Les magasins de trains miniatures parisiens des années 1950 : la naissance du “00” puis du “H0”.

Comme nous l’avons plus longuement décrit dans un des chapitres de notre ouvrage “Un siècle de trains miniatures en France 1915-2015” (Editions LR-Presse) il a existé, plus particulièrement à Paris et dans quelques rares grandes villes de province, un monde merveilleux formé de véritables cavernes enchantées d’Ali-Baba, un monde fascinant dans lequel on pénétrait avec respect et admiration : celui des magasins de trains miniatures.

Magnifiquement situé dans la “rotonde” de l’ancien passage du Havre avant de disparaître lors de la reconstruction du site entre 1994 et 1997, le magasin “Au Pélican” était, dans les faits, un bel ensemble formé de plusieurs magasins consacré au modélisme d’une manière générale. Le modélisme ferroviaire y était très privilégié avec, dès les premières années 1950, une production de wagons à marchandises de haut niveau proche de celle de la marque VB.

Apparus dans les années 1920, ils ont disparu dans les années 1970, tués par la grande distribution des coffrets de trains miniatures dans les magasins de jouets généraux genre “Toys” et Cie, dans les “grands magasins” parisiens. Oubliés aujourd’hui, ces magasins à l’ancienne permettaient de pouvoir toujours tout acheter, à tous les prix, y compris un rail droit au détail, un attelage, un tampon, de la visserie, jusqu’à des modèles de prix élevés produits par des marques prestigieuses. On pouvait même s’y promener, tout simplement, et partir à la découverte des nouveautés ou des occasions.

Des magasins ? Non, ils étaient beaucoup plus que celà. Ils étaient, disons, des temples, des lieux de culte, dont les prêtres étaient non seulement le “père fondateur”, le “gourou” comme on dirait aujourd’hui. Un “père” donc ? Oui, le patron, était professionnellement un fin connaisseur, un pratiquant de longue haleine, un “mordu”, pas toujours disponible ni patient quand il y avait un afflux de clients “pinailleurs”, mais toujours compétent, lui-même modéliste ferroviaire militant de longue date.

C’est pourquoi, dans le monde des modélistes, on ne citait jamais le magasin, mais on citait le patron, en général, en disant “le père….” .On ne disait pas “Baby-Train” mais “chez le père Perrin”, ou on ne disait pas “Au Pullman” mais “chez le père Allard”, on ne disait pas “Tous les trains” mais “chez le père Froment”. Souvent bourrus, mais constamment à l’écoute de leur grand cœur qui les dirigeait, ils savaient faire le prix à la tête du client et accorder une ristourne estimée en claquant de la langue ou des doigts.

En France tout commence avec la science.

Le magasin de jouets scientifiques fut l’ancêtre de ces magasins de modélisme. Il est oublié, aujourd’hui. Or la première décennie du XXe siècle n’est pas inactive sur le plan du modélisme ferroviaire français. Beaucoup de cheminots, dotés personnellement d’un petit tour et d’un outillage de mécanique générale, construisent des modèles de locomotives ou de matériel remorqué, comme en fait foi la lecture d’une collection des revues professionnelles comme le « Bulletin PLM » ou encore le « Paris-Orléans illustré ». Des amateurs non-cheminots s’y mettent aussi, et il n’est pas rare que leurs modèles se retrouvent dans des expositions locales, organisées par les anciennes compagnies ou non, ou par des associations de cheminots, des œuvres de bienfaisance.

Il se crée à Paris, à la Belle époque, des magasins d’”électricité-photographie-jouets scientifiques”, réunissant à la fois ce qui est un esprit de progrès et de mode de vie avec l’électroménager naissant, mais aussi de loisirs scientifiques avec la photographie ou les machines à vapeur, savent créer un marché qui répond à un goût pour les techniques, la civilisation industrielle.

Un stand Brianne dans une exposition : le contenu du magasin et sa vocation sont bien exposés : au fond, le “Train Géant” en voie de 140 mm, puis, devant, les gares parisiennes en écartement “1”, et, au premier plan, les coffrets de chimie ou d’électricité.
Un train électrique du type monorail suspendu fabriqué par Brillié au début du XXe siècle. Les piles au bichromate de potassium, dans des fragiles “ballons” en verre, ne sont pas à mettre entre les mains des enfants…

Le magasin ouvert par le pionnier Lucien Brianne est un excellent exemple de cette démarche. Ouvert en 1889 au 2 ter, boulevard Saint-Martin, sous la forme d’un commerce en jouets scientifiques électriques, le magasin vend des ampoules, des éclairages, des moteurs, de petites machines et outillage divers, et ajoute à cela une dimension ferroviaire avec une importation de trains allemands Bing et Carette sous la forme de quelques modèles haut de gamme proches du modèle réduit par leur aspect. Brianne propose aussi, des reproductions de gares parisiennes, assez naïves et de facture très jouet et qui devaient compléter ces trains qu’il vend dans des coffrets savamment recomposés et garnis d’accessoires électriques. Bref, “être moderne”, donc avoir l’électricité chez soi, c’est être ferroviaire puisque le “train électrique” est la premuière manifestation de l’électroménager !

Le train-jouet, pas encore modèle réduit, est utilisé par Brianne seulement à titre d’application de l’électricité dont il a fait sa grande cause, et c’est pourquoi il vend des tramways et des métros soit intégralement construits sur place, soit obtenus à partir de la transformation de jouets Bing : en 1900, il faut le dire, le métro et la traction électrique sont la grande mode, et considérés comme le plus grand progrès scientifique qui soit.

