Du Cap au Caire : Cecil Rhodes rêve de colonies et de chemin de fer.

Dans son livre “Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce” paru en 1983 et en édition Livre de Poche en 1989, l’historien de l’économie et professeur en Sorbonne réputé Jacques Marseille (avec qui nous avons écrit “Le temps des chemins de fer en France” paru chez Nathan en 1986) conclut plus de dix années de recherches en constatant, faits et chiffres à l’appui, que la colonisation n’a rien rapporté à la France, comme, d’ailleurs, elle n’a rien rapporté aux pays colonisateurs et que les pays sans empire colonial comme la Suisse se sont enrichis… Alors le chemin de fer africain fut-il, tout compte fait, un grand rêve désintéressé de plus ?

Toujours est-il qu’un bel exemple colonial, mais parfaitement raté, que fut le projet de chemin de fer du Cap au Caire, ce rêve insensé et immense de Cecil Rhodes, fut presque réalisé. Le grand chemin de fer « Transafricain » donc ?

De ces deux portraits de Cecil Rhodes, nous retiendrons surtout la citation accompagnant celle du bas :” Nous irons jusqu’en Égypte grâce au télégraphe et ensuite avec le chemin de fer. Cela nous donnera les clés du continent.”

Un “Transafricain” de plus, en effet. Il aurait dû exister pour changer le destin de l’Afrique et jouer pour lui le même rôle que joua le « Transcontinental » américain ou le « Transsibérien » russe. Ce fut bien le plus beau projet ferroviaire au monde, le plus fascinant : celui d’une immense ligne, longue de plus de 10.000 km, servant de colonne vertébrale à un continent dont on espérait qu’il serait une nouvelle Amérique. Hélas, la diversité culturelle et politique africaine, la volonté colonialiste du chacun pour soi, le morcellement politique et économique, et même l’absence de standardisation de ses écartements ferroviaires, mirent rapidement fin à tout espoir de réalisation de ce rêve qui aurait assurément changé le destin de ce continent.

Le développement des réseaux ferrés africains est, d’abord, celui des réseaux coloniaux. Les Anglais sont ceux qui ont construit le plus grand kilométrage de voies, en Afrique du Sud, du sud-est, de l’est, ceci en voie de trois pieds et demi, ou 1067 mm, dite « métrique du Cap» et en Égypte en voie normale. Il est clair que si la ligne du Cap au Caire avait existé, elle aurait été, techniquement, sous influence britannique.

Certes, les Français ont construit des lignes en voie normale ou métrique, ceci en Afrique du Nord, en Afrique occidentale et équatoriale, et en Éthiopie, et ils auraient pu construire un transafricain par l’ouest, reliant les ports de la Méditerranée au cœur de l’Afrique Occidentale, ce qu’ils ont bien tenté de réaliser sous le nom de Méditerranée-Niger ou Transsaharien.

Les Allemands ont construit des lignes à l’est et au Cameroun en voie métrique. Les Belges équipent leur colonie du Congo de quelques lignes en voie de 1067 mm. Les Portugais ont construit quelques lignes sans lien entre elles en Angola, et ces zones d’influence ont été très localisées. Le résultat de ce morcellement technique du réseau africain est qu’il est possible de distinguer plus de vingt systèmes ferroviaires différents sur le sol africain, si l’on tient compte des écartements, des normes de roulement, d’attelage, de freinage, etc.

Le continent africain actuel et son morcellement économique créé par la diversité des écartements. Sans nul doute le “Cap au Caire” aurait été construit dans l’écartement colonial britannique du 3 pieds et demi, soit 1067 mm, du moins jusqu’au Soudan et aurait ajouté des voies en 1067 mm à son réseau en voie de 610 mm. Puis, une fois en Égypte, il se serait raccordé, non sans douleur, au réseau égyptien en voie normale de 1435 mm. Ce n’était pas gagné d’avance… comme on dit.

Une indépendance africaine mais qui ne produit pas le grand réseau tant espéré.

Un grand espoir naît pour le continent : celui de l’indépendance africaine, commencée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais cette action ne donnera pas, pour autant, de grand réseau continental unifié. Les lignes existantes, laissées par les empires coloniaux, sont prolongées ou modifiées pour réunir des zones tribales entre elles et former l’outil économique des nouveaux pays. Certaines nouvelles lignes sont remarquables, comme le “Transgabonais” long de 700 km, ou le “Tanzam” reliant la Zambie à la Tanzanie sur 1800 km. D’autres parties étendues de l’Afrique, comme la Lybie, n’ont plus aucun réseau ferré : il ne reste rien des quelques réseaux militaires à voie étroite italienne en 950 mm qui y furent construits au début du siècle.

Cette disparité des techniques et ces deux époques successives expliquent pourquoi il ne pouvait exister un grand réseau africain uni et cohérent, et, notamment une grande artère transcontinentale reliant le nord de l’Afrique au sud.

Quelques généreux et clairvoyants “colonialistes” grands constructeurs de chemins de fer en Afrique du Sud vers la fin du XIXe siècle.

La première impulsion transafricaine.

