Le fourgon automoteur : mais si… cela a existé.

Cette drôle de chose a été mise au point et utilisée sur les réseaux nationaux les plus sérieux, et même suisses. Elle semble démontrer que, dans une locomotive électrique, tout ce qui est dans la caisse – sauf le conducteur – n’est pas très utile. Allons plus loin : tout cela pourrait, sinon disparaître, du moins très bien émigrer sous le plancher, dans les bogies ou entre les longerons du châssis.

Ainsi, on dégagerait une place très utile pour transporter encore plus de marchandises, ou les bagages des voyageurs, ou les deux. Somme toute, dans une rame de métro, ou de tramways, il y a bien des automotrices tirant la rame et transportant pourtant autant de voyageurs que les remorques de la rame : pourquoi ne pas en faire autant avec le « vrai » et grand chemin de fer ?

L’auteur de ce site « Trainconsultant » a été auteur pendant presque 40 ans chez Atlas, écrivant des livres sur le chemin de fer et créant des collections de modèles réduits. Ainsi, le fourgon automoteur Midi a trouvé sa place dans la collection « Automotrices des réseaux français » à l’échelle « H0 » Rares sur le marché de l’occasion, ces modèles peuvent encore se trouver. Plus rare est la caisse en résine Apocopa que l’on pouvait monter, mais qu’il fallait poser sur un châssis récupéré sur une autre production, comme Roco.

En France, le fourgon automoteur naît dès 1898 sur le réseau de l’État sous la forme d’une locomotive-fourgon à vapeur. On trouve ensuite dès 1901, en voie métrique et sur la ligne de Savoie, des fourgons automoteurs remorquant les trains de voyageurs et de marchandises entre St-Gervais-le-Fayet et Vallorcine.

Puis, entre 1902 et 1904, une petite série de fourgons automoteurs électriques E-9 à E-13 circulent à Paris entre les gares d’Austerlitz et d’Orsay, mais ils ne sont qu’une évolution de la caisse de quelques-unes de ces pittoresques « Boîte à sel » qui circulent sur la ligne électrifiée avec un rail aérien, sous les quais de la Seine à Paris. Cette ligne est devenue le RER-C, et ayant conservé son rail d’alimentation d’origine !

Le réseau du Midi fera appel aux fourgons automoteurs à partir de 1931, sous une forme très évoluée qui mérite une étude sur ce site « Trainconsultant ». Les réseaux de la Suisse, eux aussi, ont eu recours, à la même époque et aujourd’hui toujours, au fourgon automoteur, pratiqué d’une manière très sérieuse et suivie.

Locomotive-tender N°0222 type 120 du réseau de l’État. Série 0221 à 0230, construite à partir de 1885. Au moins, l’équipe de conduite a de la compagnie en la personne du chef de train.
Un autre essai, fait sur le PO, au début du XXe siècle. C’est un peu plus élégant que sur l’État, et c’est le tender qui se dévoue, seul, pour être un « tender-fourgon », la locomotive restant classique.
Fourgon automoteur primitif sur le réseau du PO, série E-9 à E-13, pour la ligne parisienne entre les gares d’Austerlitz et d’Orsay. Le petit « frotteur de toiture » (sic) capte le courant de traction fourni par un 3ᵉ rail aérien posé directement contre la voute des tunnels.
Évolution des fourgons automoteurs Austerlitz-Orsay, devenus série 280 à 293, et surtout dotés d’un pantographe permettant quelques excursions en banlieue.
Ici, une autre série de fourgons automoteurs, BB-001 à 010 puis BB-5001 à 5010, cette fois sur le réseau de l’État, entre les gares des Invalides et Versailles, en 1905. Le courant est pris par un 3ᵉ rail conducteur latéral.
En 1901, le PLM met en service ces fourgons automoteurs sur la ligne de Savoie. Ici, nous voyons le fourgon automoteur préservé par la Cité du Train-Patrimoine SNCF de Mulhouse.
Très beau fourgon automoteur suisse de type BB ou Fe4/4. N°18561. Série 18501 à 18524+18561. Construit en 1927. Document CFF.
Un autre fourgon automoteur suisse, très réussi avec sa ligne nette et soignée, type BB ou RFe 4/4. Série 601 à 603, construite en 1940. Document CFF.
Luxe sur un fourgon automoteur RFe 4/4 suisse : il y a même un soufflet…

Les petites lignes Midi des vallées des Pyrénées.

À part les essais du PO du début du siècle, c’est bien le Midi qui va utiliser le principe du fourgon automoteur, sous la forme d’une série ZEyfp 23201 à 23215. Cette série devient Z-4201 à 4215 sous le règne de la SNCF qui, à son tour, en fera un bon usage. Le fourgon automoteur est une réponse au problème posé par les petites lignes – une réponse de plus, donc, à ce qui ne manquait pas de poser déjà beaucoup de problèmes. Notons que les « ré-inventeurs » actuels « redécouvrent » les mêmes problèmes pour les dites LDFT… ou « Lignes de Desserte Fine des Territoires » — le terme de « territoire » remplaçant celui de « province » jugé comme devenu vexant pour les provinciaux, pense-t-on en haut lieu.

