Les BB-8100 : pourquoi tant de célébrité dans le monde des trains-jouets ?

La BB-8100 SNCF fut, par excellence, la modeste et discrète fille au pair du chemin de fer français des « Trente glorieuses ». Etudiée sous la direction de l’ingénieur Trollux, directeur du groupe traction de la société Alsthom, pendant les difficiles années 1943 sur demande de la SNCF, cette locomotive sort sous la forme d’un prototype en 1946, la BB-0401. Elle deviendra, à partir de 1948, sous la série BB-8101 à 8271, une des plus importantes séries de locomotives électriques françaises et assurera, à sa manière, le redémarrage de l’économie nationale sur la région Sud-est principalement, en tête d’innombrables trains de marchandises.

Une BB-8100 dans sa présentation fonctionnelle et modeste. Cliché SNCF.

Le chef-d’œuvre de l’ingénieur Jean Trollux.

La SNCF, pendant la guerre, prépare la période de paix qui suivra, et elle décide, entre autres données techniques, de porter la charge admise par essieu sur ses voies de 20 à 23 tonnes, pour faire face aux nouveaux trafics que la reprise économique de l’après guerre laisse prévoir. Cette nouvelle donne oblige l’ingénieur Jean Trollux à renoncer à reprendre les moteurs existants et à en concevoir un nouveau, plus puissant. Mais aussi les exigences de la SNCF sont de porter la vitesse des trains de marchandises à 115 km/h au lieu des 105 km/h pratiqués par les BB jusque-là sur ces services. Enfin la nouvelle locomotive devra naître sous le signe de l’économie financière, notamment en matière de maintenance. Les enjeux, pour cette nouvelle locomotive pour trains de marchandises sont donc sévères et elle devra remplacer, dans cette rude tâche, les locomotives à vapeur type 141-P qui sont, elles aussi et déjà, très performantes.

La BB-8051, puis 10001 est un essai d’alimentation en courant alternatif à « fréquence industrielle » 25 kV 50 Hz en Savoie, entrepris par la SNCF au début des années 1950. Cette locomotive devient la BB-20006 bicourant par ajout d’un équipement classique en 1500 v continu en 1964. Retirée du service en 1971, elle sera rapidement oubliée.u

Un cahier des charges technique très lourd.

Le cahier des charges est, pour 1350 v à la caténaire :

Charges en tonnes :Vitesse en palier :Vitesse en rampe de : 2 mm/mVitesse en rampe de : 5 mm/mVitesse en rampe de : 8 mm/m
1300 (Marchandises)              82,57053,5
680  (Messageries)110,5                                                 101,584,570,5      
500  (Voyageurs)              115113,5101,586,5
650  (Voyageurs)              11510487,572,5

La BB 8100 remplit ce cahier des charges au-delà même de ce qu’il impose, puisque, sur des rampes de 2,8, les trains de messageries sont tractés à 100 km/h contre 80 avec les BB anciennes. En service voyageurs, un train de 500 tonnes tracté à 85 km/h avec une locomotive à vapeur ancienne le sera désormais à 105 km/h avec la BB 8100. Dans les faits, la BB 8100 remplace exactement, à performances égales, les toutes récentes locomotives à vapeur type 141-P qui sont, à l’époque, le « nec plus ultra ». Elle permet, en simple traction, de remorquer des trains de marchandises aussi lourds que ceux que l’on confiait aux puissantes 2D2.

Le poids de 93 tonnes de la BB 8100 utilise complètement l’autorisation de charge de 23 tonnes par essieu dont la SNCF fait sa nouvelle norme.  Mais, en attendant que l’ensemble des voies que la BB 8100 empruntera soient adaptées à cette nouvelle charge, la locomotive est prévue pour être plus légère, avec seulement 20 tonnes par essieu, et pour recevoir ultérieurement un lest de 13 tonnes. 

De nombreuses sous-séries, 13 au total, compliquent la tâche de l’amateur pour leur identification. Les puissances, de sous-série en sous-série, est portée de 1.000 à 1.600 puis à 2.000 ch, tandis que certaines sous-séries ont un freinage électrique de maintien.

Un point technique particulier est l’emploi de bogies dont les longerons sont soudés électriquement, et, surtout, dont les boîtes d’essieux n’ont pas de glissières mais un système de biellettes sur silentblocs les reliant au châssis de bogie. Ces silentblocs mettent fin à la nécessité du graissage, et permettent, par leurs déformations souples et silencieuses, de conserver indéfiniment les qualités de roulement du neuf quel que soit l’âge de la locomotive. Il est à noter que, sur une BB 8100, l’effort de rappel d’un essieu atteint une poussée de 10 à 11 tonnes pour un déplacement latéral de 5 mm seulement !