Une première impulsion en faveur d’un grand réseau africain vient du sud à la fin du XIXe siècle et sous une forme plutôt improvisée. C’est bien l’occasion de la formidable expansion du réseau sud-africain, lié à la découverte des diamants et de l’or pendant les années 1870 à 1880, qui donnent l’idée de pousser plus loin en direction du nord.

Quoique les chemins de fer repris par l’Union Sud Africaine aient été construits dans quatre pays différents, ils obéissent à des règles générales communes. Les premiers d’entre eux sont de courtes lignes de pénétration amorcées par des compagnies, à Durban en 1860, et au Cap en 1862.
En 1870 on découvre les gisements diamantifères de Griquald West, et ce sont bien les diamants qui donneront l’impulsion économique à la création d’un réseau ferré sud-africain. Le problème est que le reste de l’Afrique, lui, faute de diamants, attendra…

Les colonies du Cap et du Natal rachètent les lignes des premières compagnies en 1873 et en 1877 et en réduisent l’écartement de 1435 à 1067 mm, ce qui fut une très grave erreur aux conséquences historiques immenses. Chacun des ports veut avoir sa ligne vers Kimberley. À ces deux lignes, on en ajoute deux autres que l’on amorce à Port Elisabeth en 1873 et à East London en 1874. Les trois lignes de la colonie du Cap se rejoignent donc à De Aar qui devint ainsi le principal nœud du réseau et dont une extension atteint Kimberley en 1885. Au moment de la guerre des Boers les républiques du Transvaal et de l’Orange sont déjà encerclées de chemins de fer. Il suffit donc, après l’annexion, de compléter leurs réseaux, en construisant surtout des lignes de développement agricole.

Construction d’un tronçon de la ligne du Cap au Caire à Figtree près de Bulawayo. Nous sommes en 1897. Document Zimbabwe National Railways.
Le 4 novembre 1897, et avec la bénédiction de la reine Victoria s’il vous plaît, le “Cap-Caire” arrive à Bulawayo. Le dessinateur, complice ou ignare, a transformé la très étroite voie de 1067 mm en voie large, très large…


La ruée vers Kimberley est suivie de la course vers Johannesburg, dont les champs aurifères sont ouverts en 1885 : après les diamants, l’or. Puis vient la grande poussée vers le Nord, sous l’impulsion de Cecil Rhodes, dont le chemin de fer atteint Vryburg en 1890 et Bulawayo en 1897 : ici, il ne s’agit ni de diamants ni d’or, mais de développement économique général, de création de moyens de transport au service des deux Rhodésies et de l’Afrique du centre.

Site de Matopos où est la tombe de Cecil Rhodes. Document des Zimbabwe National Railways

Mais l’Afrique du sud, initiatrice de ce grand réseau, doit d’abord se construire, et ne songe nullement à devenir la tête de pont d’un grand réseau continental. On ne peut le lui reprocher, et c’est le bon sens même.

Le 1ᵉʳ janvier 1909, on fusionne les chemins de fer et les ports de la Colonie du Cap que l’on place sous une administration unique. Cette politique se généralise par la suite lorsqu’on fusionne tous les chemins de fer et les Ports des quatre colonies. L’union commence par compléter les réseaux quelque peu hétéroclites qu’il reprend, ceci en construisant une série de lignes faisant partie de programmes d’ensemble qu’il exécute au fur et à mesure des possibilités. On ajoute ainsi plusieurs centaines de kilomètres de lignes chaque année, et les grands programmes de 1922, de 1924 et 1926 par exemple continuent cette œuvre en ajoutant 3316 km de lignes.

En rouge : le réseau de l’Afrique, tous pays confondus, en 1913. En hachuré : les réseaux historiques déjà constitués.
Le Cap-Caire et le réseau africain en 1913 : en trait épais rouge, ce que Cecil Rhodes aura réalisé.

Le vrai rêve de Cecil Rhodes.

Revenons à ce chemin de fer qui a atteint Bulawayo en 1897, grâce à la volonté de Cecil Rhodes. Né en 1853 au Royaume-Uni, C’est donc un homme qui s’est lancé dans l’aventure coloniale et qui s’est établi en Afrique du Sud avec l’intention de faire fortune et de travailler. Il crée la British South Africa C° qui obtient auprès de la Couronne britannique l’autorisation d’exploiter industriellement le bassin du Zambèze, là où se créeront la Rhodésie du Nord et du Sud en hommage à cet homme exceptionnel. Cecil Rhodes est premier ministre du Cap en 1890 quand il rêve de construire une grande ligne de chemin de fer en direction du Nord, et de relier Le Cap au Caire.

