L’Indochine des années 1930 : ce qu’il reste du rêve et du « Transindochinois ».

 

Au seul nom d’Indochine, pour des générations de Français, c’est, immédiatement, un univers magique et enchanteur qui apparait. Les noms de Cochinchine, d’Annam, du Cambodge, du Tonkin brillent encore aujourd’hui d’une gloire inchangée. L’Indochine est la perle de l’Empire, elle exerce la fascination la plus absolue, l’enthousiasme le plus débordant.

L’Indochine et son audacieux réseau ferré en 1928. En pointillés : les nombreux projets qui ne manquent pas.
Un bon demi-siècle plus tard, comme le montre cette carte de 1973, les projets n’ont pas été réalisés.

Le chemin de fer indochinois de cette époque a-t-il été à la hauteur des ambitions et les rêves ? Dès 1859, les Français sont déjà présents et, jusqu’en 1883, conquièrent la Cochinchine, dont elle fait une colonie, et impose son protectorat à l’Annam et au Tonkin. L’union indochinoise est formée en 1887 et c’est une période de paix qui s’instaure et qui dure jusque dans les années 1930 où Ho-Chi-Minh crée le parti communiste indochinois. L’empereur Bao Dai, nommé par la France en 1932, affrontera la lutte de l’indépendance du Viêt Nam et, en 1945, les Japonais établissent la république du Viêt Nam : c’est le début de la fin…

La défaite française de Dien-Bien-Phu en 1954 mène aux accords de Genève et à la séparation du pays en deux, un nord communiste au-dessus du 17e parallèle et un sud qui reste ouvert à l’occident. La lutte avec les communistes sera longue et cruelle, et la réunification du Viêt Nam ne se fait qu’en 1976, mais les violences continuent et le Cambodge, occupé, avec l’aide des Khmers rouges, ne retrouve son indépendance qu’en 1989. Inutile de dire que le réseau ferré indochinois, qui trouve son apogée pendant les années 1930 et 1940, est pratiquement anéanti durant les longues années de luttes et de récession qui occupent toute la moitié du XXe siècle en cette partie sud-est de l’Asie.

La situation générale du réseau indochinois en 1930.

En 1930, les lignes en exploitation des chemins de fer de l’Indochine, dont la longueur totale est d’environ 1900 km, sont réparties en trois réseaux, dont un réseau concédé et deux réseaux exploités directement par le Gouvernement général. Ces réseaux sont encore sans communication entre eux.

Le premier des trois réseaux est la ligne d’Haïphong à Yunnanfu, concédée à la « Compagnie française des chemins de fer d’Indochine et du Yunnan ». Elle est longue, dans sa traversée du Tonkin, de 395 km (dont 11 km sont communs avec la ligne d’Hanoï à Nacham), mais sa longueur totale s’élève à 859 km, dont 464 km en Chine.

Ensuite, on trouve le réseau nord, formant un ensemble de 979 km, comprenant la ligne d’Hanoï à Nacham (frontière de Chine), longue de 179 km, et la ligne d’Hanoï à Tourane, section nord du « Transindochinois » qui doit relier Saïgon à Hanoï et qui n’est pas encore achevé, comprenant une section longue d’environ 800 km.  

Belle animation vue en gare d’Hanoï dans les années 1950. Le casque colonial l’emporte sur le couvre-chef local. Doc. Lartilleux.


En troisième lieu, on trouve le réseau sud, formant un ensemble de 557 km. comprenant la ligne de Saïgon à Mytho, longue de 70 km, et La ligne de Saïgon à Nhatrang, section sud du « Transindochinois », longue de 487 km, y compris l’embranchement de Dalat.

L’ensemble des dépenses d’établissement du réseau indochinois s’élevait, au 31 décembre 1929, à très exactement 321 627 562 francs, d’après les textes de l’époque, non compris les dépenses pour la partie chinoise du chemin de fer du Yunnan (la ligne entière du Yunnan a coûté 243 581 163 francs). À la même date, l’effectif du personnel comprend approximativement 330 européens et approximativement 11 200 « indigènes » selon les termes en usage.