Et puis, en 1905, Brianne se distingue avec son fameux « Train Géant » sur voie de 140 mm comprenant une 230 PLM et des voitures assorties, et dont un exemplaire (unique?) circule pour Noël 1905 sur un réseau exposé aux Galeries Lafayette. Cet exemplaire a été retrouvé par un amateur alsacien et restauré durant les années 1990 : une merveilleuse aventure.

Un des plus grands collectionneurs au monde, le regretté Comte Antonio Giansanti, a rêvé toute sa vie de retrouver ce train dont il ne possédait… qu’un rail courbe. Ce train est aussi présenté en vitrine, sous une forme statique, au musée Galliera qui servait de lieu pour des expositions temporaires à thèmes très variés, comme celui de « L’art pour l’enfance – Jouets électriques » à laquelle Brianne participe.. La firme disparait à la veille de la Première Guerre mondiale.

Brianne présente son “Train Géant” sur son catalogue. Un seul exemplaire connu et restauré aurait circulé dans le grand magasin des Galeries Lafayette en 1905. Il s’agit non vraiment d’un jouet mais d’une maquette d’exposition.

De la photographie au train miniature en passant par … la phonographie et même la TSF.

Le magasin « Photo-Phono » au 6, rue du Château d’eau, dans le 10e arrondissement de Paris est, on peut le penser, le dernier véritable représentant de cette particularité qu’est le magasin de jouets scientifiques de la fin du XIXe siècle, restant jusqu’à sa fermeture un magasin qui ne s’est pas intégralement converti aux modèles réduits ferroviaires – sauf pour la vente de trains Marescot dans les années 1920. Ce magasin conserve jusqu’à la fermeture ses rayons de curiosités scientifiques diverses, de jeux de chimie ou d’électricité, de machines à vapeur, de postes TSF à galène ou à lampes, d’appareils d’optique et, bien sûr d’appareils photo.

D’autres magasins de jouets scientifiques sont ouverts peu avant la Première Guerre mondiale, ou, plus le plus grand nombre d’entre eux, entre les deux guerres dans les grandes villes de province, comme « Grenoble-Photo-Hall », ou encore Lavigne à Limoges, Baissade à Marseille, Pérot à Nice, Electra à Perpignan, Doudet ou Gavrel à Rouen, etc.

L’esprit « Meccano », lancé en 1902 par un certain Anglais du nom de Franck Hornby, n’est pas loin de celui de ces magasins, mais ces magasins ne vendront pas ce jouet qui reste bien dans le camp du jouet par l’aspect des modèles (“Ah ! Les trous…”), même si, certes, des boîtes d’engrenages très complexes franchissent le pas en direction non du modélisme, mais d’une certaine pédagogie éducative. Le petit garçon “fait” du Meccano, mais ne sera pas ouvrier dans la métallurgie et sera ingénieur… et sa soeur jouera à la poupée et sera une maman exemplaire.

Sur le catalogue de 1928 du Bazar de l’Hôtel de Ville, sur la même page, les jouets électriques et la TSF cohabitent en bons voisins et en tant que loisirs relevant des mêmes compétences et préoccupations. Les trains sont du JEP “Mignon” ou du “0” classique. L’usine à vapeur avec ses machines pourrait être de l’Edobaud ou d’importation allemande. On notera la présence d’un “téléphone d’appartement” : l’époque bénie du “Smartphone” actuel est encore à ces années-lumière !

L’évolution à partir du magasin de jouets vers le magasin de modèles réduits.

Mais, dans ces années d’entre les deux guerres, ces magasins comme la « Maison des trains » ou « Au Pélican » sont bien, ne nous y trompons pas, des magasins de jouets d’abord et avant tout, et garantissant la qualité auprès de familles désireuses d’être bien servies. Le “Meccano” y est présent, avec les trains Hornby et plus tard les Dinky Toys. Il faut dire que les trains sont bien devenus les rois des jouets, et le « train électrique » est pieusement acheté pour le Noël de la dixième année de chaque garçon de bonne éducation par une famille qui, souvent, fait cotiser oncles et tantes, parrains et marraines, pour réunir la forte somme nécessaire à l’acquisition de ce jouet qui est destiné à meubler une adolescence entière – d’autres sujets d’exploration comme les cousines et les jeunes filles en fleur, façon Proust, attendront : le train électrique formera un rempart « scientifique », donc technique et sain, contre ces tentations…

Rangé avec soin dans son carton, augmenté d’année en année avec des accessoires, le train-jouet haut de gamme, comme la “Flèche d’or” JEP, doit donc s’acheter dans une maison sérieuse, et si ce n’est pas au « Nain bleu », ce sera à la « Maison des trains » pour les familles les mieux informées. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les premières publicités de ces magasins de trains fassent allusion à leur stock « Meccano » ou proposent des « aiguillages à cœur mobile sans contre-rail » permettant la circulation de toutes sortes de matériel roulant, y compris, donc, de type jouet.

La montée en puissance du “00” devenu “H0”.

Ces magasins resteront d’ailleurs fidèles à leurs grandes marques de type jouet jusqu’au bout, n’abandonnant un Jep ou un Hornby que quand ces marques traditionnelles disparaissent à la fin des années 1960, poursuivant alors l’essentiel de leurs ventes avec d’autres grandes marques importées, notamment allemandes comme Märklin ou Fleischmann, mais ignorant un nouveau venu, Jouef, qui se tourne résolument vers les grands circuits et distributeurs comme Monoprix et autres Prisunic.

Par exemple, le catalogue français de la marque allemande Fleischmann ne présente, en 1959, que des modèles de type purement allemand, certes de très haute qualité mécanique. Ce manque de matériel français poussera les détaillants parisiens à faire appel aux productions artisanales.