“Homme d’affaires brillant et grand homme d’État britannique, apôtre de l’expansionnisme colonial, nouveau conquistador, philanthrope, Cecil Rhodes a été aussi passionnément admiré que vilipendé” écrit Roland Marx dans l’Enyclopedia Universalis. Ce jeune Anglais, fils de pasteur aux onze enfants, doit, à l’âge de seize ans, abandonner à regret ses études, et il est envoyé chez son frère au Natal en 1870, où il commence une aventure africaine. Le coton et surtout les mines de diamants feront sa fortune avec la création, en 1880, de la De Beers Mining Company. Il a le temps de parcourir et d’aimer le Betchouanaland et le Transvaal et rêve d’un Empire britannique qui s’étendrait en Afrique. Élu en 1881 au Parlement du Cap, il veut créer « les États-Unis d’Afrique du Sud sous drapeau britannique », c’est-à-dire associer les territoires anglais et les “boers” et parvient, en 1884, à la proclamation par le gouvernement britannique d’un protectorat transformé en annexion à la colonie du Cap en 1895. Mais le Transvaal, mené par Kruger, refuse l’expansion anglaise et l’Allemagne a des visées au nord : Cecil Rhodes obtient en juillet 1889 une charte royale confiant la future « Rhodésie » à une Compagnie de l’Afrique du Sud britannique placée sous sa direction. Rhodes met en chantier un chemin de fer de Kimberley vers le nord et pousse le champ d’exploration de la compagnie au-delà du Zambèze jusqu’au lac Tanganyika : le grand rêve d’une Afrique anglaise du Cap au Caire est sur le point de se réaliser pour cet homme devenu, en 1890, Premier ministre du Cap.

Belle locomotive et beaux cheminots aussi motivés l’une que les autres en 1910, en Afrique du Sud. La locomotive porte à l’avant un écriteau : “Maintenant nous n’allons pas tarder à être au Caire”.

Tout finit à “Broken Hill”, la colline cassée au nom symbolique.

Mais son échec dans l’opération menée contre les Boers l’oblige à démissionner de son poste de Premier ministre en 1895, et cet échec politique jouera, en fin de compte, par ricochets contre son projet ferroviaire. Rien ne lui sera épargné : outre des difficultés techniques, ce sont surtout des difficultés politiques qui  s’accumuleront contre lui. Quand, enfin, le projet commence à se concrétiser, on assiste au premier et unique cas de détournement de ligne ferroviaire dans l’histoire du rail !  En effet, le tracé est détourné de sa destination initiale quand on découvre de l’or au Transvaal. Kruger, président du Transvaal, s’oppose aux intérêts de Rhodes et empêche le passage de la ligne. Réunissant des capitaux anglais et allemands pour la poursuite des travaux de construction, Rhodes ne se décourage pas, mais meurt en 1902. Il ne verra pas l’un des plus remarquables sites de la ligne : le franchissement des chutes Victoria du Zambèze sur un des plus remarquables ponts au monde, ni, en 1906, l’arrivée de la ligne à Broken Hill en Rhodésie, à 3 200 km du Cap.

Broken Hill (la colline cassée) est le point extrême touché en direction du nord, et c’est le point final. La ligne ne franchit pas le Congo, car l’Égypte et le Soudan ne croient guère en la rentabilité du projet. Ces deux pays refusent d’y engager le moindre financement.

Jamais le projet de Cecil Rhodes ne se réalisera, donc.

Qu’avons-nous, concrètement ? Nous avons 3 200 km d’un côté, en partant du sud de l’Afrique, et 900 km de l’autre, en partant du nord, si l’on considère que le réseau égyptien constitue une partie déjà construite de la ligne. Cela donne un peu plus de 4 000 km réalisés. Entre ces deux tronçons, on trouve un fouillis de lignes disparates, ne formant pas un ensemble continu et cohérent, et appartenant au Soudan, au Tanganyika, à l’Éthiopie, au Kenya ou à l’Ouganda selon les appellations d’époque. Toutes ces lignes sont faites en des écartements différents, et, pour comble de malheur, autres que celui de 1067 mm de la ligne de Cecil Rhodes, ou des 1435 mm de la voie normale égyptienne. Il aurait fallu transformer ces écartements, reconstruire des lignes, en créer d’autres.

Le réseau ferré africain en 1925. En vert : les grands projets historiques, mais déjà abandonnés pour l’éternité, hélas. Il ne manque plus que le “Transsaharien” français pour compléter le tableau des grandes illusions perdues.

D’abord, un certain “Blue Train”, pas très Train Bleu.

Alors, faisons comme l’ont fait les Africains et essayons, aujourd’hui, de parcourir cet itinéraire tel qu’il a existé jadis et existe encore, bien que, aujourd’hui, l’avion s’impose comme seul mode de transport pouvant, avec efficacité et rapidité, couvrir une telle distance.

Cette ligne du Cap au Caire n’a pas été tracée et construite d’une manière cohérente et si elle est parcourue par des trains prévus pour effectuer le trajet de bout en bout, si l’on accepte de nombreuses ruptures de charge, des transferts par la route, et de jongler et de passer d’un réseau à un autre en utilisant ce qui se présente dans les gares et devant les gares.

Le “Blue Train” des années 1950.
Le “Blue Train” des années 1960, et en traction électrique avec une 4E, série culte en Afrique du Sud. On notera la qualité remarquable de la voie qui fait oublier que c’est du 1067 mm.
Dans les ateliers du Cap : des trains qui se veulent larges sur des voies, malgré tout, étroites. Le fourgon avec ses deux vigies latérales est très “british”.

