dans les appareils de voie, la Compagnie a été jusqu’à adopter le principe de déclivités de 5 pour mille. Donc les déclivités (“rampes” à la montée, et “pentes” à la descente) sont beaucoup plus fortes qu’initialement prévu.

De ce fait, les ouvrages d’art sont pratiquement inexistants. En dehors de quelques souterrains, qui ne présentent pas de particularité, la ligne a pu être établie sur le rocher dans toute son étendue, et la construction d’aucun ouvrage d’art n’a été nécessaire. La voie métrique est établie en rails Vignole de 10,50 mètres de longueur, pesant 20, 35 kg au mètre, fixés par des crapauds et des boulons sur des traverses métalliques espacées de 1mètre.

Les déclivités maximales ne dépassent pas 24 pour mille et les rayons de courbe les plus faibles ont été fixés à 80 mètres, afin d’éviter une usure inégale des dents de la crémaillère, et de réduire les frais d’entretien. Construite d’une manière parfaitement sûre, la ligne transporte, chaque année, des milliers de touristes et n’a jamais connu aucun incident.

Le profil de la ligne du TMB, d’après un document datant de 1950. Dommage que la ligne n’ait pas atteint l’aiguille du Goûter… Mais les adversaires du “tourisme de masse” actuels, sans doute, ne se plaindront pas de ce manque.

Si l’on sait où l’on doit arriver, on ne sait pas d’où partir.

Notons que s’il était certain que la ligne devait-elle partir de St-Gervais, pour d’autres elle devait plutôt s’intéresser aux touristes de Chamonix, et partir des Houches, un point très proche de cette dernière ville. Le débat fait rage à la Belle époque… et la Revue Générale des Chemins de Fer (RGCF) écrit : « On a fait remarquer, en effet, que le point de départ de la ligne aurait été beaucoup mieux choisi s’il avait été fixé vers le village des Houches (altitude 1000m). Au point de vue technique, un tel tracé aurait permis d’atteindre le col de Voza avec un développement de ligne qui n’aurait pas excédé 4 km, et une différence de niveau de 638 mètres entre les points extrêmes, alors que, pour gagner ce même col, il a fallu un développement de 7650 mètres en partant du Fayet, et que la différence d’altitude est de 1058 mètres. D’autre part, la proximité du centre de tourisme du Mont-Blanc, qui est évidemment Chamonix, aurait donné à la ligne une clientèle certainement plus nombreuse, puisqu’on peut se rendre en 20 minutes de Chamonix aux Houches, alors qu’il faut une heure et de plus grands frais pour gagner Le Fayet. »

La société qui gère le “Tramway du Mont-Blanc” gère également le chemin de fer du Montenvers ainsi que de nombreuses installations de remontées mécaniques dans le massif du Mont Blanc. Mais son but suprême, à tous les sens du mot, aurait été d’atteindre le prestigieux sommet de la montagne qui compte parmi les plus réputées du monde. Elle ne reste pas inactive et tente le tout pour le tout en ce sens. Par exemple, elle demande bien la concession d’un tronçon complémentaire de raccordement, destiné à relier la ligne du Fayet à Chamonix à celle du Fayet à l’Aiguille du Goûter, par une voie se détachant de la première de ces lignes aux abords des Houches, mais ce raccordement ne sera pas réalisé et aujourd’hui toujours les touristes de Chamonix doivent descendre jusqu’à St-Gervais pour prendre le “Tramway du Mont-Blanc”. Donc ce projet échoua pour des raisons à la fois techniques et financières.

Le très joli petit BV (“bâtiment-voyageurs”) du “Tramway du Mont-Blanc” sur la place de la gare de St-Gervais-Le Fayet. On peut admirer, juste à coté, une locomotive à vapeur des premiers temps du TMB qui joue à la statue ou, comme on dit “au pot de fleurs”.

Histoire, gloire et déclin d’une magnifique idée très ancienne.

La belle idée d’un chemin de fer partant hardiment à la conquête du Mont-Blanc est très ancienne : elle remonterait aux débuts même du chemin de fer, puisque, dès 1835 un certain Eggen aurait pensé à un funiculaire menant au sommet du mont Blanc par une tranchée située sous les glaciers. Trop en avance sur son temps, ce projet n’a pas eu de suite.