La présence de produits purement de type modéliste, d’origine artisanale, ne représentera jamais qu’une dimension assez marginale pour leurs chiffres d’affaires – sauf pour les quelques magasins qui mettent en place une production sous forme de spécialité maison très ciblée  (pensons à Baby-Trains, Au Pullman, Clarel ou encore Transeurop, etc.). L’ensemble de ces détaillants vise surtout la nouvelle génération de modélistes qui, nombreux et étroitement logés, manquent de place, trouvent que le “0” (échelle du 1/43,5e) est trop envahissant, et qui se tournent vers le “00” (échelle non normalisée, environ du “0” divisé par deux, mais aux dimensions forcées pour loger les moteurs). Le “00” se normalisera en “H0” (échelle du 1/87ᵉ), les deux étant sur une voie en écartement de 16,5 mm, soit la moitié de la voie en “0” (32 mm). L’âge d’or des gros trains en “0” est fini (voir notre article “Les années Fournereau” en tapant directement “lamming fournereau” sur Google).

Les locomotives en “00” des années d’après-guerre comme celles des artisans ou petites firmes Vuillaume, Antal, Fex, sembleraient, aujourd’hui, bien pataudes et grossières en comparaison avec ce qui se fait actuellement, mais, à l’époque, elles passaient pour des merveilles et leur prix inaccessible les rendait encore plus désirables.
“Pacific” PLM Antal, voitures SMCF, le tout en métal moulé lourd, et voies à railconducteur central en laiton sur traverses en bois : voilà ce que l’on pouvait trouver, si on aimait le “00” à l’époque. La gare est en “Isorel” et carton. Noter les urinoirs publics ornés d’une publicité “Purodor” : un “must” humoristique de ces années 1950.
Les variété et variations à l’infini des wagons “VB” : l’ensemble de ces détaillants les vendait, et certains, comme “Au Pélican”, commandaient des variantes de décoration spéciales.

Peut-être que tout a commencé à “La Source des Inventions” ?

Au printemps de 1929, le fameux « A La Source des Inventions », ouvert à Paris au 56, Bd de Strasbourg et par une respectable dame dite “la mère Michel”, marque la transition vers le magasin spécialisé en modélisme sans être spécialisé dans le train miniature, et se transformera assez rapidement en un véritable temple du modélisme sous toutes ses formes pendant les premières années 1930.

Il faut dire qu’il se dessine assez nettement, vers la fin des années 1920, un mouvement vers une spécialisation en modélisme général, puis ferroviaire, soit parmi les anciens magasins de jouets scientifiques, soit pour de nouveaux venus sur ce marché et qui en ont compris la spécificité. Il est impossible de passer sous silence, pour le moins, un magasin pionnier comme « Les Modèles Railway»  et un lieu mythique, le fameux passage du Havre avec ses deux magasins, « La Maison des Trains » et « Au Pélican ». Mais les catalogues de la “Source des Inventions” précisent bien qu’il s’agit de “la plus ancienne et la plus importante maison de modèles réduits”.

Le catalogue de la “Source des Inventions” pour 1950. Magasin de modélisme généraliste, il n’oublie pas de privilégier le train, car seul le train, à une époque où la radiocommande démarre à peine avec des postes à lampes, la conduite d’un avion, d’un bateau ou d’une automobile avec minuscule moteur à essence n’a rien à voir avec celle, si aisée, du drone actuel. La CC SNCF n’est pas une allusion au modèle JEP en “0” qui n’est pas encore présent sur le marché.

“Les Modèles Railway”.

Le premier cité, « Les Modèles Railways » (ou «Modèles Railway » parfois), est ouvert à la fin des années 1920 par René Filleaud, sous une forme associée à l’enseigne « Au plat d’étain », au 37 quater (sic) rue des Saints-Pères, avant de s’établir au 116, Rue La Boétie, dans le 8ème arrondissement, avec une vitrine louée au 144, Ave des Champs Elysées, ce qui permet d’inscrire une adresse prestigieuse sur les catalogues.

René Filleaud, qui se présente, excusez du peu, comme « Directeur général et seul concessionnaire pour la France » vit dans un pavillon de banlieue, situé au 26 rue de Fleury, à Clamart, et établit, dans le jardinet situé derrière le pavillon, un beau réseau en « 0 » qui se prolonge dans un petit local situé au fond de la propriété. C’est tout petit, mais c’est fréquenté, car nombre de modélistes, clients du magasin, sont invités par René Filleaud à visiter le réseau ouvert au public tous les jeudis, de 14 à 17 heures.

C’est un réseau typique de l’époque, en trois rails, mais dont le talon d’Achille est qu’il passe sous la maison dans un tunnel en courbe dans lequel il ne vaut mieux pas qu’il y ait de déraillement ou de rat mort faisant obstacle. La partie du réseau située dans le local du fond du jardin est traitée avec un décor très « artistique » selon les critères très crèche de Noël de l’époque, mais dont le principal intérêt, à notre avis, est de comporter de nombreux appareils de voie de très haute qualité commandés par tringleries depuis un véritable poste d’aiguillage doté de leviers et d’enclenchements, dans la plus pure tradition britannique.

La fameuse vitrine des Champs-Élysées : ce n’est que du pur Bassett-Lowke anglais.

Ceux qui ouvrent le bal : tirez les premiers, Messieurs les Anglais.