Dès les années 1910, c’est presque possible, et aujourd’hui, il en est toujours ainsi. Bien entendu, en partant du Cap, il existe la solution très luxueuse du Rovos Rail avec son très beau train direct reliant Le Cap à Dar es Salaam en Tanzanie : il s’agit d’un train privé affrété par une agence et destiné à des touristes qui ne veulent pas prendre de risques et arriver à l’heure promise – une exigence qui, par définition, reste assez peu connue sur les chemins de fer africains, les vrais.

Toutefois il est intéressant de faire cette partie du voyage dans un train de luxe ordinaire du réseau Sud-Africain. Le Cap est le point de départ d’un excellent et très luxueux train pour Johannesburg : le Train bleu. Il a le même nom que le célèbre train français reliant Paris à la Côte d’azur, mais aucun autre point commun. Il circule trois fois par semaine en saison touristique et une fois par semaine en saison froide, c’est à dire de Mai à Juillet ! Le trajet de 1.608 km demande 25 heures. C’est un des trains les plus luxueux du monde et il montre des possibilité étonnantes de confort pour un train circulant sur la petite et étroite voie de 1,067 m d’écartement.

Il est possible d’y louer une suite, si l’on est fortuné, comportant une vraie chambre à coucher, une vraie salle de bains avec grande baignoire, un salon. On roule à 60 km/h, mais avec l’air conditionné, trois robinets (eau chaude, froide, et glacée à boire) sur les lavabos, une quantité de commandes électriques dans la cabine actionnant la chaîne stéréo, et un silence de roulement quasi absolu dû aux nombreux matériaux spéciaux isolant complètement la voiture et les compartiments. Par les fenêtres, ce sont les immenses paysages verts de l’Afrique du Sud, et le personnel signale aux voyageurs les flamants roses et d’innombrables autres animaux. C’est une excellente solution pour commencer, dans la douceur, le grand voyage transafricain. L’arrêt d’une heure à Matjiesfontein, un village typiquement victorien qui semble issu tout droit du 19 siècle anglais, est un des points forts du parcours.

A bord du “Rovos Rail” : c’est somptueux, mais un peu petit.

Un excellent réseau rhodésien… jusqu’au « Zim-Zam ».

A Johannesburg, il faut continuer le voyage en direction du nord. Les conditions deviennent moins faciles. Il faut prendre une succession de trains locaux pour rejoindre Bulawayo par les réseaux d’Afrique du Sud, puis du Botswana et du Zimbabwe. L’imagination est au pouvoir pour jongler avec les horaires, les retards, les suppressions de trains : c’est de l’aventure garantie !

Dès le début de son activité dans la future Rhodésie, Cecil Rhodes se rend compte de l’importance capitale des chemins de fer pour le développement du pays et traçe donc le programme suivant : réunir Bulawayo au Cap et construire une ligne de Salisbury, sa capitale, au port le plus proche qui est Beira. Il prévoit d’ajouter une ligne de pénétration vers le nord qui partirait de Bulawayo et passerait à Salisbury, constituant ainsi une section importante du chemin de fer du Cap au Caire dont il rêve toujours. Avec une énergie extraordinaire, il contribue à la réalisation de ce vaste programme, utilisant tous les moyens à sa disposition, disparates sans nul doute, quitte à les regrouper et à les coordonner par la suite.

Pont provisoire et très américain sur la rivière Matetsi en Rhodésie, sur la ligne Le Cap-Le Caire. Nous sommes en 1904.Document Zimbabwe.National Railways.

La Rhodésie n’a pas de fleuve navigable ni de rivage maritime. Plus qu’ailleurs, les chemins de fer y sont indispensables. On les construit donc comme lignes de pénétration et d’occupation, avec tous les inconvénients techniques de ce genre de chemin de fer, car il faut aller vite et construire à peu de frais. Ce sont des lignes de crête, situées sur des plateaux de 800 à 4.600 mètres d’altitude et que l’on construit avec un minimum de travaux d’art. Le pays étant généralement facile, il y a peu de terrassements. La voie est posée sans ballast. Les bifurcations, croisements, évitements sont éloignés les uns des autres et souvent non gardés.

Si l’on va aussi vite, c’est parce que l’on a plusieurs buts. Les contingences politiques obligent a occuper rapidement le pays et à soutenir le drapeau anglais lors de la guerre des Boers. Il y a aussi les nécessités minières qu’il faut servir, car l’on découvre des richesses insoupçonnées. En les mettant en valeur, on procure des ressources nouvelles, au pays d’abord, aux chemins de fer ensuite.

Si le climat de la Rhodésie est relativement sain, particulièrement dans la Rhodésie méridionale, où se trouvent de nombreux fermiers qui cultivent le maïs, l’orge, le blé, le tabac et coton et qui élèvent le bétail, ce sont les produits du sol qui attirent surtout l’attention. L’or abonde dans Rhodésie du Sud, tout comme les mines diamantifères, et l’argent s’extrait à Penhalonga, à Umtali. Il y a des gisements de cuivre, d’antimoine, d‘étain. De plus, le riche bassin houiller de Wankie fournit du charbon aux chemins de fer de Rhodésie. Aussi, les lignes minières passent au premier plan, quitte à faire négliger le développement de l’agriculture.