En 1879, le PLM construit sa ligne Annemasse-Annecy par La Roche-sur-Foron dans le cadre du fameux plan Freycinet qui prévoit un grand nombre de petites lignes en France, dont, ici, une ligne entre La Roche-sur-Foron et Chamonix qui atteint Cluses en 1890 et Le Fayet en 1898.

En 1895, et dans la même mouvance, un ingénieur, Paul Issartier, propose de construire une ligne de chemin de fer en tunnel sous le mont Blanc à partir de Saint-Gervais. La ligne atteindrait par une ligne droite, au prix d’une rampe longue de 7,4 km, la verticale du sommet à 2800 m d’altitude, et de ce point, comme pour la Jungfrau, un ascenseur vertical aurait permis d’atteindre le sommet du Mont-Blanc. Toutefois, si le projet de la Jungfrau est bien réalisé, celui du Mont-Blanc est considéré comme irréaliste. Les Suisses ont de l’audace et de l’esprit d’entreprise, tandis que, chez nous…. mais…. Passons.

En 1896 un certain Saturnin Fabre, propose un trajet situé entièrement sur la commune des Houches, sans souterrain ni ascenseur et de type tramway – ce qui a pour avantage administratif de dépendre uniquement de la municipalité.

En 1897, un autre projet est présenté par un ingénieur en chef des Ponts et chaussées Souleyrec qui prévoit un tracé au départ de Saint-Gervais, avec une ligne à crémaillère qui monterait jusqu’au col de Voza, puis sur le mont Lachat, l’aiguille du Goûter et enfin sur l’arête des Bosses, mais qui ne traite pas de la nécessité d’une jonction avec la gare du Fayet au centre-ville. En 1898, un projet de voie partiellement à crémaillère de 2,4 km reliant le Fayet à Saint-Gervais est donc présenté par la Société du tramway de Saint-Gervais.

Mais Fabre « ne lâche pas le morceau » et s’entoure de savants, dont Joseph Vallot, et fait réaliser des études précises. Plusieurs trajets sont étudiés, dont un à partir des Houches, puis la montagne de Taconnaz, l’aiguille du Goûter, le dôme du Goûter, et enfin le Mont Blanc. Ce dernier itinéraire est affiné par Joseph Vallot et son cousin Henri, ingénieur de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures. La ligne, longue de 11,380 km serait en souterrain sur la grande majorité du parcours (environ 10 km), et équipée d’une crémaillère système Locher. Le dénivelé total serait de 3753 m, avec des rampes maximales de 60 %. Il est à noter que la traction serait, enfin, électrique avec un captage par rail latéral, l’énergie étant fournie par une centrale utilisant les eaux de l’Arve et placée au lieu-dit les Gures. Ce projet est accueilli favorablement en 1899, sauf à Saint-Gervais où l’on boude puisque la ville est laissée à l’écart de ce tracé. Mais, de toutes manières, le financement nécessaire à la construction de la ligne ne sera pas réuni. Comme quoi, même avec un brillant Centralien dans le coup, cela ne réussit pas pour autant !

Un nouveau projet est présenté en 1902-1903, avec Henri Duportal, un ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, et qui s’ennuie puisqu’il est à la retraite (prise sans doute à un âge avancé). Plutôt que d’arroser son jardin et de faire des mots croisés, il conçoit un bon tramway électrique allant du Fayet au mont Blanc, passant par Saint-Gervais, le col de Voza et l’aiguille du Goûter », et étant le plus possible à l’air libre et exposé au sud, « afin de participer à l’agrément des touristes et de profiter de la fonte plus précoce de la neige ». Entre le Fayet et Saint-Gervais, son chemin de fer emprunterait partiellement la chaussée d’une route départementale et un chemin vicinal, d’où une demande de concession sous le régime des tramways. La ligne mesurerait 22,700 km ; elle serait à l’écartement métrique et posée sur des traverses métalliques. La rampe maximale serait de 25 %, et avec une crémaillère du système Strub. Un souterrain permettrait alors d’atteindre l’aiguille du Goûter (3817 m) et, ultérieurement, le mont Blanc. La vitesse serait limitée à 7 km/h.