Encore eux, donc ? Nous y voilà, car « Les Modèles Railway » vendent certes du Meccano (avec des publicités à l’appui dans « Meccano Magazine »), des bateaux à voiles ou à moteur, et se veulent spécialistes « en jouets scientifiques » revendiquant haut ce terme, mais aussi le magasin est bien concessionnaire de Bassett-Lowke, et l’ensemble des productions ferroviaires que l’on voit sur les premiers catalogues ne comprend que du Bassett-Lowke, bien anglais, et présenté sans l’avouer vraiment, sinon en disant « type des réseaux de Londres et North Western ».

Les locomotives du dépliant de 1928 sont décrites comme ayant « une charpente en plaques d’acier lithographié » et avec un « habillage dans les couleurs et lettres LNER ». Bref, la pratique un peu rapide du dictionnaire anglais-français qui peut donner « charpente » pour « construction », et la pratique aussi d’un sens de l’euphémisme commercial minimisant l’origine trop britannique des trains permet de tenir les premières années, et de satisfaire une clientèle d’amateurs peu regardants sur la nationalité des trains reproduits, pourvu que ce ne soit pas du train jouet.

Mais, à partir de 1930, « Les Modèles Railway » passent définitivement aux choses sérieuses avec l’artisan anglais Miller, Swan & Company  (qui semble être supplanté, du moins sur les publicités, par une mystérieuse firme française MRAC à partir de 1932) qui fournit des voitures type grandes lignes ou CIWL à caisse en bois. On notera que MRAC comporte, dans son appellation, les lettres « M » et « R », qui pourraient vouloir dire « Modèles Railways »., et d’autre part Marescot qui s’apprête à devenir Marescot-Fournereau. L’artisan anglais construit spécialement pour René Filleaud une assez étonnante gamme de maquettes en « 0 » reproduisant, avec une grande précision pour l’époque, du matériel français comme une 3.1200 Nord, une Mountain Etat (type Est), la 2D2 502 du PO, une 2D2 Etat. Mais Filleaud vend en magasin un très intéressant matériel voyageurs Fournereau, comme une voiture de banlieue à deux niveaux Etat, des voitures CIWL, Nord, et du matériel marchandises, ces matériels étant d’une fabrication complètement différente de celles de Marescot ou de Fournereau, et pouvant avoir été produits peut-etre par Lequesne.

Bien achalandé, bien dirigé, le magasin est un lieu où se retrouve l’élite du modélisme ferroviaire à l’époque, et il sait le rester jusqu’aux difficiles années qui suivent la Seconde Guerre mondiale. Certains modélistes ayant fréquenté ce magasin se souviennent surtout de Mme Filleaud, une femme d’une beauté exceptionnelle disent-ils encore, ce qui montre que ces Messieurs n’étaient pas seulement de purs et secs compteurs de rivets…Ces années-là sont celles du recul du « 0 » en face du « H0 », et de la production bon marché en plastique (Jouef, Gégé, Lima, etc.) que, bien entendu, la prestigieuse maison se refuse à vendre, prenant alors la décision de fermer.

Ne vendant que du train anglais, René Filleaud se décide enfin à produire des modèles français de fabrication artisanale et dont le bois est le matériau principal. Ici des voitures CIWL.

“Maison des Trains”.

La « Maison des Trains » est déjà présente dans les publicités de « Meccano magazine » en 1927 sous le nom des Ets Vialard, du nom de leur fondateur. Ah ! Mais, chez “le père Vialard”, ça ne rigolait pas et ce magasin, au sérieux réputé, était le temple du recueillement et le de la compétence. L’appellation « Maison des Trains » n’apparaît qu’au début des années 1930, lorsque, sans nul doute, ce magasin de jouets scientifiques se tourne vers le modélisme ferroviaire, domaine qu’il n’abandonnera plus ensuite jusqu’à ces toutes dernières années du XXe siècle, quand le magasin ferme à la suite de la démolition du fameux passage du Havre (datant de 1846) où il est installé. Présente sur la quatrième de couverture dès le premier numéro de Loco-Revue en 1937, la célèbre publicité pour la « Maison des Trains » dure jusqu’en décembre 1979, soit plus de quarante années !

Situé au premier étage (exactement “à l’entresol”) d’un des immeubles du passage du Havre, accessible depuis le passage par un couloir étroit qu’il ne fallait pas rater (mais le modéliste a bon pied et bon œil), bordé de vitrines de part et d’autre, puis par un escalier comportant deux angles, le magasin est une véritable caverne composée de plusieurs pièces. C’est là que se vendent les premiers trains en « 00 », et le magasin restera fidèle à sa politique de petits écartements, créant lui-même, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sa propre gamme de locomotives de type français utilisant des châssis-moteurs Märklin ou Fleischmann éprouvés et fiables, en « H0 », comme une 241-A-1, une 151-TA Est, une 242-AT PLM, ou une 241-P, une 141-P, une 231 Nord ou Etat, etc.

Publicité pour la “Maison des trains” passée dans “Meccano Magazine” pour l’année 1932. Le choix d’un train-jouet Hornby entièrement “so british” n’est pas des plus appropriés, alors que, à partir de 1931, Hornby fait des trains de type français. On remarquera que l’échelle “0” est considérée comme étant au 1/44ᵉ : à l’époque, la norme officielle était 1/43,5 e pour la France et le Royaume-Uni, et 1/45ᵉ pour l’Allemagne, l’Europe centrale et les USA. Pour ne fâcher personne, la maison Vialard choisit un juste milieu.
La grande spécialité de la “Maison des trains” : l’utilisation de châssis-moteurs Märklin ou Fleischmann pour les “habiller” avec des superstructures de locomotives à vapeur de type français. Ici, une 241-C-PLM. Son tender est une création intégrale.