Le parc du matériel roulant est alors de 236 locomotives, 500 voitures et 1540 wagons. Le nombre des voyageurs des quatre classes à toute distance s’est élevé, en 1929, à plus de 11 millions, dont à peine 300 000 les trois premières classes, le nombre des voyageurs kilométriques dépassant 488 millions, soit un parcours moyen par voyageur de 42,7 km. Les recettes sont en diminution de 15% en 1929 par rapport à l’année précédente, en raison principalement de la baisse de la piastre d’Indochine. La crise mondiale n’épargne donc pas le paradis indochinois…

Jolie petite machine, construite par la SACM en 1905, pour le réseau en voie métrique de Cochinchine. Doc. HM Petiet.
Très belle locomotive du type “Décapod” ou 150, une rareté en voie métrique, photographiée par Guy Rannou à Saïgon, en 1945.
Le réseau indochinois a disposé d’un parc de locomotives de qualité exceptionnelle, notamment avec la présence, très rare en voie métrique, de “Pacific” les plus modernes.
Train remorqué par une “Pacific” sur le réseau indochinois, vu vers 1945.
En général oubliés dans les articles et statistiques publiés à l’époque, des petits autorails Decauville en voie métrique, inspirés par les fameux “Decauville à capots” ou “Nez de cochon” ZZ1 à 9 PLM puis X-52000 SNCF de la ligne des Alpes, ont circulé en Indochine.
Les fameuses “Michelines” en voie métrique, à moteur Panhard, n’ont pas seulement circulé sur l’île de Madagascar, mais aussi en Indochine. Doc. Lartilleux.
Le matériel voyageurs était, semble-t-il, assez rustique (pour ne pas dire “hard”) si l’on se fie aux catalogues de l’un des fournisseurs, la compagnie Franco-Belge – du moins en 3ᵉ classe. Ici, la légende du catalogue indique, sans doute par erreur, une voiture de 1ʳᵉ classe : il s’agit, sans nul doute, d’une 3ᵉ, voire une 4ᵉ classe. Si on est en 1ʳᵉ classe, alors que doivent être les classes inférieures ?
Pour ces sympathiques et obligeants ingénieurs et techniciens “expats”, la 1re classe est un minimum requis avec ses sièges en cuir bien confortables, et de bonnes bières glacées formant, quand même, une nécessité professionnelle.
A l’autre extrémité de la hiérarchie sociale, du côté du peuple assoiffé de progrès technique et de culture occidentale, le dur contact avec les bancs de la 4e classe ne faisait, semble-t-il, que motiver d’autant plus un désir profond de ce que les députés de gauche de l’époque auraient appelé “une saine promotion sociale”.


Ainsi donc, les trois premières voies ferrées, qui figuraient déjà au programme général de mise en valeur de l’Indochine (programme de 1921) sont toujours à l’ordre du jour dans la décennie suivante. La seule innovation en ce qui les concerne est désormais que la construction du chemin de fer de Saïgon à la frontière du Siam, qui n’était qu’en quatrième position dans le programme général, prend la priorité dans le programme actuel en ce qui concerne la section médiane de Pnom-Penh à Battambang.

L’évolution du réseau ferré indochinois, d’après la célèbre et incontournable “Géographie des chemins de fer français” de Henri Lartilleux, en deux tomes parus au début des années 1950 chez Chaix, que nous recommandons vivement.


Les quatre grands chantiers prévus pour les années 1930.

La ligne de Phnom-Penh à Battambang est le premier de ces quatre grands chantiers. Elle constitue la section médiane du chemin de fer de Saïgon à la frontière du Siam (voir la carte) . C’est aussi la partie la plus immédiatement productive de ce chemin de fer. Elle reliera le port fluvial de Phnom-Penh à Battambang qui est le centre de production du paddy.

Cette ligne répond à un double souci, politique et économique. D’une part, le gouvernement royal du Cambodge a insisté vivement, depuis de nombreuses années, auprès du Gouvernement général de l’Indochine pour que son territoire, qui n’a jusqu’à présent été touché en aucun point par le réseau ferré indochinois, obtienne satisfaction. En outre, la progression vers l’est du réseau ferré siamois doit amener le Gouvernement de l’Indochine à envisager dans un avenir assez proche une liaison par le rail entre Saïgon et Bangkok, qui assurera entre ces deux villes des échanges commerciaux et une circulation touristique dont le développement ne peut être que profitable aux deux pays : la ligne projetée constitue l’amorce de cette liaison.

