Les voyageurs : transportés, mais ils voulaient aussi être aimés.

Les voyageurs ? Georges Stephenson, comme Marc Seguin et d’autres pères fondateurs du chemin ne fer n’avait pas pensé à eux, et voyaient dans la Révolution industrielle, son précieux charbon, ses indispensables marchandises, son progrès, la seule raison d’être de ce moyen de transport nouveau et d’une rare efficacité. En réponse à une demande de transport de voyageurs, Stephenson, peu enthousiaste, dira sa célèbre boutade : “Les voyageurs ? Ils iront à la vitesse du charbon”.

Rappelons, juste avant de commencer cet article, que, dans le langage du chemin de fer, on ne dit pas “passagers”, mais “voyageurs”. Car, dans le chemin de fer, on “voyage”. Les passagers sont, historiquement, des gens qui sont de passage à bord, ceci sur un bateau, par opposition à l’équipage qui y travaille et y reste à demeure. Ce terme de “passager” a donc gagné le monde de l’aviation et les passagers, aujourd’hui toujours, sont à bord des bateaux, y compris à fond de cale, à bord des avions, y compris en “classe sardine” entassés dans la queue de l’appareil, et surtout à bord des autobus, y compris les nombreux “usagers” suspendus et secoués comme des jambons aux barres et poignées qui dominent leurs têtes.

Les “voyageurs”, historiquement, étaient ceux qui voyageaient individuellement sur les routes, y compris à pieds, ou en voiture à cheval, et en diligence, et aussi ce seront ceux qui voyageront en chemin de fer, le terme gardant sa valeur historique. Curieusement, l’automobile et l’avion ont repris le terme utilisé par la marine : les premières automobiles étaient tellement difficiles à conduire (et surtout à démarrer), que la conduite était confiée à un professionnel souvent appelé “chauffeur” (voir Proust, et ses “chauffeurs”), et les passagers étaient donc de passage à bord, comme sur les bateaux. Pour résumer, on pourrait dire que les “passagers” sont sur une machine à transporter, tandis que les “voyageurs”, eux, fondamentalement voyagent, ou sont “en voyage” (terme cher à la SNCF il y a quelques années) ce qui serait une manière d’être au service de laquelle on peut utiliser, accessoirement, un moyen : pieds, diligence, chemin de fer.

On a entendu, et on entend encore, bien des jeunes “communicants”, y compris à la SNCF, parler de “passagers” des trains, se croyant à Air-France ou nostalgiques d’y aller. S’ils prenaient le TGV, par exemple, ils pourraient alors faire attention à l’annonce précédant l’arrivée à Paris demandant aux “voyageurs de s’assurer qu’ils n’ont rien oublié dans le train”.

“Voyageurs”, donc, et pas “passagers”, si vous le voulez bien.

Le billet de chemin de fer, hâtivement mis au point devant l’afflux des foules de voyageurs dans les premières gares, succède à celui que les compagnies de diligences donnaient à leurs voyageurs. De ce fait, il hérite d’un certain nombre de pratiques liées à la présence de compagnies souvent rivales, jalouses les unes des autres, et ne facilitant pas les choses de la vie à leurs voyageurs. On voyage à bord de telle voiture appartenant à telle compagnie, et l’on n’en change pas en cours de route – exactement comme on le fait aujourd’hui avec un taxi ou un car à longue distance. Les premiers billets sont, physiquement, une petite feuille de papier attestant que le voyageur a bien payé son voyage, mais les billets anciens, souvent collectionnés aujourd’hui par des passionnés de chemins de fer, ne disent pas tout…

Donc Monsieur Prudhomme aime voyager en troisième classe… avec de solides raisons, puisque, pour le moins, il survivra au voyage en n’étant pas assassiné mais seulement empesté. Cette gravure de Honoré Daumier fait allusion à un crime crapuleux commis contre un voyageur de première classe, donc supposé riche pour le voleur et voyageant seul, donc constituant une proie facile. Musées Ville de Paris. Domaine public.
Les joies du voyage en classe populaire… Série de cartes postales humoristiques. Document Bergeret, à Nancy.
Le premier voyage en chemin de fer : le moins que l’on puisse dire est que la conviction et l’enthousiasme sont plutôt mitigés. Seul le “bourgeois” endormi, et déjà blasé, ne fait pas la tête des mauvais jours.
Voyageurs gelés que l’on doit descendre d’une voiture de 3e classe, toujours d’après Honoré Daumier.
Honoré Daumier conseille de ne pas prendre “un wagon non couvert” quand le ciel l’est trop… Les Britanniques ont, eux, et jusque vers la fin des années 1840, longuement utilisé des voitures sans sièges et sans toitures, dites “Stanhope” du nom d’un ministre des finances un peu trop pingre, et surnommées “Standup” (= to stand up : se tenir debout.) En Allemagne, il y eut des voitures de 4e classe sans sièges, mais, pour le moins, avec un toit.
En France, sur le réseau de l’Ouest, on reste, quand même, un peu soucieux de mettre les malheureux voyageurs de la 3e classe à l’abri de la pluie, mais pas du vent. Les vitres, c’est du luxe réservé aux classes supérieures : le peuple restera exposé aux vents et aux bienfaisants aléas du climat jusqu’à ce qu’il commence à voter et à penser d’une manière moins respectueuse.
Voiture de 4e classe, d’inspiration de la 4e classe allemande, sur le réseau d’Alsace-Lorraine des années 1890. De parcimonieux bancs viennent occuper une paroi, mais l’important espace central du compartiment accueille – si l’on peut dire – la foule majoritaire des voyageurs “stand up” de cette classe à bas prix.