“Au Pélican”

Le magasin « Au Pélican », grand concurrent du précédent, est ouvert à la fin de l’été 1929, au 45 passage du Havre, très avantageusement placé dans le grand dégagement de la rotonde, ce qui lui vaut d’avoir plusieurs grandes vitrines et beaucoup de place devant elles pour la contemplation prolongée pratiquée par des modélistes ferroviaires, mais aussi des familles entières venues faire rêver leurs enfants. Si on pouvait passer par mégarde devant l’étroit couloir de la “Maison des trains” débouchant dans le Passage du Havre, avec le “Pélican”, le ratage était impossible. On ne voyait que les nombreuses et grandes vitrines du “Pélican”.

Se précisant comme magasin de « Meccano, jouets et sports, pièces détachées » initialement, il saura, par des catalogues très complets et très soignés, se faire sa place en étendant son rayon d’action sur l’ensemble de l’hexagone. Nous ne manquerons pas de retrouver ces magasins de modélisme ferroviaire dans les périodes qui suivent la Seconde Guerre mondiale et qui poursuivent une action exemplaire, car leur rôle sera de plus en plus éminent dans le développement de ce loisir technique qu’est le modélisme ferroviaire.

Les catalogues “Au Pélican”, au petit format à l’italienne, sont des livres de référence des années 1949 jusqu’à la fin des années 1950.

Train complet “VB” composé au magasin que l’on pouvait acheter “Au Pélican”. Les voitures seraient des Vuillaume.
Le choix de locomotives en écartement “00” puis HO” dans le magasin “Au Pélican” en 1949 : de haut en ba : la 232 de JEP très vendue puisque soutenue par une grande marque nationale de trains-jouets vivant ses dernières années de gloire, la rare 141-P Fex-Miniatrain, la 231-G Antal qui aura du succès et que l’on trouvera encore sur le marché de la collection aujourd’hui, la “Pacific” carénée du PO faite par BLZ avec ses voitures “Saucisson” concurrentes de celles de JEP, la 141-P de Gérard-TAB qui est une marque promue à un brillant avenir en modélisme de haut niveau jusque vers les années 1990, et enfin une 030-T de la marque PMP qui saura se faire connaître pour une décennie ou deux.

Les pratiques des clients de ces magasins de l’époque en modélisme ferroviaire.

Pour cette première période, les pratiques ne sont certainement pas encore celles des modélistes des décennies à venir qui, elles, seront centrées sur la construction et l’exploitation d’un réseau. Ici l’attention est centrée sur le modèle réduit en lui-même, souvent « une belle pièce » de mécanique, comme une locomotive « finely engineered » comme disent les Britanniques, c’est-à-dire obtenue par tournage, décolletage, usinage de métaux nobles comme l’acier et le laiton, et que l’on fait peu ou pas rouler.

Si l’amateur la met en chauffe (cas d’une locomotive à vapeur vive) ce sera pour des essais sur une portion de voie droite, plus exceptionnellement sur un circuit de voie. Le modèle est considéré comme « scientifique » comme on dit à l’époque, donc l’objet d’une observation de phénomènes physiques (production de la vapeur, rôle de la pression, de la température, fonctionnement du moteur à vapeur, etc.), et n’est que très rarement considéré comme le support d’un intérêt pour le chemin de fer réel ou miniature.

Toutefois le train-jouet est présent dans l’environnement social de l’amateur, et peut suggérer, moyennant des perfectionnements, qu’un réseau soit installé et puisse accepter des locomotives-jouet à vapeur vive ou mécaniques, dont les versions haut de gamme tendent à évoquer le chemin de fer réel. Mais le train-jouet de l’époque est, dans la quasi-totalité des cas, un jouet assez simpliste et naïf et dont la vocation n’est nullement ni de mener à une pratique de type loisir adulte, ni de mener à une reconstitution du monde ferroviaire. Les deux mondes, celui du jouet scientifique, et celui du jouet tout court, restent très séparés en dépit de l’existence de locomotives à vapeur vive dans certains coffrets haut de gamme des trains-jouets.

Le réseau en “00” des années 1950, vu par “Science et Vie” en 1952 : c’est du costaud, et l’on monte dessus, en gros souliers de ville et en costume trois-pièces, pour aller remédier à un déraillement. On notera l’existence du système “trois rails” mais avec rail latéral, chose rarement pratiquée dans ce petit écartement.
La pratique modéliste française des années 1950, en ce qui concerne le “00”, doit beaucoup au réseaux exposés par Märklin dès 1939, dans les grandes foires comme celle de Nuremberg : voies en tous sens, boucles et raccordements imbriqués, automatismes multiples et sûrs, trains lourds et robustes, certes … mais à quel prix !

Le mouvement des détaillants parisiens des années 1950.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, devant un « 0 » qui perd inexorablement du terrain et dont les coffrets ou les modèles invendus sont soldés, un certain nombre de détaillants parisiens se lancent dans leur propre production en « 00 » pour mieux coller à un marché du modélisme qui se présente sous des perspectives assez prometteuses. Ce mouvement est assez significatif d’un état d’esprit de l’époque, provenant d’hommes et de femmes qui, au lieu de se borner à tenir un magasin, se comportent aussi et surtout en militants et en innovateurs. Cet esprit particulièrement remarquable et fort durera pendant plusieurs décennies.

Soyons bien clairs : dans les années 1950, Jouef n’existe pas pour ces détaillants. Jouef, cela se vend en coffrets dans les “Monoprix”, dans les bazars de quartier. Les grandes marques traditionnelles comme JEP, Hornby, BLZ, Edobaud déclinent et essaient de survivre en lançant une production en “00” qui est très chère, même plus chère que le “0” finissant.