D’autre part, la région rizicole de Battambang est l’une des plus riches du Cambodge, mais l’insuffisance de la navigation, impossible en dehors de la saison des crues, rend difficile l’exportation des récoltes. La construction d’une voie ferrée qui reliera la région productrice au port fluvial de Phnom-Penh, relié lui-même par le Mékong au grand port d’exportation des riz, entre Saïgon et Cholon, assurera de façon permanente, et en même temps économique, un débouché à toute la région rizicole qui s’étend jusqu’aux frontières du Siam. On évalue à environ 120 000 tonnes par an la quantité de paddy qui a été exportée de cette région au cours des dernières années, mais elle pourra atteindre facilement 200 000 tonnes lorsque la construction du chemin de fer aura permis la mise en valeur des surfaces cultivables encore disponibles.

Enfin, la ligne projetée permettra également de développer la colonisation indigène dans les régions situées au sud des Lacs, régions actuellement incultes, faute de moyens suffisants de communication. La longueur totale du tracé entre Saïgon et la frontière du Siam est de 640 kilomètres, l’estimation des dépenses s’élève, pour toute la ligne, à 46 millions de piastres.

La construction de la ligne de Tourane à Nhatrang est le deuxième grand chantier.  Longtemps réclamée, elle supprimera la dernière lacune existant sur le « Transindochinois », qui doit assurer la liaison entre les capitales de la Cochinchine et du Tonkin, liaison commandée par des nécessités à la fois politiques et économiques. La colonie a inscrit, en première urgence, dans son programme de voies ferrées, la construction du tronçon Tourane-Nhatrang par le tracé côtier. Cette construction permettra, en assurant une liaison complète entre le Tonkin et la Cochinchine, l’envoi, par la région surpeuplée du nord de la colonie, de la main-d’œuvre nécessaire à la mise en valeur et à l’exploitation des richesses agricoles de la Cochinchine. Elle permettra, en outre, une évacuation permanente des récoltes provenant des plaines irriguées du Centre et du sud de l’Annam.  

La troisième ligne est celle de Tanap à Thakhek. De l’avis unanime de ceux qui s’intéressent à l’Indochine, un des problèmes les plus urgents est le « déblocage » du Laos (ce terme d’époque ayant été remplacé par le très technocratique « désenclavement » depuis…). Ce pays, qui constitue un riche domaine, où se révèle chaque jour l’existence de nouvelles richesses à exploiter, n’est pour ainsi dire pas relié à l’extérieur. Les routes (comme celle de Donglioï à Savannakhet et Vinh à Thakhek par Napé), comme le fleuve Mékong, cependant desservi par une ligne de navigation à vapeur, ne peuvent plus, actuellement, suffire aux besoins du Laos et le drainage commercial du pays exige désormais un chemin de fer réunissant le Mékong à la mer.

Déjà, les Thaïlandais poursuivent cet objectif avec activité : leur réseau ferré venant de Bangkok atteindra prochainement Oubone, non loin du Mékong. Ils travaillent, d’autre part, sans arrêt, au chemin de fer qu’ils auront terminé dans cinq ou six ans, de Korat à Nong Khai (en face de Vientiane). Ils envisagent même la construction d’un embranchement venant encore aboutir au Mékong, an nord de Lakhone, en face de Pak-Hin-Boun, le port fluvial des riches mines d’étain de la vallée de la Nam-Patène. Ils pourraient ainsi transporter par voie ferrée, sans rupture de charge, les concentrés d’étain du Mékong aux usines d’affinage de Singapour.

Un chemin de fer de la côte d’Annam au Mékong apparaît donc, pour le Gouvernement de l’Indochine, à la fois comme une nécessité économique et comme une nécessité politique.
Plusieurs tracés de voie ferrée réunissant la côte d’Annam au Laos ont été envisagés. Deux seulement ont paru intéressants et ont fait l’objet d’études complètes. Tous deux ont leur origine sur le « Transindochinois », le premier part de Donghoï et aboutit à Ken-Ke-Bao, au nord de Savannakhet, le second part de Tanap et aboutit à Thakhek. Le tracé de Tanap à Thakhek a été finalement retenu parce qu’il est le plus court (un peu plus de 180 km an lieu de près de 350) et parce qu’il met le Mékong, par voie ferrée, à seulement 285 km du port maritime de Benthuy, au lieu de 525 km par le trajet Keng-Ke-Bao-Donghoï et Tourane, enfin parce qu’il rapproche le Laos du Tonkin, avec lequel les échanges seront certainement les plus importants. La dépense, estimée à 276 millions de francs, donne une moyenne kilométrique de 468 000 francs, représentant un chiffre élevé, explicable par la traversée de la chaîne de l’Annam, qui s’étend sur les trois quarts du parcours.