Le réseau actuel du Zimbabwe, ex-Rhodésie du Sud. Aux chutes Victoria et au franchissement du Zambèze, la ligne passe en Zambie, ex-Rhodésie du Nord.
Traversée d’un gué en Rhodésie vers 1910.
Document que nous avons hésité à publier : une voiture de 3e classe pour “Natives” circulant en 1913 sur le réseau de Rhodésie. Document The Locomotive Magazine. No comment, Sir !…

La Rhodésie a donc un excellent réseau, et le train de Bulawayo à Victoria Falls en témoigne toujours. Il part le soir. Il est magnifique, avec ses voitures en bois fraîchement repeintes en marron et crème, leurs toits à lanterneau, et certaines fenêtres en forme d’ovale. Tout rappelle l’ancienne et très britannique Rhodésie, et, sur les vitres et les miroirs des voitures, l’ancien sigle « RR » des Rhodesia Railways  est toujours gravé, bien que le réseau ait aujourd’hui pris le sigle « ZNR » pour Zimbabwe National Railways. Dans les voitures de première et deuxième classe, c’est l’espace et le luxe. Dans celles de troisième classe, c’est la cohue, avec une foule d’Africains transportant une quantité impressionnante de cartons, de volailles, de fruits, et occupant toute la place possible sur des bancs en bois ciré ou à même le plancher. En tête du train l’amateur cherchera désespérément une locomotive à vapeur articulée type Garratt : il n’y en a plus depuis quelques années déjà, car la traction diesel, plus économique, a envahi l’ensemble du réseau africain. Toutefois, sur la ligne, circulent encore des trains spéciaux en traction vapeur, destinés aux touristes, et organisés par les agences de safaris.

Le voyage de nuit se passe à rouler très lentement, ponctué en permanence par de longs coups de sirène de la locomotive diesel, et avec de nombreux et inexplicables arrêts dans les campagnes du Matabeleland. On parcourt la plus longue ligne droite du monde à l’époque où la voie fut posée, ligne droite mesurant 112 km et séparant Gwaai de Dete. Le matin, si l’on a réussi à s’endormir, on est réveillé, lors des arrêts,  par les cris des animaux, notamment des vaches et des chèvres en train d’essayer de trouver une maigre nourriture dans un paysage desséché et désertique. Peu à peu la savane remplace le désert et il est possible de voir des antilopes courir, effrayées par le train. La vision de lions est très rare, bien que l’on traverse les superbes parcs naturels de Hwange ou de Matetsi. En fin de matinée, le train est à destination : Victoria Falls.

Depuis les années 1960, le train reste en gare, et la seule ressource est… de continuer le voyage à pied, et de franchir le pont soi-même ! Il faut lutter contre le vertige et oser regarder dans la gorge profonde au fond de la quelle coule le Zambèze. Sous l’immense pont, le fleuve tombe d’une hauteur de 100 mètres, ceci dans un vacarme assourdissant. A l’autre extrémité du pont, c’est la Zambie et un certain nombre de complications à la frontière dite du « Zima-Zam » pour y pénétrer

Du fait de la rupture des relations avec le Zimbabwe (ex-Rhodésie du sud), c’est toujours l’impossibilité de continuer le voyage par le rail. Sur le réseau de la Zambie (ex-Rhodésie du Nord) les trains de marchandises ont longtemps été seuls à circuler la route ayant pris, avec l’aide du gouvernement du pays, la totalité du transport des voyageurs. Mais aujourd’hui, on peut, depuis la frontière du « Zim-Zam », prendre un taxi jusqu’à Livingstone où l’on trouvera un train de voyageurs pour poursuivre en direction du Nord.

Les chutes Victoria.

Ces impressionnantes et assourdissantes chutes du Zambèze ont mérité, jadis, le nom de « Mosi oa Tunya » (fumée du tonnerre), et elles sont situées à la frontière entre les deux pays actuels du Zimbabwe et de la Zambie, au centre de l’Afrique. A cet endroit, le fleuve, large de 1 700 m, se précipite d’une hauteur de 110 m en plusieurs cascades successives, tombant d’une faille située en biais, ce qui constitue le plus grand rideau d’eau du monde. C’est l’explorateur écossais David Livingstone (1813-1873) qui découvre le site en 1855 et le dédie à la reine Victoria. Tout près se trouve le nœud ferroviaire appelé Livingstone, situé en Zambie, mais qui porte le nom de Maramba dans la langue locale.

Le viaduc ferroviaire est un véritable « Meccano » dont les pièces ont été fabriquées à Darlington en Angleterre, avant d’être transportées et assemblées sur place. Le viaduc est long de 198 m, avec ses deux arches d’approche et son arche centrale de 152 m, passant à 128 m au-dessus des eaux. Sans aucun doute le grand rêve fédérateur de Cecil Rhodes a perdu tout sens et ce viaduc, à ce titre, lui sert de monument commémoratif.