En fin de compte, il reste donc deux projets en lice, l’un plutôt favorable à Chamonix qui est le projet Fabre-Vallot, l’autre à Saint-Gervais qui est le projet Duportal, et le Conseil général de la Haute-Savoie tranche le 9 juillet 1904 : le projet Duportal est retenu. La concession définitive est accordée le 3 août 1904. La Compagnie du tramway du Mont-Blanc (TMB) est fondée le 9 juin 1905.

La bal peut commencer.

En 1909, la voie est ouverte jusqu’au col de Voza (1653 m). Pour l’année 1909, le TMB, qui dispose de 6 voitures, transporte en moyenne 103 personnes par jour, pour des recettes un peu inférieures à la moitié des dépenses engagées. Ce n’est pas assez. Les travaux sont interrompus par manque de trésorerie. Mais en mars 1910, un entrepreneur de Marseille, Étienne Jallut, prend à sa charge l’exécution des travaux entre le col de Voza et l’aiguille du Goûter. Avec deux nouvelles locomotives le service reprend en 1910, et en 1911 les trains montent jusqu’au mont Lachat, alors que la construction se poursuit au-delà.

La crémaillère est donc du type Strub projeté par Duportal et elle équipe 85 % de la longueur du parcours actuel. Notons que début de la ligne (traversée du Fayet) et les stations de croisement intermédiaires, en palier, sont dépourvus de crémaillère comme il est d’usage sur ce genre de ligne, ainsi que deux portions de plusieurs centaines de mètres entre les Tuffes et le col de Voza, et entre l’hôtel Bellevue et l’arrêt de Bellevue.

Au printemps 1912, la voie est posée presque jusqu’au glacier de Bionnassay, puis, 1er août 1913. une plate-forme provisoire et une buvette sont installées à cet endroit baptisé « le Nid d’Aigle » (2372 m), et situé à environ 500 m en retrait du glacier de Bionnassay. Une visite officielle du président de la République Raymond Poincaré est prévue pour le 14 août 1915, mais on n’avait pas prévu qu’il y aurait une guerre dès 1914… et la ligne sera pratiquement inactive jusqu’à la fin de la guerre.

Après la guerre, le PLM et le TMB signent un accord : le tramway s’engage à assurer un service minimum, y compris l’hiver, et en contrepartie, le PLM financera la ligne. Tout change. Alors qu’initialement la ligne n’était exploitée qu’en été, à partir de l’hiver 1921-1922 un service de trois trains quotidiens est assuré entre Le Fayet et Saint-Gervais. En 1923-1924, l’exploitation est poussée jusqu’au col de Voza à l’occasion des Jeux Olympiques. Un grand hôtel est construit au col de Voza. Il appartient techniquement à la Société auxiliaire du Mont-Blanc (SAMB) derrière laquelle se trouve le TMB !

Un train approche du terminus de la ligne dans les années 1920, d’après une carte postale de l’époque.

Comment échapper au destin “has been”.

Les années 1930 voient un développement important des téléphériques. Par comparaison, le TMB, avec ses petites locomotives à vapeur, est perçu comme un « has been » complètement « out » pour parler le langage actuel. En 1936, un certain Cheneau soumet au TMB un projet dans lequel la voie serait remplacée par des pylônes supportant un rail aérien électrifié. Des véhicules rapides pourraient alors se mouvoir de façon autonome le long de ce rail. Ce projet est jugé intéressant, et étudié sérieusement, cependant il n’y est pas donné suite en raison de l’absence de réalisations antérieures de ce procédé : bref, c’est du « Hyperloop » avant la lettre… Plus sagement, en 1937, on pense à l’électrification de la ligne telle qu’elle est, et parcourue dès lors par six puissantes automotrices qui permettraient de raccourcir substantiellement le temps de parcours : 34 minutes jusqu’à Voza, 1 h jusqu’au Nid d’Aigle. Rêvons ! …

Les projets de modernisation reprennent après-guerre. La “Société civile d’études pour la modernisation du Tramway du Mont-Blanc” est créée au début de 1949. Elle associe notamment le département de la Haute-Savoie, la commune de Saint-Gervais, la compagnie du TMB et la Société de contrôle et d’exploitation des transports auxiliaires (SCETA). Cette dernière, une filiale bien connue de la SNCF, réalise une étude technique et préconise une électrification de la ligne par caténaire, et l’acquisition de trois automotrices et d’une remorque, chaque véhicule ayant une capacité de 70 à 90 places.