L’évolution lente des trains de voyageurs.

En 1840, une fois le chemin de fer stabilisé techniquement, les trains de voyageurs des grandes lignes roulent à 40 km/h, comportent une quinzaine de petites voitures à deux essieux pour les trois classes, plus un fourgon de tête (obligatoire en cas de collision) et de queue, et totalisent un poids d’environ 90 t, demandant une puissance de 250 ch pour la locomotive. Ils emmènent 200 à 400 personnes les diligences emmenaient 12 personnes au plus et au lent pas des chevaux. Vers 1870, la vitesse des trains a peu augmenté (50 km/h), mais la composition peut comprendre jusqu’à 25 voitures à deux essieux, donnant un poids total de 250 tonnes, et demandant une locomotive capable de fournir plus de 600 ch.

Les trains, sur la ligne de Marc Seguin, relient St-Etienne à Lyon, dans les années 1830. La vapeur est réservée aux choses sérieuses : le charbon. Les voyageurs, eux, ont des trains à chevaux dans le sens de la montée Lyon-St-Etienne et des voitures roulant par simple gravité en sens inverse, à la descente. Pour dire la stricte vérité, il faut ajouter que la crainte d’une explosion de chaudière faisait que l’on préférait, aussi, éviter ce risque de la présence d’une locomotive pour les trains de voyageurs, crainte qui n’a duré que peu de temps, des années 1825 à 1830. Dès 1837, par exemple, la ligne de banlieue de Paris à St-Germain est exploitée avec des locomotives uniquement.

En 1890 les voitures sont à bogies, ce qui est une grande évolution technique assurant le confort, la stabilité et la douceur de roulement. Les trains sont composés de 10 à 12 voitures, pèsent 300 t, et roulent à 90 ou 100 km/h, et emmènent jusqu’à 500 personnes: le gain est donc surtout sur le plan de la vitesse, mais guère pour le poids. La locomotive doit fournir plus de 1000 ch. Jusqu’en 1920, les trains des grandes lignes plafonneront à cette vitesse de 90/100 km/h, mais gagneront ensuite sur le plan du poids, c’est-à-dire de l’espace offert aux voyageurs et du confort : en 1910 un train grandes lignes comprendra 11 à 15 voitures, pèsera 400 à 450 t, et roulera à 90/110 km/h, demandant une locomotive capable de fournir 1500 ch. Ce sera bientôt l’ère des « Pacific » type 231, mais, en attendant, les locomotives à deux essieux moteurs assurent l’ensemble des trains de voyageurs.

Modeste train omnibus vu à Combreux, sur le réseau du PO, en 1905. La locomotive est une petite 030 donnant 200 à 300 chevaux, normalement destinée aux trains de marchandises. La vitesse ne dépassera guère 40 à 50 km/h. Mais l’absence de toute concurrence, notamment automobile, fait que les voyageurs sont nombreux et, disons, satisfaits.
Train omnibus régional, sur le réseau du PO, vers 1930. La locomotive type Forquenot date de 1878 mais n’espère pas prendre sa retraite malgré son bon demi-siècle de loyaux services. Les voitures, à deux essieux, affichent un air de modernité, mais leur caisse en bois n’assure aucune sécurité.
Sur le réseau du PLM, avec le très chic “Côte d’Azur Rapide” de la CIWL vers la fin des années 1920. Vieillissante, mais n’ayant pas assez cotisé pour sa retraite, l’antique 220 “Coupe-vent” essaie de faire oublier qu’elle née au XIXe siècle, et les voitures à caisse en bois valent ce qu’elles valent en cas d’accident.
Le confort un peu “raide” d’une voiture de 3e classe type omnibus des années 1910. Et la raideur ne se limite pas aux sièges en bois ciré qui font le délice des coccyx et des reins : la suspension par ressorts à lames ajoute sa raideur exemplaire qui enchante les colonnes vertébrales.
Ambiance sévère et spartiate, sombre et dissuasive, mais quand même légèrement rembourrée, dans les voitures de la banlieue parisienne du réseau PLM, en 3e classe, en 1910.
Mais ne soyons pas “ferropessimistes” et mauvaise langue : la France de la fin du XIXe siècle, c’est aussi un vif engouement et entassement dans les trains dits “Trains de Plaisir” où le bon peuple, pour 5 francs, peut s’offrir un dimanche à la mer, surtout sur les plages de la Manche qui sont les plus proches de Paris. Le succès est réel. On racontera ces beaux dimanches, devant les collègues ébahis, le lundi matin au bureau ou à l’atelier.