Les marques en “00” vendues dans ces magasins de modélisme sont soit du Märklin ou du Hornby “00” déjà lancé dans les années 1930, soit de la production semi-artisanale comme “VB”, “Antal”, “PMP”, ou “JL”. Si l’on veut installer un réseau, on peut acheter de la voie à trois files de rails, chère et de qualité et sur ballast en tôle lithographiée, et on peut aussi acheter des bâtiments en “Isorel”, bois ou carton (marque “Cropsy”) et des signaux “JL”.

Quand Jouef aura compris qu’il lui faut abandonner ses trains-jouets à locomotive à quatre roues genre “Diabolic” et autres 020T en plastique de couleur réglisse teint dans la masse, ce qui se produira dans les années 1960, alors Jouef fera sa grande percée et sera peu à peu reconnu par les détaillants, accompagné d’autres fabricants opérant dans le même créneau populaire comme Gégé, Joustra, en attendant l’italien Lima.

À l’époque, Jouef c’est ceci : du train de bazar ou de grande surface, mais qui marche bien et résiste aux jeux des enfants. Au début des années 1960, Jouef fera sa conversion vers le modélisme.
Réseau Jouef en “H0” de la fin des années 1950. Les bâtiments sont vraiment très sommaires, et le matériel roulant très raccourci.
En 1961, Jouef fait son bond en avant et s’oriente définitivement vers des modèles représentant la réalité, surtout par les dimensions à l’échelle “H0” et le nombre de roues exact, le tout pour un prix vraiment très bas.

“Au Pullman”

J.R Allard, par exemple, a longtemps tenu le magasin parisien « Au Pullman », au fameux et légendaire 70 rue d’Amsterdam, qui est bien connu des générations de modélistes ferroviaires depuis les années d’après-guerre, et il a produit, entre 1955 et 1970 environ, sous la marque « Au Pullman » ou sous celle d’Allard ou encore « JRA », du matériel moteur en «H0» (CC-6001, 2D2-5546, CC-1112, BB-63000, etc.) et une jolie série de wagons-foudres ou citernes en 1968. La BB-63000 est produite en 1969 et rééditée en 1977. Le chemin de fer métrique sur voie 16,5 mm, inspiré de celui des Côtes du Nord (Bretagne) est réédité en 1969. De nombreux ouvrages de conseils et de catalogues pittoresques sont produits, tout comme des « réseaux-valises » repliables d’une conception très originale. Notons que, heureusement et fait rare qui mérite tout notre respect, ce magasin existe toujours et reste un lieu très fréquenté des modélistes actuels.

Une des vendeuses de ce magasin, Claudine Commandré, s’installera à son propre compte en 1961, en créant « Trans-Europ », au 48 rue de Douai, et elle lancera, dans les années 1970, une production de modèles réduits en « H0 » sous la même marque et se spécialisera dans l’important de modèles de type américain en laiton. La rue de Douai, avec deux puis trois magasins de modélisme se faisant face au niveau des numéros 48 à 51, deviendra un haut lieu du modélisme ferroviaire parisien, et l’est toujours aujourd’hui avec le magasin “Paris-Modélisme” qui se retrouve seul.

Entièrement “tapé à la machine” avec force débordements de majuscules et de points d’exclamation, le catalogue-conseil “Au Pullman” est presque illisible, mais, faute d’être Proust, le patron Allard a un talent immense et invente, entre autres, “tout à construire” (voir en fin d’article) ou encore le “réseau valise” pliant pour les amateurs logeant dans une chambre de bonne.

“Baby-Trains”

Fondé en 1952 par  Jacques Perrin, le magasin Baby-Trains est, pendant les années 1960, une incroyable caverne d’Ali-Baba, pleine de trains miniatures, de choses introuvables ailleurs, de pièces détachées, de matériel neuf et d’occasion. Lieu de rendez-vous des modélistes « branchés », même en plein Mai 68, le magasin est situé au 5, Rue du Petit Pont et l’arrière-boutique permet, par un couloir de jonction, de passer dans le magasin voisin tout aussi bien achalandé. Personnage pittoresque et bien parisien, à l’argot accompli et haut en couleurs, le « père Perrin » a une profonde et authentique fibre modéliste et produit lui-même un certain nombre de modèles à monter en bronze moulé, mais d’une manière assez confidentielle : ces réputés sont redoutés, car leur montage demande un outillage de type professionnel.

La première création est le train « Arpajonnais » en « HOm », puis viennent un autorail Schneider à deux essieux avec sa remorque, une automotrice à impériale type « Vendée »  dont, à voir le modèle, on douterait de l’existence du type réel, mais « le père Perrin » avait une documentation « en béton », comme on disait à l’époque, et savait l’exploiter : oui, l’engin a bien existé. Le « père Perrin » se laisse aller à créer de très nombreux autorails en « kit » bronze comme un FNC, un Picasso, un ABJ, un De Dietrich, etc qui passent pour aussi « inmontables » les uns que les autres….D’autres modèles suivront : une 130 PLM, une 220 coupe-vent  PLM, des caisses de BBB 6002, CC 1100, 2D2 « Waterman », CC 65500, etc. La production de ces « kits » cesse durant les années 1960 et le magasin ferme pendant les premières années 1980. Le catalogue “Baby-Trains” est, à l’époque, un ouvrage de référence.

L’humour sera une constante pour “Baby-Trains”, jusque dans ses catalogues.
Chez “Baby-Trains”, il y avait tout, notamment une intégrale des bâtiments Cropsy.

“RMA” : un magasin parisien, certes, mais surtout une grande marque.