Mais, depuis quelque temps, il y a des circulations directes entre Bulawayo et Harare, en Zambie, avec continuation jusqu’à Livingstone. Ensuite, le problème est de gagner Lusaka où l’on saura si l’on a une chance de rejoindre Kapiri Mboshi par le train – faute de quoi il reste l’autobus. A partir de cette dernière ville, qui est une bifurcation ferroviaire située au Nord de Lusaka, on a la certitude – actuellement du moins – d’avoir un train pour Dar es Salaam en Tanzanie, par la célèbre ligne du Tanzam.

Le Tanzam, très chinois.

Nous voici, en effet, sur le Tanzam, parfois aussi nommé Tazara. Contrastant avec le réseau ex-rhodésien datant de la première période du chemin de fer africain, cette ligne est caractéristique de la deuxième grande période récente, car elle est construite dans le cadre de la libération de l’Afrique et de la création de républiques populaires.

C’est alors que les Chinois se mêlent d’aider cette libération, et proposent, en toute fraternité idéologique, la construction de la fameuse ligne du Tanzam partant de Dar es Salaam en direction de la Zambie, ce qui permettrait, moyennant un prêt sans intérêts remboursable pendant 30 ans à partir de 1983, de dégager la Zambie de sa dépendance ferroviaire vis à vis des pays capitalistes du sud de l’Afrique.

La ligne est construite, et, même, très bien construite, par d’excellents ingénieurs chinois. Elle est en écartement de 1067 mm, ce qui la rend compatible avec l’ex-réseau rhodésien. Le Tanzam possède une centaine de locomotives diesel-électriques chinoises, une centaine de voitures et environ 2000 wagons. On signale que les signaux, de type anglais, ont cependant des lampes à huile comme au XIXe siècle, ce qui, tout compte fait, peut être beaucoup plus sûr dans un pays qui n’est pas à l’abri des coupures ou des pannes de courant. Toutefois le Tanzam remplit bien ses fonctions d’exportateur du cuivre zambien par le port de Dar es Salaam et contribue ainsi à la prospérité nationale.

A partir de Kapiri Mboshi la ligne traverse la partie est de la Zambie, passant par Serenje, Kosama, et elle passe en Tanzanie où elle atteint Mbeya, la première ville de Tanzanie après la frontière. Cette ville est située entre les deux grands lacs Tanganyika et Malawi et où, pour les admirer, il faudra faire escale. Le train continue son parcours en Tanzanie, descendant vers la mer par la vallée du Rufiji et traversant la plaine côtière pour atteindre Dar es Salaam. Une superbe et massive gare a été pompeusement édifiée dans cette ville, selon les critères du modernisme populaire communiste le plus pur, et son vaste bâtiment ne voit passer, aujourd’hui, qu’un train de voyageurs par jour !

Locomotive sur le réseau de Tanzanie en 1923.
Locomotive allemande sur le réseau de Tanzanie dans les années 1910 : le rêve d’un “Ostafrika” allemand se termine.
Le réseau de la Tanzanie en 2010.

A travers les restes de l’”Ostafrika”.

Toute l’histoire de Dar es Salaam, à l’origine, part d’une autre ligne construite à partir de cette ville en direction du lac Tanganyika entre 1905 et 1914 par les Allemands, alors en plein rêve colonial d’une Deutsch Ostafrika. La ligne, en voie métrique, atteint Kigoma. Nous sommes au point kilométrique 1200 depuis le point de départ, sur le bord du lac. Les Allemands ambitionnent, à l’époque de leur conquête, de toucher le lac Victoria avec un embranchement. Mais l’histoire change le cours des choses, et, au lendemain de la Première Guerre mondiale, on crée un mandat britannique sous le nom de Tanganyika.

En 1946, la ligne reçoit enfin son embranchement en direction de Mwanza, sur le lac Victoria, et un troisième embranchement permet le raccordement de Dar es Salaam au réseau du Kenya et de l’Uganda, formant alors un fantastique réseau est-african en voie métrique, dépendant, jusqu’en 1976, d’une administration unique le « East African Railways » dont les initiales mythiques EAR ont orné les plus belles locomotives Garratt du monde, tranchant de leur jaune vif sur le rouge sombre des locomotives. Depuis  1973, chaque pays concerné a repris la gestion de son réseau : l’indépendance a encore plus augmenté le morcellement, du moins pour cette partie de l’Afrique et son réseau.

Magnifique gouache de R. Moore représentant une “Garratt” des East African Railways.

Rappelons, à ce propos, que l’écartement du Tanzam est aussi de 3 pieds ½, (1.067 mm) ce qui rend la ligne incompatible avec les précédentes qui forment l’essentiel du réseau est africain, mais tout à fait compatible avec celles de la Zambie et de l’Afrique du Sud ! Allez comprendre… IL fallait bien qu’il y ait cette malheureuse différence d’écartement de quelques centimètres pour corrompre les choses. L’ensemble se retrouve donc partagé entre deux écartements, avec environ 2600 km en voie métrique formant le réseau d’État du Tanzania Railways Corporation, et 970 km en voie de 1067 mm formant le Tanzania-Zambia Railway Authority

La ligne lunatique du Kenya.