La gare de Tourane vue dans les années 1950.


Enfin, en quatrième lieu, la section de Saïgon à Tayninh fait partie de la ligne projetée entre Saïgon et Phnom-Penh. La construction prochaine de cette section a été demandée instamment par les corps élus de Cochinchine, en remplacement de la construction d’abord envisagée de la section de Battambang à la frontière du Siam (Thaïlande) de la même ligne. L’exécution de la section au-delà de Battambang ne peut, en effet, être commencée qu’après l’achèvement de la section de Phnom-Penh à Battambang, dont la construction a été confiée à la Compagnie Générale des Colonies. D’autre part, l’exploitation de la section de Battambang à Sisophon, qui prolongera celle de Phnom-Penh à Battambang, déjà concédée à la Compagnie Générale des Colonies, ne pourrait être effectuée que par le même concessionnaire, en raison de son peu d’importance et de son éloignement de tout antre réseau. Par contre, la construction du tronçon Saïgon à Tayninh, directement greffé sur le réseau déjà exploité par la colonie, réservera la possibilité d’en assurer l’exploitation par la colonie elle-même sans attendre l’achèvement du tronçon de Phnom-Penh à Battambang. La longueur de la section de Saïgon à Tayninh est de 97 kilomètres, et la dépense est évaluée à 60 millions de francs.  

La gare de Ohu-Lang à Thuong. Années 1950. De curieux chargements très couleur locale encombrent le quai et même les voies : quel lecteur de ce site, ancien colonialiste repenti (comme il se doit), pourra nous expliquer discrètement de quoi il s’agit ?
La très belle gare de Dalat, vue dans les années 1950.

1930: le « Programme Doumer » et le « Transindochinois ».

Le « Programme Doumer » de 1898 avait prévu la construction d’un réseau indochinois de 1627 km de lignes payées par un emprunt de 280 millions de francs, et, en 1930, la France a ainsi construit une grande partie du réseau ferré de l’Indochine, et particulièrement ce qu’elle appelle fièrement le « Transindochinois » à qui il ne manque plus qu’un tronçon central d’environ 550 km séparant Tourane de Nha-Trang qui sera achevé en 1936.

Mais il faut parachever l’œuvre et, outre l’ouverture intégrale du « Transindochinois », un autre grand projet est mis à exécution : la liaison Saïgon-Phnom-Penh. Cette ligne desservira le nord de la Cochinchine et l’ouest du Cambodge, mais surtout, elle reliera le réseau indochinois au réseau siamois et permettra de terminer une immense boucle autour de la mer de Chine et du golfe du Siam pour relier la Chine à la Birmanie et l’ensemble des pays de la Malaisie. Le décret du 26 novembre 1928 autorise l’établissement de la voie entre Phnom-Penh et Battambang et la Compagnie Générale des Colonies est chargée de la construction et de l’exploitation de la ligne qui sera rapidement mise en service en 1933. Mais les autorités françaises hésitent à pousser la ligne jusqu’à la frontière siamoise, car ils craignent que la population indochinoise ne soit englobée dans la sphère d’influence du Siam, et trouvent, en fin de compte, que le service de navigation comme les services routiers déjà existants suffisent pour le moment…..  

Le pont Doumer vu dans les années 1900. Document “Rail-Route”.

Les particularités du  réseau cambodgien.          

Le Cambodge est initialement une province de l’Indochine française, et elle ne reçoit sa première ligne de chemin de fer que vers 1931, quand une ligne est construite entre Phnom-Penh, la capitale de la province et la frontière siamoise (la Thaïlande d’aujourd’hui).

Depuis, bien des projets ont vainement attendu de voir le jour. Sans que l’on puisse parler de la construction d’un réseau cambodgien, la ligne de Phnom-Penh à Battambang est toutefois prolongée jusqu’à la frontière siamoise ultérieurement et le réseau de cette partie de l’Indochine appelée Cambodge restera ainsi fixé, à partir de cette période, avec 649 km de lignes en voie métrique. Le traité de Tokyo, signé en 1941, oblige la France à remettre à la Thaïlande les provinces de Battambang, qui, en 1946, reviennent de nouveau en Indochine. Cet épisode arrête la progression des lignes et l’indépendance du Cambodge en 1953 fixe définitivement le réseau ferré.  