Ce sont les années 1930-1940 qui voient l’accroissement des vitesses et des poids : la généralisation des voitures entièrement métalliques (donc très lourdes) pour des raisons de sécurité et de confort, mais aussi une forte demande de vitesse, une situation de concurrence en face de l’automobile et bientôt de l’avion, voilà ce qui contraint le chemin de fer à faire mieux que jamais. Les trains pèsent désormais 600 à 900 tonnes, emmènent jusqu’à 1000 personnes, et sont formés de 15 à 20 voitures métalliques, et roulent à 130 km/h : il faut des locomotives donnant plus de 4000 ch : « Pacific » transformées par Chapelon, « Mountain » type 241, ou, surtout, traction électrique avec les types 2D2.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les “Pacific”, comme ici sur le réseau de l’Etat, accroissent les performances en roulant à 90/100 km/h, mais tirent des rames d’un autre âge, bien que sur bogies. Ne parlons pas du fourgon de tête, à deux essieux, assurant son rôle de “wagon choc” et dont la caisse se transformera en allumettes au cas où…
Le confort en 2e classe sur une voiture “grandes lignes” du réseau de l’Est à la veille de la Seconde Guerre mondiale. C’est très acceptable, mais l’espace reste mesuré et il ne faut pas avoir de (trop) longues jambes.
Les “deuxièmes” : la classe des classes moyennes, sagement décorée, peu luxueuse, mais très “comme il faut” avec sa décoration sans fastes inutiles.

Les années 1950 à 1980 voient le maintien de ces trains, de leur poids et de leurs compositions, les voitures étant toujours aussi lourdes et les trains aussi longs, mais la vitesse est augmentée: 140 km/h durant les années 60, puis 160 km/h pour les trains classiques grandes lignes des années 1970-1980. Le 200 km/h est pratiqué à partir de 1967 avec le train « Le Capitole » et le TGV, à partir des années 1980, circule à 260, puis 270, puis 300 km/h. Les poids n’ont pas diminué: le TGV est un train lourd, puisque chaque rame pèse près de 400 t, donnant, en circulation en unité multiple, un train de près de 800 t pour environ 1000 personnes.

Le réseau de l’Etat crée la voiture à voyageurs de l’avenir en 1937, peu avant la création de la SNCF : dite “allégée” mais plus vulgairement “saucisson”, cette belle voiture marque son temps.
L’intérieur d’une voiture “allégée” A8 Etat de 1937 : très fusée spatiale avec sa fenêtre ovale. On est en 1re classe, mais, aux revêtements, tissus et au nombre de places près, les voitures de 3e classe sont presque aussi confortables.

Le voyageur : peu considéré jadis, et beaucoup plus aujourd’hui.

Incroyable, mais vrai : rien n’est fait pour faciliter la vie des voyageurs dans ces premiers temps, et, à l’instar des compagnies de diligences, les premières compagnies de chemin de fer pratiquent, pour les “pousser” à voyager en 1re classe, une politique systématique de l’inconfort pour les voyageurs de 3e classe, n’accordant que quelques éléments de confort à ceux des classes supérieures. Ceci perdure des années 1830, qui voient la naissance du chemin de fer, jusqu’au début de notre siècle, bien qu’une commission, réunie en 1863, se soit déjà préoccupée de la question de l’inconfort des trains de voyageurs.

Les raisons sont d’ordre purement financier : en effet, le voyageur de 3e classe rapporte deux fois moins que celui de 1ère classe, et déjà c’est la notion de « service public » que rejettent les compagnies qui désirent faire du profit: le réseau de l’Etat, par exemple, encaisse une recette moyenne de 7,05 frs par voyage en 1re, 3,75 fr. en 2e et 1,44 fr. en 3e classe, ceci  en 1891 selon la Revue Générale des Chemins de fer. Il faut donc dissuader les voyageurs de choisir la 3e classe, et les inciter à goûter au luxe raisonnable de la 2e classe, ou, mieux, connaître les fastes de la 1ère classe. Toutefois, tout le monde se précipite en 3ème…. et le PLM, par exemple, ne transporte que 1,5% de ses voyageurs en 1ère classe durant l’année 1920, d’après la Revue Générale des Chemins de fer toujours.

Et les caricaturistes comme Daumier ont eu mille fois raison de se moquer de ces épouvantables caisses de bois ouvertes à tous les vents et toutes les pluies dans lesquelles ils fallait s’entasser coûte que coûte. Mais le progrès était si grand par rapport à la marche à pied ou le voyage à cheval : à la vitesse s’ajoute la sécurité, et c’est ce grand progrès qui fait accepter le train en dépit de son inconfort….Les premiers trains vont jusqu’à 24 fois plus vite que les diligences, faisant en heures ce que l’on faisait en journées jusque-là.