Les moteurs de traction ont des induits montés sur roulements lubrifiés à la graisse, tandis que les paliers d’essieux ont un graissage forcé à circulation d’huile avec pompe et retour d’huile depuis les paliers. Les engrenages sont à denture cémentée, trempée et rectifiée, tant pour les couronnes élastiques que pour les pignons. Les moteurs sont à demi tension de 750 volts, ce qui leur vaut une durée de vie très longue.

Sur le Seuil de Bourgogne, dans les années 1960.

La carrière des BB-8100.

Conçue pour être conduite facilement, conçue surtout pour être entretenue avec un minimum de démontages, la BB-8100 devient rapidement une locomotive dotée d’ubiquité sur le réseau Sud-Est de la SNCF. On la voit en tête de trains de marchandises, bien sûr, mais aussi de trains de messageries rapides et même de voyageurs, remplissant par là même sa définition de « locomotive mixte » à la perfection.

Elles ont peu varié extérieurement, pendant leur existence, le point le plus remarqué étant qu’elles ont troqué leur livrée vert sombre, avec des bords de hublots rouges, contre une livrée gris clair et des bandeaux orange plus en harmonie avec les teintes d’époque de la SNCF. Vers 1990 il était prévu que les BB-8100 restantes ne dépassent pas l’an 2000, mais comme le tonnage et la vitesse des trains de marchandises a continué à augmenter, certaines ont entamé leur prochain millénaire. Actuellement il ne reste que très peu des 172 engins construits, mais douze locomotives ont été transformées pour le service des manœuvres et portent les numéros BB-80001 à 80012.

Les dernières années de service : la livrée « béton » est de rigueur.

Une BB aussi célèbre que « BB »….

Incontestablement la popularité de cette BB n’aura rien à envier à celle de l’actrice célèbre des années 50 qui porte les mêmes initiales… En effet cette BB est tellement à la mode que l’ensemble des fabricants de trains-jouets et de modèles réduits français la reproduisent: JEP, Hornby, LR, PMP, GMP, pour ne citer que les plus importants. Symbole du renouveau du chemin de fer après la guerre, symbole aussi de la modernité de la traction électrique, elle existe sur tous les réseaux de trains miniatures.

Encadré technique.

Type : BB

Date de début de construction : 1948

Constructeurs : Alsthom, Schneider-Jeumont et Westinghouse, Oerlikon, etc

Tension nominale du courant traction : 1500 v continu.

Puissance en régime continu : 2100 kW.

Moteurs de traction : 4.

Transmission : bilatérale avec roues élastiques.

Équipement de traction : rhéostats, contacteurs.

Vitesse maximale en service : 105 km/h.

Masse : 92 t (prototype : 80 t.)

Longueur totale : 12,93 m.

Petit album de souvenirs pour ceux qui, comme l’auteur de ce site-web, sont restés de grands enfants.

En 1957, la très professionnelle « Le jouet Français » fait sa « une » sur la BB-8051 Hornby, pour ses lecteurs que sont les fabricants et les marchands de jouets. Les « Dinky-Toys », avec l’émblématique DS-19 sont à l’honneur aussi.
Hornby fera aussi, pour sa série de trains mécaniques d’entrée de gamme, une BB-8100 mécanique, mais sur quatre roues comme l’exige les jouets pour jeunes enfants.
Hornby joue, à la fin des années 1950, la modernité avec la télécommande de ses trains électriques, mais cache le fait que sa BB est, dans les faits, une 1B1 utilisant la « platine » à moteur électrique et quatre roues motrices à laquelle la marque ajoute deux bissels pour en faire ce que les collectionneurs appellent une « fausse BB ».
En « HO », et dans les années 1960 (ici en 1965) Hornby fait les choses sérieusement, et avec 8 roues pour ses BB électriques.
En 1958, JEP ajoute à son excellente CC-7001 une toute aussi remarquable BB-8101 à huit roues dont quatre motrices : lourde, en métal moulé, et puissante, la locomotive sera un jouet très convoité.
Peu connue à la fin des années 1950 et oubliée depuis (sauf pour les collectionneurs), la petite marque GMP destine sa production artisanale aux modélistes ferroviaires et aux magasins de « jouets scientifiques », comme le montre sa voie à traverses bois. Sa BB-8100 en métal moulé comme son matériel roulant en tôle épaisse sont de la plus haute qualité.

1 réflexion sur « Les BB-8100 : pourquoi tant de célébrité dans le monde des trains-jouets ? »

  1. Les BB représetent vraiment une famille de locomotives qui ont marqués l’histoire de la SNCF..

Commentaires fermés

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