Mais une histoire politique très mouvementée, avec l’établissement de la République Khmère en 1970, puis un retour à un régime de type socialiste en 1975, met à mal l’essor économique du pays et l’extension du réseau ferré n’est pas plus envisageable que d’autres grands investissements. Toutefois, le retour à une période de paix s’est effectué. Entièrement détruit par suite de longues périodes agitées, le réseau cambodgien a retrouvé, récemment, toute son activité sur ses 600 km de lignes ouvertes, mais pour un pays comprenant 7 millions d’habitants, le réseau reste très restreint et son offre est insuffisante.  

Le réseau vietnamien.

Un reste des rêves colonialistes français, le réseau ferré du Viêt Nam devait être, à l’époque de sa construction, un modèle, mais il témoigne, par son état actuel, du destin tourmenté et tragique que connurent bien des empires sous de lointaines latitudes. Toutefois, l’espoir renaît aujourd’hui et sans nul doute le Viêt Nam fera partie des « bébés tigres » de l’Asie.  

Après un tiers de siècle de guerre, après quinze années de pénurie, le Viêt Nam est un pays dont l’économie est à reconstruire entièrement. Pour ce qui est de son réseau ferré, plus de 1600 ouvrages d’art sont détruits, tandis que le matériel roulant est, à plus de 50% du parc, hors service pour manque de pièces détachées et d’installations d’entretien, et ce qui est encore en état de rouler accuse un âge de plus d’un demi siècle dans un nombre important de cas.  

Le réseau comprend surtout la ligne principale Hanoï-Ho Chi Minh Ville, longue d’environ 1700 km, complétée par moins de 1000 km de lignes secondaires. Construit par la France quand le pays s’appelait l’Indochine, et par la volonté de Paul Doumer qui voulait doter le pays d’un système cohérent et de qualité, le réseau est à voie métrique et devait se raccorder avec celui de la Thaïlande (à l’époque : le Siam) et ainsi avec celui de la Birmanie pour former un grand réseau ferroviaire de l’Asie du Sud-est. Mais la grande ligne Hanoï-Saïgon ne sera terminée qu’en 1936… juste à temps pour être détruite cinq années plus tard et ne jamais revoir le jour, puisque exposée à une succession quasi permanente de guerres continues et cruelles pendant toute la seconde moitié du XXe siècle. Les lignes partant d’Hanoï vers la Chine, en direction du Nord, ont eu plus de chance après leur construction au début du siècle (1902-1903) et l’une d’elles a même été convertie en voie normale.

Audacieux ouvrage d’art dit du Faux-Xam-Ti.

La situation au Viêt Nam à la fin du XXe siècle.

Le trafic annuel pour le réseau vietnamien est alors de l’ordre d’une dizaine de millions de voyageurs, ce qui reste très modeste pour l’ensemble du pays. Ce trafic est assuré pratiquement par la seule grande ligne Hanoï-Ho Ch Minh Ville, et la mobilité moyenne de chaque habitant est, sur le plan ferroviaire, de seulement 30 km, chiffre très bas dont on peut déduire que chaque Vietnamien ne prendrait le train, statistiquement, que tous les 6 à 7 ans. Il est certain que, le pays entier ne disposant que de 2700 km de lignes environ pour une surface de près de 330 000 km², beaucoup de Vietnamiens ne voient jamais passer un train dans leur région ou n’en ont jamais vu de leur vie.  

Mais une population d’environ soixante-dix millions d’habitants représente une possibilité de développement réel, même si les transports par voie d’eau sur le Mékong ou les progrès de l’aviation sont des concurrents sérieux en puissance : le chemin de fer aura, en face de la voie d’eau, l’atout de la vitesse, et, en face de l’avion, l’atout du bas prix énergétique, du bas prix du voyage, et celui de la possibilité du transport de masse des marchandises.      

La gare de Phan-Tiet dans les années 1950. Le port de l’élégant et efficace “chapeau chinois” ou “douli” s’est perdu, y compris en Chine. On notera que les “colonisateurs” cuisaient sous la casquette ou se convertissaient au casque colonial.
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