Les premières voitures sont, en fait, des tombereaux garnis de bancs et encore, pas dans tous les cas: en Angleterre bien des compagnies font voyager debout leur clientèle pauvre… ou avare . Les voitures pour gens aisés sont de véritables voitures fermées, très luxueusement aménagées, avec sièges de velours, rideaux, tapis et vitres. Une classe intermédiaire apparaît nécessaire afin d’ attirer ceux qui ne veulent pas payer trop mais qui refusent de voyager avec le vulgaire et à tous les vents. La 2e classe est née, classe intermédiaire, offrant un confort moins pingre, moins élémentaire, mais très relatif. Ce sera la classe des “gens bien, mais discrets”, ceux qui fuient le luxe trop ostentatoire des “premières” et des banquiers voyageant avec leur “danseuse”, mais qui fuient aussi le saucissonnage à l’ail populaire, la promiscuité bruyante, et la vulgarité ouvrière ou paysanne des “troisièmes”.

Les voitures de chemin de fer des années 1850 marquent un léger progrès : elles ont une caisse en bois reposant sur un châssis en métal, et roulent sur deux ou trois essieux. Les compartiments des voitures de lre et de 2e classe ont des vitres de custode, tandis que les compartiments des voitures de 3e classe n’ont, comme vitres, que celles des portières, ce qui donne des compartiments sombres et d’où on voit mal le paysage. L’éclairage se fait par des lampes à huile fixées au plafond et allumées, au coucher du soleil, par un lampiste marchant sur les toits du train lors d’un arrêt en gare. Ces lampes éclairent mal, enfument les voyageurs et, lors des cahots, projettent de l’huile sur les habits. Il n’y a pas de toilettes, et, en cas de besoin, il faut patienter jusqu’à la prochaine gare pour se servir des toilettes du fourgon où l’on reste jusqu’à la gare suivante, avant de pouvoir regagner sa voiture.

Pas de toilettes dans les trains ? Oui, et jusque vers la fin du XIXe siècle : mais il y en a sur tous les quais des gares, et, lors des arrêts des trains, les voyageurs s’y précipitent et en goûtent les odeurs, la saleté, mais sans s’attarder dans de tels délices car les secondes sont comptées. Le moindre soupir ou jet de vapeur poussé par la locomotive fait que l’on regagne le train précipitamment. C’est le seul point commun entre les “arrêts pipi” et les “arrêts buffet” : on ne s’attarde pas. Jules Petiet, directeur du réseau du Nord sous le Second Empire, refuse les WC (il utilise un autre terme beaucoup plus cru) à bord de “ses” trains pour ne pas perdre le rapport financier des places qui auraient été supprimées.

La compagnie anglaise du Midland Railway est une des premières à rompre avec cette politique de l’inconfort, allant jusqu’à supprimer, dès 1874, la 2e classe et à ne laisser dans ses trains que des voitures de 1re et de 3e classes, ces dernières ayant des sièges rembourrés et un confort voisin de la 2e classe des autres compagnies. Cette mesure ne manqua pas de semer la panique parmi les actionnaires de la compagnie qui craignaient que cette politique, disons, « sociale », ne soit trop ruineuse…. Mais peu à peu les autres compagnies anglaises seront obligées de suivre le mouvement.

Compartiment de 3e classe sur le Midland Railway britannique, vers 1910. Nous sommes bien en 3e classe, comme le montre la présence de larges banquettes à quatre places sans accoudoir central.
Tout n’est pas rose, pour autant, au Royaume-Uni, pays où certaines compagnies font, dans les années 1910, du “sciage en long” de caisses de voitures pour les élargir et installer, en les serrant, 6 voyageurs par banquette au lieu de 5. On appellera ces voitures des “six aside”.

Dans d’autres pays, comme les Etats-Unis, les classes n’existent pas, mais il y a des suppléments, comme les couchettes ou les compartiments avec des lits qui se replient en position jour, et ces suppléments créent, dans les faits, une classe à part quand on choisit le forfait les réunissant tous : sur les trains Amtrak, il est bien question de “first class” pour certains compartiments, mais il n’y a pas de voitures entièrement dédiées à la 1re ou la 2e classe. Les trains dits “Limited” font figure de trains de catégorie supérieure, tant par leur tarif spécial que par leur nombre de places limité, comme le fameux “Twentieth Century Ltd”.

Aux USA on se scie pas en long comme au Royaume-Uni, mais on entasse en hauteur. Un compartiment dit “first class” situé, en général, à l’étage inférieur des voitures Amtrak américaines. On perd la vue offerte par le niveau “hi-level” (en bonne langue anglaise = high level) avec ses vitres panoramiques, mais on gagne en confort avec un vrai lit, et en intimité. IL semble que ces compartiments soient surtout utilisés par les “handicaped” dont le surpoids ne leur permet pas d’affronter l’escalier donnant accès au “high level”.