Le Midi a de nombreuses petites lignes d’embranchement, remontant dans les vallées pyrénéennes depuis les grandes lignes longeant les montagnes et la Garonne. Le faible trafic, en voyageurs comme en marchandises, impose des trains légers et courts à composition aléatoire variant selon le trafic. Souvent, on fait appel à des autorails dont le compartiment à bagages suffit à peine pour le transport des marchandises, mais limités à une charge d’une tonne ou deux. L’électrification de ces petites lignes, utilisant de petits barrages locaux, est déjà une solution intéressante et très rentable, et permet la circulation d’automotrices pour les voyageurs, mais dont les compartiments à bagages restent, ici aussi, insuffisants.

Le réseau du Midi dans les années 1920. Les petites lignes pyrénéennes sont visibles en bas de la carte.

Un argument très important et décisif est que, pour ces petites lignes, il n’est pas intéressant de vider et de transborder, le cas échéant, un wagon de marchandises dans une automotrice. Ainsi, il est logique que ce wagon, qui a pu traverser toute la France, termine sa course en restant chargé et en étant attelé directement à un fourgon automoteur qui est assez puissant pour le remorquer, ayant déjà une voiture à voyageurs et quelques wagons de marchandises éventuellement.

Par ailleurs, le seul point commun à l’époque, sur une petite ligne comme une grande, pour un train léger ou lourd, est la présence obligatoire et réglementaire d’une locomotive et d’un fourgon avec son chef de train, ceci dans tout train. C’est pourquoi il est logique d’imaginer une locomotive qui soit aussi un fourgon, et bien des petites lignes des réseaux de l’État ou du PO recourront à cette solution.

Les progrès permettant l’utilisation de fourgons automoteurs électriques du Midi.

Dans les années 1930, les progrès techniques en matière de moteurs ont été tels que, à puissance égale, les moteurs sont devenus suffisamment petits pour pouvoir être logés dans les bogies. L’utilisation directe d’un courant dans la caténaire qui est celui des moteurs permet de se passer des lourds et encombrants transformateurs et redresseurs qui, jusque-là, notamment avec les caténaires en courant monophasé, envahissaient les locomotives.

Pour les fourgons automoteurs que le Midi fait étudier au début des années 1930, la puissance unihoraire (c’est-à-dire fournie pendant une heure) est, avec un shuntage maximum, de 860 ch. (en mesures d’époque) à 36,5 km/h, ce qui correspond au service normal sur ces lignes. À 40 km/h, on a encore 720 ch. Le poids en service de ces fourgons automoteurs est de 60 tonnes et comme toutes les roues sont motrices, ce poids permet un bon service sur des lignes à profil difficile.

La caisse métallique de ces engins, longs de 15,40 m, est entièrement autoportée. C’est une caisse étudiée par l’OCEM (Office Central d’Études du Matériel) qui, à l’époque, fait des recherches et conçoit le matériel de tous les réseaux français, sauf ceux du Nord et de l’Est. Ces caisses reprennent les principes constructifs des voitures OCEM des réseaux français, et, notons-le, elles ont un aspect proche des caisses de ces voitures. La caisse est aménagée en trois parties : un compartiment fourgon central, et deux cabines de conduite, une à chaque extrémité – ce détail étant lié au fait que les petites lignes pyrénéennes du Midi ont rarement des installations permettant le retournement.

Fourgons automoteurs Z-4202 et Z4203. Documents HM Petiet. La présence de persiennes de ventilation montre que la caisse n’est pas complètement dédiée au transport des marchandises.

Ce sont des BB, d’après l’auteur Lucien-Maurice Vilain, et non des B2 selon d’autres sources : ces fourgons ont bien quatre moteurs de 180 ch. , et deux bogies moteurs. Ces bogies sont en tôle, avec un entraxe de 2,25 m, des pignons de 16 dents attaquant des roues dentées de 77 dents, donnant une démultiplication de 4,81. La vitesse en service ne dépasse pas 70 km/h. Les roues ont un diamètre de 1022 mm. Les quatre moteurs peuvent être couplés en série ou en série-parallèle. Dans la marche en freinage rhéostatique, lors des descentes, seul le couplage série-parallèle est utilisé.

Ces fourgons ont remorqué des trains omnibus-messageries-marchandises entre Bayonne et Saint-Jean-Pied-de-Port ou Hendaye, Ossès et St-Etienne de Bigorre, ou Lourdes et Pierrefitte-Nestalas, ou encore entre les gares de Biarritz, etc… Ils ont circulé jusque durant les années 1970.

Un fourgon automoteur Midi, selon une photographie attribuée à Yves Broncard (et parue aussi en carte postale) sur la bifurcation d’Ossès, dans les années 1960. Le train est un omnibus composé de trois voitures C6t Sud-Ouest à deux essieux construites de 1903 à 1921, et dont 893 exemplaires « modernisés » circulent encore sur la région SNCF sud-ouest.
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