En théorie, on peut poursuivre son voyage ferroviaire en passant par Sadani, en poussant jusqu’à Moshi et en revenant par Taveta où l’on se retrouve au Kenya. On poursuit jusqu’à Voi qui est sur la fameuse ligne en voie métrique du Kenya reliant le port de Mombasa à la capitale Nairobi, ligne qui va nous intéresser maintenant. Mais oui, il y a rupture d’écartement, car on passe de 1067 mm au métrique 1000 mm

On peut aussi, pour éviter ce long détour en train et très incertain, aller en bateau de Dar es Salaam à Mombasa directement, en longeant la côte. On aura ainsi l’avantage de prendre un train direct pour Nairobi puis Kampala, située sur le lac Victoria, avec des horaires sérieux et garantis, notamment par le train de nuit qui quitte Mombasa à 19 h et arrive à Nairobi à 8h40, et dans lequel on pourra voyager en voiture-lits et prendre des repas au wagon-restaurant. Les trains de jour sont plus lents du fait de nombreux arrêts, mais permettent de jouir de paysages exceptionnels bordés au fond par des sommets dépassant 4.000 ou même 5.000 m d’altitude s’il fait assez clair pour voir le Kilimandjaro (5.895 m).

Surnommée la « lunatic line » – c’est tout dire sur ses difficultés de construction effectuées d’ailleurs aux frais du contribuable britannique – cette ligne longue de 980 km doit être d’un excellent rapport pour la Couronne britannique et contribuer à la prospérité d’un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. Les conditions de travail à la construction sont si dures, dans une poussière rouge qui rendait l’air irrespirable et une chaleur intenable, que la progression moyenne de la ligne ne fut jamais que de quelques centaines de mètres par jour. La possession des sources du Nil est, d’ailleurs, un enjeu considérable à l’époque, et motive fortement les constructeurs. La ligne est ouverte en 1899.

la “Ligne du fou” sur les cartes de l’époque.
Spectaculaire locomotive “Garratt” 141+141 en voie métrique, sur le réseau du Kenya dans les années 1950.

Nairobi, petite ville inconnue perdue dans des montagnes brûlantes, trouve son importance dans le fait que la direction des chemins de fer s’y établit en 1903, fuyant les incertitudes politiques de Mombasa. Aujourd’hui la Kenya Railways Corporation (KRC) exploite un réseau de plus de 2.000 km de lignes d’une manière exemplaire. Le musée ferroviaire de Nairobi est à visiter en attendant de poursuivre le voyage.

Un choix crucial est à faire : tant que l’on est sur le réseau kenyan, on est sûr d’avancer. On peut aller à Kampala et voir le lac Victoria, mais au-delà de Kampala la ligne poursuit sa course droit vers l’ouest, en direction du Zaïre sans y pénétrer ni se raccorder à un autre réseau, et s’arrête à Kilembe. Il est possible de prendre la ligne filant vers le nord-ouest et atteignant Arua. La ligne traverse le Nil mais arrête sa course avant de toucher le Soudan. D’une manière comme d’une autre, il faut donc bien effectuer un parcours de 800 km environ par la route jusqu’à Wau, au Soudan, où l’on pourra trouver, de nouveau, une ligne de chemin de fer.

Au Soudan : rechercher l’eau et evacuer le sable.

Le reste du voyage grâce aux correspondances existant entre les réseaux ferrés soudanais et égyptien, ceci avec les bateaux sur le Nil. Le Soudan, est un pays légendaire, celui de la recherche des sources d’un Nil mystérieux, et c’est aussi un réseau ferré attachant.

A l’époque où les explorateurs et les militaires disparaissent sans laisser de trace ou d’explication , les Anglais envoient, en 1895, un général Kitchener à la recherche d’un général Gordon qui manque à l’appel depuis une dizaine d’années, disparu du coté de Khartoum. Kitchener, pour entreprendre ce qu’il pense être une longue guerre d’usure, construit un chemin de fer en écartement de 1067 mm depuis Wadi Halfa, près de la deuxième cataracte du Nil, pour court-circuiter une boucle du fleuve et atteindre Atbara à plus de 300 km de là. La ligne est parcourue par des locomotives à condensation pour pallier le manque d’eau du désert de Nubie. La bataille recherchée est livrée en 1897 et le Soudan devient un condominium anglo-égyptien, mais dans les faits, c’est bien une colonie britannique.

Prolongé jusqu’à Khartoum, le chemin de fer de Kitchener devient l’embryon du réseau soudanais, desservant Port Soudan sur la mer Rouge dès 1906. Après l’indépendance du Soudan en 1955, le réseau est étendu pour atteindre un total de 5400 km environ. En direction du sud, le réseau pousse jusqu’à Wau en 1961, soit à 1400 km de Khartoum,  atteignant le point-kilométrique 2320 compté au départ de Wadi Halfa. Un bel exploit ! Mais le réseau soudanais renonce à aller plus loin. Le rêve de Cecil Rhodes est donc bien enterré en 1960, plus d’un demi-siècle plus tard, et au Soudan.  