Le voyageur, prisonnier de la compagnie.

Pendant la première moitié du XIXe siècle, les réseaux nationaux sont entre les mains de compagnies privées qui se font une concurrence jalouse et ne facilitent en rien ce que l’on appellera le “trafic direct”, c’est-à-dire la possibilité de faire un voyage long et passant d’un réseau à un autre. Particulièrement au Royaume-Uni, créateur du chemin de fer moderne, les compagnies commencent (il faut un début à tout) par construire des lignes indépendantes reliant une ville à une autre, et dans chaque ville terminus ou traversée, chaque compagnie construit ses propres gares, et fait rouler ses propres trains selon des choix et des contraintes techniques qui sont loin, mais bien loin, d’être normalisés. C’est ainsi que beaucoup de villes anglaises ont autant de gares qu’elles ont de compagnies et de lignes, et l’on retrouve cette pratique en France avec des villes comme Paris, mais aussi Bordeaux ou Lyon qui ont de nombreuses gares : Lyon en a plus de 8 et Bordeaux plus de 14, Paris n’étant pas la ville qui accumule le plus de gares en France.

Aucune n’a laissé de bons souvenirs dans l’opinion publique, quand, en 1937, le Front Populaire décide de nationaliser le réseau ferré, et quand René Mayer trouve l’appellation “SNCF” qui évite le mot “compagnie”, préférant celui de “Société” qui rassure les milieux financiers, et celui de “Nation” qui plaît alors aux Français (tiens donc !). Laissant un souvenir de spéculation, de gaspillage de l’argent donné par l’Etat dans le cadre de la garantie financière, de dirigeants mondains, parisiens, politicards et salonards éloignés de la réalité, les compagnies sont gommées à jamais.

Presque deux siècles de compartiment à l’Européenne.

Directement inspirée de la disposition des véhicules hippomobiles, carrosses et diligences, la voiture de chemin de fer des débuts offre des compartiments avec, sur chaque face, une portière. Pour les compartiments des classes supérieures, cette portière est encadrée par deux baies vitrées. Chaque classe sociale est complètement séparée des autres: les compagnies prévoient des voitures de 1ère classe, de 2e classe et de 3e classe complètement distinctes, et, dans le cas de voitures mixtes, les compartiments de classes différentes ne communiquent pas entre eux.

Schéma des classes et des compartiments dans une voiture anglaise du Great Western, à la fin du XIXe siècle : chaque classe est rigoureusement séparée des autres et dispose de son propre couloir menant à son WC. On ne se fréquente pas entre classes et Karl Marx verrait là une apologie de la “lutte des classes”. En 1re classe, on va jusqu’à assurer à chaque compartiment son WC exclusif. Pas de WC “inclusifs”, donc…
Voiture de 1re classe du réseau de l’Etat vers 1890. Le luxe des compartiments séparés avec glaces de custode, certes, sont agréables, mais le roulement sur deux essieux et l’absence de bogies reste rude.

Aux Etats-Unis, il en est tout autrement: la voiture à voyageurs comporte une grande salle munie de sièges à dossier basculant permettant aux voyageurs d’être toujours assis, les uns derrière les autres, dans le sens de la marche. Tout le monde est ensemble, et tout est partagé, repas, nuitées, espoirs de faire fortune dans l’Ouest, dangers, y compris la riposte aux quelques rares attaques indiennes ou surtout aux nombreux « hold up » des Jesse James et autres Dalton du genre : la disposition en salle unique permet de mieux surveiller le paysage et ses dangers par les nombreuses fenêtres offertes, mais permet aussi, pour le bandit ayant sauté par surprise sur le train, de tenir en respect l’ensemble des voyageurs de la voiture avec ses deux « Colts » pointés sur eux depuis une extrémité de la voiture !

La disposition à l’américaine, dite « coach », est toutefois étendue à la voiture européenne à partir des années 1980 (voiture « Corail » en France, TGV, etc) pour des raisons d’économie à la construction, de poids des voitures et surtout d’augmentation du nombre de places assises pour un même poids. Mais cette nouvelle répartition de l’espace et cette promiscuité sociale sont très difficiles à faire accepter en Europe : l’univers feutré et clos du compartiment était bien entré dans les habitudes et le premier occupant d’un compartiment libre s’y sentait « chez lui », et dissuadait discrètement un second intrus voulant occuper une place libre.

Scène classique à bord d’un train américain à l’époque de la conquête de l’Ouest. Rien n’a fondamentalement changé depuis.
Disposition “coach” américaine actuelle sur le réseau Amtrak. Pour des voyages pouvant durer plusieurs journées et nuit, ce type de confort est très relatif.
Solution jadis proposée aux voyageurs des longs trajets transcontinentaux américains et permettant de dormir assis. Pullman, avec ses voitures-lits, proposera une solution meilleure et moins cruelle, mais beaucoup plus chère. Les esprits techniques, grands lecteurs de ce site, auront remarqué que le fauteuil représenté sur ce dessin est bidirectionnel par basculement du dossier. On espère les mêmes dans les prochaines générations des TGV.