Le RMA, pour Rail Miniature Amateur, domine par son choix, son importance, et sa durée ce mouvement des détaillants parisiens. Par l’ampleur de son choix offert, le RMA est une véritable marque et pas seulement un magasin. Cette marque est fondée par Louis Lavignes en 1951, et le magasin, qui est aussi un atelier de production, est installé au 6, cité du Midi à Paris, une adresse qui sera un lieu de rendez-vous des modélistes qui veulent du matériel roulant en «H0 » différent de celui des grandes marques, et plus proche de la réalité.

La Cité du Midi ? C’est difficile à trouver, et l’on passe plusieurs fois devant l’entrée de la cité, sur le trottoir du Boulevard de Clichy, avant de songer à s’aventurer dans ce passage étroit aux pavés inégaux et peu ensoleillé, et dont on soupçonne que l’atmosphère doit être assez sulfureuse pour dissuader les modélistes bourgeois et provinciaux d’oser quitter des yeux la pointe de leurs souliers vernis, fuyant le « Tu viens, chéri ? » insistant des dames environnantes. Toute gêne bue, on repère le rideau de fer éternellement baissé d’un magasin dont on pousse la porte avec appréhension. Mais, à l’intérieur, tout est rassurant : un immense comptoir fait le tour d’une grande pièce éclairée par une verrière, très haute de plafond, des casiers et des tiroirs remplis de boîtes RMA jusqu’au plafond, des pièces détachées en sachet sur le comptoir, des papiers, des éléments de voie, des outils, des crayons, bref on sait enfin que l’on est à bon port, et que le modélisme ferroviaire est une vertu. Et pourtant cette pièce était la salle d’un ancien dancing… La piste occupait le centre et hébergera le fameux réseau en « H0 » ouvert au public.  Une galerie circulaire domine l’ancienne piste et permet au public d’admirer le réseau là où, jadis, on admirait les danseurs de tango…

À gauche, habillé en contrôleur SNCF, Louis Lavignes accueille les visiteurs du grand réseau public du RMA.
Louis Lavignes et la reine d’Angleterre en 1953 : il offre, révérence faite, à sa Gracieuse Majesté une station de métro en “0”.

Louis Lavignes, ou plutôt “le père Lavignes”, personnage imposant, impérial, ombrageux, fier, au regard d’aigle et au menton volontaire, se tient là, se déplaçant rarement, mais toujours difficilement, se servant d’une élégante canne à pommeau en argent dont la légende disait qu’un certain nombre de clients, à l’esprit trop critique ou à la réticence trop manifestée devant les délais de livraison des modèles en souscription, en auraient tâté… Louis Lavignes est un homme toujours en lutte, parfois en procès, se voyant ou se croyant toujours poursuivi et plagié. Il se méfie ou se plaint de l’incompétence ou du manque de loyauté des artisans qui travaillent pour lui.

Devant ce déchaînement, Mme Lavignes est là, accourue au son puissant de la voix de son mari, discrète, dévouée, souriante, connue dans le milieu dans lequel l’on l’appelle volontiers par son prénom : Charline. Quand elle ne sert pas les clients, quand elle n’adoucit pas les angles des situations créées par Louis Lavignes, elle monte par un escalier latéral jusqu’à la galerie circulaire et va occuper successivement des postes de travail pour mettre en sachets d’innombrables petites pièces sans jamais se tromper. Elle est présentée par son mari sous le nom de « Mademoiselle CPMR », ce qui est repris dans les légendes des reportages de Loco-Revue (par exemple N°282),  où on la voit présenter les produits RMA aussi commercialisés par cette mystérieuse « Compagnie Privée du Modèle Réduit »

Le “RMA” produit, en «HO» exclusivement, une très importante gamme de matériel roulant de grande qualité, essentiellement due au talent du graveur René Collard, vendue par souscription et prix ferme ou directement en magasin à la sortie du modèle – sortie qui se compte en années voir en décennies… Parmi les modèles-phare de la marque, en 1964, c’est l’autorail X-3800 Picasso très attendu des modélistes, puis en 1965 la rame métallisée Sud-Est à trois essieux, ou les 2D2 à caisse plastique et châssis zamac. En 1965 c’est l’annonce de la célèbre 030-TA de la firme avec son prodigieux embiellage à distribution à double excentrique (un exploit technique réédité sur la Crampton de la firme), puis l’annonce de la 141-TC Nord, un modèle de qualité que ses souscripteurs attendront pendant deux décennies… mais toucheront à un prix dérisoire par rapport au prix de la vente directe du moment.

Sur les catalogues très épais comprenant plus de 400 références, on retrouve les grands succès du RMA: voitures « Flèche d’or » ou «Train Bleu », rames à portières latérales ou express de l’ancien Nord , rames UIC de la SNCF, rames anciennes du XIX siècle, wagons marchandises de toutes sortes dont les célèbres couverts TP ou des wagons citerne aux variantes de marquages infinies, locomotive «Crampton» , BB 1 à 80, 141-TC Nord, etc. Les voitures SNCF dites « Forestier » sont un des grands succès de la marque et apprennent aux modélistes et aux autres fabricants le respect de la belle voiture de chemin de fer à l’échelle Les années 1980 s’orientent vers la production de voitures de type ancien et à deux essieux, faciles à monter, pleines de charme. Une revue, « L’Indépendant du Rail » est fondée en 1963 et a cessé de paraître en 1990 après le décès de Louis Lavignes. Le magasin est fermé, discrètement, par Mme Lavignes qui, seule, ne peut, on s’en doute, affronter à la fois la production et la commercialisation de modèles dont la quantité de références est digne d’une grande marque industrielle. Les produits RMA restent, aujourd’hui, toujours très recherchés par les modélistes sur le marché de l’occasion.