Ce projet, bien que faisant l’unanimité, est d’abord bloqué par la situation financière de la compagnie, toujours désastreuse. C’est dans ce contexte que Pierre Nourry, un riche et entreprenant industriel lillois, rachète l’hôtel du Col de Voza, puis, en 1955, il achète dans la foulée la majorité des actions du TMB, car le TMB c’est, en quelque sorte, le seul accès à l’hôtel. La raison sociale du TMB est changée en “Société nouvelle du Tramway du Mont-Blanc”, et le capital est largement augmenté ; il appartient à 90 % à Pierre Nourry.

Le service est provisoirement interrompu en 1955, afin de consacrer toutes les ressources de la ligne aux travaux de modernisation, notamment des tunnels qui doivent être mis au gabarit électrification. Celle-ci se fait en monophasé 50 Hz-11 kV. Une sous-station est construite au dépôt du Fayet et simplement alimentée avec deux phases du réseau triphasé EDF. La caténaire est du type léger, et n’est constituée que d’un simple fil de contact. Par ailleurs, notons que la ligne du TMB n’a jamais comporté de signalisation. La régulation a d’abord été réalisée par téléphone puis actuellement par radio.

Marie, Jeanne et Anne sont au travail.

Le parc voyageurs sera finalement constitué avec trois rames comportant une automotrice et une remorque, le tout de fabrication suisse SLM et Oerlikon (bogies et équipements électriques) et française Decauville (caisses et aménagements). Les trois rames sont reçues en 1957, et nommées “Marie”, “Jeanne” et “Anne”, du nom des trois filles de Pierre Nourry. Pour l’exploitation hivernale, un chasse-neige rotatif est également commandé chez SIG, SLM et Oerlikon.

L’exploitation commerciale commence le 2 juin 1957. Par rapport à la traction vapeur, la capacité d’un train est passée de 55 à 200 places. De plus, les temps de parcours sont divisés par deux. La ligne rénovée est inaugurée le 4 août.

L’année suivante, le service en haute saison se compose de cinq ou six trains quotidiens, neuf les week-ends en saison d’hiver. La ligne modernisée est bien plus efficace : personnel réduit, coût réduit de l’énergie et de l’entretien de la voie. Cependant, le TMB reste dans une situation délicate, d’autant qu’il s’est fortement endetté pour son électrification. En 1960, la desserte est donc réduite de façon à réduire les coûts d’exploitation.

Malgré un fort développement du tourisme alpin au début des années 1960, Saint-Gervais et le TMB ne profitent que peu de cet engouement. Ainsi la part du trafic hivernal passe de 42 % en 1961 à 21 % en 1964. Les nombreux projets de téléphériques élaborés dans la région sont également perçus comme des menaces par le TMB. Ce dernier se rapproche donc de la Compagnie des téléphériques de la Vallée Blanche (CTVB) de façon à être intégré aux nouveaux projets de remontées mécaniques. Le 20 octobre 1964, le TMB et la CTVB fusionnent. La nouvelle direction réorganise le trafic à partir de 1965. En été, la desserte atteint de neuf allers et retours quotidiens jusqu’à Bionnassay au pic de la fréquentation. L’hiver, trois allers et retours jusqu’à Bellevue sont assurés. Ils passent à cinq pendant les vacances scolaires.

Cependant, le TMB n’est pas prioritaire pour la CTVB, devenue la STMB (“Société touristique du Mont-Blanc”) dans les années 1970. Le trafic hivernal se réduit encore : il représente 16 % dans les années 1970. À partir de 1979, la desserte hivernale est réduite à un seul aller et retour quotidien, trois pendant les vacances. Des divers équipements envisagés, seule une télécabine au Prarion est réalisée.