Le couloir: un espace spécifique du train.

Le couloir, espace spécifique du chemin de fer et ignoré par les autres moyens de transport, naît avec l’intercirculation entre les voitures du train. L’intercirculation, c’est la présence de soufflets permettant aux voyageurs de passer d’une voiture à l’autre, donc de gagner la voiture-restaurant, ou de chercher plus commodément une place assise quand ils sont montés, en gare, au hasard dans l’une des voitures du train. C’est un progrès très important généralisé en Europe vers la fin du XIXème siècle.

Si l’on veut concilier le maintien de compartiments fermés, d’une part, et, d’autre part, le flot de voyageurs se déplaçant dans le train, le couloir est donc situé sur le coté de la voiture, laissant à certaines voitures de 3e classe ou de banlieue, sans compartiments fermés, la solution peu satisfaisante d’une simple allée centrale entre les sièges. L’ensemble des voitures de grandes lignes adopte le couloir latéral à partir des années 1900-1910. Les toilettes sont disposées aux extrémités des voitures, près de la plate-forme d’accès et des soufflets.

Le couloir permet de quitter le compartiment, de rencontrer d’autres voyageurs ou voyageuses, d’aller fumer une pipe ou une cigarette, appuyé contre la barre de la fenêtre tout en rentrant son ventre pour ne pas avoir de contact autre qu’un pudibond frôlement avec les voyageuses circulant dans le couloir et essayant de passer. Et même les enfants, devenus turbulents, sont chassés des compartiments par un impératif « va jouer dans le couloir » qui occasionne une partie de football…Le couloir est parcouru par le garçon du wagon-restaurant qui agite sa sonnette en criant « premier service ! » et par le contrôleur qui tape contre les vitres du compartiment avec sa pince en criant « billets s’iou plaît ! » avant d’y pénétrer, réveillant sans égards les endormis.

Le couloir, espace spécifique du train, et surtout dans les voitures-lits de la CIWL et de ses mythiques “Grands Express Européens”. Cet espace ne disparaîtra jamais complètement, et, même, fera son “come back” (comme on doit dire) avec le retour espéré des trains de nuit.
Le couloir, étroit espace spécifique du train, sur une voiture Nord de 1929.
Le Nord, au début des années 1930, s’attaque au couloir et aux compartiments et les réduit à une allée latérale et des “open space” (comme on ne dit pas encore), histoire de gagner un peu de place ou d’en gaspiller moins. Ici une voiture de 2e classe Nord type B9 de 1930. Catalogue Société Lorraine-De Dietrich.

Les bagages: un monde parallèle qui a disparu.

Aujourd’hui, il faut « voyager léger » : la mode du voyage en avion qui restreint bagages et espace disponible, la démocratisation des voyages, voilà ce qui a fait disparaître les montagnes de bagages qui, jadis, encombraient quais, gares et fourgons et faisaient vivre, modestement certes, une armée de porteurs sur les quais. Un nombre important de bagages était non seulement l’affirmation d’un mode de vie raffiné que l’on tenait ostensiblement à afficher et à reconstituer où que l’on aille, mais aussi était perçu comme naturel pour une classe sociale attachée à ses aises et ses loisirs: les habitudes de nos aïeux étaient de s’encombrer d’une incroyable quantité de bagages quand ils voyageaient et les dames, pour ne parler d’elles, trouvaient normal de faire transporter plusieurs malles et une dizaine de cartons à chapeaux par une armée de porteurs relayant les domestiques ! En outre, dans un XIXème siècle sans protection sociale, les petits emplois occupaient une main d’oeuvre nombreuse et les compagnies de chemin de fer offraient tout un service de ramassage ou de livraison des bagages à domicile, tandis que les quais des gares voyaient des défilés de porteurs poussant des diables surchargés de valises dominant la foule de leur hauteur. Tout ceci finissait dans les fourgons des trains.

On pourrait penser que les fourgons servaient uniquement pour le transport des bagages…. Mais, aussi, leur justification était celle de la sécurité des voyageurs en cas de collision, et une réglementation draconienne exigea leur présence dans les trains durant de longues décennies. Mais le fourgon avait aussi des niches à chiens (peu appréciés de ces derniers, on s’en doute) dont les aboiements et les pleurs tenaient compagnie au chef de train pendant la journée et la nuit de voyage. Enfin le fourgon servait de bureau au chef de train, justement, et une guérite surélevée permettait au chef de train de surveiller le convoi et, éventuellement, de détecter les fumées indiquant une boîte d’essieu chaude ou une roue au frein bloqué.