Le catalogue RMA de 1985 comprend plus de 400 références très bien choisies. On dit, à l’époque d’une des faillites de Jouef, que, si la marque de Champagnole avait eu le choix et le catalogue de RMA, elle aurait surpassé les plus grandes marques mondiales.

“Chez Clarel”

Le “père Clarel” (en réalité monsieur Zuckermann) était, sans nul doute, le détaillant de trains miniatures parisien le plus aimable, le plus gentil, le plus souriant du monde et, dans son immense magasin établi au rez-de-chaussée lumineux d’un immeuble moderne de la rue de la Roquette, à la Bastille, on trouvait tout, mais tout, y compris les marques de l’Europe de l’Est comme Piko ou Heinzl (avec ses locomotives typiquement est-allemandes et invendables en France comme le “Château de verre”), voire Rokal (la marque de l’invendable écartement TT au 1/120e) produits en RDA et autres pays du paradis soviétique, et autres excellentes marques dont les modèles en “H0” étaient déchargés et payés en liquide “au cul du camion” ayant franchi au petit matin le Rideau de fer. “Monsieur Clarel” faisait “fabriquer” par des modélistes travaillant directement pour lui des modèles du haut de gamme Jouef, savamment retouchés, complétés, repeints, pour en faire une spécialité reconnue. Ces modèles avaient des rambardes, des tubulures, des accessoires rapportés, des plaques SNCF exactes, des “devantures” de chaudière complètes dans les cabines de conduite, et toute une foule de détails.

Peut-être une vue prise chez Clarel, un magasin moderne aux nombreuses vitrines.

Nous nous souvenons d’un gigantesque et apocalyptique tournage TF1 dont Michel Chevalet avait impérialement le secret et qui avait transformé le magasin Clarel en un immense bazar avec des rails en “N” en tous sens, déplaçant toutes les vitrines du magasin, pour installer de toutes pièces un réseau qui représentait le fonctionnement d’un ordinateur (chose que, à l’époque, personne ne savait ce que c’était) : si nous nous souvenons (mais sans doute nous “avons tout faux”) les wagons représentaient les “bits”, les trains représentaient les contenus, les voies représentaient les circuits logiques avec les “adresses”, les aiguillages représentaient les processeurs, les rails représentaient les circuits électroniques, les gares représentaient la mémoire ou les programmes, et, pire encore, le tout fonctionnait…

Chez Clarel, on trouvait l’intégralité du très réputé matériel roulant MMM-RG, produit par un artisan installé en Seine-et-Marne, qui était de très haute qualité.

“Tous les trains”

La Bastille est, à l’époque, un quartier de référence du modélisme ferroviaire, l’autre grand quartier parisien du train miniature avec celui allant de la gare St-Lazare à la place de Clichy. À deux pas de chez Clarel, il y a “le père Froment”, alias le magasin “Tous les trains” situé au 71 rue de Lyon. Le magasin est petit, rempli jusqu’au plafond, mais il a deux vitrines, dont une donne sur la “rue de derrière” (rue Biscornet) et qui renferme des bonnes affaires, des vieilleries rarissimes pour collectionneur qui doit alors faire au pas de course le tour du pâté de maisons pour entrer dans le magasin par “le bon côté” rue de Lyon avant de se faire “souffler” ce qu’il a repéré et qu’un autre client a déjà emporté.

“Central Trains”

Sans doute le dernier des derniers à avoir éteint la lumière avant de mettre la clé sous le paillasson, Central Train, a fermé en 2014, laissant le vaste magasin du 81 rue Réaumur sans vie. C’était beau, c’était grand, c’était accessible en plein cœur de Paris, et il y avait des étagères à l’infini avec des cases dans lesquelles l’imprévu, la trouvaille antique, la pièce rare attendaient le coup de cœur de leur acheteur.

On vendait, même, beaucoup de choses en … en bois, chez Central Train ou d’autres, à Paris, dans les années 1950-1960.

Les feux de la rampe s’éteignent l’un après l’autre.

A la fin du XXe siècle, quand commencent les années 2000, il y a encore quelques lumières dans l’obscurité grandissante et dans les ténèbres du “tout écran”. Aujourd’hui la crétinisation et la décérébration entreprises par les smartphones et les selfies a tué les villes, et même Paris. Il faut tout acheter à distance, et souvent en quantité exagérée puisque sous “blister”, et faire vivre des livreurs “uberisés” et misérablement payés. La joie de marcher dans une belle ville et de pousser la porte d’un magasin est devenue aussi rare que la visite d’un Monument Historique. Il y avait une vingtaine d’années, il restait encore une dizaine de lumières jaunissantes, vacillantes et quelques numéros de téléphone que l’on pouvait essayer de composer avec l’espoir d’une réponse, notamment rue de Douai, à la Bastille, autour des gares de Montparnasse ou Saint-Lazare…

Voici la liste des détaillants parisiens parue pour l’année 1968 dans “Loco-Revue” (une année mouvementée et décisive, paraît-il) :

Aujourd’hui, si l’on consulte les précieuses publicités dans l’incontournable et toujouts excellente “Loco-Revue”, il en resterait trois :

AU PULLMAN. 70, Rue d’Amsterdam, 75009 PARIS – 01.48.74.56.17

CITERNE. 21, Boulevard du Temple, 75003 PARIS – 01.42.78.00.16

PARIS MODELISME. 51, Rue de Douai, 75009 PARIS –  01.40.36.20.93

Pour conclure ce voyage dans le passé, rendons un hommage au magasin “Au Pullman” dont le catalogue de 1949 reste un témoin hors du temps :

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