À partir de 1990, la nouvelle direction de la STMB renforce à nouveau les dessertes : onze allers et retours en été, un à quatre en hiver. Les investissements, extrêmement réduits pendant 40 ans, reprennent dans la seconde moitié des années 1990 : les trois rames sont rénovées entre 1996 et 1999, et revêtues d’une nouvelle livrée. Le terminus du Fayet est remanié en 1999. À partir de 2014, d’importants travaux de modernisation sont entrepris incluant le prolongement de la ligne sur quelques dizaines de mètres afin de construire une nouvelle gare au mont Lachat.

Le terminus actuel de la ligne, un peu brutal, à la sortie d’un tunnel : nous sommes près du glacier du Bionnassay.

Parcourons la ligne.

La ligne part du lieu-dit « le Fayet » (altitude 580 m) sur la commune de Saint-Gervais-les-Bains. La gare se trouve à proximité immédiate de la gare SNCF de Saint-Gervais-les-Bains-Le Fayet, ce qui permet des correspondances aisées avec le réseau ferré national.

La voie suit d’abord la chaussée. Elle franchit ainsi le Bon Nant sur un pont routier. À 426 m du point de départ se trouve l’ancien arrêt des Bains situé à l’entrée du parc thermal du Fayet. C’est le départ de la première section à crémaillère, en rampe de 200 à 228 mm/m. Ensuite la voie franchit la route départementale D902 sur le pont en maçonnerie du Berchat (kilomètre 1,460). Après la gare de Saint-Gervais-Ville (PK 1,700) et sa voie d’évitement, on reprend la crémaillère pour une section longue de 2,5 km et en rampe atteignant jusqu’à 250 mm/m. Sur le palier suivant se trouve la station de Motivon (PK 4,510, altitude 1368 m), qui dispose d’une voie d’évitement.

Une troisième section à crémaillère commence alors, en forêt. Plusieurs points d’arrêt pour les riverains se succèdent : les Seillières, Mont-Forchet, Tête-du-Chêne, les Tuffes. La crémaillère s’interrompt ici, jusqu’à la station du Col de Voza (PK 7,650, altitude 1660 m) équipée d’un évitement. La ligne retrouve la crémaillère, sur la crête entre la vallée de Chamonix et celle de Bionnassay. La halte de Bellevue (PK 9,195, altitude 1794 m) permet de rejoindre la ville des Houches par le téléphérique de Bellevue.

On reprend la crémaillère pour rejoindre la station du mont Lachat (PK 10,876, altitude 2074 m) qui dispose d’un évitement. Elle desservait une ancienne base d’essais aéronautiques par grand froid. Le dernier tronçon à crémaillère est celui dit des Rognes. La voie franchit deux petits tunnels avant de s’arrêter en pleine pente à la gare du Nid d’Aigle (PK 12,248, altitude 2372 m). La voie n’ira jamais plus loin, malheureusement, mais le TMB est bien, et toujours aujourd’hui, le train le plus haut de France. Tout simplement.

Le matériel roulant.

Caractéristiques techniques des anciennes automotrices.

Type : BB

Empattement : 12850 mm.

Empattement des bogies-moteurs: 2650 mm.

Poids de chaque moteur : 1000 kg.

Puissance de chaque automotrice : 472 kW.

Masse : 31,4 tonnes.

Charge : 7,2 tonnes.

Nouvelles automotrices

NB : Trois nouvelles automotrices ont été commandées en 2020 à Stadler Rail, constructeur situé à Bussnang et Erlen en Suisse, prévues pour une mise en service en 2022. De mars à octobre 2022 quatre nouvelles automotrices seront livrées par la société suisse Stadler Rail. Trois d’entre elles remplaceront donc les trois anciennes motrices tandis que la quatrième ira augmenter la capacité de transport et de rotation de la ligne du TMB. La première nommée “Marie”, livrée bleue, a été livrée le 23 mars 2022, deux autres à nouveau nommées “Jeanne” et “Anne” et la quatrième “Marguerite” seront en automne 2022 pour une mise en service en 2023.

“Anne” et sa remorque, vue au travail en 2008.
“Jeanne”, nouvelle version construite par Stadler, 2022-2023. Cliché TMB.
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