Aujourd’hui les fourgons ont pratiquement disparu, parce que le matériel est plus sûr en cas d’accident, et aussi parce que les services des bagages ont été pratiquement abandonnés faute de rentabilité.

Sur le “Bulletin du PLM” de 1924 en à la gare de Lyon : quand le TGV n’avait pas encore appris aux Français à “voyager léger” : les trains de voyageurs des grandes lignes comportaient parfois plusieurs fourgons à bagages.
Sur “Le PO Illustré”, bulletin interne de ce grand réseau, en 1929 : les guichets de la gare d’Austerlitz. On notera, pour faire face à la marée montante de bagages, une certaine quantité de balances et bascules à cadran pour la pesée des valises et des malles.
Un classique des trains grandes lignes de la SNCF des années 1940: le fourgon type PLM à bogies, et caisse en bois, encore en service et jusque dans les années 1960.
Voyageurs et … bagages, forcément, vus par un peintre anonyme, vers 1900.
Le dernier des fourgons grandes lignes SNCF, version pour trains Corail, 1977.

Le voyage et la mort.

Les compagnies de chemin de fer n’aiment pas les voyageurs ? Les voyageurs le leur rendront, avec la crainte, très répandue, de faire de son premier “voyage en chemin de fer” son dernier voyage. Les voyages d’avant l’ère du chemin de fer étaient très dangereux, et il était d’usage de faire son testament quand on devait partir loin. Le nombre de morts sur les routes était alarmant et atteignait, dans la France de l’époque de la Révolution par exemple, environ 5000 morts pour une population estimée à 17 000 000 d’habitants, ce qui était considérable vu le peu de gens qui voyageaient. Versements de véhicules, emballement de chevaux, personnes écrasées, attaques à main armée, tout se mêlait pour faire du voyage une sinistre aventure. Reconnaissons que l’automobile actuelle est moins dangereuse, même si elle l’est encore trop.

Si de très graves accidents de chemin de fer endeuillent, dès les débuts de l’aventure, ce grand progrès qu’est le train, ce nouveau moyen de transport est très sûr et marque une réelle avance de la sécurité dans les voyages. Cependant là où une diligence qui verse ou un cheval emballé ne fait que quelques victimes, un déraillement de chemin de fer, aussi rare soit-il, peut faire des dizaines et des dizaines de morts, ce qui frappe l’opinion. Les 55 victimes de la catastrophe de Meudon en 1840, parmi lesquels on déplore la mort du navigateur Dumont d’Urville, montrent, pour la première fois dans l’histoire, que le progrès technique met en œuvre des forces que l’homme contrôle encore mal.

La catastrophe de Meudon, en 1842, marqua les esprits avec ses 55 morts, mais fut, aussi, une excellente publicité pour le chemin de fer puisque l’on apprit qu’un train pouvait transporter, déjà à l’époque, près d’un millier de voyageurs : la diligence, avec sa douzaine de voyageurs, fut désormais considérée comme dépassée.
La catastrophe de Saujon, en 1910, terrifie l’opinion, notamment à cause de l’éclatement des voitures en bois. Toutefois, cette photographie, avec ses sauveteurs en chapeau de paille et ses voyageurs encore aux fenêtres des voitures, semble être “reconstituée” à la manière des “fake news” trumpiens (trumpesques ?) et journalistiques actuels. L’événement, cependant, a bien eu lieu.

Zola, par exemple, voit dans le chemin de fer le premier système important construit par l’homme: la modernité, pour Zola, est faite de complexité et de réseaux, et l’effet de vitesse du train, lancé sur les aiguilles et les voies, est l’image même de ce que l’homme, apprenti-sorcier, crée sans mesurer la force mise en oeuvre et l’inéluctable catastrophe que le « train fou », privé de mécanicien, va créer aveuglément. Mais, en même temps, ces premières catastrophes sont acceptées comme un nécessaire tribut à payer et démontrent aussi l’efficacité du chemin de fer: le nombre important de victimes montre, à chaque fois, que le train a fortiori transporte beaucoup de monde ! Et si Théophile Gautier, qui n’aime pas les trains et voit en eux des « rangées de corbillards glissant sur des rainures au bruit asmathique du chaudron » (la locomotive), il salue en eux l’image du progrès et de la sécurité, et finit par décrire la locomotive en termes animaliers avec « sa sueur ardente sur ses flancs de bronze ».

Quand la locomotive essaie de passer sous la voie…. La catastrophe de Bernay, en 1910, elle aussi marque les esprits et poussera les compagnies à étudier un matériel voyageurs métallique et sûr. Ce ne sera fait qu’après la Seconde Guerre mondiale et les voitures OCEM de la fin des années 1920.

Le paysage vu du train.