Les deux grandes difficultés du réseau soudanais sont le manque pratiquement total d’eau, gênant du temps de la vapeur, et l’abondance de sable. Pour le manque d’eau, il a fallu creuser de nombreux et profonds puits, et construire de très nombreux wagons citernes de 22 tonnes de charge utile et les faire circuler sur l’ensemble du réseau pour tenir pleines de nombreuses réserves en divers points des lignes.

Pour ce qui est du sable, il est chassé en permanence par les vents dominants et qui obstrue les voies. Ce sable s’infiltre partout, et fragilise le matériel roulant et les installations, notamment les organes de roulement ou les articulations des appareils de voie. Il augmente les frais d’entretien. On a tout essayé : des chasse-sable fixés aux locomotives, des clayonnages et des haies en osier ou en joncs tressés. Mais l’inconvénient est que le sable s’amoncelle au pied du clayonnage et finit par passer par-dessus ce clayonnage : il va alors va se déposer sur les rails, et reste en place, protégé alors du vent par le clayonnage lui-même !

Le manque d’eau a fait que la traction diesel a pris en charge l’ensemble des trains du réseau dès les années 1950. Aujourd’hui le réseau compte environ 160 locomotives diesel, 380 voitures et 6000 wagons. Le trajet jusqu’à Khartoum est très long et lent, mais offre une manière de traverser le désert d’une manière confortable, et en pouvant tranquillement observer des paysages qui sont, habituellement, vus dans des conditions éprouvantes par la route. Le Nil sera traversé, pour la première fois sur le réseau soudanais, à Kost, puis retrouvé à Khartoum. Le voyage se poursuivra, toujours par le rail, jusqu’à Wadi Halfa, lieu d’origine du réseau soudanais. On prend alors congé de la voie de 1067 mm, et, après cet écartement et le métrique, l’on passera sur le troisième écartement rencontré depuis Le Cap : la voie normale.

Le réseau du Soudan (sur fond gris clair) dernière étape avant l’Égypte. Carte Chaix de 1967.
Sur le réseau du Soudan, avec le “Sunshine Express” Haïfa-Khartoum de l’intrépide et entreprenante CIWL en 1925.

L’Egypte, enfin.

On devra pénétrer en Egypte par le bateau sur le Nil, et naviguer sur le lac artificiel Nasser jusqu’à Aswân, et voir, au passage, le temple d’Abou Simbel qui fut rehaussé pour éviter une noyade sous les eaux du lac.

Nous sommes sur le réseau égyptien, le dernier de notre fantastique voyage. Puisqu’il a été l’objet d’investissements lourds permettant la voie normale, il est de bonne qualité, et la Compagnie internationale des Wagons Lits a laissé une tradition d’excellents trains de luxe quand elle faisait rouler ses magnifiques voitures peintes spécialement en blanc et maintenant au frais, sous un double toit bourré de liège, des voyageurs cultivés et exigeants. Ces deux notions sont devenues moins caractéristiques des voyageurs qui s’entassent dans les trains égyptiens, voyageant par nécessité dans des trains bondés et étouffants.

La ligne suit le Nil jusqu’au Caire, permettant d’effectuer un voyage facile et confortable de 730 km. Il existe un train de nuit quotidien, très confortable en première classe, et qui ne demande que 14 h 30 mn pour rejoindre Le Caire, mais il prive des somptueux paysages égyptiens. Les gens qui savent « voyager », et non se « déplacer » n’hésitent pas dans leur choix et découvrent que les trains ne manquent pas pour permettre un voyage de jour, avec des arrêts fréquents et offrant d’excellentes possibilités de contacts avec les Egyptiens, très accueillants et chaleureux.

On trouvera même des voitures à air conditionné en première et deuxième classes. Les retards sont fréquents, mais les trains sont très sûrs. Le nombre de voyageurs accrochés aux portes et aux fenêtres est impressionnant sur les trains locaux croisés en marche. La ligne change de rive plusieurs fois, permettant de voir de nombreuses ruines comme à Asyut, et, peu avant Le Caire, on est sur la bonne rive pour voir, au loin, les pyramides et se jurer d’y revenir le lendemain. Bien entendu, il n’y a aucun obstacle pour se rendre à Alexandrie par un des nombreux trains du réseau du Delta et toucher la mer Méditerranée : d’un océan à une mer, la traversée de l’Afrique est ainsi intégralement faite et aura duré plus de deux semaines.

La gare du Caire, dans les années 1920. Cecil Rhodes ne l’atteindra jamais, du moins de son vivant et en train.
Locomotive très américaine sur le réseau égyptien avant la Première Guerre mondiale.
En 2007, ce document de l’Union Africaine des Chemins de Fer (UAC) annonce les grands “corridors” (terme à la mode) prévus pour les décennies à venir. Il semble qu’il n’en soit plus question de ces indispensables lignes et aucune n’est en cours de réalisation. Seul le Maroc a construit sa ligne à grande vitesse et fait rouler des TGV. On notera que le “Cap-Caire” n’est même plus un projet retenu officiellement.

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