C’est sans nul doute l’apport le plus important du voyage en train, tant pour les voyageurs que pour une élite d’hommes de  lettres, d’écrivains ou de poètes qui, dès 1830, sont subjugués par ce spectacle nouveau et cette redécouverte du monde. Musset, certes, se lance dans une diatribe très anti-ferroviaire dans « La Maison du Berger » mais plus par constatation d’une uniformisation du monde et du paysage – uniformisation apportée par le nivellement du sol et les travaux de terrassement garantissant le passage d’une voie rectiligne et à hauteur constante, et ce sentiment d’uniformisation, prélude de l’uniformisation de la société, est une des premières craintes d’ordre culturel créées par le chemin de fer. Il y a bien perception d’une dégradation du paysage, mais nullement dans ce qui pourrait être aujourd’hui qualifié de perception écologique: cette dégradation est dans l’harmonie rompue, l’harmonie des courbes naturelles rompue par des droites.

Mais le train, en uniformisant les paysages, les font entrer dans la « modernité » et induisent une nouvelle esthétique à laquelle Hugo et Apollinaire sont très sensibles: le chemin de fer détruit le paysage comme il tue des hommes, certes, mais il crée un monde nouveau autour de lui, ouvrant les villes en pénétrant, par tranchées et remblais, jusque dans leur centre, ouvrant les montagnes par des viaducs et des ponts gigantesques ou des tunnels interminables, et Apollinaire parle même d’un « éclatement de l’espace » ou d’une « anamorphose ». Le train est, pour Apollinaire, quelque chose de si nouveau, de si remarquable, de si modificateur du monde géographique et social, qu’il exprime la crainte « qu’un train, un jour, ne t’émeuve plus »: ceci ne veut pas dire, contrairement à ce que l’on croit couramment en lisant cette citation célèbre, qu’Apollinaire redoutait que l’on soit blasé même devant les plus belles réalisations techniques, mais, plus simplement, qu’il craignait la disparition des chemins de fer.

Le train, créateur de paysages vus du train, met à la portée de tous le spectacle du défilement paysager qui, jusque là, était réservé aux marins longeant les côtes, aux bateliers des fleuves et des canaux, aux rares voyageurs des diligences et de la malle-poste. Mais il ajoute un élément totalement nouveau et violent, spectaculaire, poignant: la vitesse. Th.Gautier, lors de son voyage en Belgique en 1836, note cette « accélération de la machine » qui donne des « champs hachés de raies jaunes où on ne distingue plus les fleurs » et où « les lignes perpendiculaires deviennent horizontales », mais il en exploitera que très peu les ressources littéraires, résumant le chemin de fer en cette cruelle formule: « des rainures où l’on fait galoper des marmites »….

L’idée d’une profanation du paysage par la voie ferrée enjambant des vallées sur un viaduc ou transperçant les flancs des montagnes avec ses entrées de tunnel monumentales, est certainement beaucoup plus une idée d’aujourd’hui, qui se manifeste plutôt durant le XXème siècle, qu’une idée née au XIXème siècle lors de la construction des chemins de fer. En effet le train incarne, à partir des années 1830-1840, l’espoir d’un grand progrès, d’un bouleversement non seulement du monde physique entourant l’homme, mais aussi d’un bouleversement social. Le train concourt à l’abondance industrielle, à la construction d’une société plus juste, plus égalitaire: la vision saint-simonienne est là, et, il faut le reconnaître, le train tient ses promesses en faisant disparaître les famines pouvant frapper une région alors qu’une autre est excédentaire, en faisant disparaître les coûts très élevés des transports des matériaux de construction ou des produits métallurgiques. Le chemin de fer est bien perçu comme une nécessité allant de soi, et il le prouve rapidement. Dès les années 1860, le chemin de fer, avec Zola, Huysmans, trouve ses mythes et sa reconnaissance.

Même le chemin de fer traversant une propriété, passant non loin de la façade d’un château, est perçu là comme l’expression de la démocratie en marche, de la conquête par la République de son territoire, de la conquête par la raison et la science, la technique et le progrès, de l’univers. Les tunnels sont présentés comme des « arcs de triomphe » et les gares comme des « nefs gothiques » dans les premiers guides touristiques, tandis que l’arrivée du chemin de fer dans une ville donne des articles de journaux ou des brochures absolument enthousiastes, complètement acquis à la cause du chemin de fer. Aucun guide touristique du XIXème siècle (Baedeker, Hachette, Bradshaw’s, etc) ne déplorera un saccage du paysage, et les impressionnistes comme Monet peindront volontiers des trains en harmonie avec la campagne environnante dans laquelle ils se fondent.

Par contre cette idée d’une destruction naîtra après 1914 avec celle d’un échec de la civilisation (déjà !), d’une condamnation du monde industriel et capitaliste, d’une perte définitive de ce que Giono appelle « les vraies richesses », celles de la nature, du monde paysan et artisanal définitivement détruites. Le train fait partie, comme acteur de tout premier plan, de cette destruction du monde par l’homme.

Viaduc de Chaumont, sur la ligne de Paris à Bâle, d’après une gravure d’époque, années 1850.
Gravure de E.Wurmser, années 1850.
%d blogueurs aiment cette page :
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close